Sur le principe d'interprétation législative: les versions françaises et anglaises des lois. | On the interpretation of laws: the French and English versions of the law. |
[64] La société 9147‑0732 Québec inc. a fait valoir qu’il s’agit là des termes que nous devrions appliquer, puisqu’ils sont plus larges que ceux utilisés dans la version française de notre jurisprudence portant sur l’art. 12, où il est question de traitement ou peine « incompatible avec la dignité humaine ». Avec égards, cet argument résulte d’une analyse littérale des termes, dans leurs versions anglaises et françaises, sans considération du contexte dans lequel ces causes ont été tranchées, ce qui crée donc des clivages conceptuels artificiels plutôt qu’une cohérence linguistique (voir Michel Doucet, « Le bilinguisme législatif », dans Michel Bastarache et Michel Doucet, Les droits linguistiques au Canada (3e éd. 2013), 179, p. 281). | [64] 9147-0732 Québec inc. argued that this is the language that we should apply, since it is broader than the language used in the French version of our s. 12 jurisprudence, which refers to treatment or punishment that is [translation] “incompatible with human dignity”. This argument, with respect, results from looking at the words literally, in both the English and French versions, without examining them in the context of the cases in which they were decided, thereby creating artificial conceptual schisms instead of linguistic coherence (see Michel Doucet, “Le bilinguisme législatif”, in Michel Bastarache and Michel Doucet, eds., Les droits linguistiques au Canada (3rd ed. 2013), 179, at p. 281). |
[65] Il ressort d’un examen des diverses formulations utilisées dans notre jurisprudence sur l’art. 12 que tant les versions anglaise et française expriment la même idée, à savoir que l’art. 12 interdit les traitements ou peines incompatibles avec la dignité humaine (voir R. c. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 1045; Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), 1991 CanLII 78 (CSC), [1991] 2 R.C.S. 779, p. 811, 815 et 818; R. c. Boudreault, 2018 CSC 58 (CanLII), [2018] 3 R.C.S. 599, par. 43, 67 et 126). Je suis d’accord avec le juge d’appel Chamberland pour dire que « [l]’affirmation voulant que nul ne soit soumis à un traitement ou une peine cruel [et inusité] est indissociable de la dignité humaine » (par. 59). Par conséquent, les versions anglaise et française des descriptions données par notre Cour de ce qui est en jeu à l’art. 12 ne sont pas seulement compatibles, mais constituent également des manières différentes d’exprimer la même idée. | [65] A review of the language used in our s. 12 jurisprudence shows that both the English and French versions capture the same concept, namely, that s. 12 prohibits treatment or punishment that is incompatible with human dignity (see R. v. Smith (Edward Dewey), 1987 CanLII 64 (SCC), [1987] 1 S.C.R. 1045; Kindler v. Canada (Minister of Justice), 1991 CanLII 78 (SCC), [1991] 2 S.C.R. 779, at pp. 811, 815 and 818; R. v. Boudreault, 2018 SCC 58 (CanLII), [2018] 3 S.C.R. 599, at paras. 43, 67 and 126). I agree with Chamberland J.A. that [translation] “[t]he assertion that no one is to be subjected to cruel [and unusual] treatment or punishment cannot be dissociated from the concept of human dignity” (para. 59). The French and English versions of how this Court has described what is at stake in s. 12 are, therefore, not only reconcilable, they are different ways of expressing the same idea. |
2020
Annales de droits linguistiques
Bon nombre de textes qui portent sur les droits linguistiques au Canada sont publiés ici et là. Certes, la Revue de droit linguistique contribue à rassembler en un seul endroit la littérature à ce sujet, mais des articles académiques sont tout de même publiés dans des revues à vocation générale; les ouvrages sont publiés par diverses maisons d’édition, les décisions des tribunaux sont également publiées dans des recueils de jurisprudence à vocation générale, puisqu’il n’existe aucun recueil thématique au sujet des droits linguistiques.
Par conséquent, il nous paraissait essentiel de rassembler en un seul endroit l’information au sujet de ces publications. Les annales de droits linguistiques recensent donc les décisions des tribunaux, les ouvrages, les articles de périodiques, les modifications législatives qui portent sur les droits linguistiques au Canada, les rapports des Commissaires linguistiques et autres études ou rapports sur le sujet. Il convient toutefois de noter que, malgré tous les efforts que nous avons déployés, cette liste peut être incomplète.
Les décisions judiciaires
Québec (PG) c 9147-0732 Québec inc, 2020 CSC 32
Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13
Résumé de la Cour : | Summary provided by the Court : |
Le Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique (« CSF ») est le seul conseil scolaire francophone de la province, avec un territoire qui couvre l’ensemble de la Colombie‑Britannique et regroupe 37 écoles. En juin 2010, le CSF, la Fédération des parents francophones de Colombie‑Britannique et trois parents titulaires de droit au sens de l’art. 23 de la Charte (les « représentants de la minorité linguistique ») ont déposé une demande introductive d’instance à l’encontre de la province, soutenant que plusieurs aspects du financement du système d’éducation pénalisent la minorité linguistique officielle et violent les droits qui lui sont reconnus par l’art. 23 de la Charte. Les violations reprochées se divisent en deux catégories : la première regroupe les demandes de nature systémique (notamment le non‑accès à une subvention annuelle pour l’entretien des édifices, la formule utilisée pour prioriser les projets d’immobilisation, le manque de financement du transport scolaire et le manque d’accès à des espaces pour des activités culturelles) et la deuxième se compose des demandes en vue d’obtenir de nouvelles écoles ou des améliorations à des écoles existantes dans 17 communautés. La juge de première instance élabore une démarche permettant de situer le nombre d’élèves d’une collectivité donnée sur l’échelle variable, qui sert à déterminer le niveau de service auquel ont droit les minorités linguistiques officielles et permet de décider si la minorité a droit à une école homogène, à des installations éducatives partagées avec la majorité ou à une autre solution appropriée. Appliquant le cadre analytique qu’elle a établi, la juge prononce des jugements déclaratoires portant sur le droit à des installations éducatives dans plusieurs collectivités. La juge précise ensuite le critère pour déterminer la qualité de l’expérience éducative qui doit être offerte aux minorités linguistiques officielles, et conclut que, dans plusieurs communautés, les enfants des ayants droit doivent bénéficier d’installations leur offrant une expérience éducative réellement équivalente à celle de la majorité, alors que, dans d’autres communautés, le nombre d’enfants des ayants droit ne justifie pas l’accès à une expérience éducative réellement équivalente, mais plutôt à une expérience éducative proportionnellement équivalente à celle offerte à la majorité. Puis, se penchant sur les principes d’interprétation qui doivent guider l’analyse des violations de l’art. 23 au regard de l’article premier de la Charte, la juge conclut que plusieurs violations des droits linguistiques des ayants droit sont justifiées au regard de l’article premier. Finalement, la juge estime que l’octroi de dommages‑intérêts n’est pas justifié pour la plupart des demandes formulées par les représentants de la minorité linguistique, mais elle statue que le gel du financement du transport scolaire alors que le nombre d’élèves de la minorité augmentait constitue une violation de l’art. 23 et ordonne le versement de six millions de dollars en dommage‑intérêts au CSF. Elle refuse toutefois d’accorder des dommages‑intérêts au CSF pour l’indemniser du fait qu’il a été privé du facteur rural de la subvention annuelle aux installations. Les représentants de la minorité linguistique interjettent appel du jugement de la juge de première instance, plaidant qu’elle a commis plusieurs erreurs de droit dans son analyse en vue d’identifier les violations alléguées de l’art. 23 de la Charte, notamment dans sa démarche pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable et dans le critère qu’elle a retenu pour évaluer la qualité de l’expérience éducative offerte aux minorités linguistiques officielles; dans son examen de la justification des violations au regard de l’article premier; et dans l’octroi des réparations demandées. La Cour d’appel rejette l’appel, mais accueille l’appel incident formé par la province et annule l’octroi de dommages‑intérêts pour le financement inadéquat du transport scolaire. Arrêt (les juges Brown et Rowe sont dissidents en partie) : Le pourvoi est accueilli en partie. Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Martin et Kasirer : Les juridictions inférieures ont adopté une interprétation démesurément restrictive de l’art. 23 de la Charte et de son rôle dans l’ordre constitutionnel canadien. Cet article a un objet réparateur, qui vise à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques officielles et à modifier le statu quo. Donnant à cette disposition une interprétation qui tient pleinement compte de son objet réparateur, et s’appuyant sur les conclusions de faits tirées par la juge de première instance, il y a lieu d’accueillir l’appel en partie. Dans l’arrêt Mahe c. Alberta, 1990 CanLII 133 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 342, la Cour a expliqué que, pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable, l’analyse doit se concentrer sur (1) les services appropriés, en termes pédagogiques, compte tenu du nombre d’élèves visés; et (2) le coût des services envisagés. Cependant, la Cour n’a pas défini exhaustivement ces deux facteurs. La marche à suivre pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable doit donc être précisée. L’analyse du premier facteur, celui des besoins pédagogiques, consiste à se demander si, compte tenu du nombre d’élèves concernés, le niveau de services proposé par la minorité permet de répondre à toutes les exigences du programme d’études, à savoir les différentes connaissances et compétences que doivent acquérir les élèves durant leur parcours scolaire. Le second facteur de l’analyse, celui des coûts, est moins important que le premier facteur. Il s’entend des dépenses associées à la construction d’une nouvelle école ou au lancement d’un programme, ainsi qu’aux coûts d’exploitation qui s’y rattachent. En règle générale, les considérations pédagogiques et celles liées aux coûts sont imbriquées et s’apprécient simultanément. La démarche pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable s’appuie sur la prémisse selon laquelle une école homogène, c’est‑à‑dire un établissement distinct et contrôlé par la minorité linguistique officielle, est justifiée lorsqu’un nombre comparable d’élèves de la majorité dispose d’une telle école. La première étape consiste à déterminer le nombre d’élèves qui se prévaudront en définitive du service envisagé, en s’appuyant sur des projections à long terme. Ce nombre se situe entre la demande connue et le nombre total d’enfants d’ayants droit visés à l’art. 23. Le fardeau de la preuve incombe aux demandeurs de la minorité linguistique officielle. À la deuxième étape, le tribunal doit recourir à une méthode comparative pour déterminer si l’école envisagée par la minorité est appropriée au regard de la pédagogie et des coûts. La démarche vise à déterminer si le nombre d’élèves concernés de la minorité linguistique officielle est comparable au nombre d’élèves des écoles de la majorité. Les demandeurs de la minorité linguistique officielle ont le fardeau d’identifier des écoles de comparaison. Il faut faire preuve de souplesse dans l’appréciation de ce qui constitue un nombre comparable. Un nombre comparable ne signifie pas un nombre identique. Dans les cas où le tribunal constate que le nombre d’élèves de la minorité est comparable, localement, à celui des élèves de la majorité, il ne fait aucun doute que le nombre des premiers se situe à la limite supérieure de l’échelle variable et que la minorité a droit à une école homogène. Dans les autres cas, l’exercice comparatif doit se réaliser sur une base provinciale pour assurer un traitement équitable partout dans la province. La présence d’écoles de la majorité qui desservent un nombre donné d’élèves, peu importe leur emplacement dans la province, permet de présumer que la province considère que leur maintien est approprié du point de vue de la pédagogie et des coûts et donc qu’il est approprié de créer une école homogène de taille comparable pour la minorité. La province peut réfuter cette présomption en démontrant selon la prépondérance des probabilités soit que les écoles de la majorité utilisées à titre de comparaison ne sont pas des éléments comparatifs appropriés ou que l’école projetée par la minorité n’est pas appropriée sur le plan pédagogique ou des coûts. La troisième étape consiste à déterminer le niveau de services qui doit être offert à la minorité linguistique officielle. Si, à la deuxième étape, le tribunal conclut que le nombre d’élèves est comparable, et que la présomption n’est pas renversée, ce nombre se situe à la limite supérieure de l’échelle variable et la minorité est alors en droit de faire instruire ses enfants dans une école homogène. Lorsque la comparaison à l’échelle provinciale ne révèle pas de nombre comparable, le nombre d’élèves de la minorité se situe alors en deçà de la limite supérieure de l’échelle variable, c’est‑à‑dire au bas ou au milieu de celle‑ci. Les niveaux inférieurs de l’échelle variable permettent à la minorité de bénéficier d’une gamme de services allant de quelques heures de cours dans sa langue jusqu’à l’utilisation et au contrôle de locaux dans une école partagée avec la majorité. Dans ces situations, le tribunal doit faire preuve de déférence envers le niveau de services proposé par le conseil scolaire de la minorité linguistique pour déterminer si ce niveau de services est approprié sur le plan de la pédagogie et des coûts. Lorsque cette démarche est appliquée en l’espèce aux demandes formulées par les représentants de la minorité linguistique en vue d’obtenir de nouvelles écoles ou l’agrandissement d’écoles existantes, ils ont le droit de bénéficier de huit écoles homogènes qui leur ont été refusées par les juridictions inférieures. Ces écoles sont justifiées par le nombre d’élèves de la minorité dans ces communautés. La juge de première instance a estimé qu’à long terme, le nombre d’élèves de la minorité dans les communautés d’Abbotsford (volet primaire destiné aux enfants d’ayants droit dans la communauté d’Abbotsford et volet secondaire destiné aux enfants d’ayants droit dans les communautés de la vallée centrale du Fraser), de Burnaby, de Vancouver Nord‑Est, de Victoria Est et de Victoria Ouest justifiera la création d’écoles homogènes. Considérant que ce sont les projections à long terme qui sont pertinentes, ces communautés ont donc le droit d’obtenir des écoles homogènes. Pour les communautés de Victoria Nord, de Whistler, de Chilliwack et de Pemberton, la juge de première instance a retenu une base de comparaison locale alors que la comparaison devait prendre en considération des écoles situées partout en province. En appliquant la démarche comparative appropriée, le nombre d’élèves qui vont se prévaloir en définitive du service — 98 pour Victoria Nord, 85 pour Whistler, 60 pour Chilliwack et 55 pour Pemberton — doit être comparé au nombre des élèves fréquentant les écoles de petite taille situées partout en province qui ont été retenues par la juge de première instance et pour lesquelles le dossier ne contient aucune preuve permettant de repousser la présomption qu’il est approprié de créer une école de taille comparable pour la minorité. Les effectifs dans ces écoles de la majorité varient entre 66 et 73 élèves. Les nombres pertinents pour Victoria Nord, Whistler et Chilliwack sont comparables à ceux des élèves fréquentant ces écoles majoritaires de comparaison. Ces communautés ont donc le droit d’obtenir des écoles homogènes. En ce qui a trait à Pemberton, le nombre d’élèves concernées y est difficilement comparable au nombre d’élèves des écoles de la majorité qui sont situées ailleurs dans la province et qui ont été retenues par la juge de première instance. Considérant que la preuve disponible est limitée et que des observations supplémentaires pourraient être nécessaires, la question du niveau de services auquel donne droit ce nombre d’élèves doit donc être renvoyée au tribunal de première instance pour réexamen. Le critère utilisé pour évaluer la qualité de l’expérience éducative offerte aux minorités linguistiques officielles ne varie pas selon le nombre d’élèves de la minorité. L’article 23 confère aux minorités linguistiques officielles le droit à une instruction de qualité équivalente à celle de la majorité. Ainsi, les enfants des titulaires de droits reconnus à l’art. 23 doivent bénéficier d’une expérience éducative réellement équivalente à celle de la majorité peu importe la taille de l’école ou du programme en question. L’essentiel de la démarche établie dans l’arrêt Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, qui permet d’examiner de façon holistique la qualité de l’expérience éducative offerte à la minorité linguistique officielle, ne nécessite aucune adaptation dans le cas de petites écoles de la minorité linguistique officielle, à l’exception du fait que le parent raisonnable doit tenir compte des particularités inhérentes à la fréquentation d’une petite école. En conséquence, dans le contexte des écoles de la minorité dont la taille n’est pas comparable aux écoles avoisinantes de la majorité, il faut se demander si des parents raisonnables, conscients des particularités inhérentes d’une petite école, seraient dissuadés d’envoyer leurs enfants dans une école de la minorité linguistique officielle parce que l’expérience éducative qui y est offerte est véritablement inférieure à celle des écoles de la majorité linguistique où ils peuvent les inscrire. Même lorsque le nombre d’élèves se situe à la limite inférieure de l’échelle variable, donnant droit à l’instruction uniquement, les considérations énumérées dans l’arrêt Rose‑des‑vents doivent être prises en compte pour apprécier la qualité de l’expérience éducative d’un programme d’instruction; le droit à l’instruction ne peut être totalement dissocié de l’expérience éducative globale. Dans le cas d’une école hétérogène ou d’un programme d’instruction, l’analyse basée sur le critère de l’équivalence réelle permet de déterminer si l’instruction que contrôle la minorité et les installations auxquelles celle‑ci a accès sont de qualité suffisante. À la lumière de ces indications, l’approche adoptée par les juridictions inférieures en l’espèce lorsque le nombre d’élèves n’était pas comparable à celui de la majorité doit être écartée car cette approche se fondait sur un critère dit de proportionnalité plutôt que sur celui de l’équivalence réelle. Les conclusions de la juge de première instance sont donc modifiées pour tenir compte de la conclusion que l’ensemble des ayants droit dont les enfants fréquentent les écoles ou suivent les programmes du CSF ont droit à une expérience éducative réellement équivalente à celle des écoles avoisinantes de la majorité. Pour les écoles situées dans les communautés de Nelson, de Chilliwack et de Mission, la qualité de l’expérience éducative offerte doit être évaluée du point de vue du parent raisonnable, conscient des particularités inhérentes d’une petite école. En appliquant le critère de l’équivalence réelle et la démarche appropriée pour l’école du CSF située à Nelson, il y a lieu de souscrire à la conclusion de la juge de première instance selon laquelle l’expérience éducative dont jouissent les élèves de la minorité est équivalente à celle offerte aux élèves de la majorité. Pour l’école du CSF à Chilliwack, la mise en balance des avantages et des inconvénients démontre que l’expérience éducative qui y est offerte est d’une qualité véritablement inférieure à celles des écoles de la majorité. Ainsi, à Chilliwack, les enfants des ayants droit ne reçoivent pas la qualité d’expérience éducative qui leur est garantie par l’art. 23 de la Charte. Pour l’école du CSF à Mission, la situation est préoccupante, mais la preuve soumise est insuffisante pour effectuer l’examen holistique que commande le critère du parent raisonnable et conscient des particularités inhérentes d’une petite école. Il est donc nécessaire de renvoyer la question de la qualité de l’expérience éducative et de l’impact de l’indice d’état des installations sur cette situation au tribunal de première instance. L’exigence de la province qui oblige le CSF à prioriser les projets d’immobilisation qu’il soumet même lorsque ceux‑ci sont une solution à des violations de l’art. 23 ne porte pas atteinte au droit de gestion garanti par l’art. 23 de la Charte. Pour ce qui est de déterminer le délai dont dispose la province pour réparer les violations de l’art. 23, chaque réparation est un cas d’espèce, mais la réparation doit néanmoins être apportée dans un délai utile. Lorsqu’une violation de l’art. 23 est établie, les tribunaux doivent suivre la démarche qui a été établie dans l’arrêt R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 103, en appliquant une norme particulièrement sévère en matière de justification. Cette norme des plus sévères s’impose pour trois raisons. Premièrement, en adoptant l’art. 23, les rédacteurs de la Charte ont imposé des obligations positives aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui doivent être satisfaites en temps utile pour prévenir les risques d’assimilation et de perte des droits. Deuxièmement, l’art. 23 n’est pas visé par la clause de dérogation prévue à l’art. 33 de la Charte, ce qui témoigne de l’importance accordée à ce droit et de l’intention des constituants d’encadrer de façon stricte les dérogations à celui‑ci. Troisièmement, l’art. 23 comporte une limite interne, la justification par le nombre, qui exige l’existence d’un nombre suffisant d’élèves, pour justifier l’exercice du droit qu’il accorde. En adoptant cette limite, les constituants ont voulu tenir compte de considérations d’ordre pratique — notamment des coûts et des besoins pédagogiques — liées au nombre d’élèves qui peuvent bénéficier du droit reconnu. Lorsque l’argument invoqué par les gouvernements pour justifier une violation de l’art. 23 est d’ordre financier, l’analyse fondée sur l’article premier fait alors double emploi à certains égards avec l’analyse de la justification par le nombre qui a déjà été réalisée. Pour qu’une violation de l’art. 23 puisse être justifiée au regard de l’article premier, la justification ne doit donc pas s’appuyer sur des considérations qui ont déjà été prises en compte à l’étape de la justification par le nombre. En ce qui concerne la deuxième étape de la démarche établie dans l’arrêt Oakes — la proportionnalité entre les effets de la mesure restreignant le droit et l’objectif désigné comme important —, il faut tenir pleinement compte de l’assimilation en tant qu’effet préjudiciable lorsqu’il est porté atteinte au droit reconnu par l’art. 23. L’article 23 vise non seulement à assurer la pérennité des communautés linguistiques au pays, mais également à permettre à ces communautés de s’épanouir présentement dans leur propre langue et leur propre culture. En ce sens, même si la preuve soumise démontre que l’existence de l’art. 23 n’a pas été en mesure de contrer ou de freiner le phénomène de l’assimilation, il n’en reste pas moins que les citoyens de langue officielle minoritaire sont toujours en droit de s’épanouir dans leur langue au quotidien. Ensuite, les tribunaux doivent garder à l’esprit que l’art. 23 a une dimension individuelle et que les écoles de la minorité ont un impact certain sur le risque d’assimilation des francophones qui les fréquentent. Finalement, les économies budgétaires liées à une violation de l’art. 23 ne peuvent pas être considérées comme un facteur pertinent à l’étape de la mise en balance des effets bénéfiques et des effets préjudiciables de la mesure attentatoire. En l’espèce, les juridictions inférieures ont commis une erreur en statuant que l’affectation juste et rationnelle de fonds publics limités constitue un objectif urgent et réel permettant de justifier des violations de l’art. 23 au sens de l’arrêt Oakes. L’affectation juste et rationnelle de fonds publics limités constitue le travail quotidien d’un gouvernement. La mission de l’État consiste à gérer des ressources budgétaires limitées pour répondre à des besoins qui eux sont tout sauf limités. Il n’y a donc pas ici d’objectif urgent et réel qui permet de justifier une violation des droits et libertés. En conséquence, la justification des violations échoue dès la première étape de l’analyse. En l’absence d’un objectif valable, la province ne peut justifier les violations de l’art. 23. Par conséquent, la violation de l’art. 23 à laquelle la juge de première instance a conclu par rapport au 1,1 million de dollars dont le CSF a été privé parce qu’il n’a pas eu accès au facteur rural de la subvention annuelle aux installations n’est pas justifiée et le CSF a droit à cette somme en dommages‑intérêts. L’immunité restreinte dont bénéficie l’État en matière de dommages‑intérêts ne s’applique pas aux décisions prises en vertu de politiques gouvernementales qui sont déclarées contraires à l’art. 23. Alors que l’État peut être condamné à verser des dommages‑intérêts lorsque ceux‑ci constituent une réparation convenable et juste eu égard aux circonstances, il peut cependant invoquer des considérations liées à l’efficacité gouvernementale pour éviter une telle condamnation, notamment lorsqu’une loi est déclarée invalide postérieurement à l’acte à l’origine de la violation. L’État ne jouit toutefois pas d’une immunité à l’égard des politiques gouvernementales qui portent atteinte aux droits fondamentaux. La possibilité que soient accordés des dommages‑intérêts à l’égard de politiques gouvernementales attentatoires dans un tel contexte ne risque pas de paralyser l’action gouvernementale et de nuire ainsi à son efficacité; au contraire, la possibilité que l’État soit condamné à verser des dommages‑intérêts permet de faire en sorte que l’action gouvernementale demeure respectueuse des droits fondamentaux. Alors qu’il est justifié d’accorder à l’État une immunité à l’égard d’un instrument bien défini comme une loi, il n’en est pas ainsi pour des instruments indéfinis et aux contours incertains comme les politiques gouvernementales. En l’espèce, comme le gel du financement du transport scolaire est une politique gouvernementale, l’ordonnance de la juge de première instance accordant des dommages‑intérêts pour le financement inadéquat du transport scolaire est rétablie. |
The Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique (“CSF”) is the sole French‑language school board in British Columbia. Its territory covers the entire province, and it has 37 schools. In June 2010, the CSF, the Fédération des parents francophones de Colombie‑Britannique and three parents who are rights holders under s. 23 of the Charter (“linguistic minority representatives”) filed a notice of civil claim against the province, submitting that several aspects of the funding of the education system penalized the official language minority and infringed its rights under s. 23 of the Charter. The alleged infringements can be divided into two categories: the first involved systemic claims (among other things, the fact that the CSF had not received an annual grant for building maintenance, the formula used to set priorities for capital projects, a lack of funding for school transportation and a lack of space for cultural activities), and the second involved claims for the purpose of obtaining new schools or improvements to existing schools in 17 communities. The trial judge set out an approach to be taken in order to situate the number of students in a given community on the sliding scale, which serves to determine the level of services to which an official language minority is entitled and is used to decide whether the minority is entitled to a homogeneous school, to educational facilities shared with the majority or to another appropriate solution. Applying her analytical framework, the trial judge issued declarations concerning the right to educational facilities in several communities. She then outlined the test that is to be applied in determining the quality of the educational experience that must be provided to official language minorities. She concluded with respect to several communities that the children of rights holders are entitled to facilities that provide them with an educational experience that is substantively equivalent to the experience of the majority, but she found with respect to other communities that the numbers of children of rights holders warranted not a substantively equivalent educational experience, but one that is proportionately equivalent to the educational experience provided to the majority. Discussing the principles of interpretation that must inform the analysis of infringements of s. 23 under s. 1 of the Charter, the trial judge then concluded that several infringements of the rights holders’ language rights were justified under s. 1. Finally, she concluded that awarding damages would not be appropriate for most of the claims of the linguistic minority representatives, but she found that the freeze on funding for school transportation at a time when the number of students of the linguistic minority was rising constituted an infringement of s. 23, and she awarded $6 million in damages to the CSF. On the other hand, the trial judge declined to award damages to the CSF in compensation for its having been denied the Annual Facilities Grant Rural Factor. The linguistic minority representatives appealed the trial judge’s judgment, arguing that she had made several errors of law in analyzing the alleged infringements of s. 23 of the Charter, including in the approach she had taken in order to situate a given number of students on the sliding scale and in the test she had applied in order to assess the quality of the educational experience provided to official language minorities; in reviewing the justification of the infringements under s. 1; and in granting the remedies being sought. The Court of Appeal dismissed the appeal but allowed the province’s cross appeal and set aside the award of damages for inadequate funding of school transportation. Held (Brown and Rowe JJ. dissenting in part): The appeal should be allowed in part. Per Wagner C.J. and Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Martin and Kasirer JJ.: The courts below adopted an inordinately narrow interpretation of s. 23 of the Charter and its role in the Canadian constitutional order. Section 23 has a remedial purpose related to promoting the development of official language minority communities and changing the status quo. In accordance with an interpretation of that section that takes its remedial purpose fully into account, and in light of the trial judge’s findings of fact, the appeal should be allowed in part. In Mahe v. Alberta, 1990 CanLII 133 (SCC), [1990] 1 S.C.R. 342, the Court explained that situating a given number of students on the sliding scale requires that the analysis focus on (1) the services appropriate, in pedagogical terms, for the number of students involved; and (2) the cost of the contemplated services. However, the Court did not provide an exhaustive definition of these two factors. The approach to be taken in order to situate a given number of students on the sliding scale must therefore be clarified. The analysis of the first factor, pedagogical needs, is concerned with whether, in light of the number of students at issue, the level of services proposed by the minority will make it possible to meet all curriculum requirements, that is, those related to the knowledge and skills the students must acquire while in school. The second factor in the analysis, cost, is less important than the first. It comprises the cost of building a new school or launching a program, and the associated operating costs. As a general rule, pedagogical considerations and cost considerations are interlinked and can be assessed simultaneously. The approach to be taken in order to situate a given number of students on the sliding scale is based on the premise that a homogeneous school, that is, a separate facility under the control of the official language minority, is warranted where such a school is available to a comparable number of majority language students. The first step is to determine how many students will eventually avail themselves of the contemplated service on the basis of long‑term projections. That number lies between the known demand and the total number of children of s. 23 rights holders. The burden of proof is on the claimants from the official language minority. At the second step, the court must take a comparative approach in order to determine whether the school contemplated by the minority is appropriate from the standpoint of pedagogy and cost. The approach is intended for the determination of whether the number of students in question from the official language minority is comparable to the numbers of students in the majority language schools. The burden is on the claimants from the official language minority to identify comparator schools. It is necessary to be flexible in determining what constitutes a comparable number. Comparable does not mean identical. If the court finds that the number of minority language students is comparable to the numbers of students in local majority language schools, there is no doubt that the number of minority language students falls at the high end of the sliding scale and that the minority is entitled to a homogeneous school. In other cases, a province-wide comparative exercise is required to ensure fair treatment across the province. The existence of majority language schools that serve a given number of students, regardless of where they are located in the province, supports a presumption that the province considers maintaining those schools to be appropriate from the standpoint of pedagogy and cost, and thus that it is appropriate to create a comparably sized homogeneous school for the minority. The province can rebut this presumption by showing on a balance of probabilities either that the majority language schools used as comparators are not appropriate for that purpose or that the school proposed by the minority is not appropriate from the standpoint of pedagogy or cost. At the third step, the level of services to be provided to the official language minority must be determined. If the court has found at the second step that the number of students is comparable and that the presumption has not been rebutted, that number is at the high end of the sliding scale and the minority is therefore entitled to have its children receive instruction in a homogeneous school. If the result of the province‑wide comparison is that there is no comparable number, the number of minority language students falls below the high end of the sliding scale, that is, at the low end or in the middle. A minority at the lower levels of the scale can qualify for a range of services varying from a few hours of classes in its language to the use and control of premises in a school shared with the majority. In such a situation, the court must show deference to the level of services proposed by the minority language school board in determining whether that level of services is appropriate from the standpoint of pedagogy and cost. When this approach is applied in this case to the claims of the linguistic minority representatives for new schools or for the expansion of existing schools, they are entitled to eight homogeneous schools that were denied by the courts below. The schools in question are warranted by the numbers of minority language students in the communities in question. The trial judge found that the number of minority language students in the communities of Abbotsford (elementary component for children of rights holders in the community of Abbotsford and secondary component for children of rights holders in the communities of the Central Fraser Valley), Burnaby, Northeast Vancouver, East Victoria and West Victoria will in the long term warrant the creation of homogeneous schools. Given that the long‑term projections are the relevant numbers, these communities are therefore entitled to homogeneous schools. For the communities of North Victoria, Whistler, Chilliwack and Pemberton, the trial judge decided on a local basis for comparison even though the comparison must take schools located across the province into account. The appropriate comparative approach requires that the number of students who will eventually avail themselves of the service — 98 for North Victoria, 85 for Whistler, 60 for Chilliwack and 55 for Pemberton — be compared with the numbers of students attending the small schools located across the province that were retained by the trial judge and for which there is no evidence in the record capable of rebutting the presumption that it is appropriate to create a school of comparable size for the minority. Enrolment in these majority language schools ranges from 66 to 73 students. The relevant numbers for North Victoria, Whistler and Chilliwack are comparable to the numbers of students attending these comparator majority language schools. These communities are therefore entitled to homogeneous schools. As for Pemberton, it is difficult to compare the number of students in question there with the numbers of students at the majority language schools located elsewhere in the province that were retained by the trial judge. Given that the available evidence is limited and that additional submissions might be necessary, the question of the level of services warranted by this number of students should therefore be remanded to the court of original jurisdiction for reconsideration. The test used to assess the quality of the educational experience provided to official language minorities does not vary with the number of minority language students. Section 23 gives an official language minority the right to instruction that is equivalent in quality to the instruction provided to the majority. Children of s. 23 rights holders must therefore receive an educational experience that is substantively equivalent to the experience provided to the majority, regardless of the size of the school or program in question. The essentials of the approach from Association des parents de l’école Rose‑des‑vents v. British Columbia (Education), 2015 SCC 21, [2015] 2 S.C.R. 139, which allows for a holistic assessment of the quality of the educational experience provided to the official language minority, do not need to be adapted in a situation in which the schools of the official language minority are small, aside from the fact that a reasonable parent must take into account the inherent characteristics of attendance at a small school. Accordingly, where a minority language school is not comparable in size to nearby majority language schools, what must be considered is whether reasonable parents who are aware of the inherent characteristics of small schools would be deterred from sending their children to a school of the official language minority because the educational experience there is meaningfully inferior to the experience at available majority language schools. Even where the number of students falls at the low end of the sliding scale, such that there is a right to instruction alone, the factors listed in Rose‑des‑vents must be taken into account in assessing the quality of the educational experience from a program of instruction; the right to instruction cannot be entirely severed from the overall educational experience. In the case of a heterogeneous school or a program of instruction, the analysis based on the substantive equivalence test serves to determine whether the instruction over which the minority has control and the facilities to which it has access are of sufficient quality. In light of these comments, the approach adopted by the courts below in this case where the number of students was not comparable to the numbers of majority language students must be rejected, because that approach was based on what was called a proportionality test rather than on that of substantive equivalence. The trial judge’s conclusions are therefore varied to reflect the conclusion that all rights holders whose children attend CSF schools or participate in its programs are entitled to an educational experience that is substantively equivalent to the experience at nearby majority language schools. For the schools in the communities of Nelson, Chilliwack and Mission, the quality of the educational experience must be assessed from the perspective of a reasonable parent who is aware of the inherent characteristics of a small school. When the substantive equivalence test and the proper approach are applied for the CSF school in Nelson, the trial judge’s finding that the educational experience of the minority language students is equivalent to the experience provided to the majority language students should be accepted. As for the CSF school in Chilliwack, a balancing of the advantages and disadvantages shows that the quality of the educational experience provided there is meaningfully inferior to that of the experience at the majority’s schools. This means that the children of rights holders in Chilliwack do not receive an educational experience of the quality guaranteed to them by s. 23 of the Charter. In the case of the CSF school in Mission, the situation is concerning, but the evidence that was adduced is insufficient for the purpose of making the holistic assessment required by the test of a reasonable parent who is aware of the inherent characteristics of a small school. The question of the quality of the educational experience and the impact of the Facility Condition Driver on this situation must therefore be remanded to the court of original jurisdiction. The fact that the province compels the CSF to prioritize the capital projects the latter submits, even in response to infringements of s. 23, does not infringe the right of management guaranteed by s. 23 of the Charter. How much time the province has to remedy the infringements of s. 23 will have to be addressed on a case‑by‑case basis, but the infringements must nonetheless be remedied in a timely fashion. Where an infringement of s. 23 is established, a court must take the approach established in R. v. Oakes, 1986 CanLII 46 (SCC), [1986] 1 S.C.R. 103, while applying a particularly stringent justification standard. This very stringent standard is appropriate for three reasons. First, the framers of the Charter imposed positive obligations on the provincial and territorial governments in s. 23, and these obligations must be fulfilled in a timely fashion in order to avoid the likelihood of assimilation and of a loss of rights. Second, s. 23 is not subject to the notwithstanding clause in s. 33 of the Charter, which reflects the importance attached to this right and the intention of the framers that intrusions on it be strictly circumscribed. Third, s. 23 has an internal limit, the numbers warrant requirement, according to which the exercise of the right for which the section provides will be warranted if there are a sufficient number of students. In adopting this limit, the framers sought to take account of practical considerations, including cost and pedagogical needs, related to the number of students who might benefit from the right in question. Where the government concerned advances a financial argument to justify an infringement of s. 23, the s. 1 analysis will then in some respects duplicate the numbers warrant analysis that has already been completed. For an infringement of s. 23 to be justified under s. 1, it must not therefore be supported by considerations that have already been taken into account at the numbers warrant stage. At the second stage of the approach established in Oakes — proportionality between the effects of the measure that is responsible for limiting the right and the objective that has been identified as important —, it is necessary to take assimilation fully into account as a deleterious effect when the right under s. 23 is infringed. The purpose of s. 23 is not only to ensure the sustainability of the country’s linguistic communities, but also to make it possible for those communities to develop in their own language and culture in the present. In this sense, even though the evidence shows that s. 23 has not been able to counter or slow the process of assimilation, the fact remains that citizens from official language minority communities still have a right to achieve fulfillment in their own language in everyday life. In addition, a court must bear in mind that s. 23 has an individual dimension and that minority language schools have a definite impact on the likelihood of assimilation of French speakers who attend them. Finally, cost savings linked to an infringement of s. 23 cannot be considered a relevant factor in the balancing of the salutary and deleterious effects of the infringing measure. In the case at bar, the courts below erred in ruling that the fair and rational allocation of limited public funds is a pressing and substantial objective that can justify infringements of s. 23 in accordance with the Oakes test. The fair and rational allocation of limited public funds represents the daily business of government. The mission of a government is to manage a limited budget in order to address needs that are, for their part, unlimited. There is accordingly no pressing and substantial objective here that can justify an infringement of rights and freedoms in this case. The justification for the infringements therefore fails at the first stage of the analysis. Without a valid objective, the province cannot justify the infringements of s. 23. As a result, the infringement of s. 23 found by the trial judge on the basis that the CSF had been denied $1.1 million by not having benefited from the Annual Facilities Grant Rural Factor is not justified, and the CSF is entitled to damages in that amount. The limited government immunity from damages awards does not apply to decisions made in accordance with government policies that are found to be contrary to s. 23. Although damages can be awarded against a government where they are an appropriate and just remedy in the circumstances, it may avoid such an award by raising concerns for effective governance, including where a law has been declared to be invalid after the act that caused the infringement. However, the government does not have immunity in relation to government policies that infringe fundamental rights. The possibility of damages being awarded in respect of Charter‑infringing government policies in this context is unlikely to have a chilling effect on government actions and thereby undermine their effectiveness; on the contrary, it helps ensure that government actions are respectful of fundamental rights. While it is appropriate to give the government immunity in respect of a well‑defined instrument such as a law, the same is not true in respect of undefined instruments with unclear limits, such as government policies. In the case at bar, because the freeze on school transportation funding was a government policy, the trial judge’s order awarding damages for the inadequate funding of school transportation should be restored. |
Bureau de la sécurité privée c Tribunal administratif du Québec, 2020 QCCS 571
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La partie importante de la décision traite de l'interprétation des dispositions divergeantes dans une loi bilingue, plus précisément sur l'équivalence des expressions convicted et déclarée coupable. | The important part of the decision deals with the interpretation of divergent provisions in a bilingual statute, more specifically on the equivalence of the expressions convicted and déclarée coupable. |
[15] La cour est d’avis que le TAQ n’a pas commis d’erreur déraisonnable dans l’application du test déterminé par la Cour suprême du Canada dans Daoust[2] pour l’interprétation des dispositions divergentes dans une loi bilingue.
[16] Dans le contexte, il s’agissait de savoir si le terme anglais convicted équivaut à l’expression française déclarée coupable; le TAQ a opiné que le terme convicted utilisé dans la version anglaise de la disposition concernée inclut nécessairement la condamnation et la sentence, alors que ce n’est pas le cas pour l’expression dans le texte français déclaré coupable.
[17] La distinction est déterminante : Monsieur Aurélien a bénéficié d’une absolution conditionnelle en sorte que s’il a été déclaré coupable, il n’a pas été condamné; le demandeur ne pouvait donc pas lui retiré son permis en vertu de l’article 29 (1) 30 de la Loi sur la sécurité privée.
[18] Dans sa contestation de la décision du TAQ, le demandeur se base principalement sur un arrêt de la Cour suprême du Canada dans Ville de Montréal c. Ville de Québec[3] et plus particulièrement sur un passage dans l’opinion dissidente de la juge Charron.
[19] L’honorable Charron, procédant à interpréter l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui contient aussi le terme anglais convicted dans la version anglaise et déclaré coupable dans la version française, décide en fonction de la règle d’interprétation basée sur l’intention du législateur de retenir le texte dans la version française.
[20] Le demandeur poursuit en invoquant l’arrêt Belval c. Bureau de la sécurité privée[4] qui discute des deux dispositions, 29 (1) 30 de la Loi sur la sécurité privée, celle ici en cause et l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés, celle analysée par la Cour suprême du Canada dans Ville de Montréal; la Cour d’appel écrit qu’il faut tenir compte de la nécessité de cohérence des lois.
[21] Le demandeur a aussi cité deux exemples dans des lois provinciales et même dans le Code criminel où le mot anglais convicted est utilisé comme pendant de déclaré coupable dans la version française; il cite aussi deux jugements de la Cour suprême du Canada qui font la même chose.
[22] Ainsi, pour le demandeur, le TAQ ne pouvait se rendre jusqu’à la deuxième étape du test dans Daoust sous prétexte qu’il n’y avait pas d’ambigüité en sorte que c’est l’interprétation par l’intention du législateur qui aurait dû être utilisée et non pas l’interprétation par la portée la plus restreinte qui ne s’applique que lorsqu’il y a deux textes clairs, en français et en anglais, carrément irréconciliables.
[23] Cependant, la cour constate que dans Belval, l’analyse par la Cour d’appel a été fait sous un angle différent : la question était de savoir si l’article 29 (1) 30 de la Loi sur la sécurité privée était inopérant parce que moins généreux que l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés quant au lien entre l’emploi – ou le permis – et l’infraction; elle (l’analyse) n’a d’ailleurs pas porté sur le terme convicted ou l’expression déclaré coupable; ainsi ce jugement ne peut pas en réalité appuyer le point de vue du demandeur.
[24] D’autre part, comme l’a fait remarquer le procureur du mis en cause, dans l’affaire Ville de Montréal, la Cour suprême s’interrogeait sur la portée de l’article 18.2 de la Charte de droits et liberté de la personne; or, l’interprétation plus restreinte par le texte anglais aurait fait en sorte que la personne déclarée coupable mais bénéficiant d’une absolution inconditionnelle ou conditionnelle aurait reçu moins de protection par la charte que la personne condamnée.
[25] Par ailleurs, le procureur du mis en cause fait également remarquer au tribunal que dans une autre disposition dans la loi ici applicable, la Loi sur la sécurité privée, l’article 29 (1) 30, c’est l’expression found guilty dans la version anglaise qui est utilisée à titre de pendant à (l’expression) déclarécoupable.
[26] Pour le tribunal, d’accord avec le procureur du mis en cause, si le législateur a utilisé deux termes ou expressions différentes dans le même texte de loi, le décideur peut et doit en tenir compte dans son interprétation.
[27] Finalement, un jugement de cette cour dans R. c. Reyes[5] que le procureur du mis en cause a déposé utilise lui aussi le test dans Daoust pour conclure que c’est le terme anglais qui doit être appliqué; ainsi, l’erreur soi-disant déraisonnable du TAQ aurait aussi été commise par notre collègue Guy Cournoyer pourtant fort réputé en droit criminel.
[28] Je doute fort que le collègue ait commis une erreur mais je suis convaincu qu’il n’a pas commis d’erreur déraisonnable; ça dispose de ce moyen du demandeur.
R c Charron, 2020 QCCA 1599
[98] Pour répondre à cette question, il fait longuement état des propos du juge Bastarache dans l’arrêt R. c. Beaulac[84] de la Cour suprême, une décision de référence en matière de droits linguistiques[85]. S’appuyant sur certains passages de la jurisprudence pertinente, il mentionne que « le droit linguistique de l’accusé repose sur un fondement distinct du droit à l’équité du procès, du droit à une défense pleine et entière et de la compréhension linguistique de la preuve par le juge des faits »[86]. Il reconnaît le caractère exceptionnel de l’ordonnance de la tenue d’un procès devant un jury bilingue[87]. Par ailleurs, il affirme que la rédaction générale du paragraphe 530(5) C.cr. « ne semble pas exclure une demande de la poursuite pour modifier l’ordonnance originale »[88].
[99] Le juge passe ensuite à l’évaluation des circonstances de l’affaire. Au terme de son analyse, il affirme que les circonstances justifient que le procès se déroule devant un jury bilingue. Il accueille la requête de la poursuite tout en fixant certaines conditions[89] :
[34] Dans la présente affaire, la poursuite entend présenter plus de 2660 conversations et 826 messages textes dont la majorité est en anglais. La durée anticipée de cette écoute sera d’environ 135 heures, ce qui se traduira par plus de 6 semaines de procès.
