La nécessité de modifier la Partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada
L’automne dernier, l’auteur a été invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles dans le cadre de son étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles fédérale (LLO). Le présent texte s’inspire du mémoire qu’il a déposé auprès du comité suite à son témoignage.
1. La nécessité d’une réforme de la Partie VII
Plusieurs témoins ayant comparu devant le comité dans le cadre de son étude sur la modernisation de la LLO ont souligné que la Partie VII, dans sa forme actuelle, ne produit pas les résultats escomptés au moment de son adoption en 1988 ou de sa réforme en 2005. Le rapport du comité préparé en 2014 sous la présidence de la Sénatrice Maria Chaput abonde dans le même sens1. Nous osons donc espérer qu’un projet de modernisation de la LLO aura notamment comme objectif d’améliorer la Partie VII pour la rendre plus efficace. La question se pose donc de savoir comment modifier la Partie VII pour qu’elle puisse produire les effets voulus.
1.1 L’objet de la Partie VII et son rôle dans l’économie générale de la LLO
Si le libellé actuel de l’article 41 constitue la cause directe ou immédiate du problème, la cause ultime tient à la complexité de l’objectif visé par le législateur en adoptant la Partie VII. Ainsi, avant d’aborder directement les défauts du libellé de l’article 41, il convient tout d’abord de préciser brièvement l’objet de la Partie VII et son rôle dans l’économie de la LLO.
1.1.1 Les principaux objectifs de la LLO
Dans son ensemble, la Loi sur les langues officielles cherche à instaurer les modalités requises pour que l’État fédéral respecte le principe de l’égalité des langues officielles énoncé à l’article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés. À cet égard, la loi s’est donné deux objectifs principaux : 1) de faire en sorte que l’égalité des langues officielles soit respectée dans le fonctionnement des institutions fédérales, tant à l’interne qu’au niveau de leurs rapports avec la société; et 2) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et de faire en sorte à ce que l’État fédéral contribue à la progression vers l’égalité des deux langues officielles dans la société canadienne2.
La LLO contient un très grand nombre de dispositions qui cherchent à mettre en œuvre ces objectifs par rapport à des questions particulières, notamment en créant des droits linguistiques précis en matière de services (Partie IV), de langue de travail (Partie V), de décisions judiciaires (Partie III), et cetera. Toutefois, il existe une dimension additionnelle au problème de l’égalité linguistique, dimension que l’on pourrait appeler « sociologique », qui est transversale à la loi dans son ensemble. Selon nous, la Partie VII est appelée à poser les normes destinées à régir cette dimension du problème.
1.1.2 La dimension « sociologique » des objectifs visés
La dimension « sociologique » découle, dans un premier temps, du principe d’égalité lui-même. Afin de faire en sorte que l’égalité des langues officielles soit respectée dans le fonctionnement des institutions fédérales, la LLO exige que toute une gamme d’activités et de services soient entreprises ou disponibles dans les deux langues officielles. Il doit donc y avoir égalité des deux langues dans chaque domaine d’activité visé. Or, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada à maintes reprises, l’égalité des langues officielles doit être conçue comme une égalité dite « réelle » et non comme une égalité dite « formelle ». L’égalité « réelle » se définit en tenant compte des circonstances particulières des individus ou des groupes concernés; elle peut donc exiger qu’on lui accorde un traitement différent afin d’atteindre les mêmes résultats. Par conséquent, pour qu’un service soit réellement de qualité égale dans les deux langues officielles, il doit être conçu et prodigué de telle sorte à ce qu’il tienne compte des différences socioculturelles entre les deux communautés linguistiques3.
Le deuxième objectif, soit celui d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et de contribuer à la progression vers l’égalité des deux langues officielles dans la société canadienne, repose, lui aussi, sur des considérations de nature sociologique. Cet objectif remonte, entre autres, aux travaux de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et biculturalisme, qui ont révélé (ou plutôt confirmé) les nombreuses et importantes différences entre la situation du français et de l’anglais au Canada sur le plan sociologique. Toutes proportions gardées, le français était en 1967 moins valorisé, moins utilisé et moins prestigieux que l’anglais. Il en résultait un taux d’assimilation très élevé pour les communautés francophones en situation minoritaire, et même au Québec, l’avenir du français n’était pas assuré. Par ailleurs, la Commission a constaté que les institutions fédérales, pour leur part, accentuaient la faiblesse du français en offrant très peu de services dans cette langue à l’extérieur du Québec, en étant un milieu de travail unilingue anglophone et en offrant des services axés sur les besoins de la majorité. Par conséquent, la Commission a recommandé, et le législateur (et par la suite, le constituant) a accepté que l’État fédéral devait plutôt user de sa très grande influence sur la société canadienne pour renforcer le fait français4.
