Sport-études à Ottawa : la saga continue
J’ai déjà mentionné ici le dépôt d’une action intentée par le Conseil des écoles publiques de l’est ontarien (CÉPÉO) contre l’« Ontario Federation of School Athletics Associations » (OFSAA) en raison de modifications au règlement de l’OFSAA, qui produiraient des effets discriminatoires et nuisibles au développement de l’instruction en français en Ontario et plus spécifiquement dans la région d’Ottawa. Une injonction interlocutoire avait été accordée pour surseoir à l’application du règlement en attendant de déterminer sa constitutionnalité1.
Un autre chapitre judiciaire vient de s’écrire dans cette saga. Le 8 mars 2016, le juge Maranger de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté une requête présentée par le ministère de l’Éducation de l’Ontario (MÉO) pour faire radier la portion de la demande qui le vise2. La décision, manuscrite, n’est pas encore publiée au moment d’écrire ces lignes et c’est l’une des parties qui me l’a fait parvenir.
Un autre chapitre judiciaire vient de s’écrire dans cette saga. Le 8 mars 2016, le juge Maranger de la Cour supérieure de justice de l’Ontario a rejeté une requête présentée par le ministère de l’Éducation de l’Ontario (MÉO) pour faire radier la portion de la demande qui le vise2. La décision, manuscrite, n’est pas encore publiée au moment d’écrire ces lignes et c’est l’une des parties qui me l’a fait parvenir.
Le juge indique que le ministère devait démontrer qu’il était « clair et apparent » que la demande ne révélait aucune cause d’action contre lui. Citant des arrêts ontariens, la Cour ajoute qu’elle « doit présumer que les faits plaidés par les demandeurs dans la déclaration sont vrais, à moins qu’ils soient manifestement impossible d’être prouvés ou qu’ils soient ridicules »3. Les demandeurs-intimés présentent, au paragraphe 60 de leur mémoire, une série de faits ayant conduit à la création et au fonctionnement actuel de l’OFSAA; il en ressort que c’est à l’initiative du ministère que la Fédération fut créée, que ce dernier continue d’y faire siéger une personne au Conseil, que le ministère finance les activités de la Fédération et qu’il collabore étroitement au développement des programmes et activités de celle-ci. La Cour ajoute : « Les faits allégués et résumés au paragraphe 60 du mémoire déposé par l’intimée doivent être présumés comme étant vrais; compte tenu de cela, il n’est ni clair, ni apparent que la cause d’action des demandeurs contre le MÉO n’ait aucune chance de succès »4. La Cour ajoute enfin qu’une analyse contextuelle est nécessaire en matière constitutionnelle.
L’importance de garder le MÉO comme partie à l’action n’échappera pas aux observateurs et observatrices de la scène des droits linguistiques. En effet, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés donne aux ayants-droit des droits à l’instruction « financée par les fonds publics » mais ne précise pas qui, par contre, est tributaire de l’obligation juridique correspondante. Conformément à notre « architecture constitutionnelle », la jurisprudence a correctement présumé que les gouvernements provinciaux sont les premiers responsables. La Cour suprême du Canada déclare : « Selon l’art. 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, les législatures provinciales ont le pouvoir de décréter des lois relatives à l’éducation »5. Dans la même décision, la Cour reconnaît le pouvoir de la province de déléguer des responsabilités, ce qui n’écarte cependant pas sa responsabilité constitutionnelle ultime6.
Il est vrai que, tout comme pour l’injonction, nous en sommes encore aux étapes préliminaires et que les faits allégués sont présumés vrais en ce moment. Or à la lecture de ces faits, l’OFSAA apparait manifestement comme une mandataire du MÉO ou à tout le moins de ses délégués, les conseils scolaires. Il s’agirait peut-être alors d’une sous-délégation. Or la province pourrait déposer de la preuve au procès pour contredire l’allégation des demandeurs. Mais d’ici là, le MÉO demeure partie à l’instance et doit répondre de ses décisions (ou de l’absence d’icelles) tout comme de celles de sa mandataire l’OFSAA. À priori, compte tenu des faits allégués et présumés, il existerait une cause d’action contre le MÉO qui aurait dérogé à ses obligations constitutionnelles, celles qui lui incombent au premier chef. La motion du ministère aura au moins eue le mérite de clarifier cet enjeu procédural : on peut, et on doit, identifier les ministères provinciaux ou les gouvernements provinciaux comme défendeurs dans les poursuites fondées sur l’article 23 de la Charte, même si d’autres entités sont aussi poursuivies.
1 CÉPÉO c OFSAA, 2015 ONCS 5328 [CÉPÉO no 1].
2 CÉPÉO c OFSAA, Dossier de la Cour 14-62416, Dossier de motion des demandeurs/partie intimée, motion en radiation présentable le 3 mars 2016, décision le 8 mars 2016 [CÉPÉO no 2].
3 CÉPÉO no 2, ibid à la p 3, paragraphe 3b).
4 Ibid aux pp 3-4, paragraphe 3c).
5 Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, [2015] 2 RCS 282 au para 68.
6 Ibid au para 69. Voir également Arsenault-Cameron c Ile-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 RCS 3 au para 58.