[35] Pour les motifs formulés par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Sarrazin et adoptés par la Cour d’appel dans l’arrêt Gagnon, les circonstances exigent certainement la tenue du procès devant un jury bilingue en raison de la production volumineuse de l’écoute électronique et des messages textes en langue anglaise.
[36] Toutefois, tel que le reconnait (sic) la poursuite, il convient de rendre une ordonnance selon le paragraphe 530.2(1) qui prévoit que l’accusé, le tribunal et la poursuite utiliseront le français durant le procès. Ainsi l’exposé d’ouverture et la plaidoirie finale de la poursuite seront en français tout comme les directives finales au jury.
[37] La poursuite verra à fournir à l’accusé une traduction officielle de l’écoute électronique et des messages textes qui seront produits en preuve.
[Soulignements ajoutés]
[100] L’appelant soutient que les circonstances invoquées au sujet de la demande du ministère public en vertu de l’article 530(5) C.cr. étaient insuffisantes pour justifier la tenue d’un procès bilingue. De l’avis de l’appelant, la décision du juge s’appuie sur un constat factuel erroné. Au paragraphe 34 de ses motifs, le juge a retenu, à tort, que le ministère public prévoyait déposer 2 660 conversations et 826 SMS. Or, le matin de l’audition, le ministère public a clairement amendé sa procédure pour y indiquer que seules 94 communications seraient mises en preuve, dont 7 impliquaient l’appelant. Selon l’appelant, cette circonstance ne justifiait pas de modifier l’ordonnance initialement émise et d’ordonner la tenue d’un procès bilingue.
Analyse
[101] Dans Beaulac, la Cour suprême décrit la portée et l’objectif du droit prévu à l’article 530 C.cr.[90] :
Le paragraphe 530(1) donne à l'accusé le droit absolu à l'accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle qu'il estime être la sienne. Les tribunaux saisis d'affaires criminelles sont donc tenus d'être institutionnellement bilingues afin d'assurer l'emploi égal des deux langues officielles du Canada. À mon avis, il s'agit d'un droit substantiel et non d'un droit procédural auquel on peut déroger.
[Soulignements ajoutés]
[102] Ce droit est distinct de l’équité du procès[91]. Il vise à protéger les droits linguistiques des minorités d’une langue officielle du Canada et à assurer l’égalité du statut du français et de l’anglais devant les tribunaux[92].
[103] En d’autres termes, l’imposition d’un procès bilingue n’atténue pas en soi le droit absolu de l’accusé de voir ses droits fondamentaux en matière linguistique respectés[93]. Les droits prévus aux articles 530 et 530.1 C.cr. devront être respectés « dans la mesure du possible »[94].
[104] Dans Gagnon, la Cour dit ceci :
[… ] un procès bilingue est celui qui respecte, « dans la mesure du possible, le droit de l'accusé de subir son procès dans la langue officielle qui est la sienne ». Un procès de cette nature doit garantir à l'accusé et à son avocat la possibilité de communiquer avec le juge et la poursuite dans la langue officielle de son choix, et ce, tant oralement que par écrit.
[36] Il doit aussi recevoir l'assurance que les jurés chargés de décider du verdict comprennent de manière adéquate, sans le filtre d'un interprète, le sens précis des débats tenus en salle de cour, et ce, peu importe la langue officielle employée par les acteurs concernés.[95]
[Soulignement ajouté]
[105] En l’espèce, est-ce que « les circonstances […] justifient » un procès bilingue? Je crois qu’aucune erreur révisable n’est commise par le juge dans l’exercice de sa discrétion à cet égard.
[106] Au moment de débattre de la requête, l’intimée entendait mettre en preuve 2 660 sessions audio et 826 SMS. Elle l’a d’ailleurs clairement mentionné dans sa requête. Lors de l’audition du 15 novembre 2017, l’avocate de l’intimée a modifié sa requête oralement afin de préciser que 94 sessions audio serviraient à prouver les infractions substantielles de complot et d’importation et que, sur ces 94 conversations, 91 étaient en langue anglaise. Les 2 566 sessions restantes demeuraient pertinentes afin d’établir l’identité des utilisateurs de téléphones cellulaires et l’identification de leur voix, puisque la défense n’avait formulé aucune admission à cet égard au moment de la présentation de la requête. Cette dernière allégation n’a jamais formellement été rayée de la requête écrite.
[107] Il était raisonnable d’affirmer que la preuve d’écoute électronique était de taille et qu’elle justifiait d’ordonner la tenue d’un procès bilingue. Cette conclusion s’accorde avec la jurisprudence de la Cour en la matière. Dans Gagnon, la Cour a confirmé deux ordonnances de procès bilingues qui avaient été imposées en raison notamment d’une preuve d’écoute électronique volumineuse[96].
[108] En présence d’une telle preuve d’écoute électronique volumineuse de langue anglaise, la capacité du jury de comprendre la preuve sans le filtre de l’interprète est importante[97].
[109] En l’espèce, l’ordonnance de procès bilingue pouvait s’appuyer sur ce seul facteur. Il revenait alors au juge de s’assurer du respect des droits linguistiques de l’accusé « dans la mesure du possible »[98]. Pour ce faire, le juge a rendu une ordonnance suivant l’article 530(2) C.cr., voulant que l’accusé, le tribunal et la poursuite utiliseraient le français durant le procès. Il a également ordonné à la poursuite de fournir à l’appelant une traduction officielle de l’écoute électronique et des messages textes qui allaient être mis en preuve[99]. Ultimement, l’appelant a bénéficié de tous les droits rattachés à une ordonnance de procès unilingue français. Dans les faits, le procès s’est déroulé entièrement en français : les parties et le tribunal ont utilisé le français pour communiquer tout au long des procédures, les témoignages en langue anglaise ont fait l’objet d’une interprétation simultanée vers le français[100] et la traduction officielle de la preuve d’écoute électronique a eu lieu. Partant, le droit absolu de l’appelant à l'accès égal aux tribunaux dans sa langue officielle a été respecté. Il n’y a pas matière à intervention par la Cour.
Verge c Nouveau-Brunswick, 2020 NBBR 224
[7.] Égalité Santé en français soutient qu’elle est reconnue comme chef de file en matière de droits constitutionnels et statutaires de la communauté linguistique française du Nouveau-Brunswick relativement à la santé. Égalité Santé en français soumet avoir obtenu et continuer d’obtenir l’appui de plusieurs associations de la communauté linguistique française du Nouveau-Brunswick, dont la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), l’Association des enseignants et enseignantes francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), le Syndicat de la fonction publique du Nouveau-Brunswick (SCFP-NB), le Conseil des médecins et dentistes du Centre hospitalier universitaire Dr.-Georges-L.-Dumont, la Fédération des étudiantes et étudiants du Campus universitaire de Moncton (FÉÉCUM) et la Fédération des conseils d’éducation du Nouveau-Brunswick (FCÉNB). Les requérants, Égalité santé en français et Jacques Verge, font également valoir que dans l’arrêt Downtown Eastside (Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45), la Cour suprême du Canada a assoupli les critères relatifs à la reconnaissance de la qualité pour agir de requérants demandant l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour. | [7.] Égalité santé en français submits that it is recognized as a leader with regard to the constitutional and statutory rights of the French linguistic community of New Brunswick in matters of health. Égalité santé en français submits that it has had and continues to have the support of several associations of the French linguistic community of New Brunswick, including the Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), the Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), the Canadian Union of Public Employees of New Brunswick (CUPE-NB), the Conseil des médecins et dentistes du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont, the Fédération des étudiantes et étudiants du Campus universitaire de Moncton (FÉÉCUM) and the Fédération des conseils d’éducation du Nouveau-Brunswick (FCENB). The applicants, Égalité santé en français and Jacques Verge, argue as well that in Downtown Eastside, that is, Canada (Attorney General) v. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 SCC 45, the Supreme Court of Canada relaxed the criteria for granting the standing to sue to applicants asking the Court to exercise its discretion. |
[14.] Les requérants maintiennent que le seuil à atteindre pour établir l’existence d’une question constitutionnelle sérieuse est, à cette étape, relativement bas. En ce qui concerne la détermination d’une qualité pour agir, les requérants suggèrent qu’à ce stade de l’analyse, ils ne sont pas tenus de démontrer leurs chances de succès sur le fond. Il est suffisant de démontrer que les questions ou l’objet du litige ne sont ni frivoles ni vexatoires. Les requérants s’appuient avec raison sur la décision RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1995 CanLII 64 (CSC), [1995] 3 R.C.S. 199. [15.] Dans leur mémoire, les requérants précisent les questions en litige au paragraphe 16 :
[16.] Les requérants expliquent que les cours de Nouveau-Brunswick, à ce jour, ne se sont pas penchées sur la question à savoir si les institutions visées par l’article 16.1 de la Charte canadienne des droits et libertés incluent les institutions de soins de santé. Selon les requérants, il s’agit d’une question sérieuse à soumettre à la Cour car elle est déterminative pour l’organisation du système de soins de santé au Nouveau-Brunswick, comme elle est déterminative des droits de la communauté linguistique française sur ses institutions de soins de santé. [17.] Les requérants acceptent la position de l’intimée selon laquelle la Constitution, et en particulier les articles 92(7) et 92(16) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3, confèrent à la Province du Nouveau-Brunswick le pouvoir exclusif et constitutionnel d’adopter, par l’entremise de la Législature, toute politique ou directive en matière de santé. Ces limites constitutionnelles ne sont pas contestées. Les requérants argumentent par contre qu’il est nécessaire de déterminer la portée de ce droit selon l’article 16.1 de la Charte dans le contexte des institutions de soins de santé, ceci afin de baliser les droits et les obligations des acteurs du système de soins de santé au Nouveau-Brunswick. [18.] En l’espèce, je n’accepte pas la position de l’intimée selon laquelle les requérants n’ont pas soumis à la Cour une question justiciable importante. Les questions soulevées, sans devoir effectuer d’analyse profonde sur leurs mérites, sont des questions sérieuses à juger. Il ne s’agit pas, ici, de déterminer si les requérant auront gain de cause ou non au terme de leur poursuite. Les questions posées par les requérants ne sont ni vexatoires ni frivoles. J’accepte les arguments des requérants comme répondant au premier critère reconnu par la Cour suprême dans Downtown Eastside et visant à déterminer leur qualité pour agir. |
[14.] The applicants hold that the threshold to establish the existence of a serious constitutional issue, at this stage, is relatively low. With regard to determining the standing to sue, the applicants suggest that at this stage of analysis, they are not required to demonstrate their likelihood of success on the merits. It is enough to demonstrate that the issues or matter in dispute are not frivolous or vexatious. The applicants rightfully cite in support RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney General), 1995 CanLII 64 (SCC), [1995] 3 S.C.R. 199. [15.] In their brief, the applicants clarify the issues as follows, at para. 16: [TRANSLATION]
[16.] The applicants explain that New Brunswick courts, so far, have not examined the issue of whether or not the institutions that come under s. 16.1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms include health care institutions. According to the applicants, this is a serious issue to submit to the Court, because it is crucial for the organization of the New Brunswick health care system and it is crucial as well for the rights of the French linguistic community over its health care institutions. [17.] The applicants accept the position of the respondent that the Constitution, in particular ss. 92(7) and 92(16) of the Constitution Act, 1867, 30 & 31 Victoria, c. 3, grant to the Province of New Brunswick the exclusive and constitutional power to adopt, through the Legislature, any policy or guideline with regard to health. These constitutional boundaries are not challenged. However, the applicants argue that it is necessary to determine the extent of this right under s. 16.1 of the Charter in the context of health care institutions, in order to delineate the rights and obligations of the stakeholders of the New Brunswick health care system. [18.] In this case, I do not accept the respondent’s position that the applicants did not submit a serious justiciable issue to the Court. The issues raised, without having to undertake a deep analysis of their merits, are serious issues to be tried. The issue here is not to determine whether or not the applicants will be successful at the end of their lawsuit. The issues raised by the applicants are not vexatious or frivolous. I accept the arguments of the applicants as meeting the first criterion recognized by the Supreme Court in Downtown Eastside in order to determine their standing to sue. |
Amrane v Abraham, 2020 ONSC 6718
[14] While unilingual receptionists allegedly made accessing a municipal service more difficult for the plaintiff, there is no allegation that he was unable to access municipal services in French. I note that, in his motion record, he included correspondence to and from the plaintiff in French. And see Canadians for Language Fairness v Ottawa (City), MPLR (4th) 163 (ONSC) at paras 121, 13.
[15] The bilingual service guarantees in the Charter apply to federal institutions and some provincial institutions. They do not apply to municipal institutions.
[16] The French Language Services Act (FLSA), RSO 1990, c. F. 32, does not apply to the City of Toronto. The definition of “government agency” in s.1 of the Act specifically excludes municipalities. Section 14(1) allows municipalities to pass by-laws providing that all or specified municipal services be offered in French. Toronto has not passed any such by-laws. Therefore, the FLSA does not apply to Toronto. Further, even if it did apply to Toronto, which it does not, the Act does not provide for damages, such as are sought by the plaintiff in an unspecified amount.
[17] Failing to provide customer service in the language of the plaintiff’s choice in a municipal setting cannot be a Charter breach under ss.2(b), 7, 15( 1) , nor under ss.16(3), 20, 27 or 36(1). And see: Weisdorf v Toronto, 2020 ONCA 401; Lalonde, supra at 96.
[18] Further, pursuant to the City of Toronto Act, 2006, c. 11, Sched A, s.391 and the Ontario Works Act, 1997, S.O. 1997, Sched A, s.77, the action is barred. Section 391 of the City of Toronto Act provides as follows:
No proceeding for damages or other relief shall be commenced against a member of City Council, an officer, employee or agent of the City or a person acting under the instructions of the officer, employee or agent for any act done in good faith in the performance or intended performance of a duty or authority under this Act or a by- law passed under it or for any alleged neglect or default in the performance in good faith of the duty or authority.
No action or other proceeding in damages shall be instituted against the Ministry, the Director, delivery agent, an officer or employee of any of them or anyone acting under their authority for any act done in good faith in the execution or intended execution of a duty or authority under this Act or for alleged neglect or default in the execution in good faith of any duty or authority under this Act.
[22] The Official Languages Act (“OLA”), RSC, 1985, c. 31 (4th Suppl.) at ss.3(1), 21, 76, 77, also referenced by the plaintiff, is a federal statute which applies to federal institutions. It does not apply to municipal staff or employees such as Ms. Abraham. The OLA requires that any complaints under that Act be directed to the Commissioner of Official Languages for Canada, prior to applying to the Federal Court for any remedy. The statement of claim does not allege that this was done by the plaintiff.
R c Jean, 2020 QCCA 1455
II L’atteinte aux droits linguistiques de l’appelant
[37] L’appelant soutient essentiellement que « son droit à avoir un procès dans sa langue maternelle et son droit à l’interprète ont été violés, par la soumission en preuve devant jury ou dans le cadre de requêtes préliminaires, des documents en anglais sans qu’ils soient traduits ou valablement interprétés ». Les documents auxquels réfère l’appelant sont les suivants :
- Une déclaration rédigée exclusivement ou partiellement en anglais qui a été déclarée admissible;
- La pièce RC-2 partiellement rédigée en anglais et visant à établir des démarches faites pour retracer M. Ainnan Ahmed Farhan : ces documents ont été utilisés à l’occasion de requêtes débattues préalablement au procès;
- La pièce P-24 représentant six pages de documents personnels au nom de Jean Gardy Mentor;
- Certaines portions de la pièce P-27, représentant le curriculum vitae de la biologiste judiciaire Martine Lapointe;
- La pièce P-35 représentant l’application pour un passeport par M. Farnhan;
- La pièce P-37 représentant un document d’extradition caviardé visant l’appelant.
[38] Le procès de l’appelant s’est tenu en français, selon son choix, et il a pu bénéficier des services d’une interprète français-créole pendant toutes les procédures.
[39] Tout en reconnaissant qu’il n’existe aucune exigence légale de traduire par écrit un document rédigé dans l’une des deux langues officielles du Canada, lorsque sa version originale ne correspond pas à la langue du procès, l’appelant veut s’autoriser des articles 530 (1) C.cr. et de l’article 14 de la Charte canadienne des droits et libertés pour soutenir que son droit au service d’un interprète a été violé et que la réparation que justifie l’article 24(1) de la Charte est une ordonnance de nouveau procès.
[40] La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Tran[34], enseigne que l’absence de traduction de preuve documentaire ne contrevient pas nécessairement à l’objectif voulant que la personne accusée d'une infraction criminelle entende la preuve qui pèse contre elle et ait pleinement l'occasion d'y répondre lorsque la description de cette preuve documentaire est interprétée oralement dans la langue de l’accusé.
[41] La compréhension linguistique constitue le principe directeur permettant d’évaluer l’existence d’une violation à l’article 14 de la Charte et de concevoir une réparation proportionnelle et appropriée[35]. Il incombe par conséquent à l’accusé de démontrer le besoin et le niveau d’assistance requis selon une norme de prépondérance[36]. Le fardeau de démonstration est peu élevé, « à moins que la question de l’interprétation ne soit soulevée pour la première fois en appel ou qu’il y ait un doute quant à savoir si le droit est invoqué de mauvaise foi »[37].
[42] Le droit de subir son procès dans la langue officielle de son choix est un droit substantiel dont l’atteinte engendre un tort important auquel il ne peut être remédié en appel par l’application de l’alinéa 686(1)(b) C.cr.[38]. La violation des droits linguistiques d’un accusé est susceptible de miner l’intégrité judiciaire et de provoquer la perte de compétence du tribunal de première instance[39].
[43] La présence d’indices tendant à démontrer des difficultés de compréhension pouvant être positivement identifiées peut justifier l’ordonnance d’un nouveau procès. En l’absence de tels indices, « les tribunaux ne sont pas tenus d’examiner systématiquement la capacité de tout accusé de comprendre la langue des procédures »[40]. À cet égard, l’avocat de la défense est le mieux placé pour aviser la cour du besoin de l’assistance d’un interprète[41].
[44] Lorsqu’une atteinte aux droits linguistiques d’un accusé est soulevée pour la première fois en appel, l’appelant a le fardeau de démontrer une violation selon une norme de prépondérance[42]. Le défaut de soulever la question de l’atteinte en première instance, alors que l’accusé était représenté, est un facteur défavorable à l’appelant[43], particulièrement en l’absence d’indice laissant entrevoir une difficulté de compréhension ou un quelconque préjudice, et lorsque les avocats et le juge de première instance ont autrement démontré un souci d’assurer à l’appelant la promotion de ses droits linguistiques[44]. Le juge en chef Lamer s’exprimait ainsi dans l’arrêt Tran :
[…] Lorsqu'aucun indice extérieur ne laisse entrevoir une incompréhension de la part de l'accusé et que celui‑ci ou son avocat (dans le cas où il est représenté) n'a pas invoqué le droit en question, cela peut jouer contre l'accusé si ce dernier, après avoir gardé le silence pendant tout le procès, soulève la question de l'interprétation pour la première fois en appel.[45]
[45] Le respect des droits linguistiques d’un accusé n’impose pas l’obligation d’une traduction systématique de tous les documents déposés, en tout ou en partie, dans une langue officielle autre que celle choisie par l’accusé. C’est à l’accusé qu’il incombe de démontrer que la traduction est nécessaire pour préserver l’équité du procès ou son droit à une défense pleine et entière. Aucune telle demande n’a été formulée en l’espèce, ce qui peut laisser entendre que la défense était satisfaite du déroulement du procès.
[46] La plupart des faits pertinents contenus dans les documents invoqués ont été admis en défense, notamment l’expertise de la biologiste judiciaire. La pièce P-24 constitue une copie de documents personnels trouvés en la possession de M. Jean au moment de son arrestation et qui représente de toute évidence des pièces d’identité et autres documents utilisés alors que celui-ci vivait aux États-Unis.
[47] La déclaration de M. Farnhan, résumée en français par le procureur du ministère public à l’occasion de la présentation de ses requêtes, ainsi que le rapport d’enquête contenant des entrées en anglais qui ont été résumées en français par le ministère public et expliquées en français par le sergent-détective Paradisio, ne pouvaient causer aucun préjudice à l’accusé relativement à l’équité du procès puisque, bien qu’ayant été déclarée admissible, elle n’a jamais été mise en preuve au procès. La façon dont le procès s’est déroulé établit aussi que les avocats et le juge étaient conscients des droits linguistiques de M. Jean et se sont assurés de la compréhension de la preuve par les membres du jury.
[48] À titre d’illustration, les avocats de la défense ont soulevé le fait que la déclaration vidéo de Mme Cadet contenait des termes en créole qui n’ont pas été interprétés ou traduits. Le juge et le procureur du ministère public ont démontré une ouverture irréprochable envers les craintes exprimées par la défense et ont réécouté l’enregistrement, puis rediscuté de la question, pour ultimement convenir avec la défense qu’aucune mesure n’était nécessaire puisque les quelques termes en créole ne faisaient pas obstacle à la compréhension de la déclaration par une personne francophone[46].
[49] De plus, ni M. Jean lui-même, ni ses avocats, ni les jurés, ni l’interprète, ni les témoins n’ont exposé quelques problèmes relativement à la compréhension des documents rédigés en anglais, ou à leur description en français par les témoins et les procureurs du ministère public. Dans la mesure où le contenu de ces documents était écrit en anglais, sans objection, et en l’absence d’indice positif relatif à des difficultés de compréhension, le juge n’avait pas l’obligation de procéder à une vérification des capacités linguistiques des jurés.
[50] Il y a donc lieu de conclure que l’appelant ne nous convainc pas que ses droits linguistiques ont été, de quelque façon, affectés à l’occasion de son procès.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[51] REJETTE l’appel.
Québec (PG) c Quebec English School Board Association, 2020 QCCA 1171
[14] Le litige dont nous sommes saisis portant essentiellement sur l’interprétation et l’application de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte canadienne »), il convient d’en rappeler les principes généraux.
[15] Selon cet article, au Québec (a) les citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en anglais au Canada ont le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue : par. 23(1)b) de la Charte canadienne; et (b) les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue : par. 23(2) de la Charte canadienne.
[16] Ces droits sont encadrés par le par. 23(3) de la Charte canadienne :
23. (3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province : a) s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l’instruction dans la langue de la minorité; b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics. [Soulignement ajouté] |
23. (3) The right of citizens of Canada under subsections (1) and (2) to have their children receive primary and secondary school instruction in the language of the English or French linguistic minority population of a province (a) applies wherever in the province the number of children of citizens who have such a right is sufficient to warrant the provision to them out of public funds of minority language instruction; and (b) includes, where the number of those children so warrants, the right to have them receive that instruction in minority language educational facilities provided out of public funds. [Emphasis added] |
[17] L’article 23 de la Charte canadienne est l’une des composantes de la protection constitutionnelle des langues officielles au Canada. Il revêt une importance toute particulière en raison du rôle primordial que joue l’instruction publique dans le maintien et le développement de la vitalité linguistique et culturelle des minorités linguistiques officielles de chacune des provinces canadiennes, soit la minorité anglophone au Québec et les minorités francophones dans le reste du pays : Mahe c. Alberta, 1990 CanLII 133 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 342, p. 350 (« Mahe ») (voir aussi Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation, 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, par. 26 (« Doucet-Boudreau »)).
[18] Il s’agit d’un nouveau genre de garantie juridique, très différente de celles avec lesquelles les tribunaux traitent habituellement, qui a un objet réparateur et qui permet des réparations judiciaires particulières, comme le signalait le juge en chef Dickson, écrivant pour une Cour suprême unanime dans Mahe, p. 365 (voir aussi Doucet-Boudreau, par. 27, et Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, par. 3 et 15-16 (« Conseil scolaire francophone de C.-B. »)) :
Cette disposition énonce un nouveau genre de garantie juridique, très différente de celles dont les tribunaux ont traditionnellement traité. Tant son origine que la forme qu'il revêt témoignent du caractère inhabituel de l'art. 23. En effet, l'art. 23 confère à un groupe un droit qui impose au gouvernement des obligations positives de changer ou de créer d'importantes structures institutionnelles. S'il y a lieu d'être prudent dans l'interprétation d'un tel article, cela ne veut pas dire que les tribunaux ne devraient pas "insuffler la vie" à l'objet exprimé ou devraient se garder d'accorder les réparations, nouvelles peut‑être, nécessaires à la réalisation de cet objet.
[19] L’article 23 impose d’ailleurs aux gouvernements l’obligation absolue de mobiliser des ressources et d’édicter des lois pour l’établissement de structures institutionnelles capitales pour la minorité linguistique de la province, ce qui donne à l’exercice des droits énoncés une dimension collective particulière: Mahe, p. 365 et 389, Doucet-Boudreau, par. 28; Conseil scolaire francophone de C.-B., par. 17.
[20] Dans Mahe, la Cour suprême du Canada a reconnu que le par. 23(3) de la Charte canadienne comprend le droit pour la minorité linguistique d’exercer une certaine mesure de gestion et de contrôle des écoles qui dispensent l’enseignement dans leur langue. Cette gestion et ce contrôle « sont vitaux pour assurer l’épanouissement de leur langue et de leur culture » : Mahe, p. 372. Le degré de contrôle et de gestion varie selon les circonstances, mais peut comprendre celui de gérer ces écoles par le biais de conseils ou commissions scolaires (« school boards » selon la version originale anglaise des motifs dans Mahe) lorsque le nombre d’enfants le justifie. Comme le signale le juge en chef Dickson, « [d]ans certaines circonstances, un conseil scolaire [« school board »] francophone indépendant est nécessaire pour atteindre l’objet de l’art. 23 » : Mahe, p. 374. Bien que le juge chef Dickson ait eu à l’esprit la minorité francophone de l’Alberta, ces propos se transposent tout aussi bien à la minorité anglophone du Québec. Cette approche a d’ailleurs été récemment réitérée par le juge en chef Wagner dans l’affaire du Conseil scolaire francophone de C.-B., par. 24 : « Le nombre d’enfants d’ayants droit peut en outre donner droit à la gestion et au contrôle d’un conseil scolaire distinct ».
[21] Mais même lorsque le nombre d’enfants ne justifie pas la mise sur pied de conseils ou commissions scolaires pour la minorité linguistique, dans la plupart des cas où le nombre justifie au moins un établissement scolaire distinct, la « certaine mesure de gestion et de contrôle » des écoles garantie par l’article 23 doit minimalement assurer « un contrôle exclusif sur tous les aspects de l’éducation de la minorité qui concernent les questions d’ordre linguistique et culturel » : Mahe, p. 375-376 (soulignement ajouté), ce qui inclut minimalement un contrôle exclusif sur les dépenses de fonds concernant l’instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, la nomination et la direction des personnes chargées de l’administration de cette instruction et de ces établissements, l’établissement des programmes scolaires, le recrutement et l’affectation du personnel, dont les professeurs, et la conclusion d’accords pour l’enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique, comme le précise d’ailleurs le juge Dickson dans Mahe, p. 377 :
À mon avis, le degré de gestion et de contrôle exigé par l'art. 23 de laCharte peut, selon le nombre d'élèves en cause, justifier l'existence d'un conseil scolaire indépendant [« independant school board »]. Toutefois lorsque les chiffres ne justifient pas ce niveau maximum de gestion et de contrôle, ils peuvent néanmoins être assez élevés pour exiger la représentation de la minorité linguistique au sein d'un conseil scolaire existant. Dans ce dernier cas:
(1) La représentation de la minorité linguistique au sein des conseils locaux ou des autres pouvoirs publics qui administrent l'instruction dans la langue de la minorité ou les établissements où elle est dispensée, devrait être garantie;
(2) Le nombre de représentants de la minorité linguistique au sein du conseil devrait être au moins proportionnel au nombre d'élèves de la minorité linguistique dans le district scolaire, c.‑à‑d. au nombre d'élèves de la minorité linguistique qui relèvent du conseil;
(3) Les représentants de la minorité linguistique devraient avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l'instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, notamment:
a) les dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements;
b) la nomination et la direction des personnes chargées de l'administration de cette instruction et de ces établissements;
c) l'établissement de programmes scolaires;
d) le recrutement et l'affectation du personnel, notamment des professeurs; et
e) la conclusion d'accords pour l'enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique.
[Soulignement ajouté]
[22] De même, « les personnes qui exerceront le pouvoir de gestion et de contrôle décrit précédemment sont des “parents visés par l’art. 23“ ou des personnes désignées par ces parents comme leurs représentants » : Mahe, p. 379.
[23] Certes, ce contrôle exclusif n’exclut pas l’application de la réglementation provinciale visant le contenu et les normes de qualité des programmes scolaires, mais la Cour suprême précise que celle-ci ne doit pas être incompatible « avec les préoccupations linguistiques et culturelles de la minorité » : Mahe, p. 380. Elle résume bien les limites qu’impose l’article 23 au pouvoir discrétionnaire du législateur dans l’arrêt Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, par. 53 :
La province a un intérêt légitime dans le contenu et les normes qualitatives des programmes d’enseignement pour les communautés de langues officielles, et elle peut imposer des programmes dans la mesure où ceux‑ci n’affectent pas de façon négative les préoccupations linguistiques et culturelles légitimes de la minorité. La taille des écoles, les établissements, le transport et les regroupements d’élèves peuvent être réglementés, mais tous ces éléments influent sur la langue et la culture et doivent être réglementés en tenant compte de la situation particulière de la minorité et de l’objet de l’art. 23.
[24] Les droits énoncés à l’article 23 de la Charte canadienne doivent aussi être compris dans le contexte historique propre à la minorité linguistique de chacune des provinces canadiennes : Conseil scolaire francophone de C.-B., par. 17. Il est incontestable que cet article a pour objet de remédier à l’érosion progressive des minorités linguistiques de l’une ou l’autre langue officielle par des mesures réparatrices : Mahe, p. 363-364. Il impose donc aux gouvernements des obligations positives afin d’assurer à la minorité linguistique un contrôle effectif et réel de ses écoles lorsque le nombre le justifie.
[25] Au Québec, la protection des droits scolaires de la minorité anglophone semble, à première vue du moins, liée en partie aux droits antérieurement garantis au Québec par l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 portant sur les écoles confessionnelles. D’ailleurs, l’intimée principale dans cette affaire, la Quebec English School Boards Association, qui regroupe l’ensemble des commissions scolaires anglophones du Québec, fut fondée en 1936 comme la Provincial Association of Protestant School Boards of the Province of Québec et n’a modifié son nom qu’en 1999 avec l’abolition des commissions scolaires confessionnelles au Québec. C’est ainsi, comme le soulignait le juge Dickson dans Mahe, p. 373, que les écoles confessionnelles ont formé les principaux bastions de l’enseignement dans la langue de la minorité :
Historiquement, en l'absence de mesures destinées à assurer à la minorité une représentation et des pouvoirs au sein des conseils d'écoles publiques ou communes, les conseils séparés ou confessionnels ont formé les principaux bastions de l'enseignement dans la langue de la minorité. Ces conseils indépendants constituent pour la minorité des institutions qu'elle peut considérer comme les siennes avec tout ce que cela représente en termes de possibilités de travailler dans sa propre langue, de partager une culture, des intérêts et des points de vue communs, et de jouir de la plus grande mesure possible de représentation et de contrôle. Ces éléments ont une importance considérable lorsqu'il s'agit de fixer des priorités générales et de répondre aux besoins spéciaux de la minorité en matière d'éducation.
[26] Or, lors de l’adoption de la Modification constitutionnelle de 1997 (Québec) (TR/97-141) incorporant le nouvel article 93A à la Loi constitutionnelle de 1867 afin de rendre inapplicables au Québec les garanties constitutionnelles énoncées à l’article 93, le gouvernement fédéral, par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales responsable du dossier, Stéphane Dion, informait le Parlement que cet amendement n’aurait pas de conséquences pour la minorité linguistique anglophone du Québec vu les droits constitutionnels énoncés à l’article 23 de la Charte canadienne, notamment le droit de cette minorité linguistique à des commissions scolaires distinctes qu’elle pourra gérer et contrôler (Chambre des communes, Débats de la Chambre des communes, 36e législature, 1re sess., vol. 135, no 31, 17 novembre 1997, p. 1743 (Hon. S. Dion) :
[Traduction]
À cet égard, je répète que la minorité anglophone du Québec, qui a traditionnellement contrôlé et géré son propre réseau scolaire grâce aux protections accordées aux protestants en vertu de l’article 93, peut appuyer la modification de cet article en toute confiance puisque ses droits sont mieux protégés depuis l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, plus particulièrement de l’article 23 de la Charte des droits et libertés.
Contrairement à l’article 93, l’article 23 de la charte vise spécifiquement à garantir le droit à l’éducation aux minorités linguistiques et les tribunaux ont donné une interprétation progressive et généreuse à cet article. Dans les faits, l’article 23 garantit aux minorités de langue officielle le droit de contrôler et de gérer leurs propres écoles et même leurs propres commissions scolaires. Certains groupes et certains experts l’ont confirmé lors des audiences du comité.
L’établissement de commissions scolaires linguistiques permettra à la communauté anglophone de regrouper sa clientèle scolaire et de tirer le maximum des garanties offertes par l’article 23.
[Soulignement ajouté]
[27] D’ailleurs, l’article 23 n’est pas visé par la clause dérogatoire prévue à l’article 33 de la Charte canadienne, témoignant ainsi de l’importance accordée aux droits qui y sont énoncés et de l’intention d’encadrer de façon stricte les dérogations à ceux-ci : Conseil scolaire francophone de C.-B., par. 148. L’article 23 protège donc les minorités linguistiques officielles, dont la minorité linguistique anglophone du Québec, contre les effets des décisions de la majorité en matière d’éducation en leur permettant de jouir d’un certain contrôle à cet égard. En écartant l’article 23 du champ d’application de la clause dérogatoire, la Charte canadienne évite ainsi que le gouvernement d’une province puisse se soustraire à ses obligations constitutionnelles : Conseil scolaire francophone de C.-B., par. 149.
[28] Cette description de l’état du droit relatif à l’article 23 permet de distinguer facilement le présent dossier de l’affaire Hak. Non seulement celle-ci portait-elle en partie sur l’article 28 de la Charte canadienne, dont l’état du droit est plus incertain et embryonnaire que ne l’est celui portant sur l’article 23de la Charte canadienne, mais, surtout, le législateur avait utilisé la clause dérogatoire de l’article 33 de la Charte canadienne, ce qu’il n’a pas et ne peut pas faire ici, comme nous l’avons vu.
* * *
[29] À ce contexte juridique s’ajoute le contexte démographique, lequel est décrit dans les procédures des intimés à l’appui de leur demande d’injonction interlocutoire. Ainsi, si en 1971, il y avait plus de 250 000 élèves inscrits dans des écoles primaires et secondaires anglophones du Québec tous secteurs confondus, il en demeure moins de 100 000 en 2018-2019, soit une diminution de 62 % (Application for Judicial Review and Declaratory Judgment, Notice of Constitutional Question and Application for Interlocutory Injunction and Provisional Execution of the Injunction Pending Appeal, par. 16‑21).
[30] De même, selon les intimés, si le nombre d’individus au Québec dont la première langue apprise est le français s’est accru de 4,8 millions en 1971 à plus de 6,2 millions en 2016, celui dont la première langue apprise est l’anglais a diminué d’environ 788 000 à 600 000, soit un déclin démographique important, passant de 13 % à 7,5 % de la population totale du Québec.
* * *
[31] Avant de traiter des critères du sursis, il est nécessaire d’étudier attentivement la Loi 40 et ses effets sur les droits de la minorité linguistique du Québec au regard des garanties énoncées à l’article 23 de la Charte canadienne.
[32] Les intimés font valoir que l’objet même de la Loi 40 est d’effectuer un changement de paradigme dans l’organisation et la gouvernance scolaire au Québec. Ce changement passe par l’abolition des commissions scolaires afin de les remplacer par des « centres de services scolaires » dont la mission serait radicalement différente. Comme la nouvelle désignation le laisse entendre, il s’agit, selon eux, de centres de fourniture de services dont l’objet principal est d’assurer que les services scolaires soient dispensés en fonction des règlements et directives ministérielles. Les centres de services scolaires ne joueraient donc plus un rôle déterminant de gouvernance, mais plutôt un rôle d’exécutant.
[33] Au soutien de cette présentation de l’objectif de la Loi, les intimés réfèrent aux propos du ministre de l’Éducation du Québec tenus dans son communiqué lors du dépôt de la Loi 40 et aussi le 6 novembre 2019 lors des consultations parlementaires sur le projet de loi menant à l’adoption de la Loi 40 (jugement de première instance, par. 66):
Mais c'est là où il ne faut pas transposer exactement ce que font les commissaires par rapport à ce que feront les gens sur un conseil d'administration. C'est un changement de paradigme, on inverse la pyramide des pouvoirs, les gens qui siégeront sur les C.A. n'auront pas la même mission, la même charge de travail, et il y aura, justement, une formation pour qu'on comprenne nos rôles, devoirs et responsabilités. Mais, à cet égard-là, je peux comprendre que pour quelqu'un qui regarde le projet de loi et qui pense qu'on va tout simplement demander aux membres du C.A. de faire ce que font les commissaires, mais à rabais, ça pose un problème. Ceci dit, ce n'est pas ça. La mission sera différente. On leur demandera de venir siéger sur un C.A., d'être en quelque sorte le gardien de l'équité, le gardien ... que les décisions sont prises selon les règles, et on ne leur demandera pas de gouverner une instance de gouvernement comme le sont, en ce moment, les commissions scolaires. Et c'est là où il y a un changement de paradigme,et c'est là où ça demande un effort un peu plus grand, mais je comprends cette inquiétude.
[Soulignement ajouté]
[34] Mais, au-delà de cette présentation du ministre, les intimés font surtout valoir que ce changement de paradigme se reflète dans le texte même de la Loi 40. Il est utile de présenter certaines des modifications invoquées par les intimés au soutien de leurs prétentions. Celles-ci portent essentiellement sur deux aspects : la perte de pouvoir des centres de services scolaires au profit d’employés et du ministre et la perte de contrôle de la minorité anglophone sur ses écoles et l’enseignement qui s’y donne.
[35] D’abord, les intimés font valoir que, contrairement aux membres des conseils des commissaires, les membres des conseils d’administration des centres de services scolaires ne seront pas rémunérés : l’article 66 de la Loi 40 remplaçant l’article 175 de la Loi sur l’instruction publique (« LIP »), ce qui est indicatif de leur rôle diminué. Ensuite, les intimés font valoir que le ministre peut annuler toute décision d'une commission scolaire anglophone prise entre le 1er octobre 2019 et le 5 novembre 2020 ayant une incidence sur ses ressources humaines, financières, matérielles ou informationnelles qu'il juge contraire aux intérêts futurs d'un centre de services scolaire: article 329 de la Loi 40.
[36] Le ministre peut dorénavant déterminer, pour l’ensemble des centres de services scolaires ou pour l’un ou certains d’entre eux, des objectifs ou des cibles portant sur l’administration, l’organisation ou le fonctionnement du centre, s’assurant ainsi d’un contrôle effectif important sur les activités des centres : l’article 142 de la Loi 40 ajoutant l’article 459.5.4 à la LIP. Ces pouvoirs s’ajoutent à la panoplie imposante de pouvoirs ministériels déjà prévus à la LIP et qui y furent ajoutés au fil du temps.
[37] Les membres du conseil d’administration d’un centre de services scolaire ne jouent plus aucun rôle politique dans les affaires éducatives et ne peuvent plus s’exprimer comme porte-parole. C’est dorénavant le directeur général, un fonctionnaire, qui agit seul comme « porte-parole officiel » du centre : l’article 93 de la Loi 40 modifiant l’article 201 LIP. On peut présumer que ce rôle de porte-parole officiel s’étend aux observations auprès du ministre quant aux besoins éducatifs de la minorité anglophone desservie par le centre de services scolaire.
[38] Les pouvoirs des centres de services scolaires sur les immeubles et équipements scolaires sont aussi substantiellement réaménagés par rapport aux pouvoirs exercés par les commissions scolaires qu’ils remplacent. Outre le fait qu’ils doivent dorénavant « favoriser le partage de ressources et de services, notamment de nature administrative, entre eux ou avec d’autres organismes publics » (article 105 de la Loi 40 ajoutant l’article 215.2 à la LIP), ils ne peuvent plus acquérir un immeuble sans l’autorisation du ministre (article 117 de la Loi 40 modifiant l’article 272 LIP), ni procéder à des travaux de construction, d’agrandissement, d’aménagement, de transformation, de démolition, de remplacement ou de rénovation de leurs immeubles sans l’autorisation du ministre si ceux-ci excèdent le seuil monétaire qu’il détermine (article 118 de la Loi 40 ajoutant l’article 272.1 à la LIP). La planification des besoins d’espace du centre de services scolaire est aussi dorénavant assujettie à l’approbation du ministre (art 118 de la Loi 40 ajoutant les arts. 272.8 et 272.9 LIP), lequel peut déterminer les normes et modalités applicables à ces prévisions (article 139 de la Loi 40 ajoutant l’article 457.7.1 à la LIP). Le ministre peut aussi ordonner à un centre de services scolaire de donner accès à ses installations à une municipalité (article 142 de la Loi 40 ajoutant l’article 459.5.5 à la LIP).
[39] Outre ces mesures qui atténuent les pouvoirs antérieurs des commissions scolaires, les intimés font valoir que la Loi 40 affecte aussi le contrôle qu’exerce la minorité linguistique anglophone du Québec sur ses écoles, et ce, à deux niveaux : (1) par un nouveau système électoral et (2) par la création d’un comité d’engagement pour la réussite des élèves.
[40] En ce qui concerne le système électoral, la Loi 40 procède à une réforme fondamentale pour les centres de services scolaires francophones, dont la clientèle essentielle représente plus de 92 % de la population du Québec, en ce que les membres de leurs conseils d’administration ne sont plus élus. S’il en va autrement pour les centres de services scolaires anglophones, pour lesquels un nouveau processus électoral est mis en place, les intimés font valoir que les modifications à ce processus atténuent significativement le pouvoir représentatif des conseils d’administration.
[41] Ainsi, la LIP et la Loi sur les élections scolaires d’avant la Loi 40 prévoient que la vaste majorité des commissaires (8 à 18) sont élus pour un mandat de quatre ans par l’ensemble des membres de la minorité linguistique anglophone en fonction d’un nombre de circonscriptions électorales variant selon le nombre total d’électeurs. Ces circonscriptions électorales sont délimitées en considérant, notamment, toute communauté naturelle de façon à assurer la plus grande homogénéité socio-économique possible de chacune des circonscriptions. À ces commissaires élus s’ajoutent trois ou quatre représentants des comités de parents et un maximum de deux commissaires nommés après consultation des groupes les plus représentatifs des milieux sociaux, culturels, des affaires et du travail de la région.
[42] La Loi 40 remplace ce système par un autre qui confère la majorité des postes au conseil d’administration aux parents siégeant au conseil d’établissement d’une école ou d’un centre de formation professionnelle (de 8 à 17 membres), lesquels seront élus dans des circonscriptions électorales. Quant aux représentants de la communauté linguistique minoritaire, qui ne siègent pas au conseil d’établissement (de 4 à 13 membres), ils sont dorénavant élus au sein d’une seule circonscription électorale comprenant le territoire de l’ensemble du centre de services scolaire. Ils doivent aussi remplir certaines conditions additionnelles d’éligibilité prévues par la Loi 40 sur lesquelles nous reviendrons. Finalement, quatre membres du conseil d’administration sont désignés parmi les membres du personnel, soit un enseignant, un membre du personnel professionnel non enseignant, un membre du personnel de soutien et un directeur d’un établissement d’enseignement.
[43] Les représentants de la minorité linguistique que sont les commissions scolaires anglophones s’opposent fermement et unanimement à ce nouveau processus électoral, tant au motif qu’il empêche la minorité linguistique de désigner les représentants qu’elle souhaite, qu’à celui du caractère impraticable du système.
[44] Selon les intimés, la quasi-totalité des membres de la communauté linguistique minoritaire ne seront pas éligibles à la prochaine élection comme candidats pour les sièges réservés pour les membres des conseils d’établissement, soit la majorité des sièges. Selon la preuve produite par les intimés (Pièce P-11), il y avait 267 104 électeurs inscrits sur les listes électorales des commissions scolaires anglophones en 2014, lesquels étaient tous éligibles comme candidats aux postes de commissaire. Puisqu’il n’y aurait tout au plus, selon les estimations des intimés, entre 1 134 et 4 093 membres de conseils d’établissement pour ces centres de services scolaires anglophones, une part importante de l’électorat de la minorité linguistique officielle sera désormais disqualifiée pour ces postes.