1.1.3 Le rôle de la Partie VII dans l’atteinte des objectifs de la LLO
Pour atteindre le double-objectif que s’est donné le Canada en matière d’égalité des langues officielles, il n’est pas suffisant d’énoncer des normes précises applicables à telle ou telle question, comme celle qu’on retrouve par exemple à l’article 22 de la LLO (droit aux services et aux communications). Il faut en outre des normes qui encadrent le processus décisionnel des institutions fédérales afin d’assurer que la dimension « sociologique » de l’égalité linguistique soit prise en compte en amont de toute décision susceptible d’avoir une influence sur les questions touchant l’égalité linguistique. Même si les rôles attribués au Commissaire aux langues officielles et aux tribunaux sont essentiels, ils ne peuvent que réagir après coup et de façon limitée, et donc on ne peut pas s’y remettre pour assurer une pleine mise en œuvre de la Loi. Il faut également un système qui garantisse que les enjeux pertinents seront identifiés avant que ne surviennent les problèmes.
Voilà, selon nous, la fonction principale qu’occupe (ou que devrait occuper) la Partie VII dans l’économie générale de la LLO. Son rôle est d’énoncer les normes qui doivent encadrer le processus décisionnel de toute institution fédérale afin d’assurer le plein respect du principe d’égalité des langues officielles dans le cadre de son mandat.
1.2 Le principal défaut de la Partie VII dans sa forme actuelle
Les problèmes liés à la mise en œuvre de la Partie VII, que ce soit par les institutions fédérales ou par les tribunaux, découlent principalement du libellé de l’article 41. Cette disposition est formulée en des termes qui sont trop généraux pour pouvoir atteindre l’objectif voulu. Il en découle deux conséquences principales. D’une part, les institutions fédérales peinent à comprendre les obligations qui leur incombent en vertu de cette partie de la loi et, d’autre part, les tribunaux se sont montrés très réticents à constater des manquements à la Partie VII et à prononcer des ordonnances fondées sur celle-ci.
Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Il s’agit des mêmes difficultés qui ont motivé le feu sénateur Jean-Robert Gauthier à proposer des modifications à la Partie VII dès 2001, dont les efforts ont porté fruit avec l’adoption en 2005 d’une nouvelle version de la Partie VII. Malgré ces changements, la Partie VII demeure l’enfant pauvre de la LLO sur le plan juridique. De fait, l’interprétation qu’en donne les avocats du ministère de la Justice n’a presque pas changé depuis 1988, et ce, malgré la modification de 2005. Devant la Cour fédérale, ils prétendent toujours que la mise en œuvre de l’article 41 relève entièrement de la discrétion des institutions fédérales et qu’il ne peut en découler d’obligation d’adopter des mesures précises5. La cour a parfois rejeté cette lecture de la Partie VII, comme dans l’affaire Picard6, mais certains juges se sont montrés enclins à la retenir, comme dans l’affaire FCFA7.
Tout récemment, dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, la Cour fédérale a émis certains commentaires à l’endroit de la Partie VII, qui démontrent bien la nature du problème. Il vaut donc la peine de les citer en détail :
Pour des raisons que nous avons exposé en détail ailleurs9, nous sommes d’avis que la Cour fédérale a erré dans son interprétation de l’article 41, et nous osons espérer que la Cour d’appel fédérale accueillera l’appel dont elle est présentement saisie dans cette affaire. Néanmoins, il faut reconnaître qu’un tel résultat n’est pas étonnant, même s’il est décevant. La Partie VII n’énonce pas avec suffisamment de clarté les normes juridiques qui sont essentielles à sa mise en œuvre, que ce soit par les institutions fédérales ou par les tribunaux appelés à évaluer leur conduite en rétrospective. On peut certes inférer les normes requises des dispositions en place, comme ont tenté de le faire nombreux juristes et avocats10, mais leur libellé comporte un niveau d’ambiguïté qui permet au gouvernement de les interpréter de façon minimaliste et qui décourage les tribunaux, qui en général sont enclins à être conservateurs, de rendre des jugements trop assertifs à son égard.