[45] Quant aux postes de représentants de la communauté, la Loi 40 exige qu’au moins une personne ait une expertise en matière de gouvernance, d’éthique, de gestion de risques ou de gestion des ressources humaines, qu’une autre personne ait une expertise en matière financière ou comptable ou en gestion des ressources financières ou matérielles, une autre doit être issue du milieu communautaire, municipal, sportif, culturel, de la santé, des services sociaux ou des affaires et une quatrième doit être âgée de 18 à 35 ans. Outre le fait que ces critères sont difficiles à contrôler et susceptibles d’en décourager plus d’un, les intimés font valoir qu’ils disqualifient comme candidats un nombre considérable de membres de la communauté linguistique minoritaire.
[46] Finalement, il n’y a aucune exigence pour que les quatre sièges réservés aux membres du personnel soient alloués à des individus issus de la communauté linguistique minoritaire.
[47] Enfin, les intimés font valoir que l’instauration du comité d’engagement pour la réussite des élèves érode aussi les droits de la communauté linguistique minoritaire énoncés à l’article 23 de la Charte canadienne. Ce comité est prévu par l’article 91 de la Loi 40, lequel ajoute les articles 193.6 à 193.9 à la LIP. Ce nouveau comité est exclusivement composé de membres du personnel du centre de services scolaire, sauf un membre issu du milieu de la recherche en sciences de l’éducation, sans aucune exigence que l’un des membres soit issu de la communauté linguistique minoritaire. Or, c’est ce comité qui élabore et propose le plan d’engagement vers la réussite prévu par l’article 209.1 LIP, lequel énonce notamment les besoins des écoles de la minorité linguistique officielle, les orientations de celles-ci, les objectifs retenus et les cibles visées. Bien que ce plan d’engagement soit sujet à l’approbation du conseil d’administration du centre de services scolaire, il est manifeste, pour les intimés, que l'objectif est de déléguer au personnel les orientations principales des centres de services scolaires plutôt qu’à leur conseil d’administration.
* * *
[48] Le critère de la question sérieuse étant, avec raison, concédé par le PGQ, c’est à celui du préjudice irréparable que s’attaque ce dernier. Il reproche au juge de première instance de ne pas avoir défini le préjudice, sauf pour énoncer, de manière théorique, que la disparition des commissions scolaires constitue, en soi, un préjudice irréparable.
[49] Quelle que soit la formulation empruntée par le juge lorsqu’il examine la question du préjudice, le PGQ donne à ses propos une portée restrictive qu’ils n’ont pas, d’une part, et fait abstraction de son analyse de la Loi 40 lors de l’étude du critère de la question sérieuse, analyse au sein de laquelle se dégage le préjudice qu’il retient, d’autre part.
[50] Le remplacement des commissions scolaires anglophones par des centres de services scolaires s’inscrit dans ce qui paraît, à première vue du moins, constituer (a) un transfert important du pouvoir de gestion et de contrôle du système éducatif de la minorité linguistique anglophone au profit du ministre et des employés des futurs centres de services scolaires, et (b) des restrictions importantes à la candidature d’un segment significatif des ayants droit de l’article 23 de la Charte canadienne aux conseils d’administration des nouveaux centres de services scolaires.
[51] Or, le juge de première instance traite abondamment de ces aspects (aux par. 39‑48 et 62-126) dans son analyse de la question sérieuse, laquelle ne peut être dissociée de l’ensemble de ses propos. C’est donc en tenant compte de l’ensemble des effets de la Loi 40 sur les droits linguistiques de la minorité linguistique officielle du Québec que le juge, s’appuyant sur l’arrêt Whitecourt Roman Catholic Separate School District No. 94 v. Alberta, 1995 ABCA 260 (« Whitecourt ») de la Cour d’appel de l’Alberta, conclut à l’existence d’un préjudice irréparable. Il n’y a là aucune erreur.
[52] L’affaire Whitecourt portait sur le refus d’un juge de première instance de prononcer une injonction interlocutoire afin d’exempter le réseau scolaire confessionnel catholique de l’Alberta – lequel bénéficie de certaines garanties constitutionnelles (voir par. 15 de Whitecourt) – de l’application des dispositions d’une loi provinciale visant à regrouper ces conseils scolaires dans un objectif de rationalisation administrative et financière. Il convient de noter que le regroupement des conseils scolaires en cause n’affectait pas le droit d’élire des représentants auprès du conseil scolaire regroupé. Malgré cela, la Cour d’appel de l’Alberta a unanimement conclu que le regroupement proposé avait des effets suffisants pour satisfaire le critère du préjudice irréparable. Selon la Cour d’appel de l’Alberta, des mesures qui menacent l’autonomie dans la gouvernance d’une institution publique (« self governance »), laquelle dessert une minorité, peuvent constituer un préjudice irréparable lorsque les circonstances s’y prêtent :
[29] In our view, evidence of actual harm is unnecessary where the alleged harm relates to the abolishment of the entity alleging it, and the substitution of another administrative body. Reconstitution of that entity could not fully redress prejudice arising from the period of its non-existence. Harm arising from the effects of changes in policy or philosophy is not fully reversible. Though the policy or philosophy may ultimately be reversed, those adversely affected by it during the interim cannot be wholly compensated. Ratepayers whose elected representatives would be deposed, students who may not be allowed to progress in accordance with their competency, aboriginal students whose special interests may not be adequately represented, and students and parents whose religious philosophy may be compromised, even on a temporary basis, would all suffer harm of the sort which is not compensable.
[…]
[32] In our view, and with great respect, the learned chambers judge misunderstood the law regarding the concept of irreparable harm. He erred in too narrowly restricting that concept to the examples cited by Sopinka, J. and Cory, J. at p. 341 in RJR-MacDonald of cases involving market loss or damage to business reputation, and in concluding that any harm that might arise here would not constitute similar harm. He erred as well by failing to appreciate the nature of the critical harm that may result from the substitution of decision makers. Though it is the nature and not the magnitude of the harm that must be considered, the harm must nonetheless be serious. However, in our view, harm that threatens the essence of self governance is serious.
[soulignement ajouté]
[53] Or, c’est précisément le préjudice irréparable invoqué ici par les commissions scolaires anglophones. La distinction que tente de faire le PGQ, selon laquelle, en l’espèce, les commissions scolaires ne disparaissent pas, mais ne sont que modifiées et ne font que changer de nom, semble, prima facie, tout à la fois formaliste et indûment réductrice. Notons à nouveau que l’article 23 de la Charte canadienne garantit à la minorité linguistique officielle, lorsque le nombre le justifie, « un contrôle exclusif sur tous les aspects de l’éducation de la minorité qui concernent les questions d’ordre linguistique et culturel » (Mahé, p. 376). En l’espèce, la minorité anglophone conserve, certes, une entité distincte, mais les intimés font valoir que, dans les faits, le transfert des pouvoirs vers le ministre et le mode de sélection des membres du conseil d’administration retirent aux bénéficiaires de l’article 23 de la Chartecanadiennele contrôle exclusif, contrevenant ainsi à leurs droits garantis. Certes, ce sera au juge du fond de trancher cette question, mais il demeure qu’il ne s’agit pas ici, comme tente de nous en convaincre le PGQ, d’un simple débat sur la structure, mais bien celui du maintien effectif par la minorité anglophone de son droit de contrôle exclusif garanti par la Constitution.
[54] Les modifications apportées par la Loi 40, telles que présentées par les intimés, suffisent, ensemble, pour permettre au juge de première instance de conclure à ce stade‑ci et à première vue, à un transfert important des pouvoirs de gestion et de contrôle des commissions scolaires anglophones au profit du ministre et des employés des centres de services scolaires. Cette loi semble aussi imposer des restrictions importantes à la candidature de nombreux membres de la communauté linguistique minoritaire aux conseils d’administration de ces centres. Cela permet de conclure qu’il s’agit là de préjudices irréparables touchant à la gouvernance même des commissions scolaires anglophones par la minorité linguistique officielle du Québec. Ajoutons que les tribunaux ont accepté, à plusieurs reprises, que l’atteinte potentielle à l’article 23 de la Charte canadienne puisse constituer un préjudice irréparable, à tout le moins pour les élèves recevant l’éducation pendant l’instance (Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario v. Ontario Federation of School Athletics Associations, 2015 ONCS 5328, et la jurisprudence citée, par. 70).
[55] Le PGQ invoque l’arrêt Hogan c. Newfoundland (Attorney General) (1998), 163 D.L.R. (4th) 672, 1998 CanLII 18115 (NL CA) (« Hogan ») pour avancer la proposition contraire. Le contexte dans lequel cet arrêt a été décidé permet de conclure à sa portée très limitée. Cet arrêt repose d’ailleurs largement sur les faits particuliers de l’affaire. Dans Hogan, des représentants religieux souhaitaient obtenir une injonction interlocutoire afin de retarder la démarche du gouvernement de Terre-Neuve-et Labrador dans la mise en œuvre de la réforme scolaire visant à déconfessionnaliser le réseau scolaire. Cette réforme gouvernementale faisait suite à un référendum tenu le 5 septembre 1995 au cours duquel la population de la province approuvait la recommandation d’une commission royale d’enquête cherchant à réviser l’engagement constitutionnel applicable à la province conférant aux institutions confessionnelles de vastes pouvoirs en matière d’éducation. L’amendement constitutionnel fut adopté par la province, le gouvernement fédéral et finalement approuvé par le Parlement canadien à la fin de 1996.
[56] L’injonction interlocutoire a été refusée principalement parce que le nouveau réseau scolaire avait déjà été mis en place et que les élèves devaient entrer en classe de façon imminente : Hogan, par. 76-79. C’est donc sur le fondement de la prépondérance des inconvénients et du chaos qui en résulterait pour les étudiants si l’injonction interlocutoire était prononcée, que celle-ci a été refusée : Hogan par. 78 et 85. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
[57] Il n’y a donc pas, quant au critère du préjudice irréparable, d’erreur justifiant l’intervention de la Cour.
* * *
[58] Il faut maintenant aborder le critère de la prépondérance des inconvénients. Bien que la Cour ne partage pas nécessairement toute l’analyse du juge de première instance, ce critère favorise également les intimés.
[59] L’intérêt public joue un rôle de premier plan dans l’analyse de la prépondérance des inconvénients lorsqu’il s’agit de suspendre l’application d’une loi. Il ne fait aucun doute que l’intérêt public est présumé se refléter dans la loi contestée et qu’un tribunal se doit d’être très prudent avant d’ordonner le sursis d’une loi sur une base interlocutoire sans bénéficier de l’ensemble de la preuve et du débat de fond. C’est pourquoi, comme nous l’écrivions plus tôt, une telle mesure doit être réservée aux seuls « cas manifestes ». Toutefois, et bien que le gouvernement n’ait pas à prouver l’existence d’un objectif réel et urgent ou d’un mal urgent à éradiquer (Hak, par. 104 et 105), il demeure qu’il « n’a pas le monopole de l’intérêt public » et que celui-ci ne milite pas toujours nécessairement en faveur de l’application d’une loi existante : RJR – MacDonald, p. 343. De même, l’intérêt public n’est pas uniquement celui de l’ensemble de la société, mais s’exprime aussi dans les intérêts particuliers de groupes identifiables : RJR – MacDonald, p. 344; Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard, 2018 QCCA 1063, par. 86. Cela est d’autant plus vrai ici, puisque, comme le juge de première instance le note d’ailleurs, les droits conférés par l’article 23 de la Charte canadienne comportent un important aspect collectif.
[60] En l’espèce, l’intérêt public doit s’évaluer en tenant compte de la portée limitée de la suspension demandée. Il ne s’agit pas de suspendre l’effet de la Loi 40 et de la réforme importante du système éducatif qu’elle comporte (un changement de paradigme selon le ministre responsable) pour l’ensemble de la population du Québec. En effet, même si le sursis prononcé par le juge de première instance demeurait en vigueur, la réforme que la Loi 40 introduit s’appliquera néanmoins à l’ensemble des institutions éducatives publiques francophones desservant plus de 92 % de la population du Québec.
[61] Il ne s’agit donc pas ici d’empêcher le gouvernement de mettre en œuvre les réformes législatives pour lesquelles il a été élu et de priver la population de ses bienfaits, comme le fait valoir le PGQ, mais plutôt de pondérer ponctuellement les effets de cette réforme sur les droits constitutionnels de la minorité linguistique officielle représentant environ 7,5 % de la population selon la preuve au dossier. Bien qu’il ne s’agisse pas ici d’un cas d’exemption constitutionnelle (voir Hak, par. 154-155), il n’en demeure pas moins que l’effet limité de la suspension peut jouer un rôle dans la pondération requise par le critère de la prépondérance des inconvénients puisque la réforme voulue par le gouvernement s’applique déjà et continuera de s’appliquer pour l’immense majorité des citoyens du Québec.
[62] Il s’agit donc de pondérer l’intérêt public présumé se refléter dans la Loi 40 avec celui d’assurer à la minorité linguistique officielle du Québec le respect de ses droits reconnus dans l’article 23 de la Charte canadienne, y compris celui d’exercer un « contrôle exclusif sur tous les aspects de l’éducation de la minorité qui concernent les questions d’ordre linguistique et culturel » : Mahe, p. 375-376.
[63] Comme le signalaient les juges Iacobucci et Arbour dans Doucet-Boudreau, au par. 29, les droits garantis par l’article 23 « sont particulièrement vulnérables à l’inaction ou aux atermoiements des gouvernements ». Ils sont aussi particulièrement susceptibles d’être fragilisés par de subtiles érosions législatives. Le juge en chef Wagner note, dans Conseil scolaire francophone de C.-B., au par. 16, que « cette particularité confère un rôle crucial aux tribunaux, à qui les constituants ont confié la responsabilité de veiller à la mise en œuvre et à la protection des droits garantis par la Charte ».
[64] Or, puisque les changements dans la gouvernance scolaire institués par la Loi 40 semblent, à première vue du moins, retirer des pouvoirs de gestion et de contrôle aux commissions scolaires anglophones et restreindre l’éligibilité des membres de la minorité linguistique officielle du Québec aux postes électifs des nouveaux centres de services scolaires, l’intérêt public penche dans ce cas-ci en faveur de la protection des droits de la minorité linguistique officielle plutôt qu’en faveur de la mise en œuvre de la Loi 40 dans le secteur éducatif anglophone, du moins jusqu’à ce qu’une décision sur le fond de l’affaire soit rendue.
[65] Finalement, il n’y a pas lieu de restreindre la portée de l’injonction interlocutoire prononcée par le juge de première instance aux seules dispositions contestées de la Loi 40, comme le suggère le PGQ. Premièrement, le juge de première instance conclut qu’il y a bien plus que les dispositions contestées qui sont en cause et qu’il y a ainsi lieu de suspendre l’effet de la Loi 40 dans son entier, comme le demandaient d’ailleurs les intimés. Deuxièmement, une révision attentive de la Loi 40 et des lois qu’elle modifie permet de conclure qu’une suspension partielle mènerait à une confusion juridique extrême entourant l’application de ces diverses lois dans le secteur éducatif anglophone, menant au chaos juridique. Troisièmement, le litige vient d’être entamé et il n’est pas impossible que les intimés ajoutent à leur contestation constitutionnelle plusieurs autres dispositions de la Loi 40. Enfin, rappelons, une fois encore, que si l’ensemble de la loi est suspendue, elle ne l’est que pour les commissions scolaires anglophones. En ce sens, la vaste majorité des effets visés par la loi suit normalement son cours. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’intervenir dans la décision du juge de suspendre l’ensemble de la Loi 40 à l’égard des commissions scolaires anglophones.
* * *
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[66] ACCUEILLE la demande pour permission d’appeler;
[67] REJETTE l’appel;
[68] LE TOUT avec frais de justice en faveur des intimés.
Thibodeau c Administration de l’aéroport international de St. John’s, 2020 CF 858
ORDONNANCE ET MOTIFS I. Contexte[1] Le commissaire aux langues officielles (le « commissaire ») introduit une requête visant à obtenir l’autorisation d’intervenir sur quatre (4) questions distinctes dans la présente affaire. La défenderesse, l’administration de l’aéroport international de St. John’s (l’« aéroport »), consent à la demande d’intervention du commissaire sur les questions 1 et 2. L’aéroport s’oppose à la requête en intervention du commissaire sur les questions 3 et 4. Le demandeur, Michel Thibodeau (M. Thibodeau), consent à la requête en intervention sur les quatre questions. [2] Pour situer le contexte, je souligne que M. Thibodeau connaît bien la question des contentieux en matière de droits linguistiques ainsi que les processus dont sont saisis le commissaire et les tribunaux. D’après le dossier qui m’est présenté, en date du 1er avril 2020, vingt (20) plaintes à l’encontre de l’aéroport et des douzaines de plaintes contre d’autres organisations, déposées par M. Thibodeau, étaient en instance. Entre janvier 2017 et le milieu de l’année 2019, M. Thibodeau a déposé plus de 200 plaintes auprès du bureau du commissaire. En outre, il s’est présenté devant toutes les instances judiciaires, notamment la Cour fédérale, la Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada, au sujet de questions linguistiques. II. Motifs pour lesquels le statut d’intervenant a été demandé[3] Le commissaire a d’abord demandé à intervenir sur les quatre questions suivantes, énoncées au paragraphe 15 de son avis de requête :
III. Dispositions législatives[4] Les dispositions législatives applicables en l’espèce sont exposées à l’annexe des présents motifs. IV. Jurisprudence applicable[5] La Cour doit prendre en compte plusieurs facteurs pour décider s’il y a lieu d’accorder à une partie le statut d’intervenante (décision Rothmans, Benson & Hedges Inc. c Canada (Procureur général), 1989 CanLII 9432 (CAF), [1990] 1 CF 90, 103 NR 391 (CAF); récemment confirmée dans l’arrêt Sport Maska Inc. c Bauer Hockey Corp., 2016 CAF 44, 480 NR 387 au paragraphe 41 [Sport Maska]. Dans Sport Maska, la Cour énonce six (6) facteurs non exhaustifs. Il n’est pas nécessaire que tous ces facteurs soient respectés par une partie pour qu’elle obtienne le statut d’intervenante. Il s’agit des facteurs suivants :
[6] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Première Nation Pictou Landing, 2014 CAF 21, 456 NR 365 au paragraphe 10 [Pictou Landing], le juge Stratas, siégeant seul en tant que juge des requêtes, a examiné les facteurs supplémentaires suivants :
[7] En réalité, les critères à respecter sont souples, car chaque requête en intervention est différente. Grâce à la souplesse des critères, la Cour peut examiner les faits, les questions de droit et le contexte propre à chaque dossier. Au paragraphe 42 de l’arrêt Sport Maska, la Cour d’appel fédérale a souligné que le cinquième facteur, « L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée? », permet à la Cour de se pencher sur les circonstances et les faits particuliers de l’affaire qui fait l’objet de la demande d’intervention. Par conséquent, la Cour peut, « dans une affaire donnée, leur accorder le poids qu’elle souhaite ». (Sport Maska, au paragraphe 41). [8] Au paragraphe 40 de l’arrêt Sport Maska, la Cour d’appel fédérale a aussi souligné que la Cour, dans la plupart des cas, peut entendre et trancher une affaire sans intervenant et que « la question la plus importante consiste à se demander si l’intervenant fournira à la Cour d’autres précisions et perspectives utiles qui l’aideront à la prise d’une décision » (Pictou Landing, paragraphe 9, dernier point). Cette exigence est essentiellement la même que celle prévue à l’alinéa 109(2)b) des Règles. V. Analyse[9] L’aéroport consent à la demande d’intervention du commissaire sur les deux (2) premières questions. Bien que je ne sois pas lié par ce consentement et que je doive exercer mon propre pouvoir discrétionnaire (Atlas Tube Canada ULC c Canada (Revenu national), 2019 CAF 120, 304 ACWS (3e) 683 au paragraphe 2), j’estime que le critère établi à l’article 109 des Règles et dans la jurisprudence pertinente est respecté relativement aux questions 1 et 2. L’autorisation d’intervenir sur ces deux (2) questions sera donc accordée. [10] Je vais maintenant examiner les questions 3 et 4 énoncées dans l’avis de requête initial. L’aéroport s’oppose vivement à la requête en intervention du commissaire sur les deux (2) dernières questions. Qui plus est, l’aéroport prétend que le commissaire, dans sa réponse, cherche maintenant à intervenir sur d’autres questions que celles énoncées dans son avis de requête initial. Voici les versions divergentes de l’intervention désirée du commissaire sur les questions 3 et 4. La demande initiale se trouve dans la colonne de gauche, tandis que la demande énoncée dans sa réponse figure dans la colonne de droite.
Il faut se rappeler que le commissaire a initialement indiqué qu’il n’interviendrait pas sur les questions de recours. Dans l’affidavit du commissaire, déposé le 5 mars 2020, le commissaire a déclaré ce qui suit au paragraphe 30 : Si l’autorisation d’intervenir m’est accordé dans ce dossier, je ne prendrai pas position par rapport aux faits en litige ni sur la réclamation demandée par M. Thibodeau … Voir également le paragraphe 19 de la requête du commissaire dans lequel il affirme ce qui suit : Puisque l’intervention du commissaire vise uniquement à présenter une position juridique sur les questions de droit soulevées par la défenderesse dans son mémoire, et puisque le commissaire ne se prononcera pas sur le mérite des réclamations du demandeur, son intervention à ce stade-ci n’entrainera aucun préjudice pour les parties. [11] Je rejetterai la requête en intervention du commissaire sur la troisième question, tout simplement parce que le commissaire ne connaît pas avec certitude la nature de l’intervention qu’il désire à l’égard de cette question. En raison des diverses déclarations du commissaire, la Cour ne peut établir avec certitude la nature de l’intervention désirée. Je souscris à la prétention de l’aéroport selon laquelle le commissaire, dans sa réponse, tente de modifier la demande sollicitée dans son avis de requête initial, mais n’a pas demandé l’autorisation de le faire. [12] Si j’avais tort et que la réponse du commissaire ne modifiait en rien sa requête initiale, je rejetterais tout de même sa demande d’intervention sur la question 3, telle qu’elle a été initialement rédigée. Ma conclusion est fondée sur le motif qui suit. Aucune disposition de la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e Suppl.) ne confère au commissaire le droit d’accorder des dommages-intérêts, pas plus qu’il n’y est présenté comme possédant une expertise particulière dans ce domaine. La question en litige des dommages-intérêts et du droit à ceux-ci relève des tribunaux qui seront mieux à même de la trancher après avoir entendu les éléments de preuve et les prétentions de deux parties adverses. En toute déférence, l’intervention du commissaire dans ce débat détournerait notre attention du contentieux qui oppose les parties à cet égard. De plus, en l’espèce, j’estime que le commissaire ne peut rien apporter de plus que M. Thibodeau au débat sur la question en litige des dommages-intérêts. Ma conclusion est fondée sur les motifs qui suivent :
M. et Mme Thibodeau plaident que des dommages-intérêts peuvent être accordés en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte et du paragraphe 77(4) de la Loi (Lavigne c Canada (Développement des ressources humaines), 1996 CanLII 3854 (CF), [1997] 1 CF 305 (CFPI); Thibodeau c Air Canada, 2011 CF 876 au paragraphe 36 [Thibodeau 2011]). Ils avancent que les trois premières étapes de l’analyse créée par la Cour suprême dans Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27 [Ward] sont satisfaites : leurs droits linguistiques sont enfreints; les dommages-intérêts pourront les indemniser, défendre les droits linguistiques et dissuader toute nouvelle violation; et les autres remèdes ne pourront les indemniser pleinement (Ward aux paragraphes 4, 33, 38). Quant à la dernière étape, celle pour fixer le montant des dommages-intérêts, M. et Mme Thibodeau réfèrent aux décisions Ward, Thibodeau 2005, Thibodeau 2011, Air Canada c Thibodeau, 2012 CAF 246 [Thibodeau CAF] et Thibodeau c Air Canada, 2014 CSC 67 [Thibodeau CSC] et soulignent l’historique de violation de leurs droits linguistiques par Air Canada au cours des 18 dernières années. Ils suggèrent alors la somme de 1 500 $ par violation en dommages-intérêts.
Dans leur avis de demande, M. et Mme Thibodeau n’ont pas demandé de dommages punitifs, mais suggèrent, dans leur mémoire et à l’audience, que des dommages punitifs pourraient être nécessaires pour indemniser le préjudice subi, reconnaître l’importance des droits linguistiques et dissuader Air Canada de continuer à violer les droits linguistiques des francophones. [13] Un examen de la jurisprudence relative à M. Thibodeau ainsi que les observations de la Cour sur les arguments de M. Thibodeau dans la décision Thibodeau c Air Canada, 2019 CF 1102, susmentionnés aux paragraphes 12(D) et (E), démontrent que M. Thibodeau est tout à fait capable de présenter ses arguments relatifs aux dommages-intérêts et n’a pas besoin de l’aide du commissaire. De plus, au moment où le commissaire a déposé la requête pour obtenir l’autorisation d’intervenir, M. Thibodeau était une personne non représentée par un avocat. Depuis, le bureau du greffe de la Cour a reçu, le 23 juillet 2020, un avis de nomination d’avocat au nom de M. Thibodeau. Étant donné qu’il est maintenant représenté, il n’est pas nécessaire que le commissaire intervienne sur cette question de dommages-intérêts. La Cour fédérale n’exigera pas l’intervention du commissaire pour statuer sur la question. En somme, en ce qui concerne la troisième question potentielle sur laquelle le commissaire souhaite intervenir, je suis d’avis que le commissaire ne satisfait pas aux volets A, C, D, E et F du critère établi dans Sport Maska énoncé au paragraphe 5, supra. [14] Concernant la question proposée no 4, l’aéroport formule des observations semblables à celles formulées relativement à la question 3, à savoir que la portée de l’intervention désirée qui est énoncée dans la réponse diffère de celle qui figure dans l’avis de requête initial. Le commissaire se sert de sa réponse pour tenter de modifier ses motifs d’intervention. Encore une fois, la demande initiale se trouve dans la colonne de gauche, tandis que la demande énoncée dans sa réponse figure dans la colonne de droite.
[15] En outre, la question en litige proposée justifiant l’intervention du commissaire est incompatible avec la thèse qu’il a défendue dans son affidavit et son avis de requête. Je souscris aux deux prétentions de l’aéroport. Quoi qu’il en soit, si ma conclusion est mal-fondée et que le commissaire ne tente pas de se servir de sa réponse pour modifier le motif de son intervention, il ressort clairement de la jurisprudence et des questions soulevées dans le présent procès entre les parties en l’espèce que le commissaire ne peut rien apporter de plus au débat que les parties. Encore une fois, je suis d’avis que le commissaire ne satisfait pas aux volets A, C, D, E et F du critère établi dans Sport Maska en ce qui a trait à la question no 4 sur laquelle il demande à intervenir. VI. Dépens[16] L’aéroport prétend que des dépens devraient être adjugés contre le commissaire, comme il s’est servi de sa réponse pour tenter de modifier son avis de requête. Selon l’aéroport, la tentative du commissaire en vue de modifier les motifs de son intervention, sans préavis, a donné lieu à des frais supplémentaires. J’admets que la conduite du commissaire devrait avoir des conséquences sur les dépens. Dans la décision Eli Lilly and Co. c Apotex Inc., 2004 CF 1015, 132 ACWS (3e) 665, au paragraphe 6, le juge Hugessen a qualifié d’« injuste et injustifiée » la tentative des demandeurs d’élargir la portée de leur requête en présentant des arguments, dans leur mémoire et oralement, qu’ils n’avaient pas mentionné dans leur avis de requête. On retrouve le même raisonnement dans l’arrêt Apotex Inc v Abbott Laboratories Ltd, 2017 ONSC 1348, 145 CPR (4e) 185. Dans les deux affaires, les juges ont accordé des dépens à la partie défenderesse. [17] Plusieurs facteurs, dont je peux tenir compte dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire pour allouer des dépens, figurent à l’article 400 des Règles. Le sous-alinéa 400(3)k)(i) des Règles est tout particulièrement pertinent : « la conduite d’une partie qui a eu pour effet d’abréger ou de prolonger inutilement la durée de l’instance ». La réponse du commissaire n’est pas recevable pour les motifs qui précèdent. Par conséquent, le commissaire est tenu de payer à l’aéroport des dépens forfaitaires de 3 000 $, tout compris. |
ORDER AND REASONS I. Background[1] The Commissioner of Official Languages (the “Commissioner”) brings a motion in which he seeks permission to intervene in the within matter on four (4) distinct questions. The defendant, St. John’s International Airport Authority (the “Airport”), consents to the Commissioner’s request to intervene on questions 1 and 2. The Airport opposes the Commissioner’s motion to intervene on questions 3 and 4. The plaintiff, Michel Thibodeau (Mr. Thibodeau) consents to the motion to intervene on all four (4) questions. [2] By way of background, I would note that Mr. Thibodeau is no stranger to litigation involving language rights, nor is he unfamiliar with the processes before the Commissioner and the courts. According to the record before me, Mr. Thibodeau had, as of April 1, 2020, twenty (20) pending complaints against the Airport and dozens against other organizations. Between January 2017 and mid-2019, Mr. Thibodeau filed more than 200 complaints with the Commissioner’s office. In addition, he has appeared before all levels of the courts, including the Federal Court, the Federal Court of Appeal and the Supreme Court of Canada, on language issues. II. Bases Upon Which Intervener Status Requested[3] The Commissioner originally sought to intervene on the following four questions, which are set out in paragraph 15 of his Notice of Motion:
III. Legislative Provisions[4] The relevant legislative provisions are set out in the Schedule attached to these Reasons. IV. Applicable Jurisprudence[5] This Court must take into account a number of factors when deciding whether to grant a party intervener status (Rothmans, Benson & Hedges Inc v Canada (Attorney General), 1989 CanLII 9432 (FCA), [1990] 1 FC 90, 103 NR 391 (FCA); recently affirmed in Sport Maska Inc v Bauer Hockey Corp, 2016 FCA 44, 480 NR 387 at para 41 [Sport Maska]). Sport Maska sets out six (6) non-exhaustive factors. It is not necessary that all the factors be satisfied for a party to be granted intervener status. They are:
[6] In Canada (Attorney General) v Pictou Landing First Nation, 2014 FCA 21, 456 NR 365 at para 10 [Pictou Landing], Stratas JA, sitting alone as motions judge, considered the following additional factors:
[7] In effect, the criteria to be met are flexible because every motion to intervene is different. The flexibility of the criteria permit the Court to consider the facts, the questions of law and the unique context of each case. In Sport Maska, the Federal Court of Appeal emphasized in para 42 that “the fifth factor, i.e. ‘[a]re the interests of justice better served by the intervention of the proposed third party?’ is such that it allows the Court to address the particular facts and circumstances of the case in respect of which the intervention is sought.” Consequently, the Court may, “in any given case, ascribe the weight that the Court wishes to give to any individual factor” (Sport Maska at para 41). [8] The Federal Court of Appeal in Sport Maska also pointed out in paragraph 40 that the Court, in the majority of cases, can hear and decide a case without interveners, and that the “more salient question is whether the intervener will bring further, different and valuable insights and perspectives that will assist the Court in determining the matter (Pictou Landing, para 9, last bullet)”. This requirement is essentially the same as the one prescribed in paragraph 109(2)b) of the Rules. V. Analysis[9] The Airport consents to the Commissioner’s request to intervene on the first two (2) questions. While I am not bound by that consent and must exercise my own discretion (Atlas Tube Canada ULC v Canada (National Revenue), 2019 FCA 120, 304 ACWS (3d) 683 at para 2), I am satisfied the test set out in Rule 109 and the relevant jurisprudence are met with respect to questions 1 and 2. Leave to intervene will therefore be granted on those two (2) questions. [10] I now turn to questions 3 and 4 as set out in the original Notice of Motion. The Airport strenuously contests the Commissioner’s motion to intervene on the latter two (2) questions. In addition, the Airport contends the Commissioner, in his Reply, now seeks to intervene on different questions from those set out in his original Notice of Motion. Set out below are the differing versions of the Commissioner’s proposed intervention on questions 3 and 4. The original request is found in the left-hand column while that set out in the Reply is found in the right-hand column.
Recall that the Commissioner initially indicated that he would not intervene on the issue of remedies. In the Commissioner’s affidavit sworn to on March 5, 2020 he stated in paragraph 30 that: Translation: If I am granted leave to intervene in this case, I will not take a position with regard to the facts in dispute or on Mr. Thibodeau’s claim . . . See also paragraph 19 of the Commissioner’s motion, where he declares: Translation: Since the purpose of the Commissioner’s intervention is simply to present a legal position on the legal issues that the defendant raised in its memorandum, and since the Commissioner will not rule on the merits of the plaintiff’s claims, his intervention at this stage will not cause any prejudice to the parties. [11] I would dismiss the Commissioner’s motion to intervene on the third question for the simple reason that the Commissioner appears not to know with any degree of certainty the nature of his proposed intervention in that regard. The Court is unable to discern with certainty the nature of the proposed intervention given the varying statements made by the Commissioner. I agree with the Airport’s contention that the Commissioner appears, in his Reply, to be attempting to amend the request sought in his original Notice of Motion, but has not sought leave to do so. [12] In the event I am incorrect and the Commissioner’s original motion is not altered by his Reply, I would still dismiss his request to intervene on question number 3 as originally crafted. I reach this conclusion for the following reason. Nowhere in the Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Supp) is the Commissioner permitted to award damages, nor is he held out as having any particular expertise in that domain. The issue of damages and entitlement thereto is a matter for the Courts and best addressed by the Courts after having heard the evidence and the arguments advanced by two opposing litigants. The Commissioner’s input into such an issue, would, with respect, constitute a distraction from the legitimate lis between the parties in that regard. Furthermore, on a micro level particular to this case, I am convinced there is nothing the Commissioner can bring to the table on the issue of damages that Mr. Thibodeau is unable to advance. I reach this conclusion for the following reasons:
Mr. and Mrs. Thibodeau argue that damages may be granted under subsection 24(1) of the Charter and subsection 77(4) of the Act (Lavigne v Canada (Human Resources Development), 1996 CanLII 3854 (FC), 1997 1 FC 305 (FCTD); Thibodeau v Air Canada, 2011 FC 876 at paragraph 36 [Thibodeau 2011]). They submit that the first three steps of the analysis established by the Supreme Court in Vancouver (City) v Ward, 2010 SCC 27 [Ward] are satisfied: their language rights have been breached; the damages will be able to compensate them, defend language rights and deter future breaches; and the other remedies could not fully compensate them (Ward at paragraphs 4, 33, 38). With regard to the third step consisting of determining the amount of damages, Mr. and Mrs. Thibodeau refer to the decisions in Ward, Thibodeau 2005, Thibodeau 2011, Air Canada v Thibodeau, 2012 FCA 246 [Thibodeau FCA] and Thibodeau v Air Canada, 2014 SCC 67 [Thibodeau SCC] and highlight the history of Air Canada violating their language rights over the past 18 years. They suggest the amount of $1,500 per violation as damages.
In their notice of application, Mr. and Mrs. Thibodeau did not seek punitive damages, but they did suggest, in their memorandum and at the hearing, that punitive damages could be necessary to compensate the prejudice suffered, recognize the importance of language rights and deter Air Canada from continuing to violate the language rights of Francophones. [13] A review of the jurisprudence involving Mr. Thibodeau and the Court’s observations regarding Mr. Thibodeau’s argument in Thibodeau v Air Canada, 2019 FC 1102referred to in paragraphs 12(D) and (E) above, demonstrate Mr. Thibodeau is very capable of presenting his arguments on damages and does not require the assistance of the Commissioner. Additionally, at the time the Commissioner filed the motion to intervene, Mr. Thibodeau was self-represented. Since that time, the Court Registry received, on July 23, 2020, a notice of appointment of solicitor on behalf of Mr. Thibodeau. Given that he is now represented there is no need for the Commissioner to intervene on this question of damages. The Federal Court will not require any intervention by the Commissioner to decide the question. In sum, on the issue of the third potential question about which the Commissioner wishes to intervene, I am of the view the Commissioner does not meet parts A, C, D, E, and F of the Sport Maska test set out in paragraph 5, supra. [14] With respect to proposed issue number 4, the Airport makes similar observations as it does with respect to question number 3, namely, that the scope of the proposed intervention is set out differently in the Reply than in the original Notice of Motion. The Commissioner attempts to amend his grounds for intervention via his Reply. Again, the original request is found in the left-hand column while that set out in the Reply is found in the right-hand column.
[15] The Airport further contends the proposed issue justifying intervention by the Commissioner is again inconsistent with the position taken by him in his affidavit and Notice of Motion. I agree with both the Airport’s contentions. Regardless, presuming I am incorrect in my conclusion that the Commissioner is attempting to use the Reply to amend the basis for his intervention, it is evident from a reading of the jurisprudence and the issues raised in this litigation between these particular parties that the Commissioner can bring nothing to the table that the parties are unable to bring. Again, I am of the view that the Commissioner fails to meet parts A, C, D, E, and F of the Sport Maska test as it relates to the question number 4 for which he seeks to intervene. VI. Costs[16] The Airport contends that costs should be awarded against the Commissioner given his attempts to amend the Notice of Motion via his Reply. According to the Airport, the Commissioner’s attempt to change the basis of his intervention, without notice, resulted in additional expenses. I agree that the Commissioner’s conduct should attract costs consequences. In Eli Lilly and Co v Apotex Inc, 2004 FC 1015, 132 ACWS (3d) 665 at para 6, Hugessen J described as “unfair and unjust” the plaintiffs’ attempt to widen the scope of their motion by arguing matters in their memorandum and orally that they did not mention in their notice of motion. This reasoning was also applied in Apotex Inc v Abbott Laboratories Ltd, 2017 ONSC 1348, 145 CPR (4d) 185. The judges in both cases awarded costs to the responding party. [17] Rule 400 lists many factors that I may consider when exercising my discretion to award costs. Particularly relevant is subparagraph 400(3)(k)(i): “whether any step in the proceeding was improper, vexatious or unnecessary.” The Commissioner’s Reply was improper for the above reasons. The Commissioner shall therefore pay the Airport lump sum costs in the amount of $3,000 all-inclusive of disbursements. |
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ORDONNANCE LA COUR ORDONNE ce qui suit :
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ORDER THIS COURT ORDERS that:
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Maito c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 855
VU les dossiers de requête des demandeurs déposés les 2 et 31 juillet 2020, qui renferment des requêtes visant à solliciter, respectivement (i) une ordonnance de prorogation du délai nunc pro tunc pour le dépôt du dossier des demandeurs, initialement dû pour le 19 mars 2020 [la requête 1]; (ii) une ordonnance enjoignant au défendeur, en tant que ministre responsable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, de fournir aux demandeurs une traduction anglaise de l’exposé des motifs et de la décision du 24 janvier 2020 de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] [la requête 2]; ET VU que la requête 1 a été faite par écrit en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, alors que la requête 2 devait être présentée en audience le 11 août 2020; ET VU la lecture faite des dossiers de requête 1 et 2 des demandeurs, du dossier de requête 1 du défendeur, et remarquant que la requête 2 sollicitait une ordonnance de redressement qui, bien qu’elle n’ait pas été sollicitée explicitement dans la requête 1, constituait néanmoins une question pertinente; ET VU la lettre du 6 août 2020 du défendeur, qui remet en cause la pertinence de la requête 2 et de l’audience, et la lettre du 8 août 2020 rédigée en réplique par les demandeurs; ET VU la décision prévoyant que la requête 1 et la requête 2 seraient tranchées ensemble par écrit, et que la requête 2 serait du coup retirée des séances générales du 11 août 2020 de Toronto; ET VU la lettre du 12 août 2020 du défendeur informant la Cour qu’il souhaite s’en remettre à son dossier de requête 1 pour les fins des deux requêtes; ET VU que la Cour a décidé d’accueillir la requête 1, qu’elle l’a modifiée telle que précisée, et qu’elle a rejeté la requête 2, pour les motifs qui suivent : I. Contexte[1] Les demandeurs allèguent, au sujet de la requête 2, que leur ancienne conseillère ne les a pas informés du fait que l’avis d’appel à la SAR serait rédigé en français (sous « langue choisie pour l’appel », « français » était sélectionné pour le demandeur principal) ni que l’appel serait instruit et que la décision serait rédigée dans cette langue. Or, l’instruction de leur demande devant la Section de la protection des réfugiés [la SPR] et la décision de cette instance s’étaient faite et rendue en anglais, la langue des demandeurs. Ceux‑ci soutiennent en outre qu’ils n’ont pas signé l’avis d’appel. [2] L’ avocat actuel des demandeurs a écrit à la SAR le 14 février 2020 et à l’ancienne conseillère le 6 mars 2020 pour demander une traduction anglaise de la décision de la SAR. Celle‑ci a répondu le même jour qu’étant donné que la langue des procédures choisie dans l’avis d’appel était le français et qu’elle n’avait reçu aucun avis de changement de langue durant le processus d’appel, la décision et l’exposé des motifs étaient en français. De plus, la SAR a informé l’avocat des demandeurs qu’en conséquence, elle ne fournirait pas de version en anglais. L’affidavit à l’appui de la position des demandeurs est muet quant à une réponse quelconque de la part de l’ancienne conseillère. [3] Les demandeurs soutiennent que puisqu’ils ont choisi l’anglais comme langue principale dès le début de leurs procédures d’immigration dans leur formulaire de fondement de la demande d’asile et que, de surcroît, ils n’ont pas signé l’avis d’appel et n’ont donc pas changé la langue des procédures entre la procédure devant la SPR et celle devant la SAR, la SAR devrait leur fournir une traduction anglaise de sa décision et de l’exposé de ses motifs. Selon eux, ils y ont droit. Ils font aussi valoir qu’une telle version leur permettrait d’examiner la décision et les motifs avec leur nouvel avocat et donc de préparer leur dossier de demande pour leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 18 février 2020 en anglais. [4] Concernant la requête 1, les demandeurs sollicitent une prorogation de délai de quatorze (14) jours après la remise, par la SAR, d’une version anglaise de sa décision écrite. Le défendeur ne s’oppose pas à une prorogation de délai en soi. Cependant, il s’oppose à la demande présentée à la Cour afin qu’elle ordonne à la SAR de préparer et de fournir aux demandeurs une version anglaise de sa décision. II. Analyse[5] Je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont subi une injustice ou ont éprouvé des difficultés en l’espèce ni, pour fins de précision, qu’il y ait eu une quelconque atteinte à l’intérêt public. Bien que la SAR ait l’obligation de fournir ses décisions dans les deux langues officielles, aucune des conditions qui la contraint à les mettre simultanément à la disposition du public n’est applicable en l’espèce : Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e suppl.), art 20(1) [la LLO].Sinon, une décision est rendue d’abord dans l’une des langues officielles, puis dans les meilleurs délais dans l’autre langue officielle, sauf si le retard serait préjudiciable à l’intérêt public ou causerait une injustice ou un inconvénient grave à une des parties au litige : LLO art 20(2). [6] Pour paraphraser une décision antérieure de notre Cour, je conclus : « [qu’] il n’est pas établi dans le dossier que [les demandeurs ont] explicitement demandé au [décideur] avant ou durant l’audience […] que la décision soit rendue ou traduite en anglais » : Sztern c Canada (Procureur général), 2010 CF 181 au para 72. Les Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257 [les Règles de la SAR] exigent d’un appelant qu’il choisisse le français ou l’anglais comme langue de l’appel et qu’il l’indique dans l’avis d’appel : Règles de la SAR, art 22(1). Un appelant qui souhaite changer la langue de l’appel doit le faire conformément au paragraphe 22(3) des Règles de la SAR, soit en avisant par écrit, sans délai, la Section et le ministre; si une date a été fixée pour une procédure, l’avis doit être reçu par ses destinataires au plus tard vingt jours avant cette date. [7] Quoique les demandeurs aient allégué qu’ils n’ont pas signé l’avis d’appel et qu’ils ne l’ont eu sous les yeux que lorsque le demandeur principal a souscrit l’affidavit à l’appui de la requête 2 le 30 juillet 2020 « il est clairement établi en droit qu’une personne doit subir les conséquences de son mauvais choix de procureur » [renvoi omis] : Rohini c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1488, para 21. Je remarque que les demandeurs n’ont pas allégué l’incompétence de leur ancienne conseillère, mais plutôt qu’ils n’ont pas vu ni signé l’avis d’appel avant que la SAR n’ait rendu sa décision et l’exposé de ses motifs. De plus, rien dans la preuve ne montre que la SAR avait connaissance d’une quelconque limite au pouvoir qu’avait leur ancienne conseillère d’agir en leur nom comme elle l’a fait : Bemar Construction Ltd c Canada, 1999 CanLII 8955 aux para 11‑12. [8] En outre, rien dans la preuve ne montre que l’ancienne conseillère des demandeurs n’a pas fourni la version traduite de la décision et de l’exposé des motifs de la SAR lorsque l’avocat actuel des demandeurs les a demandés. Bien que les demandeurs aient réitéré leurs doléances à l’égard de la langue dans laquelle la décision de la SAR est rédigée dans leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée le 18 février 2020, ils ont tout de même invoqué des motifs qui démontrent une compréhension au moins partielle de la décision de la SAR. Par exemple, les demandeurs font notamment valoir que le tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a statué qu’ils n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger. Ils prétendent aussi qu’il a commis une erreur en droit lorsqu’il a tiré des conclusions déraisonnables, sélectives et inadéquates, qu’il s’est mépris dans l’application du droit et des guides jurisprudentiels, qu’il a fait fi d’éléments de preuve, qu’il a pris en compte des éléments de preuve non pertinents, qu’il a mal interprété la preuve qui lui a été proprement soumise, qu’il a tiré des conclusions de faits erronées sans apprécier la preuve produite et qu’il ne l’a pas l’analysée adéquatement. [9] Ainsi, tout comme le juge Zinn de notre Cour l’a conclu dans son ordonnance du 20 mars 2013 dans l’affaire Hussein c Canada (MCI), IMM‑10939‑12, je juge que si l’avocat actuel des demandeurs a besoin de la version anglaise de la décision de la SAR ou de tout autre document au dossier de la demande, il lui revient, ainsi qu’aux demandeurs, de faire les démarches nécessaires pour obtenir une version traduite. Ce fardeau n’est pas celui de la SAR ou de notre Cour puisque les demandeurs étaient représentés par une conseillère qui a choisi que l’instruction de l’appel de la décision de la SPR soit menée en français. III. Conclusion[10] Je rejette donc la requête 2. En ce qui concerne la requête 1, je suis prête, vu les circonstances, à accorder aux demandeurs une prorogation de délai de quatorze [14] jours, à compter de la date de la présente ordonnance, pour signifier et déposer leur dossier. ORDONNANCE dans le dossier IMM‑1194‑20 LA COUR ORDONNE : 1. En ce qui concerne la requête des demandeurs à l’égard d’une ordonnance de prorogation de délai nunc pro tunc pour le dépôt de leur dossier, qui était initialement dû pour le 19 mars 2020, une prorogation de délai de quatorze [14] jours pour signifier et déposer leur dossier en l’instance leur est accordée à partir de la date de la présente ordonnance; 2. En ce qui concerne la requête des demandeurs visant à enjoindre au défendeur, en tant que ministre responsable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, de fournir aux demandeurs une traduction anglaise de l’exposé des motifs et de la décision du 24 janvier 2020 de la Section d’appel des réfugiés, celle‑ci est rejetée; 3. Aucuns dépens ne sont adjugés. |
UPON Applicants’ motion records filed on July 2 and 31, 2020 containing motions for, respectively, (i) an order for an extension of time nunc pro tunc for the filing of the Applicants’ Record initially due on March 19, 2020 [Motion 1], and (ii) an order directing the Respondent, as the Minister responsible for the Immigration and Refugee Board of Canada, to provide the Applicants with an English translation of the January 24, 2020 decision and reasons of the Refugee Appeal Division [RAD] [Motion 2];
AND UPON noting Motion 1 was made in writing under Rule 369 of the Federal Courts Rules, SOR/98-106, while Motion 2 was made returnable for oral hearing on August 11, 2020; AND UPON reading Applicants’ Motion 1 Record and Motion 2 Record, and Respondent’s Motion 1 Record, and noting Motion 2 requested an order for relief that, while not requested specifically in Motion 1 nonetheless was raised as a relevant issue; AND UPON considering the Respondent’s August 6, 2020 letter, questioning the necessity of Motion 2 and the oral hearing, and Applicants’ August 8, 2020 letter in response; AND UPON directing that Motion 1 and Motion 2 would be determined together in writing, and that Motion 2 therefore would be removed from Toronto-General Sittings on August 11, 2020; AND UPON considering Respondent’s August 12, 2020 letter informing the Court that the Respondent wishes to rely on the Respondent’s Motion 1 Record for both motions; AND UPON the Court determining to grant Motion 1, but varied as indicated, and dismiss Motion 2, for the reasons that follow: I. Background[1] Regarding Motion 2, the Applicants allege that their former counsel did not inform them that the Notice of Appeal to the RAD would be filed in French (under “Langue choisie pour l’appel”, “Français” was “checked” for the Principal Applicant) nor that the appeal proceeding would be conducted and hence, the decision would be rendered in French. The underlying Refugee Protection Division [RPD] proceeding and decision were in English, the Applicants’ language. The Applicants further allege that they did not sign the Notice of Appeal. [2] The Applicants’ current counsel wrote to the RAD on February 14, 2020, and to the former counsel on March 6, 2020, to request an English version of the RAD decision. The RAD responded the same day that because the language of procedure selected in the Notice of Appeal was French, and because it did not receive any request for change of language during the appeal process, the decision and reasons were in French. The RAD further informed counsel that for these reasons, the RAD would not be providing an English version. The Applicants’ supporting affidavit is silent regarding any response from their former counsel. [3] The Applicants argue that because they chose English at the outset in their Basis of Claim form as the language for their immigration proceedings and because they did not sign the Notice of Appeal and hence, they did not change the language of proceedings from the RPD to the RAD, the RAD should provide them with an English translation of its decision and reasons. They are entitled to it. They further argue that an English translation would enable them to review the decision and reasons with their new counsel and thus prepare their Application Record in respect of their Application for Leave and Judicial Review filed on February 18, 2020 in English. [4] Regarding Motion 1, the Applicants request an extension of time of fourteen (14) days after the RAD supplies the English version of its written decision. The Respondent does not object to an extension of time per se. The Respondent opposes, however, the Applicants’ request to have this Court direct the RAD to prepare and provide the Applicants with an English translation of its decision. II. Analysis[5] I am not persuaded that the Applicants have suffered any injustice or hardship in this case nor, for clarity, that there is any prejudice to the public interest. While the RAD has a duty to provide its decisions in both official languages, neither of the circumstances that require the RAD to make its decisions available simultaneously in both official languages is applicable in this case: Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Supp) [OLA], s 20(1). Otherwise, a decision shall be issued first in one official language and then, at the earliest possible time, in the other official language, unless the delay would be prejudicial to the public interest or result in injustice or hardship to any party to the proceeding: OLA s 20(2). [6] To paraphrase an earlier decision of this Court, I find that “[t]here is no evidence on file that [the Applicants] made a specific request to the [decision maker] prior or during the […] hearing for the decision to be rendered or translated in English”: Sztern v Canada (Attorney General), 2010 FC 181 at para 72. The Refugee Appeal Division Rules, SOR/2012-257 [RAD Rules], require an appellant to indicate their language of choice, English or French, in the notice of appeal: RAD Rules s 22(1). An appellant wishing to change the language of the appeal must do so in accordance with subsection 22(3) of the RAD Rules, namely, by notifying the Division and the Minister in writing without delay and, if a date for a proceeding has been fixed, the notice must be received by their recipients no later than 20 days before that date. [7] Notwithstanding the Applicants’ allegation that they did not sign the Notice of Appeal, nor see it until just before the Principal Applicant swore the supporting affidavit dated July 30, 2020 regarding Motion 2, “[t]he law is clear that an individual must bear the consequences of hiring poor counsel” [citations omitted]: Rohini v Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1488, para 21. I note that the Applicants have not alleged that their former counsel was poor, but rather that they did not see nor sign the Notice of Appeal until after the RAD issued its decision and reasons. In addition, there is no evidence that the RAD was aware of any limitation on the Applicants’ former counsel to act on their behalf in the manner that she did: Bemar Construction Ltd v Canada, 1999 CanLII 8955 at paras 11-12. [8] Further, there is no evidence that the Applicants’ former counsel did not provide the requested translation of the RAD decision and reasons when asked by their current counsel. Though the Applicants repeated their complaint regarding the language of the RAD decision in their Application for Leave and Judicial Review filed on February 18, 2020, nonetheless they raised grounds consistent with having some understanding of the RAD decision. For example, the Applicants’ grounds include that the Tribunal erred in law when it determined that the Applicants are not Convention Refugees and are not Persons in need of Protection and that it erred in law by: making selective, inadequate and unreasonable findings; misapplying the law and jurisprudential guidelines; ignoring evidence, taking into account irrelevant evidence, misinterpreting evidence properly before it, making erroneous findings of fact without regard to the evidence before it, and failing to properly understand the evidence. [9] Thus, as Justice Zinn of this Court found in his March 20, 2013 Order in Hussein v Canada (MCI), IMM-10932-12, I similarly find that if the Applicants’ current counsel requires the RAD decision or any other material in the Application Record to be in English, then the burden to obtain a translation is on the Applicants and their counsel; it is not on the RAD or this Court given that the Applicants were represented by counsel who chose to have the appeal of the RPD decision conducted in French. III. Conclusion[10] I therefore dismiss Motion 2. Regarding Motion 1, I am prepared in the circumstances to grant the Applicants an extension of time of fourteen [14] days from the date of this Order to serve and file the Applicants’ Record.
ORDER in IMM-1194-20 THIS COURT ORDERS that: 1. Regarding the Applicants’ motion for an order for an extension of time nunc pro tunc for the filing of the Applicants’ Record initially due on March 19, 2020, the Applicants are granted an extension of time of fourteen [14] days from the date of this Order to serve and file their Record in this proceeding; 2. Regarding the Applicants’ motion for an order directing the Respondent, as the Minister responsible for the Immigration and Refugee Board of Canada, to provide the Applicants with an English translation of the January 24, 2020 decision and reasons of the Refugee Appeal Division, the motion is dismissed; 3. There are no costs. |
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Girouard c Canada (PG), 2020 CAF 129
E. Les droits linguistiques de l’appelant ont-ils été respectés? [101] L’appelant reconnaît que les articles 133 de la L.C. de 1867, les articles 14 et 19 de la Charte et les articles 14 à 16 de la Loi sur les langues officielles ne s’appliquent pas au Conseil, du fait qu’il ne s’agit pas d’un tribunal au sens de ces dispositions. En tout état de cause, le juge Girouard a eu le droit de plaider sa cause et de témoigner dans la langue officielle de son choix, et ces dispositions ont par conséquent été respectées. L’appelant admet également qu’il ne peut se prévaloir des articles 20 de la Charte et 22 de la Loi sur les langues officielles, puisque les droits linguistiques garantis par ces textes législatifs dans la prestation des services de l’administration publique ne trouvent pas application ici. [102] Le seul argument que fait valoir l’appelant devant nous repose sur le paragraphe 16(1) de la Charte, en vertu duquel le français et l’anglais « ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ». De l’avis du juge Girouard, cette Cour devrait reconnaître que cette disposition confère des droits substantifs et peut combler les lacunes des autres dispositions garantissant des droits linguistiques dans la Charte. [103] À mon avis, cette thèse est erronée et l’appelant ne cite d’ailleurs aucune décision à l’appui de sa prétention. Le paragraphe 16(1) de la Charte est une disposition de nature déclaratoire ou interprétative, et il n’appartient pas à cette Cour de changer l’état du droit sur cette question. De toute façon, l’égalité de statut, de droits et de privilèges des deux langues officielles que consacre cette disposition a été complètement respectée et le droit de l’appelant de communiquer avec le deuxième Comité d’enquête et le Conseil dans la langue officielle de son choix n’a nullement été entravé. Ce que l’appelant revendique, c’est le droit d’être compris par le décideur dans la langue de son choix. Tel que noté par la Cour suprême dans les arrêts Société des Acadiens c. Association of Parents, 1986 CanLII 66 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 549, à la page 580 et MacDonald c. Ville de Montréal, 1986 CanLII 65 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 460, aux pages 500 à 501, ce droit ne relève pas du champ d’application de l’article 16 de la Charte mais plutôt des garanties procédurales. Contrairement à ce qu’ont prétendu les avocats de l’appelant, cet aspect des jugements précités n’a pas été écarté par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Beaulac, 1999 CanLII 684 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 768, au paragraphe 41. C’est une chose de dire que les droits linguistiques doivent être interprétés « en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada » (au paragraphe 25); c’en est une autre que de se servir du paragraphe 16(1) pour ajouter des droits et suppléer à ce qui pourrait être perçu comme des lacunes dans la gamme des droits protégés aux articles 16 à 23 de la Charte. |
E. Were the appellant’s language rights respected?
[103] In my view, this argument is erroneous, and, moreover, the appellant did not cite any decisions in support of his claim. Subsection 16(1) of the Charter is a provision that is declaratory or interpretive in nature, and it is not for this Court to change the state of the law on this issue. In any event, the equality of status and equal rights and privileges for both official languages enshrined in that provision have been completely respected, and the appellant’s right to communicate with the second Inquiry Committee and the Council in the official language of his choice was in no way fettered. What the appellant is claiming is the right to be understood by the decision maker in the language of his choice. As the Supreme Court noted in Société des Acadiens v. Association of Parents, 1986 CanLII 66 (SCC), [1986] 1 S.C.R. 549, at page 580, (1986), 27 D.L.R. (4th) 406 and MacDonald v. City of Montreal, 1986 CanLII 65 (SCC), [1986] 1 S.C.R. 460, at pages 500–501, (1986), 27 D.L.R. (4th) 321, this right does not fall within the ambit of section 16 of the Charterbut rather within the procedural safeguards. Contrary to the arguments of counsel for the appellant, this aspect of the aforementioned judgments was not rejected by the Supreme Court at paragraph 41 of R. v. Beaulac, 1999 CanLII 684 (SCC), [1999] 1 S.C.R. 768, (1999), 173 D.L.R. (4th) 193. It is one thing to say that language rights must be interpreted “purposively, in a manner consistent with the preservation and development of official language communities in Canada” (at paragraph 25); it is another to use subsection 16(1) to add rights and fill what could be perceived as gaps in the range of the rights protected at sections 16 to 23 of the Charter. |
[104] Pour ces motifs, je suis d’accord avec la Cour fédérale pour conclure que les droits linguistiques de l’appelant n’ont pas été violés. | [104] For these reasons, I agree with the Federal Court that the appellant’s language rights were not violated. |
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Quebec English School Boards Association c Québec (PG), 2020 QCCS 2444
[50] En vertu des articles 23(1) (b) et 23(2), les Canadiens qui ont reçu une instruction primaire en anglais n’importe où au Canada ou qui ont un enfant inscrit dans une école élémentaire ou secondaire anglophone n’importe où au Canada ont le droit de recevoir une instruction en anglais au Québec. L’article 23(1) (a) de la Charte (qui accorde un droit aux Canadiens dont la première langue apprise et parlée est celle de la minorité linguistique), n’est pas en vigueur au Québec, puisqu’il n’a pas été entériné par l’Assemblée nationale.[15]
[51] Bien que le texte de l’article 23 de la Charte ne fasse pas mention de pouvoirs de gestion, les tribunaux ont jugé[16] très tôt que les protections que conférait cet article comprenaient un droit de gestion et de contrôle sur les institutions scolaires, par la minorité linguistique, principalement par l’entremise de commissions scolaires ou l’équivalent.
[52] Dans Mahe, la Cour suprême a jugé que « les représentants de la minorité linguistique devraient avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l'instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, notamment :
a) les dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements;
b) la nomination et la direction des personnes chargées de l'administration de cette instruction et de ces établissements;
c) l'établissement de programmes scolaires;
d) le recrutement et l'affectation du personnel, notamment des professeurs; et
e) la conclusion d'accords pour l'enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique. »[17]
[53] Ces principes ont été dégagés dans un contexte où le nombre d’élèves de la minorité francophone était insuffisant pour justifier la création d’une commission scolaire autonome. Il est évident qu’une commission scolaire ou autre institution équivalente autonome doit avoir au minimum ces mêmes pouvoirs.
[54] C’est sur cette question du pouvoir de gestion et de contrôle des institutions scolaires que le débat est engagé. Il est à noter qu’il n’est ici nullement question de langue française.
[55] Par ailleurs, le changement de nom de “commission scolaire” à “centre de services scolaire” n’a en soi aucune incidence sur le sort du litige.
c) La nomination et la direction des personnes chargées de l'administration de cette instruction et de ces établissements
[75] Les demandeurs soutiennent ne pas avoir le contrôle sur la nomination des dirigeants de ses établissements, puisqu’ils se font imposer les critères de sélection de ceux-ci.
[76] La question qui se pose est donc celle de savoir si la minorité peut décider de la façon dont ses représentants à la direction des centres de services scolaires vont être choisis ou, à tout le moins, si elle doit être impliquée dans cette détermination.
[77] Autrement dit, l’Assemblée nationale, dont la majorité des députés est élue par la majorité québécoise francophone, peut-elle imposer les critères d’éligibilité et des «circonscriptions électorales» aux représentants de la minorité anglophone, sans requérir leur approbation, ou à tout le moins, leur avis?
[78] Peut-elle de la même façon leur imposer des membres non-élus qui, bien que théoriquement choisis par les représentants de la minorité comme employés des établissements scolaires, ne sont pas nécessairement des ayant-droit de l’article 23 de la Charte?
[79] L’article 23 de la Charte accorde des droits tant individuels que des « droits collectifs » : « rights provided under section 23, (…) are both individual and collective ».[29]
[80] Pour les auteurs Mark Power and Pierre Foucher :
Third, section 23 does not fit into the traditional categories developed by jurists versed in human rights for classifying fundamental rights. Its purpose makes it a social and collective right while its constitutional status, justiciability, and scope make it an individual and civil right as well. These considerations mesh and produce an original and unique constitutional guarantee, one that is, as the Supreme Court itself pointed out, genuinely Canadian.[30]
[81] Pour Michel Doucet, dans la cinquième édition du même recueil :
L’article 23, comme tous les droits linguistiques, met en jeu non seulement des droits individuels, mais également des droits collectifs.
(…)
La Cour suprême du Canada décrit l’école comme «l’institution la plus importante pour la survie de la minorité linguistique officielle, qui est elle-même un véritable bénéficiaire en vertu de l’article23». Ce faisant, la Cour reconnaît le caractère collectif de l’article 23. En effet, si cet article reconnaît des droits individuels, dans la mesure où chaque partie répondant aux critères peut se prévaloir des droits qu’il accorde, il porte aussi une dimension collective puisqu’en fin de compte, c’est la communauté minoritaire qui est la vraie bénéficiaire des droits conférés par l’article. En conséquence, il serait dangereux de mettre uniquement l’accent sur le droit individuel, à l’instruction, au détriment des droits linguistiques et culturels de la communauté minoritaire[31].
[82] Le professeur José Woehrling parle de « droits présentant une dimension nettement collective ».[32]
[83] Dans l’arrêt Arsenault-Cameron, la Cour suprême réfère aux « droit collectifs des parents d’âge scolaire ».[33]
[84] Cette composante particulière de l’article 23 de la Charte a été réitérée dans le tout récent arrêt de la Cour suprême, Conseil scolaire francophone de la Colombie Britannique :
[17] Je souligne également que, contrairement à d’autres dispositions génératrices de droits, les droits reconnus par l’art. 23 s’apprécient non seulement sur le plan individuel, mais également sur le plan collectif. En effet, l’art. 23 confère des droits individuels, mais dont la portée est collective. Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Solski, il en résulte que les tribunaux appelés à interpréter l’art. 23 doivent considérer le contexte social, démographique et historique qui est propre à chaque groupe linguistique. Ainsi, les tribunaux ont la tâche délicate de concilier les préoccupations parfois divergentes de la minorité francophone hors Québec, pour qui l’exercice des droits linguistiques a été chèrement acquis, avec la réalité particulière de la minorité anglophone du Québec et la perception que les francophones du Québec –majoritaires dans cette province, mais dont leur langue est minoritaire à l’échelle du pays – ont de leur avenir au sein du Canada (Solski, par. 5)[34].
[85] Cette dimension collective confère des droits qui vont au-delà des droits individuels qui sont conférés aux parents par l’article 23 de la Charte. C’est le groupe qui en bénéficie :
L’article 23 énonce donc un nouveau genre de garantie juridique, très différente de celles dont les tribunaux ont traditionnellement traité. Tant son origine que la forme qu’il revêt témoignent de son caractère inhabituel. Il confère à un groupe un droit qui impose au gouvernement des obligations positives de changer ou de créer d’importantes structures institutionnelles[35].
[86] Cette dimension collective a des implications qui font en sorte que de très sérieuses questions devront être débattues au fond et faire l’objet d’une preuve beaucoup plus complète que celle dont peut bénéficier le tribunal à cette étape-ci des procédures.
[87] La Cour suprême a affirmé à plusieurs reprises que les gouvernements devaient tenir compte des préoccupations de leur minorité linguistique.
[88] Le Tribunal a entendu l’avocat du Procureur général affirmant que la Cour suprême avait établi dans l’arrêt Mikisew qu’on ne pouvait assujettir le processus législatif à la consultation, en raison du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. La juge Karakatsanis a effectivement écrit, au nom de trois juges :
[32]… je conclus que le processus législatif — à savoir l’élaboration, l’adoption et la promulgation d’une loi — ne donne pas naissance à l’obligation de consulter. Les principes de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté parlementaire exigent que les tribunaux s’abstiennent d’intervenir dans le processus législatif. La doctrine de l’obligation de consulter ne convient donc pas relativement à l’action législative.
[34] L’élaboration de projets de loi par les ministres fait partie intégrante du processus législatif, un processus qui est généralement à l’abri du contrôle judiciaire.
[89] Le juge Brown, également au nom de trois juges, opinait dans le même sens :
[117] Je souscris à l’opinion des juges majoritaires de la Cour d’appel selon laquelle l’ensemble du processus législatif — de l’élaboration initiale des politiques à la sanction royale inclusivement — constitue un exercice du pouvoir législatif qui est à l’abri de l’ingérence des tribunaux. Comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Ontario c. Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 43, [2013] 3 R.C.S. 3, par. 28, les « choix politiques » relèvent du pouvoir législatif, tandis que leur mise en œuvre et leur administration incombent au pouvoir exécutif. Cela empêche les tribunaux d’imposer une obligation de consulter dans le cadre du processus législatif.
[118] Le principe de la séparation des pouvoirs met en outre le processus d’élaboration par le Cabinet des principes directeurs en matière de législation ainsi que la préparation et le dépôt des projets de loi aux fins d’examen par le Parlement (et par les législatures) à l’abri du contrôle judiciaire.
[90] Les juges conviennent cependant dans cette affaire que si la législation porte atteinte aux droits protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les tribunaux pourront l’invalider.
[91] De la même façon, en appliquant l’article 23 de la Charte, la Cour suprême a constamment souligné l’importance de tenir compte des préoccupations de la minorité :
En outre, comme l’indique le contexte historique dans lequel l’art. 23 a été adopté, les minorités linguistiques ne peuvent pas être toujours certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n’est pas nécessairement intentionnelle: on ne peut attendre de la majorité qu’elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d’instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité[36].
Le rôle principal du ministre est de mettre en place des structures institutionnelles et des politiques et règlements qui répondent à la dynamique linguistique particulière à la province[37]. (Le tribunal souligne)
[92] Une décision administrative prise sans consultation préalable peut être cassée pour ce motif[38]. Dans son arrêt obligeant l’Ontario à continuer à fournir les services en français à l’Hôpital Monfort, la Cour d’appel d’Ontario a rappelé l’importance du respect des droits de la minorité dans notre contexte constitutionnel et a conclu que la Commission de restructuration des services de santé devait tenir compte des recommandations qui exprimaient les vues de la minorité [39]:
[112] La protection des minorités linguistiques est essentielle à notre pays. Le juge Dickson saisit l’esprit de la place des droits linguistiques dans la Constitution dans Société des Acadiens, précité, à la p. 564 : « La question de la dualité linguistique est une préoccupation de vieille date au Canada, un pays dans l’histoire duquel les langues française et anglaise sont solidement enracinées. » Comme l’énonce le juge La Forest dans R. c. Mercure, 1988 CanLII 107 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 234, à la p. 269, les « droits concernant les langues française et anglaise […] sont essentiels à la viabilité de la nation ».
[114] Le principe du respect et de la protection des minorités est une caractéristique structurelle fondamentale de la Constitution canadienne, qui explique et transcende à la fois les droits des minorités expressément garantis dans le texte de la Constitution. C’est un domaine où, comme l’explique la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la sécession, à la p. 292, « Une lecture superficielle de certaines dispositions spécifiques du texte de la Constitution, sans plus, pourrait induire en erreur. » Cette caractéristique structurelle de la Constitution ne ressort pas uniquement des garanties spécifiques en faveur des minorités. Elle imprègne tout le texte, et comme nous l’avons expliqué, elle joue un rôle vital dans la modulation du contenu et des frontières des autres caractéristiques structurelles de la constitution : le fédéralisme, le constitutionnalisme et la primauté du droit, et la démocratie.
[138] Dans Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 3, à la p. 24, la Cour suprême reprend sa déclaration dans Mahe voulant qu’une garantie des droits linguistiques soit « indissociable d’une préoccupation à l’égard de la culture véhiculée par la langue en question ». La Cour confirme aussi la position adoptée dans Beaulac, selon laquelle les droits linguistiques doivent recevoir une interprétation téléologique, tenant compte du contexte historique et social, des injustices passées, et de l’importance des droits et des institutions pour la minorité linguistique touchée.
[180] La Commission était obligée par la loi d’exercer ses pouvoirs à l’égard de Montfort conformément à l’intérêt public. Afin de décider de ce qui est de l’intérêt public, la Commission était tenue de prendre en considération le principe constitutionnel fondamental du respect et de la protection des minorités. De plus, la Commission devait tenir compte des recommandations des conseils de santé régionaux. Comme nous l’avons signalé plus haut, les conseils de santé régionaux ont reconnu le rôle unique de Montfort et son importance pour la survie continue de la langue française et de la culture de la collectivité francophone. (Le tribunal souligne)
[93] Sans l’assujettir à une obligation de consulter la minorité avant d’adopter une loi, l’Assemblée nationale demeure liée par l’article 23 de la Charte qui l’oblige à tenir compte des préoccupations de cette minorité :
… les décisions touchant la majorité de doivent pas être simplement le reflet de celles prises pour la majorité; elles doivent aussi prendre en considération les besoins particuliers du groupe minoritaire et respecter sa culture. L’égalité réelle, aux termes de l’article 23, exige donc que les groupes minoritaires soient traités différemment si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d’éducation équivalent à celui de la majorité officielle[40]. (Le tribunal souligne)
[94] La consultation est une des façons de considérer le point de vue de la minorité[41].
[95] Il faut éviter d’imposer des structures qui ne correspondent pas aux besoins de la minorité.
[96] L’Assemblée nationale et le ministre de l’Éducation ont-ils tenu compte des préoccupations de la minorité anglophone?
[97] Le dossier devant le tribunal ne permet pas de répondre à cette question. Les débats parlementaires déposés ne font état que de l’intervention de l’ancien ministre Geoffrey Kelley relative à l’abolition de la rémunération annuelle de 7500 $ pour les commissaires.
[98] La liste des intervenants entendus en commission parlementaire, donc invités par le gouvernement à faire valoir leur point de vue,[42] identifie l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec, l’Association des comités de parents anglophones et l’Association of administrators of English Schools of Québec comme groupements pouvant représenter la minorité anglophone. Leur temps de parole total sur les 7 jours d’audition en commission parlementaire fut de 2 heures 15 minutes. Le nombre total d’intervenants s’élevait à 47.
[99] 9 mémoires d’associations ou personnes anglophones, dont M. Eustace, ont été déposés à l’occasion de la consultation[43].
[100] La preuve relative au profil des élus des commissions scolaires ne comprend que des données recueillies auprès du réseau des commissions scolaires francophones[44].
[101] Aucun livre blanc, aucune étude d’une commission d’enquête quelconque, outils traditionnels d’analyse d’une loi, n’ont été soumis.
[102] Il s’agit là de questions dont la preuve doit nécessairement être déférée à une étape ultérieure des procédures. Elles sont par contre de toute évidence sérieuses et passent facilement la barre peu exigeante du premier critère d’analyse.
[103] Le procureur général soutient par ailleurs que la Loi respecte l’article 23 de la Charte qui confère des droits aux parents d’élèves, les « ayant-droits » (rights holders), parce qu’elle a justement pour but de remettre aux parents le contrôle du système scolaire en les plaçant au centre du processus tant électoral que décisionnel.
[104] Monsieur Eustace, intervenant d’expérience dans le monde scolaire anglophone, se réjouit de cette approche pour des motifs qu’il a largement diffusés au fil des ans et qu’il a exposés en audition.
[105] Cette position prend appui dans plusieurs passages jurisprudentiels et doctrinaux : Dans Mahe, la question à résoudre était formulée ainsi par le juge en chef Dickson : « La question principale dans le présent pourvoi est de savoir si et dans quelle mesure la "gestion et le contrôle" d'une école de langue française devraient être confiés aux parents visés par l'art. 23, à Edmonton. [45]» (Le tribunal souligne.)
[106] Il y répond de la façon suivante :
Selon moi, il est indispensable à cette fin que, dans chaque cas où le nombre le justifie, les parents appartenant à la minorité linguistique aient une certaine mesure de gestion et de contrôle à l'égard des établissements d'enseignement où leurs enfants se font instruire. Cette gestion et ce contrôle sont vitaux pour assurer l'épanouissement de leur langue et de leur culture[46]. (Le tribunal souligne.)
[107] Dans l’arrêt Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), le juge en chef Lamer réitère les principes de l’arrêt Mahe :
Une fois franchi le seuil établissant le droit à l'instruction dans la langue de la minorité, s'il faut que les «établissements d'enseignement de la minorité», comme l'indique l'arrêt Mahe, «appartiennent» de façon significative aux parents visés à l'art. 23 au lieu d'être simplement «pour» les parents en question, il est raisonnable qu'ils exercent une certaine mesure de contrôle sur les locaux où l'instruction est offerte. [47]
[108] Dans l’arrêt Arsenault-Cameron, la Cour suprême discute du « droit collectif des parents des enfants d’âge scolaire»[48], mais conclut en mentionnant « qu’il est donc évident que les parents de la minorité linguistique et leurs représentants sont les mieux placés pour identifier les besoins locaux lorsqu’il s’agit de définir les régions pertinentes. »[49]
[109] Qui sont ces représentants ?
[110] Dans Arsenault-Cameron, la Cour suprême écrit que « lorsqu’une commission de la minorité linguistique a été établie en vue de satisfaire à l’art. 23, il revient à la commission, parce qu’elle représente la communauté de la minorité linguistique officielle, de décider ce qui est le plus approprié d’un point de vue culturel et linguistique. [50]» (Le tribunal souligne.)
[111] Par ailleurs, l’absence de consensus au sein de la minorité ne peut constituer une excuse pour refuser d’octroyer des droits à une minorité linguistique[51]. On peut présumer que cela ne peut devenir un prétexte pour lui imposer un régime dont les représentants officiels ne voudraient pas.
[112] Le procureur général a déposé la transcription de la présentation de madame Rhonda Boucher au nom de l’Association des comités de parents anglophones, ainsi que le mémoire de celle-ci[52], citant l’appui de l’Association au but recherché par le gouvernement de rapprocher la gouvernance scolaire des parents d’élèves :
Regarding the government’s goal of providing autonomy for schools and proximity in decision-making: we appreciate and applaud the minister in wanting to bring the parents closer to the decision-making process.
[113] L’intervention continue cependant pour émettre de sérieux doutes quant au résultat :
However, there are several aspects of the new model that raise concern and problem for us, and may indeed undermine the stated intention of proximity to the community.
[114] Sans citer le mémoire de l’Association in extenso, il est intéressant d’en souligner les passages suivants :
The new model… provides very specific criteria for the community representatives who will replace the existing elected commissioners (i.e. one each from the financial sector, sports and leisure, human resources, etc.). We see it as highly unlikely that the people with these backgrounds are likely to step forward spontaneously to run for these positions, particularly in rural areas.
…
À propos de la volonté du gouvernement de dépolitiser l’éducation, nous croyons que ce projet de loi aura plutôt un effet négatif sur la démocratie dans le système.
…
To conclude, we note that this bill has not emerged from any white paper or clear intention to improve education in Quebec. It offers no metrics that matter to us, such as improving the graduation rate and the quality of education. The government needs to stop focusing on structural changes that will not help our students, and instead loom at the excellent success rates of the 9 Anglophone school boards. School boards are the one element of the public system that the English speaking minority can call its own, thus giving it a degree of democratic legitimacy that is absent for English speakers dealing with other public services.
The existing School Board system is a community-based intermediary between the school and the Education Ministry, and an important institutional support to parents; and we see the new service centres proposed to replace them as having uncertain legal status, with leadership clearly answerable to the ministry before parents, teachers or administrators. Without amendment, this bill is a disaster for our schools and the communities they support. We encourage this Assembly to look long and hard at this bill, and to be ready to amend it in the interest of the quality of education in Quebec.
(Le tribunal souligne)
[115] Il s’agit donc d’une autre question sérieuse à débattre.
g) Conclusion sur la question sérieuse à débattre
[127] Le procès au fond devra résoudre le problème posé ainsi par le professeur Doucet :
Pour les gouvernements provinciaux, la règle devrait être d’éviter toutes dispositions ou structures qui portent atteinte, font obstacle ou ne répondent tout simplement pas aux besoins de la minorité, de respecter les besoins pédagogiques des communautés minoritaires de langue officielle et le pouvoir exclusif de gestion de celles-ci sur tout ce qui concerne la langue et la culture de la minorité. En conséquence, les provinces sont libres de modifier leurs systèmes scolaires, la forme des structures de gestion de l’instruction, les modalités de financement, les pouvoirs conférés aux institutions chargées de cette gestion, mais avec comme limite qu’elles ne peuvent, ce faisant, porter atteinte à la langue et à la culture de la minorité. La répartition des pouvoirs entre le ministère de l’Éducation et les conseils scolaires minoritaires doit tenir compte du fait que les décisions que prennent les conseils de la minorité linguistique introduisent presque toujours une dimension linguistique et culturelle.
En résumé, le ministre de l’Éducation a deux obligations précises dans un régime de l’article 23. Premièrement, il doit mesurer l’effet de ses décisions sur la communauté minoritaire, c’est-à-dire qu’il doit évaluer si sa décision va nuire à la pédagogie des enfants de la communauté été il doit également envisager l’impact plus large de ses décisions sur la communauté minoritaire elle-même. Deuxièmement, il doit reconnaître le rôle prépondérant des conseils scolaires minoritaires sur tout ce qui concerne la langue et la culture[59]. (Le tribunal souligne)
[128] Le tribunal est par ailleurs conscient du rôle limité qu’il doit jouer. Il ne lui appartiendra pas de réécrire la Loi, si jamais certaines de ses dispositions étaient jugées incompatibles avec l’article 23 de la Charte. Comme le rappelle la Cour suprême dans Vriend :
Les tribunaux n’ont pas, pour accomplir leurs fonctions, à se substituer après coup aux législatures ou aux gouvernements; ils ne doivent pas passer de jugement de valeur sur ce qu’ils considèrent comme les politiques à adopter; cette tâche appartient aux autres organes de gouvernement[60].
[129] Cette limite au rôle de la Cour jouera dans l’appréciation des autres critères de l’octroi d’un sursis législatif.
Commission scolaire francophone, AB, FA, TB, JJ et ES c Ministre de l’Éducation, 2020 TNOCS 28
[9] L’art. 23 de la Charte accorde aux parents des TNO visés par cet article le droit à l’enseignement en français pour leurs enfants. [10] Les écoles à Yellowknife et Hay River qui offrent cet enseignement sont gérées par la CSF, conformément au Règlement sur l’instruction en français langue première, Règl. des T.N.-O. 166-96, et au Règlement sur la Commission scolaire francophone, Territoires du Nord-Ouest, Règl. des T.N.-O. 071-2000, faits en vertu de la Loi sur l’éducation, L.T.N.-O. 1995, c. 28. Comme je l’ai noté dans A.B., aux TNO, comme dans certaines autres régions du Canada, la minorité a souffert en raison de l’absence historique d’écoles de langue minoritaire ainsi que des phénomènes d’assimilation et de mariages exogames qui contribuent à un faible taux de transmission de la langue : au para. 57, citant Territoires du Nord-Ouest (Procureur général) c. Association des parents ayants droit de Yellowknife, 2015 CanLII 170 (NWT CA), 2015 CATN-O 2, 593 A.R. 180, au para. 111, autorisation d’appel refusée, [2015] C.S.C.R. no 95. [11] En 2008, le ministre de l’époque a émis une directive ministérielle limitant l’accès aux programmes d’enseignement en français langue première aux enfants de parents ayants droit en vertu de l’art. 23 et aux enfants de parents non-ayants droit admis selon la discrétion du ministre. La CSF est obligée de suivre les directives ministérielles : Règlement sur la Commission scolaire francophone, art. 7(1)(u). La CSF a contesté cette directive et maintenait que l’admission des enfants de parents non-ayants droit relevait de la CSF et non du ministre. La cour a rejeté cet argument : Territoires du Nord‑Ouest (Procureur général) c. Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord‑Ouest, 2015 CanLII 168 (NWT CA), 2015 CATN-O 1, 78 Admin. L.R. (5e) 343, autorisation d’appel refusée, [2015] C.S.C.R. no 94. [12] Le ministère a par la suite entrepris un examen de cette directive et a préparé un rapport (le « Rapport final ») : Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, Ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation, Rapport final : Examen de la directive ministérielle sur l’inscription des élèves aux programmes d’instruction en français langue première (30 juin 2016). Tel que je l’ai noté dans A.B., au para. 59, des observations faites dans le Rapport final incluent :
L’application au sens strict des critères d’admission de l’art. 23 « nuit à la diversité culturelle dans les écoles francophones »[.] Puisque les écoles de la majorité peuvent admettre autant d’enfants de la minorité qu’elles le veulent, l’égalité de traitement des écoles de la minorité et de la majorité « signifie que les écoles francophones doivent également avoir la possibilité d’intégrer un certain nombre de non-ayants droit dans leur école »[.] Il est raisonnable que les écoles de la minorité « admettent un petit nombre de non-ayants droit, toutes proportions gardées, en vue de maintenir les programmes en place »[.] Un élément important de la revitalisation de la minorité « consiste à favoriser la croissance de la population. La croissance naturelle de la population ténoise d’ayants droit de même que l’immigration d’ayants droit d’autres collectivités peuvent s’avérer insuffisantes pour maintenir un niveau de population qui appuie l’existence des écoles francophones. » [13] À la suite du Rapport final, en 2016, le ministre de l’époque a émis la Directive, conformément à la Loi sur l’éducation, pour remplacer la directive de 2008. La Directive établit un processus par lequel les enfants de parents non-ayants droit en vertu de l’art. 23 de la Charte peuvent être admis dans les écoles de la CSF.