Ces problèmes ne sont pas nouveaux. Il s’agit des mêmes difficultés qui ont motivé le feu sénateur Jean-Robert Gauthier à proposer des modifications à la Partie VII dès 2001, dont les efforts ont porté fruit avec l’adoption en 2005 d’une nouvelle version de la Partie VII. Malgré ces changements, la Partie VII demeure l’enfant pauvre de la LLO sur le plan juridique. De fait, l’interprétation qu’en donne les avocats du ministère de la Justice n’a presque pas changé depuis 1988, et ce, malgré la modification de 2005. Devant la Cour fédérale, ils prétendent toujours que la mise en œuvre de l’article 41 relève entièrement de la discrétion des institutions fédérales et qu’il ne peut en découler d’obligation d’adopter des mesures précises5. La cour a parfois rejeté cette lecture de la Partie VII, comme dans l’affaire Picard6, mais certains juges se sont montrés enclins à la retenir, comme dans l’affaire FCFA7.
Tout récemment, dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, la Cour fédérale a émis certains commentaires à l’endroit de la Partie VII, qui démontrent bien la nature du problème. Il vaut donc la peine de les citer en détail :
En l’absence de règlement qui pourrait en circonscrire l’amplitude, la discrétion laissée aux institutions fédérales demeure donc entière. Ceci s’explique aisément. Les institutions fédérales sont les mieux placées pour déterminer, à l’intérieur du mandat institutionnel qui est le leur, quelles sont les mesures positives précises et spécifiques les mieux indiquées et les plus appropriées pour rencontrer l’engagement de favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques et de promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.
[…]
À la différence des parties I à V de la LLO, la partie VII ne vise pas à protéger ou établir certains droits linguistiques précis.
[…]
En somme, l’article 41 n’impose pas d’obligations précises et particulières aux institutions fédérales. Rien dans le langage utilisé au paragraphe 41(2) n’évoque quelque spécificité que ce soit.8
[…]
À la différence des parties I à V de la LLO, la partie VII ne vise pas à protéger ou établir certains droits linguistiques précis.
[…]
En somme, l’article 41 n’impose pas d’obligations précises et particulières aux institutions fédérales. Rien dans le langage utilisé au paragraphe 41(2) n’évoque quelque spécificité que ce soit.8
Pour des raisons que nous avons exposé en détail ailleurs9, nous sommes d’avis que la Cour fédérale a erré dans son interprétation de l’article 41, et nous osons espérer que la Cour d’appel fédérale accueillera l’appel dont elle est présentement saisie dans cette affaire. Néanmoins, il faut reconnaître qu’un tel résultat n’est pas étonnant, même s’il est décevant. La Partie VII n’énonce pas avec suffisamment de clarté les normes juridiques qui sont essentielles à sa mise en œuvre, que ce soit par les institutions fédérales ou par les tribunaux appelés à évaluer leur conduite en rétrospective. On peut certes inférer les normes requises des dispositions en place, comme ont tenté de le faire nombreux juristes et avocats10, mais leur libellé comporte un niveau d’ambiguïté qui permet au gouvernement de les interpréter de façon minimaliste et qui décourage les tribunaux, qui en général sont enclins à être conservateurs, de rendre des jugements trop assertifs à son égard.
1.3 La nature du défi
Pour corriger ce problème et empêcher que la Partie VII soit vidée de son vrai sens, il faut adopter une stratégie différente.
En raison de sa fonction transversale, tel qu’exposé à la section 3.1 du présent texte, la Partie VII doit énoncer des normes juridiques qui s’appliquent à toutes les institutions fédérales, dont les missions et les activités sont très variées. De plus, elles doivent être formulées en tenant compte du fait qu’il est impossible de prédire à l’avance toutes les situations dans lesquelles le respect de l’égalité réelle pourrait exiger une approche différente à l’égard des deux communautés linguistiques ou dans lesquelles une institution fédérale pourrait faire progresser l’égalité des langues officielles sur le plan sociologique.