Le GTNO est également déterminé à appuyer la revitalisation des langues et des cultures. Or, un aspect fondamental du processus de revitalisation consiste à soutenir l’accroissement démographique des groupes concernés. La [Directive] vise à soutenir la croissance de la population d’ayants droit francophones aux TNO en permettant à un nombre restreint d’enfants de parents non-ayants droit de fréquenter une école francophone ténoise. [15] La Directive spécifie un processus à deux étapes par lequel les enfants de parents non-ayants droit peuvent accéder aux écoles de langue française des TNO. La demande est évaluée par la CSF, qui formule une recommandation. Ensuite, tenant compte de cette recommandation, l’intimé décide si l’enfant sera admis. [16] La Directive décrit trois catégories de parents non-ayants droit dont leurs enfants sont admissibles aux écoles de la CSF : (1) le parent aurait été un ayant droit mais il ou elle (ou ses propres parents) n’a pas eu la possibilité de fréquenter une école francophone (« restitution »); (2) le parent n’est pas citoyen canadien mais répond aux critères de l’art. 23 (« francophone non citoyen »); et (3) le parent a immigré au Canada et l’enfant, à son arrivée, ne parle ni le français ni l’anglais et est inscrit dans une école canadienne pour la première fois (« nouvel arrivant »). [17] Quoique ce ne soit pas prévu dans la Directive, l’intimé retient toujours la discrétion d’admettre des enfants dont leurs parents n’entrent pas dans ces catégories : A.B., au para. 42. [60] Cette cour a déjà déterminé que la Ministre doit tenir compte de l’art. 23 dans l’exercice de sa discrétion d’admettre des enfants de parents non-ayants droit dans les écoles de langue française des TNO : A.B., au para. 65. Cette discrétion a un impact direct sur la viabilité des écoles de la CSF et la communauté francophone et donc met en jeu les protections conférées par l’art. 23. [61] L’objet qui sous-tend l’art. 23 de la Charte est de maintenir « les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent » : Mahe c. Alberta, 1990 CanLII 133 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 342, à la p. 362. Cela inclut l’objectif de remédier aux injustices passées et de créer des circonstances qui permettent l’épanouissement de la communauté minoritaire : Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, au para. 15 [« CSF »]. Le fait que l’art. 23 vise à favoriser la préservation et l’épanouissement de cette communauté lui donne une dimension collective, même si cet article confère un droit individuel : CSF, au para. 17. [62] Bien que les parents-requérants n’aient pas de droits en vertu de l’art. 23 de la Charte, la décision d’admettre ou non leurs enfants a fait le sujet d’une recommandation de la CSF comme représentante des ayants droit. La recommandation concernait l’impact qu’aura l’admission des enfants sur la viabilité des écoles de la CSF et la communauté franco-ténoise. L’impact est de deux types. [63] Premièrement, le taux d’inscription est un facteur important pour la réussite des écoles de la CSF. Le Rapport final préparé par le ministère qui a mené à l’adoption de la Directive en 2016 souligne l’importance de ce facteur : Une part inhérente de la revitalisation consiste à favoriser la croissance de la population. La croissance naturelle de la population ténoise d’ayants droit de même que l’immigration d’ayants droit d’autres collectivités peuvent s’avérer insuffisantes pour maintenir un niveau de population qui appuie l’existence des écoles francophones…. Ainsi, il est de l’intérêt du [gouvernement] et des ténois de veiller à la viabilité des populations d’élèves dans les écoles francophones existantes. [64] Un faible taux d’inscription pourrait réduire le financement des écoles de la CSF et diminuer les options éducatives que les écoles seront en mesure d’offrir. De cette manière, un faible taux d’inscription peut logiquement mettre en jeu la viabilité des écoles de langue française et éroder la qualité de l’enseignement dispensé dans ces écoles. [65] En ce sens, la décision de ne pas admettre un enfant de parents non-ayants droit a un impact sur les droits conférés par l’art. 23 aux parents de ceux et celles qui sont déjà dans le système scolaire francophone et aux ayants droit qui inscriront leurs enfants dans le futur. La viabilité du système scolaire francophone favorise, à tour de rôle, la viabilité et l’épanouissement de la communauté francophone : Mahe, aux pp. 362-363. [66] Deuxièmement, au-delà de la viabilité des écoles, la décision d’admettre un enfant de parents non-ayants droit peut servir à enrichir la communauté franco-ténoise en permettant à des familles non-ayants droit de s’intégrer pleinement dans cette communauté. Par contre, un refus d’admission érige un obstacle à l’intégration des familles qui souhaitent s’intégrer dans la communauté franco-ténoise en privant la famille de son appartenance à la communauté scolaire. [67] Le lien entre l’admission des enfants de parents non-ayants droit et la revitalisation de la culture et langue minoritaire est reconnu dans la Directive, qui stipule que le gouvernement « est également déterminé à appuyer la revitalisation des langues et des cultures. Or, un aspect fondamental du processus de revitalisation consiste à soutenir l’accroissement démographique des groupes concernés. » [68] Comme les décisions de la Ministre auront un impact sur la viabilité des écoles de la CSF, la qualité des programmes scolaires qui y sont offerts et la pleine intégration des nouvelles familles dans la communauté francophone, elles portent indirectement sur les droits conférés par l’art. 23 aux résidents des TNO et sur les valeurs qui sous-tendent ces droits dont le gouvernement est tenu de respecter. [117] Les requérants demandent à la cour : (1) d’annuler les décisions; (2) de faire certaines déclarations; et (3) de rendre une ordonnance enjoignant à la Ministre d’accorder les demandes d’admission. [118] Les requérants citent l’arrêt Vavilov pour la proposition qu’il faut éviter un va-et-vient interminable entre le décideur et la cour. Selon eux, les facteurs qui peuvent militer en faveur d’un mandamus, y compris la nécessité d’accéder à une solution rapide, le besoin urgent de régler le conflit, l’équité et l’utilisation efficace de ressources publiques, s’appliquent à l’instance. Ils maintiennent que la nature systémique des refus est manifeste et qu’il n’y a aucune chance que les demandes individuelles soient acceptées. [119] L’intimé maintient que si la Ministre n’a pas bien considéré les facteurs, ses décisions doivent être renvoyées aux fins d’un nouvel examen. Une ordonnance enjoignant à l’intimé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière n’est pas, selon lui, appropriée en l’espèce. Une ordonnance de cette nature est seulement appropriée lorsque le requérant a un droit clair d’obtenir la permission demandée. Les requérants en l’espèce n’ont aucun droit en vertu de l’art. 23. De plus, une telle ordonnance irait à l’encontre du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs. [120] Pour les raisons suivantes, j’annule les décisions, mais je refuse de faire les déclarations demandées et d’ordonner que l’intimé exerce son pouvoir discrétionnaire d’une certaine manière. Je renvoie plutôt l’affaire à l’intimé aux fins d’un nouvel examen. [121] Lorsque la cour de révision constate qu’une décision est déraisonnable, il conviendra habituellement d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire pour réexamen : Vavilov, au para. 141. La cour peut refuser de renvoyer l’affaire et de décider à la place du décideur seulement lorsque le renvoi « fait échec au souci de résolution rapide et efficace d’une manière telle qu’aucune législature n’aurait pu souhaiter » : Vavilov, au para. 142. Les facteurs suivants peuvent influer cette détermination : « les préoccupations concernant les délais, l’équité envers les parties, le besoin urgent de régler le différend, la nature du régime de réglementation donné, la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige, les coûts pour les parties et l’utilisation efficace des ressources publiques » : Vavilov, au para. 142. Par exemple, lorsqu’il y a un seul résultat inévitable, il serait inutile de renvoyer l’affaire au décideur : Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, 50 C.R. (7e) 1, aux paras. 54-56. Également, si le retard attribuable au renvoi de l’affaire au décideur est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, la jurisprudence reconnait une exception à la règle générale : D’Errico c. Canada (Procureur générale), 2014 CAF 95, 459 N.R. 167, au para. 16. [122] À mon avis, en l’espèce, il n’est pas possible de conclure qu’un seul résultat est inévitable. Les décisions en question sont des décisions discrétionnaires et le dossier ne permet pas nécessairement de conclure qu’il y a un seul résultat possible. Un an s’est écoulé depuis que ces décisions ont été prises et le contexte factuel pourrait bien avoir changé. Dans les circonstances, l’intimé devrait avoir la possibilité de reconsidérer ses décisions en ayant égard à ce contexte. [123] En outre, je conclus que le retard causé par le réexamen de ces décisions n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. Je tiens compte du fait que c’est la deuxième fois que le parent de W., A.B., a réussi à faire annuler une décision de la Ministre refusant l’admission de son enfant. Je prends également en considération que, selon la décision récente de la Cour suprême du Canada dans l’affaire CSF, en raison de la nature des demandes, le risque d’érosion et d’assimilation culturelle des communautés minoritaires s’aggrave à chaque année face à l’inaction : CSF, au para. 16. Toutefois, je suis d’avis que le préjudice qui découle du retard ne soit pas suffisant pour mettre en cause l’administration de la justice ou pour justifier que cette cour exerce un pouvoir discrétionnaire qui appartient à juste titre à l’intimé. L’intimé sera en mesure de rendre de nouvelles décisions avant le début de la prochaine année scolaire. [124] En ce qui concerne les déclarations, les requérants demandent que je déclare que la Ministre : 1. a entravé sa discrétion ministérielle; 2. a enfreint aux principes d’équité procédurale; 3. n’était pas raisonnablement ouverte à la persuasion et n’a pas évalué fidèlement les dossiers de demandes de manière impartiale; 4. n’a pas raisonnablement considéré l’intérêt de l’enfant; 5. n’a pas raisonnablement exercé sa discrétion pour tenir compte de l’objet de l’art. 23 de la Charte et les intérêts des ayants droit contrairement à la décision A.B.; 6. a, par sa Directive et le refus d’exercer sa discrétion ministérielle, adopté une approche à l’égard des demandes d’admission d’enfants de familles francophiles et immigrantes non francophones qui fait obstacle à la réalisation de l’art. 23 de la Charte et de son caractère réparateur à Yellowknife et à Hay River; et 7. que l’approche systémique du ministère et de la Ministre justifie l’intervention de la cour pour décider les cinq dossiers de demande pour les six enfants en cause. [125] Les requérants n’ont pas réussi à établir que ces déclarations sont nécessaires dans les circonstances. Tout d’abord, certaines des déclarations demandées ne concordent pas avec mes conclusions. Comme je l’ai expliqué, il n’y a pas d’enfreinte aux principes d’équité procédurale et j’ai conclu que l’affaire devraient être renvoyée à l’intimé aux fins d’un nouvel examen. Je n’ai pas décidé que la Ministre a agi de mauvaise foi. Plutôt, j’ai expliqué que ses motifs de décision souffraient de lacunes fondamentales, de sorte que les décisions sont déraisonnables. À la lumière de ces lacunes, il est difficile, sinon impossible, de déterminer si elle aurait raisonnablement considéré et soupesé les divers facteurs pertinents, tel que l’intérêt des enfants. [126] De toute façon, les requérants n’ont pas démontré en quoi les déclarations seraient utiles. Un jugement déclaratoire ne peut être rendu que s’il a une utilité pratique : Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, au para. 11. Je ne vois pas l’utilité de faire des déclarations qui portent sur des décisions qui seront de toute façon annulées à la suite de cette décision. Plus précisément, je rejette l’argument des requérants que les déclarations sont nécessaires pour garantir que le réexamen sera effectué conformément aux contraintes juridiques qui sont imposées à l’intimé. Je suis convaincu que l’intimé continuera à agir de bonne foi et à s’efforcer d’exercer son pouvoir discrétionnaire conformément aux contraintes juridiques qui lui sont imposées. [127] Pour ces motifs, la réparation appropriée est simplement d’annuler les décisions et de renvoyer l’affaire à l’intimé aux fins d’un nouvel examen. [128] Nonobstant ma conclusion sur la réparation appropriée, je propose quelques brefs commentaires pour guider le réexamen de l’intimé. [129] Le ministre de l’époque a mis en place une Directive qui met en place un mécanisme organisé et prévisible pour l’admission des enfants de parents non-ayants droit aux écoles de la minorité linguistique. Cette Directive n’est pas contestée par les requérants. La discrétion de faire exception et d’admettre un enfant de parents non-ayants droit qui n’entre pas dans une des catégories énoncées dans la Directive et qui a reçu la recommandation de la CSF réside avec l’intimé. [130] Les démarches à suivre pour demander à l’intimé d’exercer sa discrétion et le processus de prise de décision ne devraient pas être indûment complexes, exigeant une analyse exhaustive et des motifs détaillés. Par contre, de telles décisions sont importantes pour les parents et enfants impliqués, ainsi que pour la communauté des ayants droit. Quoique les motifs de l’intimé ne sont pas tenus d’être longs et détaillés, ils doivent être logiques et cohérents. Dans la prise de décision, l’intimé doit tenir compte de l’art. 23, dont un des objectifs est de contrer l’assimilation de la communauté minoritaire francophone des TNO, une communauté vulnérable : CSF, au para. 156. [131] Il relève des parents et de la CSF de démontrer à l’intimé que l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est avantageux et nécessaire dans les circonstances. De cette façon, l’intimé sera bien outillé pour rendre une décision éclairée. [132] L’intimé pourrait se servir de la recommandation de la CSF comme point de départ lors de son examen des demandes d’admission exceptionnelles, compte tenu du rôle que joue la CSF dans la représentation de la communauté minoritaire. La CSF est bien placée pour évaluer les compétences linguistiques et culturelles des enfants et de leurs parents. La CSF est aussi en mesure de refléter les besoins de la communauté et de déterminer l’impact des inscriptions sur leurs écoles. Ainsi, l’intimé devrait accorder un poids approprié aux recommandations de la CSF. [133] La CSF devrait s’efforcer de fournir des recommandations qui sont utiles et qui pourront guider l’intimé dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les bienfaits particuliers de chaque demande d’admission exceptionnelle devraient être étayés. L’adoption de formules telles que « tout élève de plus est un atout » ne sert guère cet objectif. Il serait plus utile de spécifier les avantages ou inconvénients particuliers qu’une admission apporterait à la communauté minoritaire. Le pouvoir discrétionnaire appartient à l’intimé, de sorte que la valeur de la recommandation de la CSF est liée à sa capacité de communiquer à l’intimé, de manière efficace et fiable, l’impact qu’une admission aura sur l’école et la communauté francophone. [134] Malgré une recommandation de la CSF, l’intimé peut décider de refuser l’admission s’il estime qu’en soupesant tous les facteurs pertinents, y compris la Directive et ses objectifs et les valeurs qui sous-tendent l’art. 23, la demande devrait être rejetée. Il s’agira nécessairement d’une détermination factuelle spécifique qui variera en fonction, par exemple, des circonstances particulières de l’enfant et sa famille, du niveau scolaire auquel l’enfant fait demande et de la variation dans le taux d’inscription d’une année à l’autre. Des facteurs comme la capacité des écoles et les conséquences sur le budget territorial pourraient aussi être pris en considération. |
[9] S. 23 of the Charter grants NWT parents that are covered by this section the right to French-language education for their children. [10] The schools in Yellowknife and Hay River that provide such education are operated by the CSF in accordance with the French First Language Education Regulations, NWT Reg. 166-96, and the Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest Regulations, NWT Reg. 071-2000, made pursuant to the Education Act, S.N.W.T. 1995, c. 28. As I noted in A.B., in the NWT, as in some other regions of Canada, the minority has suffered because of the historical absence of minority language schools and the phenomena of assimilation and exogamous marriages, which contribute to a low rate of language transmission: at para. 57, citing Northwest Territories (Attorney General) v. Association des parents ayant droits de Yellowknife, 2015 NWTCA 2, 593 A.R. 180, at para. 111, leave to appeal refused, [2015] S.C.C.A. No. 95. [11] In 2008, the Minister at the time issued a ministerial directive limiting access to French first language education programs to children of s. 23 rights-holding parents and children of non-rights holder parents admitted at the discretion of the Minister. The CSF is obliged to follow ministerial directives: Commission Scolaire Francophone Regulations, s. 7(1)(u). The CSF challenged the directive and maintained that the admission of children of non-rights holder parents was a matter for the CSF and not for the Minister. The Court rejected this argument: Northwest Territories (Attorney General) v. Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest, 2015 NWTCA 1, 78 Admin. L.R. (5th) 343, leave to appeal refused, [2015] S.C.C.A. No. 94. [12] The Department subsequently undertook a review of the directive and prepared a report (the “Final Report”): Government of the Northwest Territories, Department of Education, Culture and Employment, Final Report: Review of the Ministerial Directive - Enrolment of Students in French First Language Education Programs (June 30, 2016). As I noted in A.B. at para. 59, observations made in the Final Reportinclude the following: [Translation] The strict enforcement of s. 23 admission criteria “prevents the cultural diversity in French first language schools”; Since majority language schools may admit as many linguistic minority children as they wish, equality between minority language schools and majority language schools “means that French first language schools should also have the opportunity to draw some non–rights holders into their schools”; It is reasonable for minority language schools “to allow the admission of a proportionally small number of non–Right Holders as a means of maintaining the feasibility of existing programming”; An important part of minority language revitalization “is allowing for population growth. Natural growth of the NWT rights holder population and the migration of rights holders from other communities may not be sufficient to maintain a level of population sufficient for supporting French first language schools”. [13] Following the Final Report, in 2016, the then Minister issued the Directive, in accordance with the Education Act, replacing the 2008 directive. The Directive establishes a process by which children of non-rights holder parents under s. 23 of the Charter may be admitted to CSF schools. The GNWT is also committed to supporting language and culture revitalization. An inherent part of revitalization is supporting population growth. This Directive aims to support the growth of the French first language rights holder population in the NWT by allowing a limited number of children of non-rights holder parents to attend French first language schools in the NWT. [15] The Directive sets out a two-stage process by which children of non-rights holders can access French-language schools in the NWT. The application is assessed by the CSF, which then makes a recommendation. Based on this recommendation, the respondent decides whether the child will be admitted. [16] The Directive describes three categories of non-rights holder parents whose children are eligible to attend CSF schools: (1) the parent would have been a rights holder but for his or her, or his or her parent’s, lack of opportunity to attend a French first language school (“reacquisition”); (2) the parent is not a Canadian citizen but meets the criteria of s. 23 (“non-citizen francophone”); and (3) the parent is an immigrant to Canada whose child upon arrival does not speak English or French and is enrolling in a Canadian school for the first time (“new immigrant”). [17] Although not provided for in the Directive, the respondent still retains the discretion to admit children whose parents do not fall into these categories: A.B., at para. 42. [60] This Court has already determined that the Minister must take s. 23 into account when exercising her discretion to admit children of non-rights holder parents to French-language schools in the NWT: A.B., at para. 65. This discretion has a direct impact on the viability of CSF schools and the Francophone community and thus brings into play the protections conferred by s. 23. [61] The purpose that underpins s. 23 of the Charter is “to preserve and promote the two official languages of Canada, and their respective cultures”: Mahe v. Alberta, 1990 CanLII 133 (SCC), [1990] 1 S.C.R. 342, at p. 362. This includes the objective of redressing past injustices and creating circumstances in which the minority community can flourish: Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique v. British Columbia, 2020 SCC 13, at para. 15 [“CSF”]. The fact that s. 23 is intended to promote the preservation and development of this community gives it a collective dimension, even though it confers an individual right: CSF at para. 17. [62] Although the applicant parents do not have any rights under s. 23 of the Charter, the decision whether or not to admit their children was the subject of a recommendation by the CSF as representative of the rights holders. The recommendation concerned the impact that the admission of the children would have on the viability of the CSF schools and the Franco-ténoise community. The impact is of two types. [63] First, the enrolment rate is an important factor in the success of CSF schools. The Final Report prepared by the Department that led to the adoption of the Directive in 2016 emphasizes the importance of this factor: An inherent part of revitalization is allowing for population growth. Natural growth of the NWT rights holder population and the migration of rights holders from other communities may not be sufficient to maintain a level of population sufficient for supporting French first language schools. . . . As such, it is in the interest of the [government] and the people of the NWT to ensure student populations are sustained in the existing French first language schools.
[118] The applicants cite Vavilov in support of their argument that an endless back-and-forth between the decision maker and the court must be avoided. In their view, the factors that can weigh in favour of mandamus, including the need for a speedy solution, the urgent need to resolve the conflict, fairness, and the efficient use of public resources, apply to the proceeding. They maintain that the systemic nature of the refusals is apparent and that there is no likelihood that individual applications would be granted.
[121] Where the reviewing court finds that a decision is unreasonable, it will usually be appropriate to set aside the decision and refer the matter back for reconsideration: Vavilov, at para. 141. The court may refuse to remit the case and decide in the decision maker’s place only where the remittal “would stymie the timely and effective resolution of matters in a manner that no legislature could have intended”: Vavilov, at para. 142. The following factors may influence this determination: “[e]lements like concern for delay, fairness to the parties, urgency of providing a resolution to the dispute, the nature of the particular regulatory regime, whether the administrative decision maker had a genuine opportunity to weigh in on the issue in question, costs to the parties, and the efficient use of public resources”: Vavilov, at para. 142. For example, where there is only one unavoidable outcome, there would be no need to refer the matter back to the decision maker: Sharif v. Canada (Attorney General), 2018 FCA 205, 50 C.R. (7th) 1, at paras. 54–56. As well, if the delay in referring the matter back to the decision maker threatens to bring the administration of justice into disrepute, the case law recognizes an exception to the general rule: D’Errico v. Canada (Attorney General), 2014 FCA 95, 459 N.R. 167, at para. 16. [122] In my view, in this case, it is not possible to conclude that a single outcome is a foregone conclusion. The decisions in question are discretionary decisions, and the record does not necessarily support the conclusion that there is only one possible outcome. A year has passed since these decisions were made, and the factual context may well have changed. In the circumstances, the respondent should be given the opportunity to reconsider her decisions in light of that context. [123] Furthermore, I find that the delay caused by the reconsideration of these decisions does not threaten to bring the administration of justice into disrepute. I take into account the fact that this is the second time that W.’s parent, A.B., has been successful in overturning a decision of the Minister denying admission of her child. I also take into consideration that, according to the recent decision of the Supreme Court of Canada in CSF, because of the nature of the applications, the risk of assimilation and cultural erosion of the minority communities increases with each year of inaction: CSF, at para. 16. However, I am of the opinion that the prejudice resulting from the delay is not sufficient to call into question the administration of justice or to justify the exercise by this Court of a discretion that rightly belongs to the respondent. The respondent will be in a position to render new decisions before the beginning of the next school year. 1. fettered her ministerial discretion; 2. breached the principles of procedural fairness; 3. was not reasonably open to persuasion and did not fairly assess the application files in an impartial manner; 4. did not reasonably consider the best interests of the child; 5. did not reasonably exercise her discretion to take into account the purpose of s. 23 of the Charter and the interests of the rights holders contrary to the decision in A.B.; 6. by her Directive and the refusal to exercise her ministerial discretion, adopted an approach to applications for admission of children of Francophile and non-Francophone immigrant families that prevents the realization of s. 23 of the Charter and its remedial purpose in Yellowknife and Hay River; and 7. that the systemic approach of the Department and the Minister justifies this Court’s intervention to decide the five application files for the six children involved. [125] The applicants have failed to establish that these declarations are necessary in the circumstances. In fact, some of the declarations requested are inconsistent with my findings. As I have explained, there is no breach of the principles of procedural fairness, and I have concluded that the matter should be referred back to the respondent for reconsideration. I have not found that the Minister acted in bad faith. Rather, I explained that her reasons for decision were fundamentally flawed and therefore the decisions were unreasonable. In light of these deficiencies, it is difficult, if not impossible, to determine whether she reasonably considered and weighed the various relevant factors, such as the interests of the children. [126] In any event, the applicants have not shown how the declarations would be helpful. A declaration can only be granted if it will have practical utility: Daniels v. Canada (Indian Affairs and Northern Development), 2016 SCC 12, [2016] 1 S.C.R. 99, at para. 11. I see no point in making declarations that relate to decisions that will, in any event, be set aside as a result of this decision. Specifically, I reject the applicants’ argument that the declarations are necessary to ensure that the reconsideration will be carried out in accordance with the legal constraints imposed on the respondent. I am satisfied that the respondent will continue to act in good faith and to endeavour to exercise the respondent’s discretion within the imposed legal constraints.
[128] Notwithstanding my conclusion on the appropriate remedy, I offer a few brief comments to guide the respondent’s reconsideration. [129] The Minister at the time put in place a Directive that established an organized and predictable mechanism for the admission of children of non-rights holder parents to minority language schools. The applicants do not contest this Directive. The discretion to make an exception and admit a child of non-rights holder parents who does not fall into one of the categories set out in the Directive and who has received the recommendation of the CSF resides with the respondent. [130] Neither the steps to be taken in asking the respondent to exercise this discretion nor the decision-making process should be unduly complex or require extensive analysis and detailed reasons. On the other hand, such decisions are important for the parents and children involved, as well as for the rights holder community. Although the respondent’s reasons need not be lengthy and detailed, they must be logical and consistent. In making a decision, the respondent must take into account s. 23, one of the objectives of which is to counter the assimilation of the NWT Francophone minority community, a vulnerable community: CSF, at para. 156. [131] It is up to the parents and the CSF to demonstrate to the respondent that the exercise of the respondent’s discretion is beneficial and necessary in the circumstances. In this way, the respondent will be well-equipped to make an informed decision. [132] The respondent could use the CSF’s recommendation as a starting point when considering exceptional applications for admission, given the role the CSF plays in representing the minority community. The CSF is well-placed to assess the language and cultural aptitudes of children and their parents. The CSF is also able to reflect the needs of the community and determine the impact of enrolment on their schools. Thus, the respondent should give appropriate weight to the CSF’s recommendations.
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Commission des services financiers et des services aux consommateurs c Emond et autre, 2020 NBCA 42
[4] Malgré cette directive claire qui a été donnée le 15 juin 2017, aucune décision n’a été rendue sur le fond. L’instance a plutôt de nouveau fait l’objet d’un long ajournement. Celui-ci a été causé par un conflit d’intérêts mettant en cause l’un des membres du Tribunal puis par un délai de près d’un an pour la nomination d’une personne ayant les capacités linguistiques voulues pour entendre l’affaire. Lorsque la composition du Tribunal a finalement été arrêtée, au lieu d’agir conformément à la directive de la Cour d’appel et de se statuer sur le fond de l’affaire, le Tribunal a une fois de plus soulevé une question de sa propre initiative. Cette fois‑ci, le Tribunal a demandé aux parties de se pencher sur l’effet de l’art. 190 de la Loi sur les valeurs mobilières, abrogé depuis lors, mais qui était alors libellé ainsi : |
[4] Despite this clear direction, issued on June 15, 2017, there has not been any determination on the merits. Instead, the matter suffered from another lengthy adjournment. This one was occasioned by a conflict of interest involving one of the members of the Tribunal and the subsequent delay of almost one year for someone to be appointed who had the linguistic abilities to hear the matter. When the composition of the Tribunal was finally established, instead of proceeding in accordance with the direction of the Court of Appeal to determine the matter on the merits, the Tribunal yet again raised an issue on its own motion. This time, the Tribunal asked the parties to address the effect of s. 190 of the Securities Act, since repealed, but which, at the time, read as follows: |
[28] Telle était alors la situation. Une fois que notre décision dans l’arrêt Emond 2017 a été publiée, le Tribunal s’est empressé de tenir une conférence préparatoire à l’audience. À ce moment-là, l’un des membres du comité qui devait entendre l’affaire s’était déjà déclaré en situation de conflit d’intérêts. Au moyen d’une ordonnance postérieure à la conférence préparatoire à l’audience, le Tribunal a ajourné l’instance indéfiniment jusqu’à la nomination de nouveaux membres au Tribunal de sorte que tous les membres du comité d’audience aient [TRADUCTION] « les compétences linguistiques nécessaires pour siéger ». Cette ordonnance révélait que la présidente du Tribunal demeurerait incapable de constituer un comité d’audience pour entendre l’affaire en langue française jusqu’à ce que de nouveaux membres soient nommés au Tribunal. Cette ordonnance a été rendue le 26 septembre 2017. Il a fallu attendre exactement une année pour que le Tribunal se réunisse de nouveau, non pas pour statuer sur le fond de l’affaire comme il lui avait été ordonné de faire dans l’arrêt Emond 2017, mais plutôt pour entendre des arguments au sujet d’une autre question préliminaire soulevée non pas par les parties, mais par le Tribunal. Le Tribunal voulait savoir s’il avait perdu la compétence en raison des dispositions de l’art. 190 de la Loi sur les valeurs mobilières. Plus de trois mois se sont ensuite écoulés avant que le Tribunal ne suspende l’instance après avoir conclu qu’il avait effectivement perdu la compétence. [31] Déjà en 2016, le Tribunal avait indiqué que les procédures qui se déroulaient devant lui avaient causé un préjudice important à M. Drapeau. Les preuves de ce préjudice sont énoncées dans l’arrêt Emond 2017, au par. 39, et comprennent la perte d’emploi, la perte de revenu et d’occasions d’affaires, le stress et la stigmatisation. Par contre, ce que le Tribunal n’avait pas fait, c’était « se demand[er] si la décision heurterait le sens de la justice de la société » (par. 40). Bien que la Cour ait alors conclu que l’application des critères énoncés dans Blencoe ne justifiait pas une suspension des procédures en raison du délai écoulé, je ne parviens pas à la même conclusion à ce stade-ci. Les différentes formes de préjudice que le Tribunal a cernées en 2016 sont non seulement toujours présentes, mais elles ont également été exacerbées par l’incapacité du Tribunal, pendant près d’un an, à constituer un comité pour entendre l’affaire en français. À mon avis, ce fait suffit à lui seul pour heurter le sens de l’équité de la collectivité dans une province où les droits linguistiques sont garantis non seulement par la loi, mais aussi par la constitution. |
[28] That was then. Following the release of our decision in Emond 2017, the Tribunal promptly held a pre-hearing conference. By then, one of the members of the panel that was to hear the matter had declared a conflict of interest. In an order following the pre-hearing conference, the Tribunal adjourned the matter indefinitely pending the appointment of new members to the Tribunal so that all panelists would have “the necessary language skills.” The order reveals that the Chair of the Tribunal would be unable to establish a hearing panel to hear the matter in the French language until new members were appointed to the Tribunal. This order was issued on September 26, 2017. It was not until exactly a year later that the Tribunal would reconvene, not to determine the matter on the merits as it had been directed to do in Emond 2017, but rather to hear arguments regarding another preliminary issue raised not by the parties, but by the Tribunal itself. The Tribunal asked whether it had lost jurisdiction on account of the provisions of s. 190 of the Securities Act. Over three months later, the Tribunal ruled it had indeed lost jurisdiction and stayed the proceedings. [31] Already in 2016, the Tribunal had identified significant prejudice to Mr. Drapeau resulting from the proceedings before it. These are laid out in Emond 2017, at para. 39, and include loss of employment, loss of income and business opportunities, stress and stigma. What the Tribunal had not done, however, was “consider whether the community’s sense of fairness would be offended” (para. 40). While the Court then concluded the application of the Blencoe criteria did not justify staying the proceedings for delay, I do not reach the same conclusion at this point. The various forms of prejudice the Tribunal identified in 2016 not only remain but have also been exacerbated by the Tribunal’s inability, for almost a year, to constitute a panel to hear the matter in the French language. In my view, this alone offends the community’s sense of fairness in a province where linguistic rights are not only statutorily but also constitutionally guaranteed. |
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Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c Colombie‑Britannique, 2020 CSC 13
Le Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique (« CSF ») est le seul conseil scolaire francophone de la province, avec un territoire qui couvre l’ensemble de la Colombie‑Britannique et regroupe 37 écoles. En juin 2010, le CSF, la Fédération des parents francophones de Colombie‑Britannique et trois parents titulaires de droit au sens de l’art. 23 de la Charte (les « représentants de la minorité linguistique ») ont déposé une demande introductive d’instance à l’encontre de la province, soutenant que plusieurs aspects du financement du système d’éducation pénalisent la minorité linguistique officielle et violent les droits qui lui sont reconnus par l’art. 23 de la Charte. Les violations reprochées se divisent en deux catégories : la première regroupe les demandes de nature systémique (notamment le non‑accès à une subvention annuelle pour l’entretien des édifices, la formule utilisée pour prioriser les projets d’immobilisation, le manque de financement du transport scolaire et le manque d’accès à des espaces pour des activités culturelles) et la deuxième se compose des demandes en vue d’obtenir de nouvelles écoles ou des améliorations à des écoles existantes dans 17 communautés.
La juge de première instance élabore une démarche permettant de situer le nombre d’élèves d’une collectivité donnée sur l’échelle variable, qui sert à déterminer le niveau de service auquel ont droit les minorités linguistiques officielles et permet de décider si la minorité a droit à une école homogène, à des installations éducatives partagées avec la majorité ou à une autre solution appropriée. Appliquant le cadre analytique qu’elle a établi, la juge prononce des jugements déclaratoires portant sur le droit à des installations éducatives dans plusieurs collectivités. La juge précise ensuite le critère pour déterminer la qualité de l’expérience éducative qui doit être offerte aux minorités linguistiques officielles, et conclut que, dans plusieurs communautés, les enfants des ayants droit doivent bénéficier d’installations leur offrant une expérience éducative réellement équivalente à celle de la majorité, alors que, dans d’autres communautés, le nombre d’enfants des ayants droit ne justifie pas l’accès à une expérience éducative réellement équivalente, mais plutôt à une expérience éducative proportionnellement équivalente à celle offerte à la majorité. Puis, se penchant sur les principes d’interprétation qui doivent guider l’analyse des violations de l’art. 23 au regard de l’article premier de la Charte, la juge conclut que plusieurs violations des droits linguistiques des ayants droit sont justifiées au regard de l’article premier. Finalement, la juge estime que l’octroi de dommages‑intérêts n’est pas justifié pour la plupart des demandes formulées par les représentants de la minorité linguistique, mais elle statue que le gel du financement du transport scolaire alors que le nombre d’élèves de la minorité augmentait constitue une violation de l’art. 23 et ordonne le versement de six millions de dollars en dommage‑intérêts au CSF. Elle refuse toutefois d’accorder des dommages‑intérêts au CSF pour l’indemniser du fait qu’il a été privé du facteur rural de la subvention annuelle aux installations. Les représentants de la minorité linguistique interjettent appel du jugement de la juge de première instance, plaidant qu’elle a commis plusieurs erreurs de droit dans son analyse en vue d’identifier les violations alléguées de l’art. 23 de la Charte, notamment dans sa démarche pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable et dans le critère qu’elle a retenu pour évaluer la qualité de l’expérience éducative offerte aux minorités linguistiques officielles; dans son examen de la justification des violations au regard de l’article premier; et dans l’octroi des réparations demandées. La Cour d’appel rejette l’appel, mais accueille l’appel incident formé par la province et annule l’octroi de dommages‑intérêts pour le financement inadéquat du transport scolaire. Arrêt (les juges Brown et Rowe sont dissidents en partie) : Le pourvoi est accueilli en partie. Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Martin et Kasirer : Les juridictions inférieures ont adopté une interprétation démesurément restrictive de l’art. 23 de la Charte et de son rôle dans l’ordre constitutionnel canadien. Cet article a un objet réparateur, qui vise à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques officielles et à modifier le statu quo. Donnant à cette disposition une interprétation qui tient pleinement compte de son objet réparateur, et s’appuyant sur les conclusions de faits tirées par la juge de première instance, il y a lieu d’accueillir l’appel en partie. Dans l’arrêt Mahe c. Alberta, 1990 CanLII 133 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 342, la Cour a expliqué que, pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable, l’analyse doit se concentrer sur (1) les services appropriés, en termes pédagogiques, compte tenu du nombre d’élèves visés; et (2) le coût des services envisagés. Cependant, la Cour n’a pas défini exhaustivement ces deux facteurs. La marche à suivre pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable doit donc être précisée. L’analyse du premier facteur, celui des besoins pédagogiques, consiste à se demander si, compte tenu du nombre d’élèves concernés, le niveau de services proposé par la minorité permet de répondre à toutes les exigences du programme d’études, à savoir les différentes connaissances et compétences que doivent acquérir les élèves durant leur parcours scolaire. Le second facteur de l’analyse, celui des coûts, est moins important que le premier facteur. Il s’entend des dépenses associées à la construction d’une nouvelle école ou au lancement d’un programme, ainsi qu’aux coûts d’exploitation qui s’y rattachent. En règle générale, les considérations pédagogiques et celles liées aux coûts sont imbriquées et s’apprécient simultanément. La démarche pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable s’appuie sur la prémisse selon laquelle une école homogène, c’est‑à‑dire un établissement distinct et contrôlé par la minorité linguistique officielle, est justifiée lorsqu’un nombre comparable d’élèves de la majorité dispose d’une telle école. La première étape consiste à déterminer le nombre d’élèves qui se prévaudront en définitive du service envisagé, en s’appuyant sur des projections à long terme. Ce nombre se situe entre la demande connue et le nombre total d’enfants d’ayants droit visés à l’art. 23. Le fardeau de la preuve incombe aux demandeurs de la minorité linguistique officielle. À la deuxième étape, le tribunal doit recourir à une méthode comparative pour déterminer si l’école envisagée par la minorité est appropriée au regard de la pédagogie et des coûts. La démarche vise à déterminer si le nombre d’élèves concernés de la minorité linguistique officielle est comparable au nombre d’élèves des écoles de la majorité. Les demandeurs de la minorité linguistique officielle ont le fardeau d’identifier des écoles de comparaison. Il faut faire preuve de souplesse dans l’appréciation de ce qui constitue un nombre comparable. Un nombre comparable ne signifie pas un nombre identique. Dans les cas où le tribunal constate que le nombre d’élèves de la minorité est comparable, localement, à celui des élèves de la majorité, il ne fait aucun doute que le nombre des premiers se situe à la limite supérieure de l’échelle variable et que la minorité a droit à une école homogène. Dans les autres cas, l’exercice comparatif doit se réaliser sur une base provinciale pour assurer un traitement équitable partout dans la province. La présence d’écoles de la majorité qui desservent un nombre donné d’élèves, peu importe leur emplacement dans la province, permet de présumer que la province considère que leur maintien est approprié du point de vue de la pédagogie et des coûts et donc qu’il est approprié de créer une école homogène de taille comparable pour la minorité. La province peut réfuter cette présomption en démontrant selon la prépondérance des probabilités soit que les écoles de la majorité utilisées à titre de comparaison ne sont pas des éléments comparatifs appropriés ou que l’école projetée par la minorité n’est pas appropriée sur le plan pédagogique ou des coûts. La troisième étape consiste à déterminer le niveau de services qui doit être offert à la minorité linguistique officielle. Si, à la deuxième étape, le tribunal conclut que le nombre d’élèves est comparable, et que la présomption n’est pas renversée, ce nombre se situe à la limite supérieure de l’échelle variable et la minorité est alors en droit de faire instruire ses enfants dans une école homogène. Lorsque la comparaison à l’échelle provinciale ne révèle pas de nombre comparable, le nombre d’élèves de la minorité se situe alors en deçà de la limite supérieure de l’échelle variable, c’est‑à‑dire au bas ou au milieu de celle‑ci. Les niveaux inférieurs de l’échelle variable permettent à la minorité de bénéficier d’une gamme de services allant de quelques heures de cours dans sa langue jusqu’à l’utilisation et au contrôle de locaux dans une école partagée avec la majorité. Dans ces situations, le tribunal doit faire preuve de déférence envers le niveau de services proposé par le conseil scolaire de la minorité linguistique pour déterminer si ce niveau de services est approprié sur le plan de la pédagogie et des coûts. Lorsque cette démarche est appliquée en l’espèce aux demandes formulées par les représentants de la minorité linguistique en vue d’obtenir de nouvelles écoles ou l’agrandissement d’écoles existantes, ils ont le droit de bénéficier de huit écoles homogènes qui leur ont été refusées par les juridictions inférieures. Ces écoles sont justifiées par le nombre d’élèves de la minorité dans ces communautés. La juge de première instance a estimé qu’à long terme, le nombre d’élèves de la minorité dans les communautés d’Abbotsford (volet primaire destiné aux enfants d’ayants droit dans la communauté d’Abbotsford et volet secondaire destiné aux enfants d’ayants droit dans les communautés de la vallée centrale du Fraser), de Burnaby, de Vancouver Nord‑Est, de Victoria Est et de Victoria Ouest justifiera la création d’écoles homogènes. Considérant que ce sont les projections à long terme qui sont pertinentes, ces communautés ont donc le droit d’obtenir des écoles homogènes. Pour les communautés de Victoria Nord, de Whistler, de Chilliwack et de Pemberton, la juge de première instance a retenu une base de comparaison locale alors que la comparaison devait prendre en considération des écoles situées partout en province. En appliquant la démarche comparative appropriée, le nombre d’élèves qui vont se prévaloir en définitive du service — 98 pour Victoria Nord, 85 pour Whistler, 60 pour Chilliwack et 55 pour Pemberton — doit être comparé au nombre des élèves fréquentant les écoles de petite taille situées partout en province qui ont été retenues par la juge de première instance et pour lesquelles le dossier ne contient aucune preuve permettant de repousser la présomption qu’il est approprié de créer une école de taille comparable pour la minorité. Les effectifs dans ces écoles de la majorité varient entre 66 et 73 élèves. Les nombres pertinents pour Victoria Nord, Whistler et Chilliwack sont comparables à ceux des élèves fréquentant ces écoles majoritaires de comparaison. Ces communautés ont donc le droit d’obtenir des écoles homogènes. En ce qui a trait à Pemberton, le nombre d’élèves concernées y est difficilement comparable au nombre d’élèves des écoles de la majorité qui sont situées ailleurs dans la province et qui ont été retenues par la juge de première instance. Considérant que la preuve disponible est limitée et que des observations supplémentaires pourraient être nécessaires, la question du niveau de services auquel donne droit ce nombre d’élèves doit donc être renvoyée au tribunal de première instance pour réexamen. Le critère utilisé pour évaluer la qualité de l’expérience éducative offerte aux minorités linguistiques officielles ne varie pas selon le nombre d’élèves de la minorité. L’article 23 confère aux minorités linguistiques officielles le droit à une instruction de qualité équivalente à celle de la majorité. Ainsi, les enfants des titulaires de droits reconnus à l’art. 23 doivent bénéficier d’une expérience éducative réellement équivalente à celle de la majorité peu importe la taille de l’école ou du programme en question. L’essentiel de la démarche établie dans l’arrêt Association des parents de l’école Rose‑des‑vents c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2015 CSC 21, [2015] 2 R.C.S. 139, qui permet d’examiner de façon holistique la qualité de l’expérience éducative offerte à la minorité linguistique officielle, ne nécessite aucune adaptation dans le cas de petites écoles de la minorité linguistique officielle, à l’exception du fait que le parent raisonnable doit tenir compte des particularités inhérentes à la fréquentation d’une petite école. En conséquence, dans le contexte des écoles de la minorité dont la taille n’est pas comparable aux écoles avoisinantes de la majorité, il faut se demander si des parents raisonnables, conscients des particularités inhérentes d’une petite école, seraient dissuadés d’envoyer leurs enfants dans une école de la minorité linguistique officielle parce que l’expérience éducative qui y est offerte est véritablement inférieure à celle des écoles de la majorité linguistique où ils peuvent les inscrire. Même lorsque le nombre d’élèves se situe à la limite inférieure de l’échelle variable, donnant droit à l’instruction uniquement, les considérations énumérées dans l’arrêt Rose‑des‑vents doivent être prises en compte pour apprécier la qualité de l’expérience éducative d’un programme d’instruction; le droit à l’instruction ne peut être totalement dissocié de l’expérience éducative globale. Dans le cas d’une école hétérogène ou d’un programme d’instruction, l’analyse basée sur le critère de l’équivalence réelle permet de déterminer si l’instruction que contrôle la minorité et les installations auxquelles celle‑ci a accès sont de qualité suffisante. À la lumière de ces indications, l’approche adoptée par les juridictions inférieures en l’espèce lorsque le nombre d’élèves n’était pas comparable à celui de la majorité doit être écartée car cette approche se fondait sur un critère dit de proportionnalité plutôt que sur celui de l’équivalence réelle. Les conclusions de la juge de première instance sont donc modifiées pour tenir compte de la conclusion que l’ensemble des ayants droit dont les enfants fréquentent les écoles ou suivent les programmes du CSF ont droit à une expérience éducative réellement équivalente à celle des écoles avoisinantes de la majorité. Pour les écoles situées dans les communautés de Nelson, de Chilliwack et de Mission, la qualité de l’expérience éducative offerte doit être évaluée du point de vue du parent raisonnable, conscient des particularités inhérentes d’une petite école. En appliquant le critère de l’équivalence réelle et la démarche appropriée pour l’école du CSF située à Nelson, il y a lieu de souscrire à la conclusion de la juge de première instance selon laquelle l’expérience éducative dont jouissent les élèves de la minorité est équivalente à celle offerte aux élèves de la majorité. Pour l’école du CSF à Chilliwack, la mise en balance des avantages et des inconvénients démontre que l’expérience éducative qui y est offerte est d’une qualité véritablement inférieure à celles des écoles de la majorité. Ainsi, à Chilliwack, les enfants des ayants droit ne reçoivent pas la qualité d’expérience éducative qui leur est garantie par l’art. 23 de la Charte. Pour l’école du CSF à Mission, la situation est préoccupante, mais la preuve soumise est insuffisante pour effectuer l’examen holistique que commande le critère du parent raisonnable et conscient des particularités inhérentes d’une petite école. Il est donc nécessaire de renvoyer la question de la qualité de l’expérience éducative et de l’impact de l’indice d’état des installations sur cette situation au tribunal de première instance. L’exigence de la province qui oblige le CSF à prioriser les projets d’immobilisation qu’il soumet même lorsque ceux‑ci sont une solution à des violations de l’art. 23 ne porte pas atteinte au droit de gestion garanti par l’art. 23 de la Charte. Pour ce qui est de déterminer le délai dont dispose la province pour réparer les violations de l’art. 23, chaque réparation est un cas d’espèce, mais la réparation doit néanmoins être apportée dans un délai utile. Lorsqu’une violation de l’art. 23 est établie, les tribunaux doivent suivre la démarche qui a été établie dans l’arrêt R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 103, en appliquant une norme particulièrement sévère en matière de justification. Cette norme des plus sévères s’impose pour trois raisons. Premièrement, en adoptant l’art. 23, les rédacteurs de la Charte ont imposé des obligations positives aux gouvernements provinciaux et territoriaux qui doivent être satisfaites en temps utile pour prévenir les risques d’assimilation et de perte des droits. Deuxièmement, l’art. 23 n’est pas visé par la clause de dérogation prévue à l’art. 33 de la Charte, ce qui témoigne de l’importance accordée à ce droit et de l’intention des constituants d’encadrer de façon stricte les dérogations à celui‑ci. Troisièmement, l’art. 23 comporte une limite interne, la justification par le nombre, qui exige l’existence d’un nombre suffisant d’élèves, pour justifier l’exercice du droit qu’il accorde. En adoptant cette limite, les constituants ont voulu tenir compte de considérations d’ordre pratique — notamment des coûts et des besoins pédagogiques — liées au nombre d’élèves qui peuvent bénéficier du droit reconnu. Lorsque l’argument invoqué par les gouvernements pour justifier une violation de l’art. 23 est d’ordre financier, l’analyse fondée sur l’article premier fait alors double emploi à certains égards avec l’analyse de la justification par le nombre qui a déjà été réalisée. Pour qu’une violation de l’art. 23 puisse être justifiée au regard de l’article premier, la justification ne doit donc pas s’appuyer sur des considérations qui ont déjà été prises en compte à l’étape de la justification par le nombre. En ce qui concerne la deuxième étape de la démarche établie dans l’arrêt Oakes — la proportionnalité entre les effets de la mesure restreignant le droit et l’objectif désigné comme important —, il faut tenir pleinement compte de l’assimilation en tant qu’effet préjudiciable lorsqu’il est porté atteinte au droit reconnu par l’art. 23. L’article 23 vise non seulement à assurer la pérennité des communautés linguistiques au pays, mais également à permettre à ces communautés de s’épanouir présentement dans leur propre langue et leur propre culture. En ce sens, même si la preuve soumise démontre que l’existence de l’art. 23 n’a pas été en mesure de contrer ou de freiner le phénomène de l’assimilation, il n’en reste pas moins que les citoyens de langue officielle minoritaire sont toujours en droit de s’épanouir dans leur langue au quotidien. Ensuite, les tribunaux doivent garder à l’esprit que l’art. 23 a une dimension individuelle et que les écoles de la minorité ont un impact certain sur le risque d’assimilation des francophones qui les fréquentent. Finalement, les économies budgétaires liées à une violation de l’art. 23 ne peuvent pas être considérées comme un facteur pertinent à l’étape de la mise en balance des effets bénéfiques et des effets préjudiciables de la mesure attentatoire. En l’espèce, les juridictions inférieures ont commis une erreur en statuant que l’affectation juste et rationnelle de fonds publics limités constitue un objectif urgent et réel permettant de justifier des violations de l’art. 23 au sens de l’arrêt Oakes. L’affectation juste et rationnelle de fonds publics limités constitue le travail quotidien d’un gouvernement. La mission de l’État consiste à gérer des ressources budgétaires limitées pour répondre à des besoins qui eux sont tout sauf limités. Il n’y a donc pas ici d’objectif urgent et réel qui permet de justifier une violation des droits et libertés. En conséquence, la justification des violations échoue dès la première étape de l’analyse. En l’absence d’un objectif valable, la province ne peut justifier les violations de l’art. 23. Par conséquent, la violation de l’art. 23 à laquelle la juge de première instance a conclu par rapport au 1,1 million de dollars dont le CSF a été privé parce qu’il n’a pas eu accès au facteur rural de la subvention annuelle aux installations n’est pas justifiée et le CSF a droit à cette somme en dommages‑intérêts. L’immunité restreinte dont bénéficie l’État en matière de dommages‑intérêts ne s’applique pas aux décisions prises en vertu de politiques gouvernementales qui sont déclarées contraires à l’art. 23. Alors que l’État peut être condamné à verser des dommages‑intérêts lorsque ceux‑ci constituent une réparation convenable et juste eu égard aux circonstances, il peut cependant invoquer des considérations liées à l’efficacité gouvernementale pour éviter une telle condamnation, notamment lorsqu’une loi est déclarée invalide postérieurement à l’acte à l’origine de la violation. L’État ne jouit toutefois pas d’une immunité à l’égard des politiques gouvernementales qui portent atteinte aux droits fondamentaux. La possibilité que soient accordés des dommages‑intérêts à l’égard de politiques gouvernementales attentatoires dans un tel contexte ne risque pas de paralyser l’action gouvernementale et de nuire ainsi à son efficacité; au contraire, la possibilité que l’État soit condamné à verser des dommages‑intérêts permet de faire en sorte que l’action gouvernementale demeure respectueuse des droits fondamentaux. Alors qu’il est justifié d’accorder à l’État une immunité à l’égard d’un instrument bien défini comme une loi, il n’en est pas ainsi pour des instruments indéfinis et aux contours incertains comme les politiques gouvernementales. En l’espèce, comme le gel du financement du transport scolaire est une politique gouvernementale, l’ordonnance de la juge de première instance accordant des dommages‑intérêts pour le financement inadéquat du transport scolaire est rétablie. |
The Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique (“CSF”) is the sole French‑language school board in British Columbia. Its territory covers the entire province, and it has 37 schools. In June 2010, the CSF, the Fédération des parents francophones de Colombie‑Britannique and three parents who are rights holders under s. 23 of the Charter (“linguistic minority representatives”) filed a notice of civil claim against the province, submitting that several aspects of the funding of the education system penalized the official language minority and infringed its rights under s. 23 of the Charter. The alleged infringements can be divided into two categories: the first involved systemic claims (among other things, the fact that the CSF had not received an annual grant for building maintenance, the formula used to set priorities for capital projects, a lack of funding for school transportation and a lack of space for cultural activities), and the second involved claims for the purpose of obtaining new schools or improvements to existing schools in 17 communities. The trial judge set out an approach to be taken in order to situate the number of students in a given community on the sliding scale, which serves to determine the level of services to which an official language minority is entitled and is used to decide whether the minority is entitled to a homogeneous school, to educational facilities shared with the majority or to another appropriate solution. Applying her analytical framework, the trial judge issued declarations concerning the right to educational facilities in several communities. She then outlined the test that is to be applied in determining the quality of the educational experience that must be provided to official language minorities. She concluded with respect to several communities that the children of rights holders are entitled to facilities that provide them with an educational experience that is substantively equivalent to the experience of the majority, but she found with respect to other communities that the numbers of children of rights holders warranted not a substantively equivalent educational experience, but one that is proportionately equivalent to the educational experience provided to the majority. Discussing the principles of interpretation that must inform the analysis of infringements of s. 23 under s. 1 of the Charter, the trial judge then concluded that several infringements of the rights holders’ language rights were justified under s. 1. Finally, she concluded that awarding damages would not be appropriate for most of the claims of the linguistic minority representatives, but she found that the freeze on funding for school transportation at a time when the number of students of the linguistic minority was rising constituted an infringement of s. 23, and she awarded $6 million in damages to the CSF. On the other hand, the trial judge declined to award damages to the CSF in compensation for its having been denied the Annual Facilities Grant Rural Factor. The linguistic minority representatives appealed the trial judge’s judgment, arguing that she had made several errors of law in analyzing the alleged infringements of s. 23 of the Charter, including in the approach she had taken in order to situate a given number of students on the sliding scale and in the test she had applied in order to assess the quality of the educational experience provided to official language minorities; in reviewing the justification of the infringements under s. 1; and in granting the remedies being sought. The Court of Appeal dismissed the appeal but allowed the province’s cross appeal and set aside the award of damages for inadequate funding of school transportation. Held (Brown and Rowe JJ. dissenting in part): The appeal should be allowed in part. Per Wagner C.J. and Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Martin and Kasirer JJ.: The courts below adopted an inordinately narrow interpretation of s. 23 of the Charter and its role in the Canadian constitutional order. Section 23 has a remedial purpose related to promoting the development of official language minority communities and changing the status quo. In accordance with an interpretation of that section that takes its remedial purpose fully into account, and in light of the trial judge’s findings of fact, the appeal should be allowed in part. In Mahe v. Alberta, 1990 CanLII 133 (SCC), [1990] 1 S.C.R. 342, the Court explained that situating a given number of students on the sliding scale requires that the analysis focus on (1) the services appropriate, in pedagogical terms, for the number of students involved; and (2) the cost of the contemplated services. However, the Court did not provide an exhaustive definition of these two factors. The approach to be taken in order to situate a given number of students on the sliding scale must therefore be clarified. The analysis of the first factor, pedagogical needs, is concerned with whether, in light of the number of students at issue, the level of services proposed by the minority will make it possible to meet all curriculum requirements, that is, those related to the knowledge and skills the students must acquire while in school. The second factor in the analysis, cost, is less important than the first. It comprises the cost of building a new school or launching a program, and the associated operating costs. As a general rule, pedagogical considerations and cost considerations are interlinked and can be assessed simultaneously. The approach to be taken in order to situate a given number of students on the sliding scale is based on the premise that a homogeneous school, that is, a separate facility under the control of the official language minority, is warranted where such a school is available to a comparable number of majority language students. The first step is to determine how many students will eventually avail themselves of the contemplated service on the basis of long‑term projections. That number lies between the known demand and the total number of children of s. 23 rights holders. The burden of proof is on the claimants from the official language minority. At the second step, the court must take a comparative approach in order to determine whether the school contemplated by the minority is appropriate from the standpoint of pedagogy and cost. The approach is intended for the determination of whether the number of students in question from the official language minority is comparable to the numbers of students in the majority language schools. The burden is on the claimants from the official language minority to identify comparator schools. It is necessary to be flexible in determining what constitutes a comparable number. Comparable does not mean identical. If the court finds that the number of minority language students is comparable to the numbers of students in local majority language schools, there is no doubt that the number of minority language students falls at the high end of the sliding scale and that the minority is entitled to a homogeneous school. In other cases, a province-wide comparative exercise is required to ensure fair treatment across the province. The existence of majority language schools that serve a given number of students, regardless of where they are located in the province, supports a presumption that the province considers maintaining those schools to be appropriate from the standpoint of pedagogy and cost, and thus that it is appropriate to create a comparably sized homogeneous school for the minority. The province can rebut this presumption by showing on a balance of probabilities either that the majority language schools used as comparators are not appropriate for that purpose or that the school proposed by the minority is not appropriate from the standpoint of pedagogy or cost. At the third step, the level of services to be provided to the official language minority must be determined. If the court has found at the second step that the number of students is comparable and that the presumption has not been rebutted, that number is at the high end of the sliding scale and the minority is therefore entitled to have its children receive instruction in a homogeneous school. If the result of the province‑wide comparison is that there is no comparable number, the number of minority language students falls below the high end of the sliding scale, that is, at the low end or in the middle. A minority at the lower levels of the scale can qualify for a range of services varying from a few hours of classes in its language to the use and control of premises in a school shared with the majority. In such a situation, the court must show deference to the level of services proposed by the minority language school board in determining whether that level of services is appropriate from the standpoint of pedagogy and cost. When this approach is applied in this case to the claims of the linguistic minority representatives for new schools or for the expansion of existing schools, they are entitled to eight homogeneous schools that were denied by the courts below. The schools in question are warranted by the numbers of minority language students in the communities in question. The trial judge found that the number of minority language students in the communities of Abbotsford (elementary component for children of rights holders in the community of Abbotsford and secondary component for children of rights holders in the communities of the Central Fraser Valley), Burnaby, Northeast Vancouver, East Victoria and West Victoria will in the long term warrant the creation of homogeneous schools. Given that the long‑term projections are the relevant numbers, these communities are therefore entitled to homogeneous schools. For the communities of North Victoria, Whistler, Chilliwack and Pemberton, the trial judge decided on a local basis for comparison even though the comparison must take schools located across the province into account. The appropriate comparative approach requires that the number of students who will eventually avail themselves of the service — 98 for North Victoria, 85 for Whistler, 60 for Chilliwack and 55 for Pemberton — be compared with the numbers of students attending the small schools located across the province that were retained by the trial judge and for which there is no evidence in the record capable of rebutting the presumption that it is appropriate to create a school of comparable size for the minority. Enrolment in these majority language schools ranges from 66 to 73 students. The relevant numbers for North Victoria, Whistler and Chilliwack are comparable to the numbers of students attending these comparator majority language schools. These communities are therefore entitled to homogeneous schools. As for Pemberton, it is difficult to compare the number of students in question there with the numbers of students at the majority language schools located elsewhere in the province that were retained by the trial judge. Given that the available evidence is limited and that additional submissions might be necessary, the question of the level of services warranted by this number of students should therefore be remanded to the court of original jurisdiction for reconsideration. The test used to assess the quality of the educational experience provided to official language minorities does not vary with the number of minority language students. Section 23 gives an official language minority the right to instruction that is equivalent in quality to the instruction provided to the majority. Children of s. 23 rights holders must therefore receive an educational experience that is substantively equivalent to the experience provided to the majority, regardless of the size of the school or program in question. The essentials of the approach from Association des parents de l’école Rose‑des‑vents v. British Columbia (Education), 2015 SCC 21, [2015] 2 S.C.R. 139, which allows for a holistic assessment of the quality of the educational experience provided to the official language minority, do not need to be adapted in a situation in which the schools of the official language minority are small, aside from the fact that a reasonable parent must take into account the inherent characteristics of attendance at a small school. Accordingly, where a minority language school is not comparable in size to nearby majority language schools, what must be considered is whether reasonable parents who are aware of the inherent characteristics of small schools would be deterred from sending their children to a school of the official language minority because the educational experience there is meaningfully inferior to the experience at available majority language schools. Even where the number of students falls at the low end of the sliding scale, such that there is a right to instruction alone, the factors listed in Rose‑des‑vents must be taken into account in assessing the quality of the educational experience from a program of instruction; the right to instruction cannot be entirely severed from the overall educational experience. In the case of a heterogeneous school or a program of instruction, the analysis based on the substantive equivalence test serves to determine whether the instruction over which the minority has control and the facilities to which it has access are of sufficient quality. In light of these comments, the approach adopted by the courts below in this case where the number of students was not comparable to the numbers of majority language students must be rejected, because that approach was based on what was called a proportionality test rather than on that of substantive equivalence. The trial judge’s conclusions are therefore varied to reflect the conclusion that all rights holders whose children attend CSF schools or participate in its programs are entitled to an educational experience that is substantively equivalent to the experience at nearby majority language schools. For the schools in the communities of Nelson, Chilliwack and Mission, the quality of the educational experience must be assessed from the perspective of a reasonable parent who is aware of the inherent characteristics of a small school. When the substantive equivalence test and the proper approach are applied for the CSF school in Nelson, the trial judge’s finding that the educational experience of the minority language students is equivalent to the experience provided to the majority language students should be accepted. As for the CSF school in Chilliwack, a balancing of the advantages and disadvantages shows that the quality of the educational experience provided there is meaningfully inferior to that of the experience at the majority’s schools. This means that the children of rights holders in Chilliwack do not receive an educational experience of the quality guaranteed to them by s. 23 of the Charter. In the case of the CSF school in Mission, the situation is concerning, but the evidence that was adduced is insufficient for the purpose of making the holistic assessment required by the test of a reasonable parent who is aware of the inherent characteristics of a small school. The question of the quality of the educational experience and the impact of the Facility Condition Driver on this situation must therefore be remanded to the court of original jurisdiction. The fact that the province compels the CSF to prioritize the capital projects the latter submits, even in response to infringements of s. 23, does not infringe the right of management guaranteed by s. 23 of the Charter. How much time the province has to remedy the infringements of s. 23 will have to be addressed on a case‑by‑case basis, but the infringements must nonetheless be remedied in a timely fashion. Where an infringement of s. 23 is established, a court must take the approach established in R. v. Oakes, 1986 CanLII 46 (SCC), [1986] 1 S.C.R. 103, while applying a particularly stringent justification standard. This very stringent standard is appropriate for three reasons. First, the framers of the Charter imposed positive obligations on the provincial and territorial governments in s. 23, and these obligations must be fulfilled in a timely fashion in order to avoid the likelihood of assimilation and of a loss of rights. Second, s. 23 is not subject to the notwithstanding clause in s. 33 of the Charter, which reflects the importance attached to this right and the intention of the framers that intrusions on it be strictly circumscribed. Third, s. 23 has an internal limit, the numbers warrant requirement, according to which the exercise of the right for which the section provides will be warranted if there are a sufficient number of students. In adopting this limit, the framers sought to take account of practical considerations, including cost and pedagogical needs, related to the number of students who might benefit from the right in question. Where the government concerned advances a financial argument to justify an infringement of s. 23, the s. 1 analysis will then in some respects duplicate the numbers warrant analysis that has already been completed. For an infringement of s. 23 to be justified under s. 1, it must not therefore be supported by considerations that have already been taken into account at the numbers warrant stage. At the second stage of the approach established in Oakes — proportionality between the effects of the measure that is responsible for limiting the right and the objective that has been identified as important —, it is necessary to take assimilation fully into account as a deleterious effect when the right under s. 23 is infringed. The purpose of s. 23 is not only to ensure the sustainability of the country’s linguistic communities, but also to make it possible for those communities to develop in their own language and culture in the present. In this sense, even though the evidence shows that s. 23 has not been able to counter or slow the process of assimilation, the fact remains that citizens from official language minority communities still have a right to achieve fulfillment in their own language in everyday life. In addition, a court must bear in mind that s. 23 has an individual dimension and that minority language schools have a definite impact on the likelihood of assimilation of French speakers who attend them. Finally, cost savings linked to an infringement of s. 23 cannot be considered a relevant factor in the balancing of the salutary and deleterious effects of the infringing measure. In the case at bar, the courts below erred in ruling that the fair and rational allocation of limited public funds is a pressing and substantial objective that can justify infringements of s. 23 in accordance with the Oakes test. The fair and rational allocation of limited public funds represents the daily business of government. The mission of a government is to manage a limited budget in order to address needs that are, for their part, unlimited. There is accordingly no pressing and substantial objective here that can justify an infringement of rights and freedoms in this case. The justification for the infringements therefore fails at the first stage of the analysis. Without a valid objective, the province cannot justify the infringements of s. 23. As a result, the infringement of s. 23 found by the trial judge on the basis that the CSF had been denied $1.1 million by not having benefited from the Annual Facilities Grant Rural Factor is not justified, and the CSF is entitled to damages in that amount. The limited government immunity from damages awards does not apply to decisions made in accordance with government policies that are found to be contrary to s. 23. Although damages can be awarded against a government where they are an appropriate and just remedy in the circumstances, it may avoid such an award by raising concerns for effective governance, including where a law has been declared to be invalid after the act that caused the infringement. However, the government does not have immunity in relation to government policies that infringe fundamental rights. The possibility of damages being awarded in respect of Charter‑infringing government policies in this context is unlikely to have a chilling effect on government actions and thereby undermine their effectiveness; on the contrary, it helps ensure that government actions are respectful of fundamental rights. While it is appropriate to give the government immunity in respect of a well‑defined instrument such as a law, the same is not true in respect of undefined instruments with unclear limits, such as government policies. In the case at bar, because the freeze on school transportation funding was a government policy, the trial judge’s order awarding damages for the inadequate funding of school transportation should be restored. |
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R c Stark, 2020 QCCQ 2669
[1] L’accusé-requérant fait face à de nombreux chefs d’accusation en lien à des allégations d’agressions sexuelles, de voies de fait et de proxénétisme. Toutes ces infractions auraient été commises à l’égard de M.N. Détenu depuis sa comparution, son procès a débuté les 29 et 30 janvier 2019 et il se déroule en français.
[2] À ces dates, deux témoins ont été présentés au Tribunal, M.N. elle-même et P.J. Pour des raisons qui lui appartiennent, M.N. a choisi de témoigner en anglais. Les questions lui étaient généralement posées en français et elle offrait ses réponses en anglais. Durant ce témoignage, l’accusé-requérant a bénéficié d’une interprétation simultanée.
[3] Les deux femmes ont été interrogées et contre-interrogées jusqu’à ce que l’avocat de la défense d’alors[1] déclare avoir terminé ses contre-interrogatoires[2]. La confection des notes sténographiques relatives à ces témoignages n’a été demandée que 10 mois plus tard, le 27 novembre 2019 par un autre avocat[3].
[4] Il n’est sans doute pas inutile de signaler, dès ce stade, que de nombreux avocats se sont succédé dans ce dossier. Au moment d’écrire ces mots, l’avocate au dossier est la sixième à représenter l’accusé-requérant[4].
LA REQUÊTE
[5] Aux premières lectures, il n’est pas facile de se retrouver dans le fil ou l’enchaînement des paragraphes de cette requête. Parfois on y semble y alléguer l’inconstitutionnalité des articles 530 et suivants du Code criminel, parfois on semble y plaider le caractère déraisonnable des délais[5], mais finalement les précisions apportées durant les observations de l’accusé-requérant à l’audience, ont permis de mieux cerner la véritable nature du grief. Essentiellement, l’accusé-requérant fait la soutenance de la thèse suivante.
[6] Parce que la transcription écrite de notes sténographiques relatives à un témoignage rendu principalement en anglais[6] serait plus longue à obtenir que la transcription d’un témoignage rendu en français, il en résulterait « une discrimination » et « que le droit […] à un procès équitable dans un délai raisonnable [aurait] été brimé par le non-respect des paragraphes 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que le (sic) paragraphe 530(1) du Code criminel ».
[7] Comme réparation, il requiert l’arrêt des procédures ou bien d’entériner un plaidoyer sur un chef d’accusation réduit à voies de fait simple, le tout accompagné d’un arrêt conditionnel des procédures sur tous les autres chefs.
[8] Au soutien de sa thèse, l’accusé-requérant affirme qu’un délai moyen de six mois est requis pour obtenir une transcription écrite en anglais tandis que pour une semblable transcription en français, un seul mois suffirait. Il y voit là, une distinction fondée sur un motif analogue[7] à ceux qui sont énumérés au paragraphe premier de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »).
[9] Concernant cette affirmation relative au temps requis pour la confection des notes, signalons qu’il n’y a pas d’admission de la couronne à ce sujet sinon que le délai serait généralement plus long[8]. Il n’y a pas, non plus, eu de preuve administrée et ce n’est évidemment pas de connaissance judiciaire.
[10] Puis, dans la rubrique intitulée « La distinction est-elle discriminatoire ? »[9], l’accusé-requérant déclare véhémentement que « [d]ans le présent dossier, les transcriptions sont nécessaires, non pas optionnelles, pour contre-interroger la plaignante, témoin principal »[10]. Puis, il insiste sur l’importance des notes en référence à l’appréciation de la crédibilité du témoin.
[11] Le tout culmine au paragraphe 39 de la plaidoirie écrite dans une note aigüe qui se lit comme suit : « Le requérant a droit à une défense pleine et entière, ce qui est irréalisable sans l’ensemble des éléments essentiels du dossier. Ici, les transcriptions de l’interrogatoire afin de préparer le contre-interrogatoire du témoin principal ».
[12] Or, pour mémoire, le témoin M.N. a déjà témoigné et le contre-interrogatoire est clos. Le Tribunal a de la difficulté à comprendre que l’accusé-requérant fasse de pareilles affirmations des mois après la fin du contre-interrogatoire.
[13] Quand on a fait remarquer à l’avocate de l’accusé-requérant qu’il en était ainsi, le ministère public lui a demandé s’il était de l’intention de l’accusé-requérant de solliciter la réouverture du contre-interrogatoire de M.N. Pour toute réponse, la défense a déclaré essentiellement qu’on « voulait peut-être faire une demande de réouverture du contre-interrogatoire de la plaignante ; on ne l’affirme pas maintenant, on y songe ».
[14] Le moins qu’on puisse dire, quant à cet aspect de l’affaire, c’est que cette nécessité clamée haut et fort, semble s’être réduite significativement entre le moment de la rédaction de la requête et celui de sa présentation. D’ailleurs, signalons au lecteur, que les notes sténographiques en cause sont disponibles depuis le 8 avril 2020 au moins.
[15] D’autres éléments factuels auront leur importance dans cette décision. Nous allons cependant les envisager, quand il conviendra de le faire, dans la portion suivante de ce développement.
DISCUSSION
[16] Ainsi, les droits garantis à l’accusé-requérant au paragraphe 15 (1) de la Charte auraient-ils été brimés dans les circonstances de cette affaire.
[17] Le paragraphe en cause protège le droit à l’égalité de tous et affirme que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination. Pour que l’article 15 de la Charte ne s’applique, l’inégalité dont on se plaint doit découler de la loi[11].
[18] Toutefois, le paragraphe deuxième de l’article nous permet de comprendre que cette protection s’étend non seulement à la loi elle-même, mais aussi aux programmes et activités qui résultent ou découlent d’une loi.
[19] Cela étant, puisque l’article 530 du Code Criminel et sa suite ont été utilisés comme étais du raisonnement de l’accusé-requérant, le Tribunal s’est penché sur le paragraphe g) de l’article 530.1 qui fait référence à une transcription. La suite de cette démarche nous a amené à considérer la décision de la Cour d’appel du Québec rendue en 2013 dans l’affaire de Martin Clohosy[12].
[77] L'appelant a soulevé un moyen subsidiaire consistant à soutenir qu'il avait le droit de recevoir la transcription écrite de l'interprétation de la preuve. Cet argument est non fondé pour les raisons données dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans L'Espinay avec lesquelles nous sommes d'accord :
[28] The meaning of "transcript" and "transcription" in s. 530.1(g) is broad enough to include a copy or reproduction of an audio recording. The audio recording is the original record of proceeding. It is the primary source that is consulted in the event of a dispute as to the accuracy of a written transcript. It is the best evidence of what was said. When a trial judge made the only notes taken at a trial, those notes were the best evidence. When a stenographer took down in shorthand the words spoken in court, the transcription of those notes into writing was the best evidence of what was said. That "transcript" became the original record of proceeding. But the meaning of the word "transcript" is not frozen in the days of shorthand reporters. It has evolved in the courts as in life beyond the courts to include a copy or reproduction by any means.
[…]
[33] For these reasons, I conclude that s. 530.1 does not mandate the preparation of a written transcript at the close of the Crown's case or at any other time. If an accused wishes to inspect the record of proceedings, he may listen to the audio recording or obtain a copy of it in accordance with the provincial legislation and the practice of the court and the Court Services Branch of the Ministry of the Attorney General. In my view, the trial judge was correct in her interpretation of the Criminal Code. It does not require a written transcript be made available for inspection by every accused person at the close of the Crown's case or during or following the trial.
[20] Dans cet arrêt, où l’appelant soulevait qu’il avait droit à la transcription écrite de l’interprétation de la preuve, notre Cour d’appel a, donc, avalisé les raisons données dans l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans L’Espinay[13].
[21] Alors, puisqu’il en est ainsi, il faut bien faire le constat que malgré l’interprétation que l’accusé-requérant propose de l’arrêt Potvin de la Cour d’appel de l’Ontario[14], il n’existe pas de droit à la transcription écrite des débats et que la transcription sonore, un enregistrement, demeure la meilleure preuve de ce qui a été dit.
[22] Ajoutons, à ce stade, que le ministère public a remis à l’avocate de l’accusé-requérant les enregistrements audio des deux premiers jours de procès[15] avant les dates fixées pour la reprise du procès. Au total, l’écoute des audiences de ces deux journées durerait six heures et 20 minutes[16].
[23] Au sommaire, non seulement, a-t-on en sa possession les enregistrements sonores des débats, non seulement le contre-interrogatoire de M.N. est-il terminé, mais encore on a maintenant une transcription écrite des enregistrements des débats.
[24] Dans ce contexte, et compte tenu de ce qui a été énoncé aux paragraphes 19, 20 et 21 de la présente rédaction, il tombe sous le sens que l’accusé-requérant n’a pas été l’objet de quelque violation des droits qui lui sont garantis par l’article 15 de la Charte ou toute autre disposition qu’il a pu invoquer.
[25] En conséquence de quoi, le Tribunal n’a évidemment pas à envisager les réparations proposées par l’accusé-requérant et, dans la logique de ce qui précède rejette la requête.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la requête;
CONVOQUE les parties le 29 juin prochain pour la suite des audiences.
R v Poobalasingham, 2020 ONCA 308
[1] In a jurisdiction in which trial proceedings are conducted in English and over 95% of the total population asserts knowledge of English, the English-speaking appellants obtained an order under s. 530(1) of the Criminal Code, directing that their trials be held before a judge and jury who spoke English.
[2] At trial, the appellants invoked the orders under s. 530 and applied to challenge each prospective juror for cause under s. 638(1)(f) of the Criminal Code on the ground that the juror did not speak English.
[3] The judge who decided the challenge for cause issue in each case dismissed the application. In the result, no challenge for cause under s. 638(1)(f) was permitted at the appellants’ trials.
[4] The appellants contend that the judges were wrong to deny their applications. They advance no other grounds of appeal.
[5] As I will explain, I have concluded that the judges were right in dismissing the applications under s. 630(1)(f). It follows that I would dismiss the appeals and affirm the convictions entered at trial.
The Background Facts
[6] These appeals originate in three separate prosecutions tried by three different judges of the Superior Court of Justice sitting with juries in Brampton. A brief description of the procedural history of each prosecution will provide the context necessary to resolve the narrow legal issue common to each.
The Orders under Section 530
[7] As noted, each of the appellants obtained an order under s. 530(1) of the Criminal Code. This section authorizes judges and justices of the peace to make orders about the official language in which trial proceedings will be conducted. Some orders are mandatory, others discretionary. Relevant factors include the timing of the application and the language capacity of the applicant.
[8] In these cases, all the appellants self-identify as speaking and understanding one of Canada’s official languages – English. In these circumstances, provided their application was timely, an order directing that their trial take place before a judge and jury who spoke the same official language – English – was mandatory under s. 530(1)(c), as it then appeared.[1]
[9] An accused who fails to apply for a mandatory order under s. 530(1) may apply to the trial court for an order to the same effect: Criminal Code, s. 530(4). However, this authority is discretionary and requires the accused to persuade the trial court that it is in the best interests of justice that the order be made.
R. v. Poobalasingham
[10] Bryan and Brandon Poobalasingham were charged jointly with a third person with counts of aggravated assault and attempted murder. All elected trial by judge and jury and requested a preliminary inquiry.
[11] At the preliminary inquiry, Bryan Poobalasingham sought and obtained an order under s. 530(1)(c) of the Criminal Code that his trial be held before a judge and jury who spoke the same official language of Canada as he – English.
[12] Counsel who represented Bryan Poobalasingham, who is one of his counsel on appeal, did not suggest to the preliminary inquiry judge that the order was necessary to ensure that the judge and jury at the appellant’s trial spoke English, the same official language as the appellant. Rather, counsel told the judge he “always” brings an application under s. 530(1) for the same order.
[13] Neither Brandon Poobalasingham nor the third co-accused applied for the same order or joined in Bryan’s application.
R. v. Wilkins
[14] The appellant Wilkins was charged with two counts of offences under the Controlled Drugs and Substances Act, S.C. 1996, c. 19. He elected trial before a judge and jury and requested a preliminary inquiry. Represented by the same counsel who represented Bryan Poobalasingham, both at trial and in this court, Wilkins sought and obtained an order under s. 530(1)(c) of the Criminal Code that he be tried by a judge and jury who spoke the same official language as he – English.
R. v. Thomas
[15] The appellant Thomas was charged with a single count of importing cocaine. She elected trial by judge and jury and requested a preliminary inquiry. As with the other appellants, counsel sought and obtained an order that Ms. Thomas be tried by a judge and jury who spoke the same official language as she – English.
The Applications to Challenge for Cause under Section 638(1)(f)
[16] At trial, each appellant sought to challenge each prospective juror for cause under s. 638(1)(f). That section reads:
638(1) A prosecutor or an accused is entitled to any number of challenges on the ground that …
(f) a juror does not speak the official language of Canada that is the language of the accused or the official language of Canada in which the accused can best give testimony or both official languages of Canada, where the accused is required by reason of an order under section 530 to be tried before a judge and jury who speak the official language of Canada that is the language of the accused or the official language of Canada in which the accused can best give testimony or who speak both official languages of Canada, as the case may be.
[17] The question counsel proposed to ask each prospective juror was in these or similar terms:
As His/Her Honour will tell you, it is your duty and responsibility as a juror to listen carefully to the spoken testimony of the witnesses, to examine the evidence in the exhibits filed, to attend diligently to the arguments of counsel and the instructions by the Judge on the law, and ultimately decide whether the Crown has proven the charges against the accused beyond a reasonable doubt. I am asking you, as a potential juror, to make a self-assessment. Do you understand written and spoken English well enough to take on the responsibility and obligations of a juror in this trial?
R. v. Poobalasingham
[18] In support of his application to challenge prospective jurors for cause under s. 638(1)(f), counsel for Bryan Poobalasingham filed a notice of application and a factum, but no extrinsic materials. No evidence was adduced on the application, nor was the judge asked to take judicial notice of any census data, or any other facts, to support the application.
[19] Counsel for Brandon Poobalasingham joined in the motion “in the sense of supporting it”, but made no submissions. Counsel for the third co-accused said she was not part of the motion and would not be making submissions on it.
R. v. Wilkins
[20] The application under s. 638(1)(f) was heard by a case management judge. In support of the application, counsel filed a copy of a sample “Questionnaire about Qualifications for Jury Service”. This document is Form 1 under Regulation 680 made under the Juries Act, R.S.O. 1990, c. J.3. Prospective jurors are asked to indicate their competency in reading, writing, and speaking English. They are also informed that completion of the form is required by Ontario law.
[21] The appellant also filed a copy of a Census Profile for Peel Region in 2011. The document contains data about residents of the Region, including not only Canadian citizens, but also landed immigrants and non-permanent residents. Also included is data about residents’ mother tongue, their knowledge of Canada’s official languages and the language most often spoken at home.
R. v. Thomas
[22] Thomas’ application to challenge prospective jurors under s. 638(1)(f) was also heard by a case management judge. No evidentiary record accompanied the application. Counsel simply sought to pose the single proposed question as of right because of the order under s. 530(1).
The Rulings
[23] In each case, the application under s. 638(1)(f) was dismissed. Common to each decision was a conclusion that the mere existence of an order under s. 530(1), without more, did not entitle an accused to challenge each prospective juror for cause, as of right, under s. 638(1)(f) to determine the juror’s language facility. As under s. 638(1)(b), there must be an air of reality to a proposed challenge for cause. The materials filed by the appellants, if any, did not satisfy that standard.
The Grounds Of Appeal
[24] The appellants advance a single ground of appeal. They say the judges who decided the applications erred in failing to permit them, as beneficiaries of orders under s. 530(1) of the Criminal Code, to challenge prospective jurors for cause under s. 638(1)(f).
The Arguments On Appeal
[25] The principal arguments advanced are common among the appellants on the one hand and between the respondents on the other. The appellants Brandon Poobalasingham and Thomas make additional submissions based on their individual circumstances.
The Appellants
[26] The appellants’ primary position is that, having obtained an order under s. 530(1) requiring that their trials be held before a judge and jury who speak English, they are entitled as of right to challenge each prospective juror for cause under s. 638(1)(f).
[27] In accordance with the modern approach to statutory interpretation, a single condition must be met to engage the challenge for cause for which s. 638(1)(f) provides. That pre-condition, which is met here, is an order establishing the language of trial under s. 530. With an order under s. 530, s. 638(1)(f), a mechanism to ensure compliance with orders under s. 530, is engaged.
[28] The appellants also point to the broader legal context.
[29] Section 530 is a language rights provision. Language rights are fundamental. They must not be approached in an adversarial way since they serve the interests of justice and Canadian unity. The fundamental nature of the right of an accused to be tried by a trier of fact who understands the language of an accused’s choice is underscored by s. 16 of the Official Languages Act, R.S.C., 1985, c. 31 (4th Supp.). This right is substantive, not procedural. The choice of official language for trial is the choice of the person charged made for their own reasons. To exercise this fundamental right of trial in the language of choice, an accused must be able to challenge prospective jurors for cause based solely on a s. 530 order.
[30] The appellants reject any suggestion of a threshold standard as required where the challenge for cause is based on lack of impartiality under s. 638(1)(b). The threshold under s. 638(1)(b) is necessary because of the presumption of impartiality which adheres to each prospective juror. The air of reality standard is put in place to counter this presumption. But there is no presumption of linguistic competence, nor any presumption that a linguistically limited person could set aside their limitations and fulfil their duty as a juror.
[31] The appellants say that by making a s. 530 order a precondition to a challenge for cause under s. 638(1)(f), Parliament ensured that the challenge was available to those with a demonstrated interest in guaranteeing a trial in their official language of choice. As the only precondition to invoking s. 638(1)(f), Parliament ensured that when an accused exercised their language rights, they would not be found to satisfy the challenge on the basis of some case-specific justification. By requiring a case-specific justification, the judge in these cases erred by going beyond the plain, unambiguous and rights-protective language enacted by Parliament.
[32] In the alternative, and in the event that we conclude that a factual basis is required for an accused to gain an entrée into s. 638(1)(f), the appellants say the facts found by the case management judge in Wilkins satisfy the threshold. Indeed, the mere fact that prospective jurors identified language concerns on pre-vetting establishes this. Self-selection and pre-vetting are not sufficient nor do any other reasons mentioned by the judges at first instance warrant their conclusions.
[33] The appellant Thomas adds that s. 16 of the Charter recognizes the equality of Canada’s two official languages. In doing so, it does not assign a lesser place for those whose official language is that of a majority of the population. Whether the official language at issue is that of a majority or that of a minority is of no moment. Jurors must be linguistically competent and impartial. Just as impartiality must be tested on a challenge for cause, so must linguistic competence.
[34] The appellant Brandon Poobalasingham acknowledges that he did not bring a formal application to challenge for cause at trial. Nonetheless, he submits that he should be permitted to advance his case in common with the other appellants. He supported the application at first instance, albeit his counsel made no submissions and filed no material. He was a party to the jury selection process and was bound by any ruling made. The trial judge considered him an applicant and invited submissions from his counsel.
[35] The appellants stand as one on the issue of remedy. A ruling denying them a challenge for cause to which they were entitled meant that the jury, and thus the court, was not properly constituted for their trial. This error resulted in a loss of jurisdiction that is beyond the reach of any curative provision in the Criminal Code. The only remedy is a new trial.
The Respondents
[36] The respondents deny any errors in the rulings below. They say there is not, as the appellants contend, any automatic right to challenge prospective jurors for cause under s. 638(1)(f) simply by virtue of having obtained an order under s. 530 of the Criminal Code. Instead – and consistent with other Criminal Code provisions – a party who invokes s. 638(1)(f) must establish a realistic potential for the challenge. Finally, this realistic potential must be related to specific language rights concerns in the individual case.
[37] This conclusion, the respondents argue, finds support in a purposive interpretation of s. 638(1)(f). The provision was enacted in 1978 along with Part XVII of the Code, which includes s. 530 and imposes constitutional bilingualism on the criminal courts across Canada. As a complement to s. 530, s. 638(1)(f) must be interpreted in accordance with the purpose of that section. And the purpose of s. 530, we know, is to provide equal access to the courts to accused speaking one of the official languages of Canada in order to assist official language minorities in preserving their cultural identity.
[38] Trial fairness and language rights, the respondents continue, are fundamentally distinct although they are sometimes complementary concepts. The right to make full answer and defence is linked with linguistic abilities only in the sense that an accused must be able to understand and be understood at their trial. For their part, language rights are not meant to enforce minimum conditions under which a trial will be considered fair, or even to ensure the greatest efficiency of the defence. To be sure, language rights may enhance the quality of legal proceedings, but their source lies elsewhere.
[39] Issues related to language competency as a function of trial fairness, the respondents say, are properly addressed and more than adequately satisfied by other Criminal Code provisions, as well as the Juries Act. Section 2 of the Juries Act requires that prospective jurors be Canadian citizens. For an adult who is not otherwise a Canadian citizen to become one, the person must have an adequate knowledge of either English or French and pass a test in one of the official languages. A recent amendment requires that every juror be able to speak, read and understand English or French: see Protecting What Matters Most Act (Budget Measures), S.O. 2019, c. 7, Sched. 35, s. 2; Juries Act, s. 2(d).
[40] In addition, under the Juries Act eligible jurors are identified through a questionnaire which asks recipients to certify whether they speak, read and understand English and/or French. The instructions make it clear that to answer “Yes”, the prospective juror must be fluent in the relevant language and understand it well enough to follow a trial where all evidence and legal instructions will be given in that language, without the assistance of an interpreter.
[41] The respondents also point out that s. 632 of the Criminal Code permits the judge presiding over jury selection to vet the panel of prospective jurors in advance of the formal jury selection process. Among the issues routinely explored is the need for fluency in the language of trial. In each of the appellants’ cases, this issue was canvassed and some prospective jurors were excused because of inadequate language competency.
[42] In addition, the respondents say, if during the trial a particular juror’s language fluency comes up short, the presiding judge may discharge that juror to ensure trial fairness under s. 644(1) of the Criminal Code.
[43] The respondents submit that the appellant’s reliance on the Official Languages Act is misplaced. To be sure, that Act imposes certain duties on “federal courts”: see Official Languages Act, ss. 3(2), 16. But the court where the appellants were tried – the Superior Court of Justice – is a creature of provincial statute: see Courts of Justice Act, R.S.O. 1990, c. C.43, ss. 11-17. The Official Languages Act does not apply.
[44] The respondents accept that an order under s. 530 is a necessary condition for a challenge under s. 638(1)(f). But it is not a sufficient one. Like any other challenge for cause available under the provision, s. 638(1)(f) requires that there be an “air of reality” or “realistic potential” for the challenge. An evidentiary foundation – whether satisfied by extrinsic evidence, judicial notice, admission or otherwise – must be established.
[45] And this evidentiary foundation, the respondents continue, must be related to the purpose of s. 638(1)(f): ensuring equal access to justice in either official language. If this were not so, Parliament would not have insisted on a s. 530 order as a condition precedent. And provided the request is timely, the s. 530 order is for the asking. Therefore, absent a requirement that the evidentiary foundation be linked to the purpose of s. 638(1)(f), every accused would enjoy an automatic right to challenge every juror under that provision – even absent any concern related to language rights. No such purpose can be teased out of either s. 530, s. 638(1)(f) or their combination.
[46] The evidence adduced by the appellant Wilkins falls well short of the “air of reality” threshold. The Census Profile is dated and includes among the population, constituents who would not be eligible for jury service because they are under 18 or are not Canadian citizens. The data about a resident’s “mother tongue” is of little value because it lacks any direct correlation to competency in either official language. If anything, the Census Profile undermines Wilkins’ claims: fully 96% of respondents asserted knowledge of English.
[47] In connection with the Poobalasingham appellants, the respondents say Bryan’s materials failed to recite any fair trial or (moreover) language rights concerns. As for Brandon, the interests of justice do not favour granting him leave. He failed to advance the issue at trial. And on appeal, he has failed to point to any negative impact on his rights occasioned by the decision below.
The Governing Principles
[48] Although the issue ultimately requiring decision is a narrow one involving the interpretation of s. 638(1)(f) of the Criminal Code, that decision is informed by several other incidents of the jury selection process. For, as we know, context plays an important role in construing the written words of a statute: Bell ExpressVu Limited Partnership v. Rex, 2002 SCC 42, [2002] 2 S.C.R. 559, at para. 27.
[49] As is well known, the jury selection process involves two stages.
[50] The first – the pre-trial stage – involves the organization of a panel or array of prospective jurors who are made available at court sittings as a pool from which trial juries are selected. This pool is randomly assembled from the broader community. Governed by provincial legislation (in Ontario, the Juries Act), this stage includes the qualification of jurors; completion of the jury list; summoning of panel members; selection of jurors from the jury lists; and conditions for being excused from jury duty: R. v. Find, 2001 SCC 32, [2001] 1 S.C.R. 863, at paras. 19-20; Criminal Code, s. 626(1).
[51] The second – the in-court stage – involves the selection of a trial jury from the panel. During this process prospective jurors may be excluded in two ways. Some may be excused by the presiding judge in a preliminary way. Others may be excluded as a result of a successful challenge by the parties: Find, at paras. 19, 21-24. This stage of the process is governed by federal legislation: see Criminal Code, ss. 626-644.
The Pre-Trial Stage of Jury Selection
[52] To be eligible for jury service in Ontario under s. 2 of the Juries Act, a person must reside in Ontario and be a Canadian citizen at least 18 years old. A recent amendment adds a further requirement for eligibility – the juror must be able to speak, read and understand English or French: see Juries Act, s. 2(d).
[53] Any person who is not a Canadian citizen by birth and who is between 18 and 54 years old (inclusive) can only become a Canadian citizen if they have an adequate knowledge of one of Canada’s official languages and can demonstrate in that language an adequate knowledge of Canada and the privileges of citizenship: Citizenship Act, R.S.C. 1985, c. C-29, ss. 5(1)(d) and (e).
[54] The process of compiling a jury list begins with the Director of Assessment mailing out a statutorily prescribed form – a jury questionnaire – to residents of a county, district, regional municipality or city, based on information obtained from the most recent enumeration of inhabitants under the Assessment Act, R.S.O. 1990, c. A.31.
[55] The purpose of the jury questionnaire – to determine eligibility for jury service – is stated on the first page. At the time of the appellants’ trials, the form also provided the following warning:
If you fail to return this form without reasonable excuse within five (5) days of receiving it, or knowingly give false information on the form, you are committing an offence. If convicted of this offence, you may be fined up to $5000.00 or imprisoned up to six (6) months, or both. [Emphasis added.]
[56] Question nine of the questionnaire addresses language competency. Part A asks whether the respondent speaks, reads and understands English. Part B asks the same question with respect to French. The instruction for this question, which the respondent is directed to review, states:
If you are chosen to sit on a jury, the trial will be conducted in either English or French. If indicating a “Yes” response to English or French, you must be fluent in either language and understand it well enough to follow a trial where all evidence and legal instructions will be given in English or French, without the assistance of an interpreter.
[57] When the questionnaires are returned and opened, a jury roll is compiled from those who are eligible to serve as jurors. The jury roll is divided into three parts based on declared language competency: (i) English, (ii) French, or (iii) both English and French.
The In-Court Pre-Selection Procedure
[58] When a jury panel arrives in the courtroom to begin the formal process of jury selection, s. 632 of the Criminal Code authorizes the presiding judge to vet the panel members to determine whether any of them should be excused from jury service. Typically, this involves the presiding judge advising members of the jury panel about some requirements for jury service. This includes an understanding of the language of trial. A representative question on this issue is in these terms:
Our law also requires that each juror be able to understand the language that will be used in the trial. In this case, witnesses will testify and others involved in the case will speak in English. Documents written in English may be made exhibits.
If you have any difficulty understanding English as it is spoken or written, please raise your hand and come to the front of the courtroom.
See Find, at paras. 22-23; R. v. Sherratt, 1991 CanLII 86 (SCC), [1991] 1 S.C.R. 509, at pp. 527-28, 534-35. See also R. v. Jimenez Leon, 2012 ONSC 575, 283 C.C.C. (3d) 243, at paras. 11-12, aff’d 2014 ONCA 813; R. v. Smith and Mathers, 2019 ONSC 4816, at para. 11; and R. v. E., 2019 ONSC 3813, at para. 23.
[59] When a prospective juror expresses concern, the presiding judge will make inquiries of the juror to determine their language facility. In some cases, the judge may be aware of the nature of the evidence to be adduced and can formulate their questions accordingly. At the end of the inquiry, the judge will determine whether the prospective juror has the language facility necessary to understand the evidence, submissions and jury instructions at trial: see e.g. Jimenez Leon, at para. 18.
Section 530 of the Criminal Code
[60] Section 530 of the Criminal Code is not part of Part XX, Jury Trials, but rather is contained in Part XVII, Language of Accused. At the time of the relevant proceedings in this case, s. 530(1)(c) of the Criminal Code provided:
530(1) On application by an accused whose language is one of the official languages of Canada, made not later than …
(c) the time when the accused is ordered to stand trial, if the accused
(i) is charged with an offence listed in section 469,
(ii) has elected to be tried by a court composed of a judge or a judge and jury, or
(iii) is deemed to have elected to be tried by a court composed of a judge and jury,
a justice of the peace, provincial court judge or judge of the Nunavut Court of Justice shall grant an order directing that the accused be tried before a justice of the peace, provincial court judge, judge or judge and jury, as the case may be, who speak the official language of Canada that is the language of the accused or, if the circumstances warrant, who speak both official languages of Canada.