La solution qu’a d’abord retenue le législateur en 1988, lors de la première mouture de la Partie VII, était d’énoncer un engagement général que les institutions fédérales seraient appelées à préciser dans l’exécution de leurs mandats11. Cette approche s’est soldée par un échec au niveau de l’interprétation judiciaire. Or, il faut souligner que l’idée d’énoncer un principe général ne pose pas de problème en soi. Les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, par exemple, comme la majorité des dispositions constitutionnelles, d’ailleurs, énoncent des normes générales que les tribunaux ont par la suite dû préciser au cas par cas12. Toutefois, la nature des principes que la version originale de l’article 41 cherchait à consacrer, conjuguée à l’étendue et à la complexité des activités que l’on cherchait à réglementer par l’entremise de cette seule norme, ont fait en sorte que la disposition a été interprétée comme étant non-justiciable13.
En 2005, le législateur a tenté une nouvelle approche. En plus de préciser que l’article 41 impose une « obligation » aux institutions fédérales, on a explicitement autorisé les recours judiciaires fondés sur la Partie VII14, ce qui permettrait aux tribunaux de s’impliquer dans la définition des obligations de base, et on a conféré le pouvoir de prendre des règlements régissant la mise en œuvre de la Partie VII15, qui devait mener à l’adoption de normes plus précises. Néanmoins, comme nous pouvons le constater, cette approche n’a pas produit les résultats escomptés. Les tribunaux ont continué à interpréter l’article 41 de façon restrictive, et aucun règlement n’a été pris depuis l’entrée en vigueur du paragraphe 41(3).
1.4 La solution : des normes précises issues d’un processus de consultation
Si l’on veut garantir que les normes énoncées à la Partie VII seront réellement mises en œuvre, il faut les assortir d’un processus obligatoire menant à l’adoption de normes précises adaptées aux contextes particuliers dans lesquels œuvrent les diverses institutions fédérales. En outre, l’élaboration des normes plus précises doit s’articuler sur un processus de consultation auprès des CLOSM elles-mêmes.
La nécessité d’un processus de consultation s’explique facilement, ayant déjà été reconnu par la Cour suprême du Canada, notamment en matière d’éducation dans le cadre de l’article 23 de la Charte. Dans l’arrêt Mahe c. Alberta16, la Cour suprême du Canada était saisie de la question de savoir si l’article 23 confère un droit de « gestion et de contrôle » sur les écoles de la minorité aux ayants-droit. Comme on le sait, la Cour a bel et bien reconnu l’existence d’un tel droit. Sa conclusion à cet égard était fondée en grande partie sur le fait qu’une institution dominée par la majorité éprouvera de la difficulté à repérer et à comprendre les enjeux linguistiques et culturels d’une décision particulière. Comme l’a souligné le juge en chef Dickson,
les minorités linguistiques ne peuvent pas être toujours certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n'est pas nécessairement intentionnelle: on ne peut attendre de la majorité qu'elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d'instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité17.
Bien qu’il s’agisse d’un contexte légèrement différent, cette observation s’applique également aux questions soulevées par la Partie VII. Si les services prodigués par l’État fédéral sont peut-être moins critiques à la survie des CLOSM que l’éducation, ils constituent néanmoins un appui important à leur vitalité. De plus, comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt DesRochers, la prestation d’un service de qualité égale peut exiger qu’il soit prodigué sur la base d’un modèle différent qui tienne compte des différences entre les communautés linguistiques18. Or, pour qu’il soit tenu compte des intérêts linguistiques et culturels des CLOSM, il doivent être impliqués dans le processus décisionnel.
Dans le cadre de l’article 23, ce problème a été réglé en reconnaissant à la communauté un droit de gestion et de contrôle collectif, lequel s’est traduit en général par la mise sur pied de conseils scolaires autonomes pour les écoles de la minorité. Sans chercher à reproduire intégralement un tel modèle au sein de la fonction publique fédérale, on peut s’en inspirer pour façonner un régime qui garantit que la perspective et les intérêts des CLOSM seront pris en compte.
1.5 Proposition de modification
À titre d’illustration, nous avons rédigé une proposition de modification de la Partie VII qui permettrait d’atteindre le but recherché. Par souci de commodité, la proposition est présentée à deux reprises. Le premier tableau compare la proposition à la version actuelle des dispositions en cause afin qu’il soit plus facile de repérer les modifications. Le deuxième tableau contient uniquement la proposition de modification, mais inclut également des notes explicatives qui permettent de mieux comprendre la nature et la raison de la modification proposée.