[61] While the wording has changed since the appellants’ trials, the substance of this provision remains the same: see Criminal Code, s. 530(1). And this language permits of no doubt: an order directing that the trial of an accused be before a judge and jury who speak the official language of the accused is mandatory, provided the accused’s application is timely.
[62] Section 530 is a language rights provision. Section 530(1) creates an absolute right of an accused to equal access to designated courts in the official language which that accused considers their own. It requires that criminal courts be institutionally bilingual in order to provide for the equal use of the two official languages of Canada. The right is substantive, not procedural. It brooks no interference: R. v. Beaulac, 1999 CanLII 684 (SCC), [1999] 1 S.C.R. 768, at paras. 23, 25 and 28.
[63] The purpose of s. 530 is to provide equal access to the courts to accused who speak one of Canada’s official languages “in order to assist official language minorities in preserving their cultural identity”: Beaulac, at para. 34; R. v. Munkonda, 2015 ONCA 309, 126 O.R. (3d) 646, at para. 49.
[64] Language rights are a particular kind of right. They are distinct from the principles of fundamental justice. Language rights are meant to protect official language minorities and to ensure the equal status of English and French. They are “not meant to support the legal right to a fair trial, but to assist [an] accused in gaining equal access to a public service that is responsive to [their] linguistic and cultural identity”: Beaulac, at paras. 23, 25, 41, 45 and 53; Munkonda, at para. 59; and Bessette v. British Columbia (Attorney General), 2019 SCC 31, 376 C.C.C. (3d) 147, at para. 38.
[65] This court addressed an application under s. 530 by an English-speaking accused in R. v. Leon, 2014 ONCA 813 – albeit in the context of a discretionary order under s. 530(4). This court agreed with the trial judge that “there was no basis to make a s. 530 order, since the accused was already scheduled to have a trial in English”: Leon, at paras. 3-4.
Challenges for Cause and Section 638(1)(f)
[66] The aim of a challenge for cause is to assist in the selection of a jury who will decide the case impartially and base its verdict on the evidence adduced and in accordance with the legal instructions provided by the trial judge.
[67] The ultimate requirement of a system of jury selection is that the system result in a fair trial. A fair trial is not a perfect trial. Nor is it a trial that is the most advantageous from the perspective of the accused: Find, at paras. 26, 28.
[68] The presiding judge has authority to control the jury selection process. To make effective use of court resources. And to ensure fairness to all participants, including prospective jurors: R. v. Husbands, 2017 ONCA 607, 353 C.C.C. (3d) 317, at para. 31, leave to appeal refused, [2017] S.C.C.A. No. 364; R. v. Province, 2019 ONCA 638, at para. 69.
[69] This inherent authority extends specifically to the challenge for cause component of jury selection. It is exercised to prevent an abuse of the challenge for cause process and to ensure fairness to the parties and the prospective jurors: Province, at para. 68. A challenge for cause with no purpose beyond increasing delays or intruding on the privacy of prospective jurors is ripe for extinction in the exercise of this authority: Find, at para. 29; R. v. Hubbert (1975), 1975 CanLII 53 (ON CA), 29 C.C.C (2d) 279 (Ont. C.A.), at p. 291, aff’d 1977 CanLII 15 (SCC), [1977] 2 S.C.R. 267.
[70] Section 638 of the Criminal Code authorizes challenges for cause. Sections 638(1) and (2) provide an exhaustive catalogue of the grounds upon which a challenge for cause may be advanced. The plain language of s. 638 entitles each party to “any number of challenges” for cause: Criminal Code, s. 638(1); Sherratt, at p. 521.
[71] Section 638 is silent on whether an applicant must meet a particular threshold requirement or preliminary burden in order to challenge a prospective juror on the basis of an enumerated cause. But it follows from the presiding judge’s degree of control over the selection process that some burden is settled on the challenger to ensure that selection accords with the governing principles and that the presiding judge is provided sufficient information so the truth of the challenge is contained within reasonable bounds: Sherratt, at pp. 535-36.
[72] Among the six articulated grounds upon which a prospective juror may be challenged for cause under s. 638(1), the most frequently invoked is s. 638(1)(b) – i.e., that the prospective juror is not impartial as between the Crown and the accused. An accused who seeks to challenge prospective jurors under s. 638(1)(b) must establish a realistic potential for the existence of partiality on a ground sufficiently articulated in the application: Sherratt, at pp. 535-36; Find, at para. 31; R. v. Yumnu, 2010 ONCA 637, at paras. 70, 88, 260 C.C.C. (3d) 421, aff’d 2012 SCC 73, [2012] 3 S.C.R. 777; and R. v. Williams, 1998 CanLII 782 (SCC), [1998] 1 S.C.R. 1128, at para. 14. In assessing whether an accused has met this threshold, courts have considered the availability and efficacy of various components of the trial process to serve as antidotes in ensuring impartiality: Find, at paras. 41-42. Only where these components are insufficient to negate a realistic potential of partiality will the challenge be permitted to proceed.
[73] A challenge for cause under s. 638(1)(f) contests the language competency of prospective jurors. The challenge for cause is available only where the accused is required by an order under s. 530 to be tried by a judge and jury who speak the same official language as the accused. The challenge is that the prospective juror does not speak the same official language.
The Principles Applied
[74] Several reasons persuade me that this ground of appeal fails.
[75] First, the circumstances in which the orders under s. 530(1) were obtained.
[76] As we have already seen, s. 530 is a language rights provision. Its purpose is to provide equal access to the courts to accused who speak an official language of Canada in order to assist official language minorities in preserving their cultural identity. An order ensures that an accused will understand and be understood in the proceedings. Language rights are not meant to enforce minimum conditions under which a trial will be considered fair.
[77] The timeliness of the applications under s. 530(1)(c) in these cases dictated that an order would be made in view of the mandatory language in the section. But the application, which counsel said he “always made”, was at best frivolous and at worst abusive. For it had nothing to do with language rights or assisting official language minorities in preserving their cultural identity.
[78] In these cases, as the appellants well knew, their trials would be held in the official language with which they identified – English. No order under s. 530 was required to achieve this result: see Leon, at paras. 3-4. The appellants would understand the language of proceedings.
[79] In addition, the juror qualification requirement under the Juries Act and the pre-vetting of jurors for language competency ensured that the trier of fact would understand the proceedings in their official language. In each of the appellants’ cases, the presiding judge conducted screening for language competency. And in each case, several prospective jurors were excused.
[80] As it would appear to me, counsel sought the order not to enforce language rights, but to secure a foothold to challenge prospective jurors for cause on the ground of language competency in the absence of any warrant for doing so. Indeed, the focus of the proposed question is more directed at the fairness of the trial process than the language in which the trial was conducted.
[81] Second, the interpretation of s. 638(1)(f).
[82] The interpretation of s. 638(1)(f) proposed by the appellants, that the mere existence of an order under s. 530 entitles an accused to challenge the language competency of each prospective juror as of right, would be inconsistent with the threshold requirements for all other challenges for cause – in particular, s. 638(1)(b) – in the absence of any statutory language or principle requiring it.
[83] The threshold to be met under s. 638(1)(b) – a realistic potential for the existence of partiality on a ground sufficiently articulated in the application – does not emerge from the language of the section. Nor can s. 638(1)(b) be distinguished based on the presumption of impartiality in prospective jurors. Indeed, the functional equivalent of a similar presumption – one of language competency – could as easily be grounded on the combination of jury qualification requirements in place under provincial law and the pre-vetting of panel members for language competency by the presiding judge.
[84] Further, a requirement of the threshold showing for each ground of challenge for cause is consistent with basic principles. To take advantage of an entitlement to challenge for cause, one which has the effect of eliminating from the jury as sworn persons not disqualified by the statute under which jurors are selected, a challenger must make a preliminary showing before being allowed to proceed.
[85] Finally, challenges for cause which, as here, serve no useful purpose but to increase delays and intrude on the privacy of prospective jurors must be avoided.
DISPOSITION
[86] For these reasons, I would dismiss the appeals.
Released: “DW” May 22, 2020
Kaudjhis c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 567
I. Survol
[1] M. Hacist Leon-Paul Junior Kouassi Kaudjhis demande le contrôle judiciaire de la mesure d’exclusion prise contre lui par un délégué du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le Délégué], suite au rapport d’interdiction de territoire émis par un agent des services frontaliers du Canada [l’Agent].
[2] Après examen du rapport de l’Agent, le Délégué a conclu que le demandeur, un citoyen de la Côte d’Ivoire, était interdit de territoire pour ne pas avoir respecté les conditions rattachées à son permis d’études, et pour avoir travaillé à temps plein au Canada sans détenir de permis de travail.
[3] Le demandeur plaide que le Délégué n’était pas autorisé à émettre contre lui une mesure de renvoi et qu’il n’est pas raisonnable de le forcer à quitter le pays pour présenter une demande de permis de travail de l’extérieur. Il allègue également que le rapport de l’Agent ne respecte pas les dispositions de la Loi sur les langues officielles, LRC (1985), ch 31 (4e suppl.) puisqu’il est rédigé dans les deux langues officielles. Partant, plaide le demandeur, il doit être annulé.
II. Faits
[4] Le demandeur arrive au Canada en 2012 muni d’un permis d’études. Il amorce des études à l’Université de Montréal, pour les poursuivre à l’Université Laval à compter de 2013.
[5] Il renouvèle son permis d’études à plusieurs reprises depuis son arrivée au Canada, le dernier étant valide jusqu’au 31 août 2019.
[6] Le demandeur allègue qu’en raison du décès de son père qui le supportait financièrement, il est dans l’impossibilité d’acquitter ses frais de scolarité à compter de l’automne 2017. Il ne peut donc pas s’inscrire à la session d’hiver 2018 et choisit plutôt de travailler à temps plein à compter du 14 mai 2018.
[7] La conjointe du demandeur, qui détenait un permis de travail comme personne accompagnant un étudiant étranger, doit se rendre en Martinique pour les obsèques de sa mère en 2018. Elle est enceinte à son départ mais elle fait une fausse couche. Le demandeur doit donc continuer à travailler pour payer les factures courantes, les frais du voyage, ainsi que les frais médicaux de sa conjointe.
[8] En novembre 2018, le demandeur fait une demande de permis de travail pour étudiant démuni, laquelle est refusée en février 2019 au motif qu’elle n’est pas accompagnée d’une Étude d’impact sur le marché du travail. La lettre de refus des autorités précise qu’en application du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] , son statut d’étudiant sera valide jusqu’à sa date d’expiration (31 août 2019), ou jusqu’à quatre-vingt-dix jours après la fin de ses études, selon la première éventualité.
[9] Le demandeur continue alors à travailler à temps plein.
[10] Le 13 juillet 2019, le demandeur et sa conjointe se rendent aux États-Unis pour demander un permis de travail ouvert. Sa conjointe l’obtient, mais c’est alors qu’une mesure d’exclusion est émise contre le demandeur.
III. Décision contestée
[11] Les motifs invoqués pour justifier la mesure de renvoi sont les suivants :
• Le demandeur n’est ni citoyen canadien ni résident permanent;
• Il a été admis au Canada comme détenteur d’un permis d’études;
• Il n’a pas respecté les conditions rattachées à son permis d’études puisqu’il a abandonné ses études au début de 2018; et
• Il a travaillé illégalement à temps plein de mai 2018 à ce jour (ou à tout le moins jusqu’au 13 juillet 2019).
IV. Questions en litige et norme de contrôle
[12] Cette demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :
- Est-ce que la décision du Délégué respecte la Loi sur les langues officielles?
- Est-ce que le Délégué était autorisé à prendre une mesure de renvoi contre le demandeur?
- Est-ce que la décision d’émettre une mesure d’exclusion contre le demandeur est raisonnable?
[13] La norme de contrôle applicable à la décision d’un délégué du ministre d’émettre une mesure d’exclusion est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration c Vavilov, 2019 CSC 65; Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 383).
V. Analyse
A. Est-ce que la décision du Délégué respecte la Loi sur les langues officielles?
[14] Le demandeur plaide que le rapport émis par l’agent, sur la foi duquel la mesure d’exclusion a été prise, ne respecte pas les articles 22 et 27 de la Loi sur les langues officielles puisque son contenu est rédigé dans les deux langues. L’Agent a utilisé la version anglaise du formulaire pré-imprimé pour son rapport 44(1) et l’a rempli en français. Après l’identification du demandeur, le rapport se lit comme suit :
is a person who is a foreign national who has been authorized to enter Canada
and who, in my opinion, is inadmissible pursuant to:
Subsection 41(a) in that, on a balance of probabilities, there are grounds to believe is a foreign national who is inadmissible for failing to comply with this Act through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act, specifically;
The requirement of subsection 29(2) of the act that a temporary resident must comply with any conditions imposed under the Regulations and with any requirements under this Act.
The requirement of Section 8 of the Regulations that a foreign national may not enter Canada to work without first obtaining a work permit.
This report is based on the following information that the above-named individual:
Sujet n’est pas citoyen Canadien
Sujet n’est pas résident permanent du Canada
Sujet a été admis au Canada avec un permis d’études le 24 mai 2017.
Le sujet n’a pas respecté les conditions de son permis d’étude. II a abandonné ses études depuis printemps 2018 et a par la suite travaillé illégalement à temps plein de juillet 2018 jusqu’à aujourd’hui
Le R220.1(1) stipule que :
Le titulaire d’un permis d’études au Canada est assujettis (sic) à des conditions :
- être inscrit dans un établissement d’enseignement désigné et demeure inscrit dans un tel établissement jusqu’à ce qu’il termine ses études.
- II doit suivre activement un cour ou son programme d’études.
Pour ces motifs, je suggère l’émission d’une mesure d’exclusion contre M. KOUASSI KAUDJHIS, en vertu des articles L41, L29(2) de la LIPR et du règlement R220.1(1)
[15] À noter dans un premier temps que la mesure d’exclusion elle-même est rédigée en français uniquement.
[16] Par ailleurs, en ce qui concerne le formulaire pré-imprimé du rapport 44(1), il énonce de façon générique ce qui, selon la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [LIPR] , donne ouverture à l’émission d’une mesure d’exclusion. La portion rédigée en français énonce ce qui, dans le cas spécifique du demandeur, donne ouverture à l’émission de la mesure d’exclusion.
[17] Bien que l’utilisation de la version anglaise du formulaire soit loin d’être idéale, je ne crois pas qu’il y ait ici violation de la Loi sur les langues officielles qui justifie l’annulation du rapport 44(1) et partant, de la mesure d’exclusion.
[18] Dans la mesure où toute l’information pertinente qui concerne le demandeur ainsi que les motifs pour lesquels une mesure de renvoi est prise sont rédigés en français, je suis d’avis que les obligations linguistiques du défendeur sont respectées.
[19] La Loi sur les langues officielles garantit à quiconque le droit d’être servi dans la langue officielle de son choix. Elle n’empêche pas que la communication soit bilingue, dans la mesure où l’information fournie dans une langue l’est également dans l’autre. C’est plutôt la communication unilingue qui pose problème, mais même en pareille cas, une violation de peu d’importance qui est rapidement corrigée peut ne pas justifier un remède drastique comme celui requis par le demandeur. Dans Leduc c Air Canada, 2018 CF 1117, la Cour énonce ce qui suit :
[71] Selon les articles 22 et 27 de la LLO, les obligations de bilinguisme d’une institution fédérale lors de la communication avec le public s’appliquent « tant sur le plan de l’écrit que de l’oral, pour tout ce qui s’y rattache ». Air Canada avait l’obligation de s’assurer que M. Leduc, en tant que membre du public, pouvait communiquer avec elle dans la langue officielle de son choix. En envoyant un tarif uniquement en anglais à M. Leduc, elle a en principe violé ses droits linguistiques. Elle avait l’obligation de lui fournir une version française.
[72] Cependant, je crois que cette violation est minime. Dès que le CLO a signalé cette violation à Air Canada, elle a promptement fourni une version française, qui est annexée à l’affidavit de M. Fraser. En août 2010, le CLO déclare qu’il considère « la situation comme étant réglée ». De plus, la lettre en français à laquelle ce tarif est annexé explique clairement le contenu du tarif. Donc, je ne crois pas que des dommages-intérêts ou une lettre d’excuses sont des réparations convenables et justes dans les circonstances.
[73] Cependant, il demeure qu’Air Canada a violé les droits linguistiques de M. Leduc en envoyant le tarif unilingue. J’accorde donc un jugement déclaratoire attestant cette violation.
[20] Dans le cas qui nous occupe, la mesure de renvoi est en français, l’information personnelle au demandeur dans le rapport 44(1) est en français et les notes de l’Agent et du Délégué sont également rédigées en français. Le demandeur a été interrogé par l’Agent en français et il était en mesure de comprendre les motifs invoqués, ce qu’il a d’ailleurs confirmé lors de son entrevue.
[21] Je suis donc d’avis que cet argument du demandeur doit être rejeté.
B. Est-ce que le Délégué était autorisé à prendre une mesure de renvoi contre le demandeur?
[22] Bien que cet argument n’ait pas été soulevé par le demandeur dans son mémoire des faits et du droit, il a néanmoins plaidé devant la Cour que le Délégué aurait signé le rapport 44(1) aux lieu et place de l’Agent et que l’Agent aurait signé la mesure d’exclusion aux lieu et place du Délégué. Ne disposant d’aucune preuve à cet égard – je n’ai pas la preuve du titre de chacun d’eux et leurs signatures sont illisibles, cet argument ne peut être retenu pour invalider la mesure d’exclusion.
C. Est-ce que la décision d’émettre une mesure d’exclusion contre le demandeur est raisonnable?
[23] Le demandeur plaide qu’il ne pouvait être exclu du Canada en application de l’article 220.1 du Règlement puisqu’il est visé pas les exceptions prévues à ses paragraphes 220.1(3) a) et 222(2) a), lesquels exemptent toute personne « titulaire d’un permis d’études et qui est temporairement dépourvue de ressources en raison des circonstances visées à l’alinéa 208 a) » de devoir se conformer à l’article 220.1 du Règlement.
[24] L’alinéa 208 a) permet à un étranger qui est titulaire d’un permis d’études d’obtenir un permis de travail si cette personne est « temporairement dépourvue de ressources en raison de circonstances indépendantes de sa volonté et de celle de toute personne dont il dépend pour le soutien financier nécessaire à l’achèvement de ses études ».
[25] Bien que je n’aie pas devant moi les documents soumis par le demandeur au soutien de sa demande de permis de travail pour étudiant démuni, le décès de son père semble être une situation couverte par cette disposition du Règlement. Cependant, le demandeur n’a pas contesté la décision négative rendue par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada le 19 février 2019, et il a continué à travailler à temps plein après l’avoir reçue. Je ne suis pas saisie d’une demande de contrôle judiciaire de cette décision et je n’ai pas devant moi les éléments qui pourraient me permettre d’en analyser le bien fondé.
[26] Le résultat demeure que le demandeur a travaillé sans permis de travail du 19 février 2019 au 13 juillet 2019 et ce, en contravention des paragraphes 189 v) et w) du Règlement. Il n’a pas non plus respecter les conditions rattachées à son permis d’études en abandonnant ses études au printemps 2018. Dans ces circonstances, il était tout à fait raisonnable pour l’Agent d’émettre son rapport et pour le Délégué de prendre une mesure d’exclusion contre le demandeur pour non-respect de la LIPR et du Règlement.
VI. Conclusion
[27] Je suis donc d’avis que la décision du Délégué a été prise conformément aux pouvoirs qui lui sont dévolus, elle ne viole pas les droits linguistiques du demandeur et elle est raisonnable à la lumière de l’ensemble de la preuve présentée au Délégué.
[28] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
[29] Les parties n’ont soumis aucune question d’importance générale pour fins de certification et aucune telle question n’émane des faits de cette cause.
JUGEMENT dans IMM-4670-19
LA COUR STATUE que :
- La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée;
- Aucune question d’importance générale n’est certifiée.
Veillette c Canada (Agence du revenu), 2020 CF 544
I. Introduction[1] Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire du rejet d’un grief logé à l’encontre de l’Agence du revenu du Canada [ARC], par le demandeur, aux termes de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, c 22, art 2 [Loi]. Suivant ce grief, l’ARC aurait fait défaut d’offrir au demandeur une nomination permanente à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, malgré une promesse qui lui aurait été faite en ce sens. [2] Pour les motifs qui suivent, ladite demande est rejetée. II. Contexte[3] Le demandeur, qui se représente lui-même, est fonctionnaire de carrière. Il compte, à divers titres, dont celui de vérificateur d’impôts, près de 30 ans de service au sein de l’effectif de l’ARC. À partir de novembre 2013, il occupe, de façon intérimaire, un poste de chef d’équipe [Poste intérimaire] auprès de la Division de la vérification, secteur de la petite et moyenne entreprise, au bureau des services fiscaux de l’ARC à Montréal [Division de la vérification]. Ce poste est de niveau MG‑05 et les exigences linguistiques du poste sont « français essentiel ». [4] L’intérim prend fin en mars 2017, pour des raisons budgétaires selon ce que se fait alors dire le demandeur. Le poste que le demandeur occupait à titre intérimaire, est, pour sa part, aboli quelques mois plus tard pour des considérations opérationnelles. Le demandeur en conteste l’abolition, mais son grief est rejeté. Son rendement dans ce poste, du moins pour la période s’étendant du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, répond à toutes les attentes et les dépasse à l’occasion. Le demandeur dit aussi n’avoir rencontré aucun problème de nature linguistique durant son intérim. [5] Entre temps, le demandeur se qualifie pour une nomination permanente à un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, aux termes d’un processus de dotation lancé à l’été 2016. Son nom est alors placé dans un répertoire (ou bassin) de candidats qualifiés [Répertoire], lequel sera disponible aux gestionnaires de l’ARC de la région visée, à des fins de dotation, du 1er novembre 2016 au 31 janvier 2019. Toutefois, le 27 octobre 2017, le demandeur est avisé, à la suite d’une évaluation de ses compétences langagières dans sa langue seconde, l’anglais, effectuée à l’été 2017, qu’il n’a pas atteint le niveau requis sur le plan de la compétence orale et que, par conséquent, sa candidature ne pourra être considérée pour des postes bilingues de chef d’équipe, et ce, tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas atteint ce niveau. [6] À l’échéance du Répertoire, le 31 janvier 2019, aucune nomination dans un poste permanent de chef d’équipe, niveau MG-05, n’est proposée au demandeur, alors que plusieurs nominations de candidats provenant du Répertoire ont été faites. Ces nominations le sont toutes pour des postes désignés « bilingue impératif », un profil linguistique que le demandeur ne rencontre pas. [7] Le 18 février 2019, le demandeur dépose le grief à l’origine des présentes procédures. Le grief est libellé ainsi : Je conteste la décision de l’employeur de ne pas respecter son contrat, son engagement à mon endroit, à savoir refuser de m’offrir une nomination MG-05 permanente. J’étais un candidat qualifié avant que le répertoire ne vienne à échéance le 31 janvier 2019. (Dossier de la défenderesse, onglet 29, p. 83) [8] Ce « contrat » ou cet « engagement » découle, selon le demandeur, d’un échange de courriels, à l’automne 2015, alors qu’il occupe le Poste intérimaire, entre lui et la directrice adjointe de la Division de la vérification de l’époque, Mme Guylaine Gaudreault, échange au terme duquel celle-ci fait état de son « engagement envers [le demandeur] pour un poste unilingue MG-05 si l’opportunité se présente pour une nomination permanente » (Dossier du demandeur, p. 19). [9] Sur le plan des mesures correctives recherchées, le demandeur, aux termes du grief, « demande à être nommé MG-05 permanent et de toucher rétroactivement le salaire relatif à ce poste jusqu’à la date (2017) de la première nomination intérimaire MG-05, au secteur des PME de la division de la vérification, d’un candidat non inclus dans le répertoire de candidats qualifiés » (Dossier de la défenderesse, onglet 29, p. 83). [10] La procédure de grief que le demandeur entame comporte quatre paliers. Je note qu’à toutes les étapes de cette procédure, il indique vouloir qu’on statue sur son grief sans audition. [11] Le demandeur ne reçoit pas de décision au premier palier, puisque le fonctionnaire désigné pour entendre le grief à ce stade de la procédure est absent pour une période qui excède le délai prévu afin de statuer sur ledit grief. Il décide donc de transférer son grief au second palier. Il le fait le 19 mars 2019. Le lendemain, il y joint des représentations écrites. [12] S’y disant « déçu » de ne pas avoir reçu de décision au premier palier, le demandeur ajoute que l’Avis de possibilité d’emploi ayant mené à la création du Répertoire énonce que les postes permanents de chef d’équipe, niveau MG-05 à pourvoir pourront être de profils linguistiques divers. Cela rendait donc possible, selon lui, la dotation de postes de chef d’équipe « unilingue français », compte tenu de la composition de l’effectif à la Division de la vérification et de l’expérience probante liée à l’existence du Poste intérimaire qu’il a occupé pendant près de quatre ans sans rencontrer de problèmes de nature linguistique. Il en conclut que les prétentions voulant que les candidats aux postes à combler à partir du Répertoire doivent obligatoirement être bilingues pour occuper un tel poste « sont fausses » (Dossier de la défenderesse, onglet 25, p. 75-76). Le demandeur y soutient enfin que son grief est recevable en vertu de la convention collective qui le lie à l’ARC [Convention collective], étant donné qu’aucun autre recours ne lui est accessible afin de faire valoir ses récriminations. Ce dernier point sera concédé par l’ARC. [13] Le 18 avril 2019, le demandeur n’a toujours pas reçu de réponse à son grief et le transfère donc au troisième palier de la procédure. Dans son courriel de transmission, le demandeur joint les représentations qu’il a faites au second palier et corrige certains faits en lien avec le contenu d’un courriel de « février dernier » ayant pour objet des « [p]laintes de harcèlement » (Dossier de la défenderesse, onglet 9, p. 30-31). Quelques jours plus tard, soit le 23 avril, il reçoit finalement une réponse du décideur au deuxième palier : son grief est rejeté. [14] Le grief subit le même sort au troisième palier. Insatisfait, le demandeur transfère son grief au palier final. Il offre alors des précisions sur certaines de ses allégations. Notamment, il précise qu’il est de pratique courante, à la Division de la vérification, d’affecter des candidats à un poste, dont celui de chef d’équipe, niveau MG-05, sans que ceux-ci ne répondent aux exigences linguistiques du poste. On y fait preuve, ajoute-t-il, d’une « grande souplesse relativement aux règles applicables » (Dossier de la défenderesse, onglet 8, p. 27-28). [15] Il précise également que la pénurie et le manque d’expérience des chefs d’équipe, niveau MG-05, constituent une « grande source de préoccupation » selon un « gestionnaire siégeant à l’équipe de gestion élargie de la région du Québec ». Il s’explique mal, dans ce contexte, que des candidats comptant moins d’expérience lui aient été préférés pour des nominations récentes effectuées au sein de la Division de la vérification (Dossier de la défenderesse, onglet 8, p. 28). [16] Le 24 juin 2019, le grief du demandeur est rejeté au palier final par le sous-commissaire de la Direction générale des ressources humaines de l’ARC, M. Dan Couture. Le sous‑commissaire Couture se dit d’abord d’avis que l’ARC n’a contrevenu à aucun contrat ou engagement à l’égard du demandeur relativement à une possible nomination dans un poste de chef d’équipe, niveau MG-05. Référant plus spécifiquement à l’engagement pris par Mme Gaudreault, M. Couture note que celui-ci visait un poste de chef d’équipe au profil linguistique « français essentiel », si l’occasion devait se présenter. Or, précise-t-il, cette occasion ne s’est jamais présentée, pas plus que le Répertoire n’a servi à doter un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, avec un tel profil linguistique (Dossier de la défenderesse, onglet 4, p. 12). [17] M. Couture note également que toutes les nominations permanentes effectuées à partir du Répertoire l’ont été pour des postes au profil linguistique « bilingue impératif ». Il en conclut que comme le demandeur ne répondait pas aux exigences de ce profil linguistique, le fait qu’il n’ait reçu aucune offre de nomination, même si son nom apparaissait au Répertoire, ne contrevenait pas aux politiques de l’ARC applicables en matière de dotation. Il conclut du même souffle que les nominations effectuées à partir du Répertoire l’ont été conformément aux besoins des secteurs où elles ont été faites (Dossier de la défenderesse, onglet 4, p. 12). [18] Le demandeur adresse une série de reproches à la décision du sous-commissaire Couture, reproches que l’on peut regrouper en quatre catégories. La première a trait aux délais impartis au traitement de son grief. Ces délais, prévus au Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, DORS/2005-79 [Règlement] et à la Convention collective, auraient, selon le demandeur, été excédés, ce qui aurait entravé son droit à l’équité procédurale. [19] La seconde catégorie de reproches concerne l’inexactitude de certains faits, tirés des « précis » préparés aux fins des décisions prises aux différents paliers de la procédure de grief. Notamment, le demandeur estime qu’il était inexact d’y indiquer qu’aucune nomination intérimaire n’avait été offerte sans que le candidat choisi ne réponde aux exigences linguistiques ou encore qu’il était faux de dire qu’un candidat ne satisfaisant pas à une exigence de dotation ne pouvait continuer dans le processus de dotation. [20] La troisième catégorie de reproches porte sur la conclusion du sous-commissaire Couture relative à l’engagement pris par Mme Gaudreault, que le demandeur juge déraisonnable et même de mauvaise foi. Finalement, le demandeur reproche au sous-commissaire Couture de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision relativement : a. au fait qu’il n’y a pas eu d’opportunité pour une nomination unilingue francophone ; b. aux exigences et besoins opérationnels identifiés ; c. au contexte et besoin linguistique différents depuis la création du répertoire MG-05 ; d. aux besoins en matière de dotation pour des nominations permanentes pour des postes bilingues impératifs ; et e. aux besoins des secteurs où les nominations ont eu lieu. (Mémoire du demandeur au para 40) III. Questions en litige et norme de contrôle[21] À mon avis, la présente affaire soulève les deux questions suivantes :
[22] Il est bien établi – et les parties ne soutiennent pas le contraire – que le contrôle judiciaire des questions d’équité procédurale doit se faire selon la norme de la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Dans un tel cas, il convient de se demander si la procédure suivie était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54). [23] Quant à la seconde question en litige, il n’est pas contesté non plus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Au moment où les parties ont produit leur mémoire respectif au dossier de la Cour, cela ne faisait aucun doute (Cox c Canada (Procureur général), 2008 CF 596 au para 11; Hagel c Canada (Procureur général), 2009 CF 329 au para 27; Green c Canada (Affaires autochtones et Développement du Nord), 2017 CF 1123 au para 16; Blois c Canada (Procureur général), 2018 CF 354 au para 30). [24] Depuis, la Cour suprême du Canada a rendu son jugement dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], une affaire qui s’est présentée à elle comme une « occasion de se pencher de nouveau sur sa façon d’aborder le contrôle judiciaire des décisions administratives » (Vavilov au para 1). [25] Or, à mon avis, cet arrêt ne vient rien changer quant à la norme de contrôle applicable à l’examen de la seconde question en litige, qui est présumée être celle de la décision raisonnable (Vavilov aux para 10 et 25). Il me suffira d’ajouter, pour les fins du présent dossier, que, comme l’a rappelé la Cour suprême du Canada, « [u]ne cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème ». Elle n'est appelée « qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » (Vavilov au para 83). [26] Dans le contexte de litiges issus de la Loi plus particulièrement, cela signifie que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions de ceux qui y sont investis d’un pouvoir décisionnel. Cela implique qu’il ne m’incombe pas, en l’espèce, de rendre la décision que le sous-commissaire Couture aurait dû rendre ou encore d’évaluer la décision qu’il a rendue par rapport à celle que j’aurais peut-être rendue si j’avais été à sa place (Teti c Canada (Procureur général), 2016 CAF 82 au para 5). [27] Il m’apparait aussi important de rappeler, avant d’entreprendre mon analyse, qu’il m’est permis, afin de juger de la raisonnabilité de la décision du sous-commissaire Couture, de considérer non seulement les motifs qu’il a livrés au soutien de sa décision, mais également les motifs exposés aux deux paliers précédents de même que les précis préparés en marge de chacun des paliers décisionnels de la procédure de grief, quoique la décision qui importe soit celle au palier final (Wanis c Agence canadienne d'inspection des aliments, 2013 CF 963 au para 21; Tacicek c Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CF 281 au para 44; Wilkinson c Canada (Procureur général), 2016 CF 1062 au para 15; Tibilla c Canada (Procureur général), 2011 CF 163 au para 34 [Tibilla]). IV. AnalyseA. Il n’y a pas eu de manquement aux règles de l’équité procédurale[28] Je rappelle que l’argument du demandeur à cet égard tient principalement au fait que les délais prévus au Règlement et à la Convention collective pour le traitement de son grief n’ont pas été respectés. En particulier, il soutient que le délai de 20 jours prescrit par le Règlement et la Convention collective pour répondre à un grief, du moins pour les trois premiers paliers de la procédure, a été excédé puisqu’il aura fallu 44 jours, précise-t-il, pour qu’il obtienne finalement une première réponse à son grief. [29] Pour qu’un vice de procédure, comme, par exemple, le non-respect d’un délai procédural, entraine une violation des règles de l’équité procédurale, encore faut-il qu’un préjudice en résulte (Taseko Mines Limited v Canada (Environment), 2019 FCA 320 au para 62; Uniboard Surfaces Inc c Kronotex Fussboden GmbH et Co KG, 2006 CAF 398 au para 24; Ellis-Don Ltd c Ontario (Commission des relations de travail), 2001 CSC 4 au para 49; Pounall c Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CF 1260 au para 20). Or, je suis d’avis que cette démonstration n’a pas été faite en l’espèce. [30] En effet, il était parfaitement loisible à l’ARC, de par l’effet combiné des clauses 34.12 et 34.13 de la Convention collective, d’opter de ne pas répondre au grief au palier initial du processus de grief. D’ailleurs, la jurisprudence reconnaît, implicitement du moins, qu’un employeur peut opter de ne pas répondre à un grief, son abstention de le faire étant interprétée comme étant équivalente au rejet du grief (McWilliams c Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 58 au para 22; Employé No 1 c Canada, 2004 CF 1221 au para 17; Personnes désirant adopter les pseudonymes d’employé no 1 c Canada, 2005 CAF 228; Canada c Employé no 1, 2007 CAF 152 au para 8). [31] Techniquement, donc, le fait pour l’ARC de ne pas avoir répondu au grief du demandeur au premier palier de la procédure ne constitue pas un vice de procédure. Je note, à cet égard, que le demandeur a été avisé que le fonctionnaire qui devait répondre à son grief au premier palier était absent et ne reviendrait à son poste qu’une fois expiré le délai prévu pour l’obtention d’une réponse. Une demande de suspension dudit délai a été adressée au demandeur, mais celui-ci a insisté pour qu’on réponde à son grief dans le délai imparti. Dans les circonstances, la décision de ne pas répondre au grief, à ce stade du processus, se défendait, si tant est qu’une justification était requise pour ne pas l’avoir fait. [32] Le demandeur soutient que le fait de ne pas répondre à son grief au stade initial de la procédure de traitement dudit grief lui a causé préjudice car cela l’a privé de la possibilité d’utiliser la réponse pour bonifier ses arguments devant les paliers supérieurs. En effet, dit-il, la réponse au premier palier a une valeur que les autres n’ont pas, le grief étant traité, à ce stade, par un gestionnaire qui est plus proche et plus au fait des opérations courantes que ne le sont ceux des paliers subséquents. [33] Cet argument ne peut être retenu puisque, comme je viens de le dire, la procédure régissant le grief du demandeur prévoit qu’il puisse en être ainsi, l’ARC pouvant opter de ne pas répondre au premier palier de ladite procédure. [34] Outre le simple fait qu’il y a eu dépassement du délai de réponse au second palier, le demandeur n’a pas invoqué de préjudice particulier en lien avec ce dépassement. Quoi qu’il en soit, je n’en vois aucun puisque le demandeur a pu présenter – et peaufiner – ses arguments à partir du second palier, et ce jusqu’au palier ultime. [35] Je conclurais sur cette première question en rappelant qu’étant donné qu’il est toujours possible d’y remédier en temps utile, un manquement aux règles de l’équité procédurale doit être soulevé à la première occasion, sans quoi celui qui entend l’invoquer pour la première fois en révision judicaire peut être forclos de le faire (Hennessey c Canada, 2016 CAF 180 aux para 20‑21; Maritime Broadcasting System Limited c La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59 au para 67). [36] Ici, outre qu’il se soit dit « étonné » ou encore « déçu » qu’il n’y ait pas eu de décision au premier palier, le demandeur n’a pas autrement fait part de ses récriminations, dans le cadre de la procédure de grief, à l’égard du surpassement des délais (Dossier de la défenderesse, onglet 9, p. 31; Dossier de la défenderesse, onglet 25, p. 75). B. La décision du sous-commissaire Couture est raisonnable[37] Outre la question du surpassement des délais, dont je viens de traiter, je rappelle que le demandeur reproche aussi au sous-commissaire Couture d’avoir rendu sa décision sur la base de faits erronés, de ne pas avoir motivé suffisamment certains de ses constats et d’avoir conclu de manière déraisonnable – et même de mauvaise foi – que l’engagement pris par Mme Gaudreault à son égard n’avait pas été enfreint. [38] Ces reproches concernent tous le bien-fondé de la décision du sous-commissaire Couture. (1) L’argument des faits erronés[39] Ces faits proviennent des précis – ou recommandations – préparés à chaque étape de la procédure de grief au bénéfice des décideurs de chaque palier. Le demandeur identifie quatre erreurs, les trois premières étant tirées du précis préparé aux fins du second palier de la procédure et la quatrième, de celui préparé aux fins du troisième palier. [40] La première erreur concerne l’extrait suivant : « cela signifie que si un candidat ne satisfait pas une exigence de dotation, il ne continuera pas dans le processus »(Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Le demandeur soutient que cette affirmation est inexacte, car l’ARC l’aurait informé, quelques semaines avant l’expiration du Répertoire, qu’il était admissible à une nomination. [41] La seconde erreur concerne l’extrait suivant : « [a]ucune nomination intérimaire n’a été offerte sans que le candidat rencontre les exigences linguistiques » (Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Le demandeur prétend que cet énoncé est faux parce que des candidats auraient accédé à des postes intérimaires sans détenir une cote linguistique valide à ce moment, conformément à la flexibilité qu’offre le programme de dotation de l’ARC. [42] La troisième erreur soulevée par le demandeur provient de l’extrait suivant : « [l]es candidats qui ont eu droit de recours pour ces nominations bilingues impératif sont ceux qui ont été évalués et qui ont obtenu les cotes requises » (Dossier de la défenderesse, onglet 18, p. 56). Cette affirmation est inexacte, selon lui, puisqu’il s’est lui-même vu offrir de façon intermittente, du mois de mars 2017 jusqu’au dépôt de son grief, plusieurs droits de recours à l’encontre des nominations à des postes de niveau MG-05. [43] Enfin, la quatrième erreur concerne l’extrait suivant du précis préparé au troisième palier de la procédure de grief : « [c]ontrairement aux prétentions de l’employé, il n’était [pas] admissible ou qualifié pour une nomination permanente à un poste bilingue MG-05 » (Dossier de la défenderesse, onglet 13, p. 43). Cela est faux, selon le demandeur, puisqu’il n’a jamais eu cette prétention. [44] Comme l’a de nouveau rappelé la Cour suprême du Canada, dans Vavilov, et le rappelle aussi l’ARC dans son mémoire, l’on doit se garder, lors du contrôle judiciaire de la décision d’un décideur administratif, de se livrer « à une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Vavilov au para 102). [45] Malheureusement pour le demandeur, c’est le piège dans lequel il semble être tombé. [46] D’une part, la première et la troisième erreur de fait invoquées par le demandeur proviennent de l’analyse, dans le précis préparé au deuxième palier, de la recevabilité du grief du demandeur. Tel que j’en ai déjà fait état, l’ARC a concédé que le grief du demandeur était recevable. Même, donc, en supposant que les deux extraits en cause contiennent de l’information erronée, ces erreurs de fait sont sans conséquence puisque l’ARC a donné raison au demandeur sur ce point très tôt dans la procédure. D’ailleurs, cette question n’est pas reprise dans le précis du quatrième palier, celui préparé aux fins de la décision qu’avait à rendre le sous-commissaire Couture. Elle n’a donc jamais été un véritable enjeu de la procédure de grief ; le sous‑commissaire Couture n’en traite d’ailleurs pas, puisqu’il n’avait pas à le faire. [47] Au surplus, ces deux extraits sont exploités hors contexte et sans les nuances nécessaires, ce qui illustre les risques de l’approche « chasse au trésor », que décourage la Cour suprême du Canada. [48] On peut en dire autant, d’autre part, de la quatrième erreur alléguée, celle où l’on attribue au demandeur la prétention qu’il se jugeait admissible ou qualifié pour une nomination permanente à un poste bilingue MG-05. Encore ici, cette « erreur » est sans conséquence. En effet, je n’arrive pas à voir en quoi, si elle n’avait pas été commise, cela aurait pu altérer la conclusion du sous-commissaire Couture voulant que le fait que le demandeur n’ait reçu aucune offre de nomination durant la durée de vie du Répertoire ne contrevenait pas aux politiques de l’ARC applicables en matière de dotation puisque toutes les nominations permanentes effectuées à partir du Répertoire l’avaient été pour des postes au profil linguistique « bilingue impératif », profil que le demandeur ne possédait pas. [49] Enfin, en ce qui a trait à la deuxième erreur de fait invoquée par le demandeur, soit celle concernant le profil linguistique de ceux qui ont accepté des nominations intérimaires, la position de l’ARC est que ces personnes rencontraient les exigences linguistiques des postes intérimaires qui leur ont été offerts. Le demandeur soutient le contraire. Toutefois, et comme je l’ai indiqué au demandeur à l’audience, il ne suffit pas d’affirmer un fait devant le décideur administratif ; il faut au moins tenter de le prouver surtout que le demandeur, en invoquant ces nominations, tente d’établir qu’il a fait l’objet d’un traitement inéquitable de la part de l’ARC. Cette accusation est sérieuse ; elle exigeait au moins un commencement de preuve. [50] Il est bien établi, même en contexte de griefs liés aux relations de travail, que la Cour ne doit pas tenir compte d’éléments de preuve dont le décideur n’a pas été saisi (Tibilla au para 34). Cela signale, à mon avis, qu’il appartient à celui ou celle qui dépose un grief de s’assurer de placer devant le décideur, à tout le moins au palier final de la procédure de grief, tous les éléments de preuve susceptibles d’étayer ses récriminations. [51] Or, ici, il n’y a rien au dossier venant soutenir l’affirmation du demandeur voulant que parmi les personnes ayant fait l’objet de nominations intérimaires, certaines ne rencontraient pas les exigences linguistiques des postes ainsi comblés. On ne peut reprocher, dans ce contexte, au sous-commissaire Couture d’avoir ignoré des éléments de preuve qui venaient contredire la position des experts en relations de travail de l’ARC qui ont préparé les précis dans le cadre de la procédure de grief et qui, il faut le présumer, ont fait, à cette fin, les recherches nécessaires dans les dossiers de dotation de l’ARC. D’ailleurs, en l’espèce, la question a été posée par la conseillère en relations de travail qui a rédigée le précis au stade du deuxième palier de la procédure, une recherche a été faite dans les dossiers et la réponse obtenue confirmait que ces postes intérimaires avaient été comblés par des employé(e)s qui rencontraient les exigences linguistiques des postes en cause (Dossier de la défenderesse, aux p. 66-67). [52] Ce premier type de reproches à l’encontre de la décision du sous-commissaire Couture ne peut donc être retenu. (2) L’argument de l’insuffisance des motifs[53] Il convient de préciser, d’entrée de jeu, que ce type d’argument n’engage pas les règles de l’équité procédurale, contrairement à ce que prétend le demandeur, mais bien la raisonnabilité de la décision du décideur administratif (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62aux para 21-22 [Newfoundland Nurses]). [54] Je rappelle que le demandeur reproche au sous-commissaire Couture de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision eu égard à certains constats qui peuvent être résumés comme suit :
[55] Le demandeur reproche aussi au sous-commissaire Couture, en lien avec ces deux constats, de ne pas avoir donné de détails sur les changements, dans l’environnement de travail au sein de la Division de la vérification, qui auraient pu justifier que les nominations faites à partir du Répertoire ne le soient que pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif », alors qu’il avait occupé un poste de chef d’équipe, niveau MG-05 de profil « français essentiel » au sein de ladite Division pendant une période de près de quatre ans se terminant à la fin mars 2017 et que l’Avis de possibilité d’emploi ayant conduit à la confection du Répertoire ne spécifiait pas que les dotations qui seraient faites à partir du Répertoire le seraient uniquement pour des postes à profil linguistique « bilingue impératif ». [56] Dans Vavilov, la Cour suprême du Canada a réitéré des principes déjà bien établis quant à la manière d’évaluer la suffisance des motifs des décisions rendues par les décideurs administratifs. Elle rappelle, à cet égard, que les motifs écrits fournis par un tel décideur « ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection » et que le seul fait que ceux-ci « ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire », ne suffit pas à invalider la décision (Vavilov au para 91; Newfoundland Nurses au para 16). [57] La cour de révision saisie d’un argument d’insuffisance des motifs doit ainsi être pleinement consciente que « la « justice administrative » ne ressemble pas toujours à la « justice judiciaire » », puisque, notamment, « [o]n ne peut pas toujours s’attendre à ce que les décideurs administratifs déploient toute la gamme de techniques juridiques auxquelles on peut s’attendre d’un avocat ou d’un juge » (Vavilov au para 92). C’est l’une des raisons pour lesquelles la cour de révision doit, notamment, « interpréter les motifs du décideur en fonction de l’historique et du contexte de l’instance dans laquelle ils ont été rendus » et qu’elle peut considérer, ce faisant, « la preuve dont disposait le décideur, les observations des parties, les politiques ou lignes directrices accessibles au public dont a tenu compte le décideur et les décisions antérieures de l’organisme administratif en question » (Vavilov au para 94). [58] Ce qui importe, c’est que la cour de révision puisse bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision, dans son ensemble, est raisonnable, c’est‑à-dire si elle fait partie des issues possibles acceptables en regard des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur elle (Vavilov au para 99; Newfoundland Nurses au para 16). [59] Comme j’ai déjà eu l’occasion de le mentionner, il m’est permis, afin de déterminer si la décision du sous-commissaire Couture est raisonnable, de considérer non seulement les motifs qu’il a livrés au soutien de sa décision, mais également, notamment, le précis préparé en marge de cette prise de décision [Précis], lequel a été signé, en date du 18 juin 2019, par Karyne Desjardins, qui occupait le poste d’analyste principale des politiques et des programmes à la Division des relations de travail de l’ARC (Dossier de la défenderesse, onglet 5, p. 13 à 23). [60] À première vue, un examen des motifs de la décision du sous-commissaire Couture, lorsque lus de concert avec le Précis, révèle, à mon sens, que l’ensemble des récriminations du demandeur ont été considérées et que les conclusions qui en découlent sont fondées sur un raisonnement à la fois rationnel et logique qui permet de comprendre le fondement de la décision, à savoir :
[61] Cette justification est cohérente et intelligible, mais le demandeur aurait aimé en savoir davantage sur les besoins qui justifiaient la seule dotation, à même le Répertoire, de postes de chef d’équipe, niveau MG-05, à profil linguistique « bilingue impératif » et qui excluaient, par le fait même, la dotation de postes à profil « français essentiel », contrairement à ce que, selon lui, on lui avait promis. Il voulait, en d’autres termes, savoir de quelle manière le paysage des besoins en matière linguistique à la Division de la vérification s’était transformé, entre le moment où il a occupé le Poste intérimaire et la date d’expiration du Répertoire, pour justifier un tel état de fait, lequel s’est posé en obstacle à la réalisation de l’engagement pris par Mme Gaudreault. [62] Qu’on n’ait procédé, à partir du Répertoire, dans une région administrative comme Montréal, qu’à des nominations à des postes de chef d’équipe à profil linguistique « bilingue impératif », peut, à première vue, paraître étonnant. Toutefois, la Cour n’est pas là pour spéculer sur ce qui peut expliquer cet état de fait et pour substituer sa propre appréciation de la situation à celle du décideur administratif. Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en faire mention, la Cour ne doit pas, lors d’un contrôle judiciaire, se livrer à une analyse de novo de l’affaire, pas plus qu’elle ne doit chercher à déterminer la solution « correcte » au problème (Vavilov au para 83). [63] Ici, la Cour manque cruellement d’éléments de preuve pour pouvoir questionner, comme le lui demande le demandeur, la raisonnabilité des constats apparaissant au Précis et à la décision du sous-commissaire Couture. [64] Aussi imparfaite que soit la procédure de grief (Christopher Rootham, Labour and Employment in the Federal Public Service (Toronto :Irwin Law Inc, 2007) at 278), particulièrement lorsque, comme ici, elle ne peut déboucher sur un arbitrage, il n’en demeure pas moins que le simple fait de déposer un grief, du moins dans des circonstances comme les nôtres où l’on invoque le non-respect d’un engagement sur fond d’iniquité, n’a pas pour effet de renverser le fardeau de la preuve sur les épaules de l’employeur. Même s’il connait des exceptions, le principe général demeure que le fardeau repose sur les épaules de celui ou celle qui dépose un grief (Halsbury's Laws of Canada (en ligne), Labour « Arbitration Law : Substantive Issues : Policy Grievances » dans HLA-466 « Onus of Proof and Order of Proceeding »; Donald J.M. Brown et David M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3e éd. (Aurora : Canada Law Book, 2003)). Le demandeur ne m’a soumis aucune autorité – et je n’en ai trouvé aucune – qui ferait porter à l’ARC, dans les circonstances de la présente affaire, le fardeau de prouver le contraire de ce que le demandeur avance dans son grief. [65] En d’autres termes, la Cour ne dispose d’aucun ancrage factuel qui pourrait lui permettre de mettre en doute l’identification qui a été faite des besoins linguistiques aux fins des nominations qui ont été effectuées à partir du Répertoire ou encore des besoins opérationnels des secteurs où ces nominations ont été faites. Par exemple, elle ne sait rien des différents secteurs opérationnels, au sein de l’ARC, qui pouvaient – et qui ont – puis[é]r dans le Répertoire, des organigrammes de ces secteurs, de leurs besoins en dotation, du nombre de postes à combler et comblés et du profil linguistique de chaque poste au sein de ces organigrammes. Le poste, plus tard aboli, de chef d’équipe dont le demandeur a assuré l’intérim à la Division de la vérification était-il le seul poste du genre à profil linguistique « français essentiel » au sein de ce groupe de travail ou encore au sein de l’ensemble des secteurs qui ont eu accès au Répertoire? La Cour ne le sait. [66] La Cour ne dispose pas davantage d’un tel ancrage factuel pour mettre en doute les conclusions du Précis quant aux allégations d’iniquité ou de mauvaise foi qui expliqueraient le sort réservé au demandeur et, ultimement, à l’engagement de Mme Gaudreault. [67] Il s’agit là d’allégations sérieuses qui ne peuvent simplement reposer sur les dires du demandeur. Il en faut davantage. D’ailleurs, à l’audience du présent contrôle judiciaire, le demandeur, pour appuyer ses prétentions, a relaté des faits qui ne sont pas au dossier. Une telle approche, comme je le lui ai rappelé, n’est pas permise dans le contexte d’un contrôle judiciaire (Tibilla au para 34). [68] Je me permets une dernière remarque sur ce reproche. Dans la mesure où, sous le couvert du non-respect de l’engagement de Mme Gaudreault, le demandeur remet ultimement en cause le bien‑fondé des exigences linguistiques des postes qui ont été comblés à même le Répertoire et, par le fait même, celui des nominations qui ont été ainsi faites, il est permis de se demander si une telle attaque oblique ne soulèverait pas, à première vue du moins, selon ce que stipule le paragraphe 208(2) de la Loi, un problème de recevabilité compte tenu des recours possibles prévus à la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art 12 et 13, et même, peut-être, à la Loi sur les langues officielles, LRC (1985), c 31 (4e Suppl). Toutefois, comme l’ARC n’a pas compris que le grief du demandeur portait ultimement sur ces questions et qu’aucun débat n’a eu lieu devant cette Cour sur la recevabilité du grief du demandeur, je n’en dirai pas davantage sur ce point sinon que pour signaler ce possible écueil. [69] Bref, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir au motif que la décision du sous-commissaire Couture ne serait pas suffisamment motivée. Je suis satisfait que la décision découle d’un examen attentif et rationnel des allégations du demandeur, de ses observations et de celles des gestionnaires de l’ARC. Il appartenait au demandeur de prouver le contraire autrement que par ses seules assertions. Il ne l’a pas fait. (3) L’argument fondé sur l’engagement de Mme Gaudreault[70] Pour les mêmes raisons, je ne peux dire que les conclusions du sous-commissaire Couture relativement à l’engagement de Mme Gaudreault sont déraisonnables. Cet engagement était conditionnel à ce qu’un poste de chef d’équipe, niveau M-05, à profil linguistique « français essentiel » devienne disponible. Cela ne s’est jamais produit. Le Poste intérimaire a bien été disponible après le 31 mars 2017, date où le demandeur a cessé de l’occuper, mais il allait être aboli quelques mois plus tard, une décision que le demandeur a contesté en vain. [71] Techniquement, donc, on ne peut dire que cet engagement conditionnel n’a pas été respecté. Cela tombe sous le sens et j’ai déjà répondu à l’argument voulant que le sous-commissaire Couture n’ait pas suffisamment justifié en quoi les besoins opérationnels exigeaient la dotation, à partir du Répertoire, de postes de chef d’équipe, niveau MG-05, à profil linguistique « bilingue impératif » uniquement, au détriment de postes à profil « français essentiel », et en quoi cet état de fait, qui n’a pas rendu possible la réalisation de l’engagement de Mme Gaudreault, ne résultait pas de la mauvaise foi de l’ARC. [72] Je comprends la frustration du demandeur, lui qui a occupé un poste de chef d’équipe, niveau MG-05, pendant près de quatre ans, avec succès semble-t-il. Toutefois, je ne peux lui être d’aucun secours ici, le dossier, tel que constitué, ne le permettant pas. [73] L’ARC réclame les dépens. Vu l’issue de la présente affaire, elle y aura droit. Ceux-ci devront être calculés à partir de la colonne III du tableau du Tarif B des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.