Proposition de modification de la Partie VII et le libellé actuel
Modifications proposées | Droit actuel |
PARTIE VII Droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire et promotion de l’anglais et du français |
PARTIE VII Promotion du français et de l’anglais |
Obligation générale 41 Le gouvernement fédéral a l’obligation de favoriser la vitalité sociolinguistique des communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada (« CLOSM ») et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. |
Engagement 41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. |
Obligations des institutions fédérales (2) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en oeuvre cet engagement. Il demeure entendu que cette mise en oeuvre se fait dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces. |
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(Voir l’article 41.3 ci-dessous) | Règlements (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique, le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Service de protection parlementaire ou le bureau du directeur parlementaire du budget, fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie leur impose. |
Obligations des institutions fédérales envers les CLOSM 41.1 (1) Les institutions fédérales identifient les décisions, politiques, programmes et toute autre activité entreprise par elles dans le cadre de leur mandat qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur la vitalité sociolinguistique ou le développement des CLOSM, notamment toute mesure adoptée dans le cadre des Parties I à V de la présente loi (« les activités visées »). |
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(2) Les institutions fédérales mettent en place un processus tri-annuel pour la mise en œuvre du paragraphe (1). |
|
(3) Le processus visé au paragraphe (2) inclut une consultation avec chacune des entités représentatives identifiées à l’article 41.2 de la présente loi. |
|
(4) Le processus visé au paragraphe (2) se termine par la conclusion d’une entente avec chacune des entités représentatives. Les ententes dressent une liste des activités visées pour la région concernée, et elles identifient les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de celles-ci pour favoriser la vitalité sociolinguistique et le développement des CLOSM. |
|
(5) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que les activités qui figurent aux ententes, ainsi que toute autre activité qui répond au critère du paragraphe (1), soient entreprises de telle sorte à ne pas nuire à la vitalité sociolinguistique et au développement des CLOSM. |
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(6) Les institutions fédérales adoptent les mesures permettant de favoriser la vitalité sociolinguistique et le développement des CLOSM qui figurent aux ententes. |
|
(7) Si toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter les paragraphes (5) et (6), les obligations qu’ils imposent sont assujetties aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances. |
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(8) Les institutions fédérales adoptent toute autre mesure permettant de favoriser la vitalité sociolinguistique et/ou le développement des CLOSM qui sont raisonnables dans les circonstances. |
|
(9) Les institutions fédérales peuvent recevoir une demande de tout membre du public d’adopter une mesure visée au paragraphe (8). |
|
(10) Les demandes visées au paragraphe (9) sont acceptées ou refusées conformément aux principes de la présente loi. Si elles sont refusées, le refus est communiqué au demandeur par écrit avec motifs à l’appui. |
|
Les entités représentatives 41.2 (1) Le gouverneur en conseil désigne, par règlement, au moins une entité représentative pour la CLOSM de chaque province. |
|
(2) Le gouverneur en conseil consulte les CLOSM avant d’adopter le règlement prévu au paragraphe (1). |
|
(3) Toute modification subséquente à la liste d’entités désignées exige, au préalable, le concours des deux tiers des entités actuellement désignées. |
|
(4) Nonobstant toute autre source de financement qu’elles puissent posséder, les entités représentatives reçoivent une somme équivalant au traitement d'un juge de la Cour fédérale autre que le juge en chef pour l’exécution de leurs fonctions en vertu de la présente partie. Leurs représentants ont droit aux frais de déplacement et de séjour entraînés par l'accomplissement de leurs fonctions hors du lieu de leur résidence habituelle. |
|
(5) Une entité représentative peut déléguer ses droits et fonctions en vertu de la présente loi à une autre entité représentative. |
|
Règlements 41.3 Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique, le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Service de protection parlementaire ou le bureau du directeur parlementaire du budget, fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie leur impose. |
Proposition de modification de la Partie VII accompagnée de notes explicatives
Modifications proposées | Notes explicatives |
PARTIE VII Droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire et promotion de l’anglais et du français |
Nous proposons de modifier l’intitulé de la Partie VII. Il y a lieu de préciser explicitement que la Partie VII crée des droits pour les CLOSM. Dans son récent jugement, la Cour fédérale a prétendu, à tort selon nous, que la Partie VII se distingue des autres parties de la LLO en ce qu’elle n’est pas créatrice de « droits » mais seulement d’obligations19. |
Obligation générale 41 Le gouvernement fédéral a l’obligation de favoriser la vitalité sociolinguistique des communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada (« CLOSM ») et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. |
Il y a lieu de remplacer le terme « engagement » par « obligation » pour préciser davantage le fait que l’article 41 vise à limiter la discrétion des institutions fédérales. Il y a lieu de remplacer le terme « minorité francophones et anglophones » par « communauté de langue officielle en situation minoritaire ». Cela est plus fidèle aux aspects collectifs des intérêts que la Partie VII cherche à protéger, et s’accorde mieux avec la version anglaise actuelle, qui emploie déjà un tel vocabulaire. Il y a lieu de remplacer le terme « épanouissement » par « vitalité sociolinguistique ». Ce dernier terme décrit avec plus d’exactitude l’intérêt visé et correspond davantage à la version anglaise actuelle, qui parle de « vitality ». |
Obligations des institutions fédérales envers les CLOSM 41.1 (1) Les institutions fédérales identifient les décisions, politiques, programmes et toute autre activité entreprise par elles dans le cadre de leur mandat qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur la vitalité sociolinguistique ou le développement des CLOSM, y compris toute mesure adoptée dans le cadre des Parties I à V de la présente loi (« les activités visées »). |
Le paragraphe 41.1(1) énonce l’obligation de base d’identifier les activités, décisions, etc. qui seront susceptible d’avoir une influence sur les intérêts protégés des CLOSM. Le processus à suivre à cet égard est énoncé dans les paragraphes qui suivent, tout comme les obligations qui en découlent par la suite. |
(2) Les institutions fédérales mettent en place un processus tri-annuel pour la mise en œuvre du paragraphe (1). | Nous proposons une révision à tous les trois ans pour deux raisons : (1) accorder suffisamment de temps aux institutions pour effectuer le travail requis; (2) assurer que la liste produite soit mise à jour en temps opportun. |
(3) Le processus visé au paragraphe (2) inclut une consultation avec chacune des entités représentatives identifiées à l’article 41.2 de la présente loi. |
Obligation de base de consulter les CLOSM. |
(4) Le processus visé au paragraphe (2) se termine par la conclusion d’une entente avec chacune des entités représentatives. Les ententes dressent une liste des activités visées pour la région concernée, et elles identifient les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de celles-ci pour favoriser la vitalité sociolinguistique et le développement des CLOSM. | Cette disposition fait une distinction entre deux concepts : celui d’« activité visée » et celui de « mesure ». Les activités visées sont des sphères d’activité, des types de décision, des programmes, etc. qui mettent en cause les intérêts des CLOSM. Leur effet peut être positif, négatif ou autre sur les CLOSM. Il importe de s’assurer que les institutions fédérales soient au courant de cette dimension lorsqu’elles agissent dans une telle sphère. Les mesures sont les mesures particulières que pourraient prendre les institutions fédérales dans le but exprès de favoriser la vitalité sociolinguistique ou le développement d’une CLOSM. |
(5) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que les activités qui figurent aux ententes, ainsi que toute autre activité qui répond au critère du paragraphe (1), soient entreprises de telle sorte à ne pas nuire à la vitalité sociolinguistique et au développement des CLOSM. | Cette disposition crée une obligation exécutoire qui peut faire l’objet d’une plainte au CLO et d’un recours devant la Cour fédérale. Elle crée aussi une catégorie résiduelle d’activité, au cas où une activité pertinente n’aurait pas été incluse dans une entente, mais qu’on puisse démontrer sa pertinence par la suite. |
(6) Les institutions fédérales adoptent les mesures permettant de favoriser la vitalité sociolinguistique et le développement des CLOSM qui figurent aux ententes. | Cette disposition crée une obligation exécutoire qui peut faire l’objet d’une plainte au CLO et d’un recours devant la Cour fédérale. |
(7) Si toutes les mesures raisonnables ont été prises et que tous les projets raisonnables ont été élaborés afin de faire respecter les paragraphes (5) et (6), les obligations qu’ils imposent sont assujetties aux limitations raisonnables et nécessaires qu’exigent les circonstances. |
|
(8) Les institutions fédérales adoptent toute autre mesure permettant de favoriser la vitalité sociolinguistique et/ou le développement des CLOSM qui sont raisonnables dans les circonstances. |
Cette disposition prévoit que les obligations des institutions fédérales ne sont pas épuisées par les ententes et que toute autre mesure pertinente et raisonnable doit être prise. |
(9) Les institutions fédérales peuvent recevoir une demande de tout membre du public d’adopter une mesure visée au paragraphe (8). | Cette disposition vise à permettre aux membres du public, autre que les entités représentatives, d’enrichir la discussion sur la mise en œuvre de l’article 41. |
(10) Les demandes visées au paragraphe (9) sont acceptées ou refusées conformément aux principes de la présente loi. Si elles sont refusées, le refus est communiqué au demandeur par écrit avec motifs à l’appui. |
|
Les entités représentatives 41.2 (1) Le gouverneur en conseil désigne, par règlement, au moins une entité représentative pour la CLOSM de chaque province. |
|
(2) Le gouverneur en conseil consulte les CLOSM avant d’adopter le règlement prévu au paragraphe (1). |
|
(3) Toute modification subséquente à la liste d’entités désignées exige, au préalable, le concours des deux tiers des entités actuellement désignées. |
|
(4) Nonobstant toute autre source de financement qu’elles puissent posséder, les entités représentatives reçoivent une somme équivalant au traitement d'un juge de la Cour fédérale autre que le juge en chef pour l’exécution de leurs fonctions en vertu de la présente partie. Leurs représentants ont droit aux frais de déplacement et de séjour entraînés par l'accomplissement de leurs fonctions hors du lieu de leur résidence habituelle. |
Cette disposition, calquée sur la disposition régissant le traitement du Commissaire aux langues officielles, cherche à illustre comment l’on pourrait garantir que les entités représentatives aient les ressources requises pour assurer leur indépendance du gouvernement fédéral et pour leur permettre de remplir leurs fonctions en vertu de la loi. Il faudrait étudier davantage la question pour déterminer le niveau de ressources requis. |
(5) Une entité représentative peut déléguer ses droits et fonctions en vertu de la présente loi à une autre entité représentative. |
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Règlements 41.3 Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique, le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le Service de protection parlementaire ou le bureau du directeur parlementaire du budget, fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie leur impose. |
Cette disposition cherche à préserver le pouvoir réglementaire crée en 2005, qui pourrait être un outil puissant s’il était employé. |
* Professeur adjoint et directeur de l’Observatoire international des droits linguistiques, Faculté de droit, Université de Moncton.
1 Sénat du Canada, La mise en oeuvre de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles?: on peut faire encore mieux , Ottawa, 2010.
2 Voir notamment l’article 2 de la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4 e suppl) [LLO].
3 DesRochers c Canada (Industrie), [2009] 1 RCS 194 au para 51 [DesRochers].
4 Voir généralement le Rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Livre I : Les langues officielles, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1967, et en particulier les « pages bleues ».
5 Voir par exemple Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530 au para 199.
6 Picard c Canada (Office de la propriété intellectuelle), 2010 CF 86.
7 Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada c Canada (Procureur général), 2010 CF 999.
8 Ibid au para 208, 214 et 216.
9 Érik Labelle Eastaugh, « Enforcing Part VII of the Official Languages Act: the Structure of s. 41 as a Legal Norm » (2017) 4 Revue de droit linguistique 1 [Labelle Eastaugh].
10 Voir, par exemple, Serge Rousselle, « Modifications à la Partie VII de la Loi sur les langues officielles : L’obligation de consulter » (2007) 9 RCLF 183; Michel Doucet, « La partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada : une victoire à la Pyrrhus ou un réel progrès » (2007) 9 RCLF 31; Labelle Eastaugh, ibid.
11 À l’époque, l’article 41 se lisait comme suit : « Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne ». Il n’y avait aucune mention d’« obligation » ou de « mesures positives » dans le libellé de la Partie VII.
12 Voir, par exemple, Érik Labelle Eastaugh, « Jurilinguistique et égalité : les droits linguistiques en tant qu’accords incomplètement théorisés » (2017) 47 RDUS 1 aux pp 8-14.
13 Forum des maires de la Péninsule acadienne c Canada (Agence d'inspection des aliments) , 2004 CAF 263.
14 LLO, supra note 2, art 77(1).
15 Ibid, art 41(3).
16 Mahe c Alberta, [1990] 1 RCS 342.
17 Ibid à la p 372.
18 DesRochers, supra note 3 au para 51.
19 Voir Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 530, au para. 204. Pour une analyse détaillée de cette question, voir Labelle Eastaugh, supra note 9.