JUGEMENT LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens. |
I. Introduction[1] This is an application for the judicial review of the dismissal of a grievance against the Canada Revenue Agency [CRA] by the applicant, pursuant to the Federal Public Sector Labour Relations Act, SC 2003, c 22, s 2 [Act]. According to this grievance, the CRA allegedly failed to offer the applicant a permanent appointment as an MG-05 level team leader, despite the promise he was made to this effect. [2] For the following reasons, the application is dismissed. II. Background[3] The applicant, who was self-represented, is a career public servant. He has had various jobs, including income tax auditor, and close to 30 years of service with the CRA. As of November 2013, he held the acting position of team leader [Acting Position] at the Audit Division, Small and Medium Sized Businesses, at the CRA tax services office in Montréal [Audit Division]. This position was at the MG‑05 level and the language requirements were “French essential”. [4] The acting position ended in March 2017, for budgetary reasons, according to what the applicant was told at the time, and was abolished a few months later for operational reasons. The applicant contested the abolition but his grievance was dismissed. His performance in this position, at least for the period of April 1, 2016, to March 31, 2017, met all expectations and occasionally exceeded them. The applicant stated he never had any language issues during his acting period. [5] In the meantime, the applicant qualified for a permanent appointment to a MG-05 level team leader position, under a staffing process launched in the summer of 2016. His name was added to a pool of qualified candidates [Pool], which was available to CRA managers in the targeted region for staffing purposes, from November 1, 2016, to January 31, 2019. However, on October 27, 2017, the applicant was advised that following an evaluation of his language skills in his second language, English, conducted in the summer of 2017, he had not reached the required oral proficiency level and, as a result, he would no longer be considered for bilingual team leader positions, until he reached this level. [6] When the Pool expired on January 31, 2019, the applicant had not received any offer to a permanent position as an MG-05 level team leader, whereas several candidates from the Pool had been appointed. These appointments were all for positions designated “bilingual imperative”, a language profile the applicant did not meet. [7] On February 18, 2019, the applicant filed the grievance that is at the heart of the present proceeding. The grievance is worded as follows: [translation] I challenge the employer’s decision to not fulfill its promise, its commitment to me, namely refusing to offer me a permanent MG‑05 appointment. I was a qualified candidate before the pool expired on January 31, 2019. (Respondent’s Record, Tab 29, p 83) [8] According to the applicant, this “promise” or “commitment” results from an email exchange in the fall of 2015, while he was in the Acting Position, between him and the assistant director of the Audit Division at the time, Guylaine Gaudreault. During this exchange, she noted her [translation] “commitment to [the applicant] for a unilingual MG-05 position if the opportunity were to arise for a permanent appointment” (Applicant’s Record, p 19). [9] In terms of corrective measures under the grievance, the applicant [translation] “ask[ed] to be appointed as a permanent MG-05 and retroactively receive the salary associated with this position to the date (2017) of the first acting MG-05 appointment in the SME sector of the Audit Division of a candidate not in the pool of qualified candidates” (Respondent’s Record, Tab 29, p 83). [10] The grievance procedure the applicant began included four levels. I note that at each step of the proceeding, he indicated he wanted a ruling on his grievance without a hearing. [11] The applicant did not receive a decision at the first level, as the official designated to hear the grievance at that stage of the proceeding was absent for a period that exceeded the time allowed to rule on said grievance. He therefore decided to transfer his grievance to the second level. He did this on March 19, 2019. The following day, he added written arguments. [12] Stating he was [translation] “disappointed” at not having received a decision at the first level, the applicant added that the Job Opportunity Advertisement that led to the creation of the Pool stated that permanent, MG-05 level team leader positions to be filled could have various linguistic profiles. This made it possible, in his opinion, to staff [translation] “unilingual French” team leader positions, considering the makeup of the Audit Division and the successful experience he had with regard to the Acting Position he held for close to four years with no language problems. He concluded that the claims that the candidates for the positions filled from the Pool must necessarily be bilingual to hold such a position [translation] “are false” (Respondent’s Record, Tab 25, pp 75–76). Lastly, the applicant submitted that his grievance was allowable under the collective agreement tying him to the CRA [Collective Agreement], considering there was no other recourse available to him to present his complaints. This point was allowed by the CRA. [13] On April 18, 2019, the applicant still had not received a reply to his grievance and he therefore transferred it to the third level of the procedure. In his transmission email, the applicant included the arguments he made at the second level and corrected some facts related to the content of the email from [translation] “last February”, the subject of which was [translation] “[H]arassment complaints” (Respondent’s Record, Tab 9, pp 30–31). A few days later, on April 23, he finally received a response from the decision maker at the second level: his grievance was dismissed. [14] The grievance was also dismissed at the third level. Not satisfied, the applicant transferred his grievance to the final level. He then provided clarifications on some of his allegations. In particular, he noted that it is common practice at the Audit Division to assign candidates to positions, including the MG-05 level team leader position, even if they did not meet the language requirements of the position. He added that there was [translation] “great flexibility surrounding the applicable rules”(Respondent’s Record, Tab 8, pp 27–28). [15] He also stated that the shortage and lack of experience of MG-05 level team leaders were a [TRANSLATION] “great source of concern” according to a [TRANSLATION] “manager on the extended management team in the Quebec region”. He found it difficult to explain why, in this context, candidates with less experience were chosen for more recent appointments in the Audit Division (Respondent’s Record, Tab 8, p 28). [16] On June 24, 2019, the applicant’s grievance was dismissed at the final level by Dan Couture, Assistant Commissioner of the Human Resources Branch of the CRA. Assistant Commissioner Couture stated first that he did not feel that the CRA broke any promise or commitment to the applicant with regard to a potential appointment to the MG-05 level position of team leader. Referring more specifically to the commitment Ms. Gaudreault made, Mr. Couture noted that it was for a team leader position with a “French essential” language profile, if the opportunity were to arise. However, he noted that this opportunity never arose, and the Pool was not used to fill a MG-05 level team leader position with such a language profile (Respondent’s Record, Tab 4, p 12). [17] Mr. Couture also noted that all the permanent appointments made from the Pool were for positions with a “bilingual imperative” language profile. He concluded that since the applicant did not meet the requirements of this language profile, the fact he did not receive any appointment offers, even though his name appeared in the Pool, did not violate any CRA staffing policies. He also concluded that the appointments made from the Pool were done in accordance with the needs of the sectors in which they were made (Respondent’s Record, Tab 4, p 12). [18] The applicant presented a series of criticisms against Assistant Commissioner Couture’s decision, which can be grouped into four categories. The first deals with deadlines needed to process his grievance. These deadlines are set out in the Federal Public Sector Labour Relations Regulations, SOR/2005-79 [Regulations], and the Collective Agreement and, according to the applicant, were not met, which allegedly interfered with his right to procedural fairness. [19] The second category of criticism involves the inaccuracy of certain facts, taken from the “précis” prepared for the decisions made at various levels of the grievance procedure. In particular, the applicant feels that it was inaccurate to indicate that no acting position was offered if the chosen candidate did not meet the language requirements or that it was false to state that a candidate who did not meet a staffing requirement could not continue in the staffing process. [20] The third category of criticism involves the conclusion by Assistant Commissioner Couture regarding the commitment Ms. Gaudreault made, which the applicant feels was unreasonable and even in bad faith. Lastly, the applicant criticizes Assistant Commissioner Couture for not providing sufficient reasons for his decision regarding: a. the fact there was no opportunity for a unilingual French appointment; b. the operational requirements and needs identified; c. the different language context and needs since the MG-05 pool was created; d. the staffing needs for permanent appointments for bilingual imperative positions; and e. the needs in the sectors where appointments were made. (Applicant’s Record at para 40) III. Issues and standard of review[21] In my opinion, this case raises the following two questions:
[22] It is well established—and the parties do not contest this—that the judicial review of procedural issues is done on a standard of correctness (Canada (Citizenship and Immigration) v Khosa, 2009 SCC 12 at para 43). In such a case, the relevant question is whether the procedure followed was fair with regard to the overall circumstances (Canadian Pacific Railway Company v Canada (Attorney General), 2018 FCA 69 at para 54). [23] As for the second issue, it is not challenged that the standard of review is reasonableness. At the time the parties submitted their respective arguments to the Court record, there was no doubt about this (Cox v Canada (Attorney General), 2008 FC 596 at para 11; Hagel v Canada (Attorney General), 2009 FC 329 at para 27; Green v Canada (Aboriginal Affairs and Northern Development), 2017 FC 1123 at para 16; Blois v Canada (Attorney General), 2018 FC 354 at para 30). [24] Since then, the Supreme Court of Canada rendered its decision in Canada (Citizenship and Immigration) v Vavilov, 2019 SCC 65 [Vavilov], a case that provided it with “an opportunity to re‑examine its approach to judicial review of administrative decisions” (Vavilov at para 1). [25] However, in my opinion, this decision changes nothing in terms of the standard of review for the second issue, which is presumed to be reasonableness (Vavilov at paras 10 and 25). I will merely add, for the purposes of this case, that as the Supreme Court of Canada stated, “a court applying the reasonableness standard does not ask what decision it would have made in place of that of the administrative decision maker, attempt to ascertain the ‘range’ of possible conclusions that would have been open to the decision maker, conduct a de novo analysis or seek to determine the ‘correct’ solution to the problem.” It must “consider only whether the decision made by the administrative decision maker — including both the rationale for the decision and the outcome to which it led — was unreasonable” (Vavilov at para 83). [26] In the context of litigation resulting from the Act in particular, this means the Court must show restraint with regard to decisions by those with decision-making power. This means that in this case, I am not to make the decision Assistant Commissioner Couture should have made or assess the decision he made against the decision I might have made in his place (Teti v Canada (Attorney General), 2016 CFA 82 at para 5). [27] Before conducting my analysis, I also find it important to note that, to determine the reasonableness of Assistant Commissioner Couture’s decision, I am entitled to consider not only the reasons he provided in support of his decision, but also the reasons exposed in the two previous levels as well as the précis prepared for each of the decision-making levels of the grievance procedure, although the decision that really matters is the one from the final level (Wanis v Canadian Food Inspection Agency, 2013 FC 963 at para 21; Tacicek v Canada (Border Services Agency), 2014 FC 281 at para 44; Wilkinson v Canada (Attorney General), 2016 FC 1062 at para 15; Tibilla v Canada (Attorney General), 2011 FC 163 at para 34 [Tibilla]). IV. AnalysisA. There was no violation of the rules of procedural fairness[28] I note that the applicant’s argument on this issue relies mainly on the fact that the deadlines provided in the Regulations and the Collective Agreement for processing his grievance were not respected. In particular, he submits that the 20-day deadline set out in the Regulations and the Collective Agreement to reply to a grievance, for the first three levels of the procedure at least, were exceeded, as he waited 44 days before finally obtaining a first reply to his grievance. [29] For a procedural error such as the non-respect of a procedural deadline to result in a violation of the rules of procedure, there must be a prejudicial effect (Taseko Mines Limited v Canada (Environment), 2019 FCA 320 at para 62; Uniboard Surfaces Inc v Kronotex Fussboden GmbH et Co KG, 2006 FCA 398 at para 24; Ellis-Don Ltd v Ontario (Labour Relations Board), 2001 SCC 4 at para 49; Pounall v Canada (Border Services Agency), 2013 FC 1260 at para 20). I do not feel that this was demonstrated in the present case. [30] Indeed, the CRA was entirely entitled, under the combined effect of clauses 34.12 and 34.13 of the Collective Agreement, to not reply to the grievance at the first level of the grievance procedure. Moreover, the case law recognizes, implicitly at least, that an employer may choose to not reply to a grievance, and this non reply will be interpreted as a rejection of the grievance (McWilliams v Treasury Board (Correctional Service of Canada), 2007 PSLRB 58 at para 22; Employee No 1 v Canada, 2004 FC 1221 at para 17; Persons wishing to adopt the Pseudonyms of Employee No 1 v Canada, 2005 FCA 228; Canada v Employee No 1, 2007 FCA 152 at para 8). [31] Technically, therefore, the fact the CRA did not reply to the applicant’s grievance does not constitute a procedural error. On this, I note that the applicant was advised that the public servant who was to reply to his first-level grievance was absent and would not return to his position until the deadline to reply had expired. An application to suspend the deadline was sent to the applicant, but he insisted on a reply to his grievance in the prescribed deadline. In the circumstances, the decision to not reply to the grievance, at that stage of the procedure, was defensible, insomuch as a justification is required for not replying. [32] The applicant submits that not replying to his grievance at the initial stage of the grievance procedure caused him prejudice as it deprived him of the opportunity of using the reply to enhance his arguments at the higher levels. In fact, he states that the first level reply has a value that the others do not have, as the grievance is processed at that stage by a manager that is closer and more aware of the ongoing operations than those at the subsequent levels. [33] This argument cannot be accepted because, as I just stated, the procedure governing the applicant’s grievance provides that this can happen; the CRA can choose to not reply at the first level of the procedure. [34] Other than the mere fact that the response deadline was exceeded at the second level, the applicant did not note any specific prejudice tied to this missed deadline. In any event, I do not see any as the applicant was able to present—and refine—his arguments from the second level up to the last level. [35] In closing on this first issue, I would note that it is still possible to remedy the issue in a timely manner, a breach of the rules of procedure must be raised at the earliest opportunity, otherwise the party that plans to raise it for the first time in judicial review may be barred from doing so (Hennessey v Canada, 2016 FCA 180 at paras 20–21; Maritime Broadcasting System Limited v Canadian Media Guild, 2014 FCA 59 at para 67). [36] In this case, other than the fact he was [translation] “astonished” or [translation] “disappointed” that there was no decision at the first level, the applicant did not share his complaints with regard to the missed deadlines during the grievance procedure (Respondent’s Record, Tab 9, p 31; Respondent’s Record, Tab 25, p 75). B. Assistant Commissioner Couture’s decision is reasonable[37] Other than the issue of missed deadlines, which I just addressed, I note that the applicant also criticized Assistant Commissioner Couture for having rendered his decision based on erroneous facts, not providing sufficient reasons for some of his remarks and for concluding unreasonably—even in bad faith—that the commitment Ms. Gaudreault made to him was not breached. [38] These criticisms involve the validity of Assistant Commissioner Couture’s decision. (1) Erroneous facts argument[39] These facts are from précis—or recommendations—prepared at each stage of the grievance procedure for the decision makers at each level. The applicant identifies four errors, the first three drawn from the précis prepared for the second level of the procedure and the fourth from the précis prepared for the third level. [40] The first error involves the following excerpt: [translation] “that means that if a candidate does not meet a staffing requirement, he or she will not continue in the process” (Respondent’s Record, Tab 18, p 56). The applicant submits that this statement is inaccurate, as the CRA did inform him a few weeks prior to the expiration of the Pool, that he was eligible for an appointment. [41] The second error involves the following excerpt: [translation] “no acting appointment was offered unless the candidate met the language requirements”(Respondent’s Record, Tab 18, p 56). The applicant submits that this statement is false because candidates were allegedly given acting positions without meeting the proper language requirement at the time, in accordance with the flexibility of the CRA staffing program. [42] The third error the applicant raised is from the following excerpt: [translation] “the candidates who have right to recourse for these bilingual imperative appointments are those who were assessed and have obtained the required levels” (Respondent’s Record, Tab 18, p 56). This statement is inaccurate, in his opinion, as he himself had intermittently been offered, from March 2017 to the filing of his grievance, several rights to recourse against appointments at the MG-05 level. [43] Lastly, the fourth error involves the following excerpt from the précis prepared at the third level of the grievance procedure: [translation] “[c]ontrary to the employee’s claims, he was not eligible or qualified for a permanent appointment to a bilingual MG-05 position” (Respondent’s Record, Tab 13, p 43). This is false, according to the applicant, as he never made this claim. [44] As the Supreme Court of Canada again stated in Vavilov, and as the CRA also stated in its written arguments, in a judicial review of an administrative decision maker’s decision, we must be careful not to conduct a “line-by-line treasure hunt for error” (Vavilov at para 102). [45] Unfortunately for the applicant, he seems to have fallen into this trap. [46] On the one hand, the first and third errors of fact the applicant raised were from the analysis of the admissibility of the applicant’s grievance in the précis prepared at the second level. As I have already stated, the CRA conceded that the applicant’s grievance was allowable. Therefore, supposing that the two excerpts in question did contain erroneous information, these errors of fact are without consequence since the CRA agreed with the applicant on this issue very early in the procedure. Moreover, this issue was not raised again in the fourth level précis, prepared for the decision Assistant Commissioner Couture was to render. It was therefore not a genuine issue in the grievance procedure; indeed, Assistant Commissioner Couture did not address it, as he was not required to do so. [47] Additionally, these two excerpts are used out of context and without the necessary nuances, which shows the risks of the “treasure hunt” approach discouraged by the Supreme Court of Canada. [48] The same can also be said of the fourth alleged error, in which the applicant is credited with stating that he considered himself eligible or qualified for a permanent appointment to a bilingual MG-05 position. Again, this “error” is of no consequence. Indeed, I cannot determine how, if it had not been made, it would have changed Assistant Commissioner Couture’s conclusion that the fact the applicant did not receive any appointment offers during the lifespan of the Pool was not a violation of the applicable CRA staffing policies as all the permanent appointments made using the Pool were for positions with a “bilingual imperative” language profile, which the applicant did not have. [49] Lastly, with regard to the second error the applicant raised, with regard to the language profile of those who accepted acting appointments, the CRA’s position is that these individuals met the language requirements of the acting positions they were offered. The applicant argues the contrary. However, as I indicated to the applicant at the hearing, it is not sufficient to merely state a fact before an administrative decision maker; there must at least be an attempt to prove it, in particular since the applicant, by mentioning these appointments, is attempting to establish that he was unfairly treated by the CRA. This accusation is serious and required at least a commencement of proof. [50] It is well established, even in the context of labour relations grievances, that the Court cannot consider evidence that was not before the decision maker (Tibilla at para 34). This means, in my opinion, that it is the responsibility of the person filing a grievance to ensure that, at least at the final level of the grievance procedure, all the evidence that could support his or her claims are presented to the decision maker. [51] In this case, there is nothing in the file that would support the applicant’s allegation that among those who received acting appointments, some did not meet the language requirements of the positions filled. In this context, Assistant Commissioner Couture cannot be criticized for ignoring evidence that would contradict the position of the CRA labour relations experts who prepared the précis for the grievance procedure and, presumably, conducted the necessary research in the CRA staffing records to do so. Moreover, in this case, the question was asked by the labour relations advisor who had drafted the précis for the second level of the procedure, the files were researched and the answer confirmed that these acting positions were filled by employee(s) who met the language requirements of the positions in question (Respondent’s Record, at pp 66–67). [52] This first type of criticism against Assistant Commissioner Couture’s decision can therefore not be considered. (2) Insufficient reasons argument[53] At the outset, it must be stated that this type of argument does not trigger the rules of procedural fairness, contrary to the applicant’s allegations, but the reasonableness of the administrative decision maker’s decision (Newfoundland and Labrador Nurses' Union v Newfoundland and Labrador (Treasury Board), 2011 SCC 62 at paras 21–22 [Newfoundland Nurses]). [54] I will recall that the applicant criticizes Assistant Commissioner Couture for not providing sufficient reasons for his decision with regard to certain statements, which can be summarized as follows:
[55] In relation to these two statements, the applicant also criticizes Assistant Commissioner Couture for not having provided details on the changes, in the work environment at the Audit Division, that could have justified why appointments made from the Pool were only for “bilingual imperative” positions, when he had held an MG-05 level team leader position with a “French essential” profile at that Division for close to four years, ending at the end of March 2017, and the job advertisement that led to the Pool’s creation did not specify that the staffing done from the Pool would only be for “bilingual imperative” positions. [56] In Vavilov, the Supreme Court of Canada restated the already well established principles regarding the manner in which to evaluate the reasons of decisions rendered by administrative decision makers. It states that the written reasons provided by such a decision maker “must not be assessed against a standard of perfection” and the fact that the reasons do “not include all the arguments, statutory provisions, jurisprudence or other details the reviewing judge would have preferred” is not on its own a basis to set the decision aside (Vavilov at para 91; Newfoundland Nurses at para 16). [57] The reviewing court examining an argument of insufficient reasons must be fully aware that “‘administrative justice’ will not always look like ‘judicial justice’” because, notably, “[a]dministrative decision makers cannot always be expected to deploy the same array of legal techniques that might be expected of a lawyer or judge”(Vavilov at para 92). This is one of the reasons the reviewing court must “read the decision maker’s reasons in light of the history and context of the proceedings in which they were rendered” and in doing so, may consider “the evidence before the decision maker, the submissions of the parties, publicly available policies or guidelines that informed the decision maker’s work, and past decisions of the relevant administrative body” (Vavilov at para 94). [58] The important thing is that the reviewing court must be able to properly understand the decision maker’s reasoning process in order to determine whether the decision, as a whole, is reasonable, or is within the range of acceptable outcomes in relation to the legal and factual constraints that bear on the decision (Vavilov at para 99;Newfoundland Nurses at para 16). [59] As I have previously mentioned, to determine whether Assistant Commissioner Couture’s decision is reasonable, I may consider not only the reasons he provided in support of his decision, but also the précis prepared in support of this decision [Précis], which was signed on June 18, 2019, by Karyne Desjardins, who held the position of senior policy and program analyst at the CRA’s Labour Relations Division (Respondent’s Record, Tab 5, pp 13–23). [60] At first glance, a review of the reasons for Assistant Commissioner Couture’s decision, when read together with the Précis, shows, in my opinion, that the applicant’s complaints were considered and that the resulting findings are based on reasoning that is both rational and logical, and makes it possible to understand the reasons for the decision, namely:
[61] This justification is coherent and intelligible but the applicant would have liked to know more about the needs that justified the staffing of only MG-05 level team leader positions with a “bilingual imperative” language profile from the Pool, which resulted in the exclusion of staffing “French essential” positions contrary to what, in his opinion, he had been promised. In other words, he wanted to know how the landscape of the language needs at the Audit Division had changed between the time he held the Acting Position and the date the Pool expired, to justify such a fact, which became an obstacle to the commitment Ms. Gaudreault made. [62] The fact that the Pool was used only for appointments to team leader positions with a “bilingual imperative” language profile in an administrative region such as Montreal might, at first glance, seem surprising. However, the Court is not here to speculate on what might explain this fact and to substitute its own assessment of the situation for that of the administrative decision maker. As I have previously stated, in a judicial review, the Court must not conduct a de novo analysis or seek to determine the “correct” solution to the problem (Vavilov at para 83). [63] Here, the Court is severely lacking evidence to be able to question the reasonableness of the statements in the Précis and Assistant Commissioner Couture’s decision, as the applicant is requesting. [64] As imperfect as the grievance procedure is (Christopher Rootham, Labour and Employment in the Federal Public Service (Toronto: Irwin Law Inc, 2007) at 278), in particular when, as in this case, it does not lead to arbitration, it is still true that simply filing a grievance, at least in a situation such as ours, in which the unfairness of a failure to respect a commitment is argued, does not shift the burden of proof to the employer. Even though there are exceptions, the general principle is that the burden is on the person filing the grievance (Halsbury's Laws of Canada (online), Labour “Arbitration Law: Substantive Issues: Policy Grievances” in HLA-466 “Onus of Proof and Order of Proceeding”; Donald J.M. Brown and David M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, 3rd ed (Aurora: Canada Law Book, 2003)). The applicant did not submit any authorities—and I cannot find any—that, in the circumstances of the present case, would shift the burden to the CRA to prove the contrary of what the applicant argued in his grievance. [65] In other words, the Court does not have the facts at its disposal to question how the language needs for the appointments made from the Pool, or even the operational needs of the sectors in which these appointments were made, were identified. For example, the Court knows nothing about the various operational sectors in the CRA that could—and did—draw from the Pool, the organizational charts of these sectors, their staffing needs, the number of positions to fill and that were filled, and the language profile of each position within each of these organizational charts. Was the acting team leader position the applicant held at the Audit Division the only such position with a “French essential” language profile in that group or in all the sectors with access to the Pool? The Court does not know. [66] The Court also does not have any facts before it that would lead it to question the conclusions in the Précis regarding the allegations of unfairness or bad faith that would explain the applicant’s fate and, ultimately, Ms. Gaudreault’s commitment. [67] These are serious allegations that cannot simply be based on what the applicant says. More is required. Indeed, at the hearing of this judicial review, the applicant, in support of his claims, stated facts that are not on record. Such an approach, as I reminded him, is not allowed in the context of a judicial review (Tibilla at para 34). [68] I will make a last remark about this criticism. Insomuch as the applicant, under the pretext of Ms. Gaudreault’s having failed to respect her commitment, is ultimately questioning the validity of the language requirements of the positions that were filled from the Pool and, therefore, the appointments made in this manner, I cannot help but wonder whether such a collateral attack would not, on its face at least, according to subsection 208(2) of the Act, raise an admissibility issue considering the recourse available under the Public Service Employment Act, SC 2003, c 22, ss 12 and 13, and even, perhaps, the Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Suppl). However, as the CRA did not understand that the applicant’s grievance ultimately concerned these issues and the eligibility of the applicant’s grievance was not debated before this Court, I will say no more on this issue except to note this potential pitfall. [69] In short, the applicant did not persuade me that it is appropriate to intervene on the ground that Assistant Commissioner Couture’s decision was not supported by sufficient reasons. I am satisfied that the decision results from a careful, rational review of the applicant’s allegations, and of his observations and those of the CRA managers. It was for the applicant to prove the contrary by means other than his statements alone. He failed to do so. (3) Argument based on Ms. Gaudreault’s commitment[70] For the same reasons, I cannot say that Assistant Commissioner Couture’s conclusions regarding Ms. Gaudreault’s commitment were unreasonable. This commitment was conditional on an MG-05 level team leader position with a “French essential” language profile becoming available. This never happened. The Acting Position was available after March 31, 2017, the day the applicant stopped holding the position, but it was abolished a few months later, a decision the applicant challenged in vain. [71] Technically, therefore, it cannot be argued that the conditional commitment was not honoured. This is just common sense, and I have already responded to the argument that Assistant Commissioner Couture did not sufficiently justify how the operational needs only required the staffing of MG-05 level team leader positions with “bilingual imperative” language profiles from the Pool to the detriment of “French essential” positions, and how this fact, which made it impossible for Ms. Gaudreault’s commitment to be met, was not the result of bad faith on the part of the CRA. [72] I understand the applicant’s frustration, given that he held an MG-05 level team leader position for nearly four years, apparently successfully. However, I cannot be of any help to him as the evidence on the record does not allow it. [73] The CRA is seeking costs. Considering the outcome of this case, it is entitled to them. The costs will be calculated on the basis of Column III, Tariff B, of the Federal Courts Rules, SOR/98-106.
JUDGMENT THIS COURT’S JUDGMENT is that this application for judicial review is dismissed, with costs.
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Bhaskaran c Tribunal administratif du travail, 2020 QCCS 2878
1) le juge n’aurait pas dû participer à la conciliation;
2) le juge est allé trop loin dans ses suggestions sur la manière dont elle devait gérer sa preuve;
3) le juge l’a induite en erreur et lui a procuré un faux sentiment de sécurité, en lui déclarant que tout reposait sur son témoignage, alors que tel n’a pas été le cas;
4) en se fondant notamment sur des courriels, pour rejeter sa plainte, il a mal évalué la preuve, la crédibilité des personnes ayant écrit ces courriels n’ayant pas pu être évaluée, puisqu’elles n’ont pas témoigné;
5) le juge ne l’a pas entendue selon les standards constitutionnels applicables en matière d’équité procédurale, ne respectant pas ainsi l’article 23de la Charte des droits et libertés de la personne;
6) Ses droits linguistiques ont été bafoués, car le juge n’était pas à l’aise de présider les débats en anglais.
5.2 L’équité procédurale versus les droits linguistiques
[123] Après avoir révisé les principes énoncés dans la jurisprudence soumise par les parties, c’est davantage sous l’angle de l’équité procédurale que nous intervenons pour accueillir le pourvoi de la demanderesse, après avoir revu les enseignements de Vavilov[47], par rapport à la manière dont les choses se sont passées, lors de l’audition.
[124] Débutons l’analyse par la question portant sur la langue dans laquelle l’audition a eu lieu.
[125] Avec certains des nombreux commentaires faits par le juge sur ses connaissances de la langue anglaise, il est difficile de savoir s’il a bien compris les subtilités des différents témoignages rendus en anglais, lesquels sont en majorité, tel que les décideurs l’ont reconnu[48].
[126] En lisant la décision, l’on pourrait croire que le juge Paquette a bien compris le dossier, par la manière dont il étoffe sa décision.
[127] Mais ce n’est pas sous cet angle, que notre intervention s’explique.
[128] C’est davantage par les différents accrocs en lien avec les échanges entre le juge et l’avocate de l’employeur, en français, et l’impact de la manière de faire, sur le droit de SB de faire valoir ses droits.
[129] Si le juge avait parfaitement le droit de s’exprimer dans la langue de son choix, sur le plan constitutionnel, ce qui est de même pour l’avocate de l’employeur et pour SB, et qu’il est clair que tous ont eu l’opportunité de communiquer leurs propos dans leur langue de prédilection, en bonne partie, du moins, pour le juge et l’avocate, puisqu’ils n’ont pas exclusivement parlé en français, pour accommoder SB, en acceptant de s’exprimer en anglais, cela ne cause pas problème pour l’émission des propos, par tout un chacun.
[130] Le problème que nous voyons se situe plutôt lors des échanges en français, dont SB n’a été que le témoin passif, soit parce qu’ils ne lui ont pas été traduits, ou parce que ce qui a été dit n’a été que partiellement traduit, ou résumé, dans certains cas, alors que les échanges portaient sur le droit, sur l’administration et la pertinence de la preuve, comme le fait qu’une déclaration constitue ou non du ouï-dire, à titre d’exemple, et lorsqu’il y avait des questions relatives à la procédure et au déroulement de l’audition, bref des questions plus techniques et pertinentes à la prise de décisions de gestion de l’instance que SB devait prendre, ou qu’elle aurait pu prendre[49].
[131] À notre avis, le juge devait s’assurer que SB avait pu suivre le contenu de ces échanges de A à Z, alors que ce n’est pas ce qui s’est passé.
[132] Ainsi, après une longue tirade en droit, non traduite[50], ou partiellement résumée[51], il ne pouvait limiter son rôle à lui demander si elle avait bien compris. Cela était insuffisant, dans les circonstances[52].
[133] Or, ce genre de situation s’est produit à diverses reprises, notamment, à des moments où SB était particulièrement vulnérable, comme lors de son contre‑interrogatoire, par l’avocate Patry.
[134] De plus, la traduction, par l’avocate de l’employeur, de certains mots de vocabulaire juridique, même si sa contribution était bien intentionnée, et qu’elle a été faite dans un souci évident d’entraide, pour assurer le bon déroulement de l’audition, ne pouvait remplacer ni compenser le rôle d’assistance qui revenait au juge, pour ces matières.
[135] À titre d’exemple, au cours d’un échange sur la valeur probante de la preuve, alors que le juge éprouve de la difficulté à traduire le mot probant,l’avocate de l’employeur lui souffle que ce mot se traduit par « convincing ». S’ensuit un échange où tout un chacun parle de la traduction de ce mot, y compris quelqu’un qui est présent dans la salle, dont la voix n’est pas identifiée dans les notes sténographiques[53].
[136] Dans un autre contexte[54], le juge hésite sur la traduction du terme juridique « sous-scellés »[55], puis sur celle du mot « attirer », que l’avocate de l’employeur lui traduit comme étant « attract », dans ce dernier cas, tout comme elle lui a traduit le précédent adéquatement.
[137] Plus loin, c’est le mot « harsh »[56], qu’il ne comprend pas, entendant plutôt « hash »; mais personne ne le lui traduit, cette fois, de sorte que nous ignorons ce qu’il en a compris.
[138] À notre avis, la traduction par une partie à une autre partie, ne devrait pas être la norme, pour décider si les garanties prévues à l’article 23 de la Charte sont satisfaites, puisqu’un justiciable non représenté pourrait être confronté au représentant légal d’une partie adverse moins bien intentionné que dans ce dossier, lequel pourrait mal traduire certains mots importants pour la suite des débats, lorsqu’un juge n’est pas tout à fait à l’aise avec la langue dans laquelle se déroulent les débats qu’il accepte de présider, ce qui n’est pas souhaitable.
[139] Selon nous, le fait pour le juge de laisser la partie adverse définir des mots et de traduire des concepts de droit à SB, ne pouvait satisfaire adéquatement son devoir d’assistance.
[140] Dans le confort de notre bureau, et avec l’aide des notes sténographiques, il est facile de vérifier que les diverses traductions de mots et de concepts de droit que l’avocate de l’employeur de SB a faites, en l’espèce, étaient adéquates et qu’elles ont aidé le juge à communiquer certaines idées à SB. Mais cela dit, il nous semble que ce n’est pas sous cet angle que l’analyse devrait se faire, pour les fins de révision.
[141] C’est plutôt en se mettant à la place de la personne qui se trouve en salle d’audience, et qui vit la situation en temps réel, puisqu’elle se retrouve à la merci de la partie adverse et contrainte de considérer que ce qui lui est ainsi traduit est adéquat, pour ensuite réagir aux propos traduits, alors que souvent, les personnes non représentées doutent de la partie adverse.
[142] La technique consistant à faire de courts résumés de longs échanges tenus dans une langue que SB ne maîtrisait pas, n’est pas plus acceptable, car la partie non représentée manque ainsi une partie des propos qui peut en changer l’essence, et dans lesquels, des choses intéressantes, ou préoccupantes, aux yeux du juge, ont pu être mentionnées, alors qu’elle n’a pas eu l’opportunité d’en évaluer les conséquences, étant dans l’impossibilité de savoir si le résumé reflète adéquatement l’essence et la subtilité du propos tenu.
[143] Encore une fois, en temps réel, cela peut être très déstabilisant de ne pas savoir quel bout de l’échange une personne non représentée a manqué.
[144] Cela est encore plus déstabilisant lorsqu’il n’y a pas de telle traduction, tel que le révèlent les quelques exemples qui suivent.
[145] À un certain moment, lors d’un témoignage, l’avocate de l’employeur s’objecte, au motif que le témoin livre des impressions, plutôt que des faits. L’échange entre les juristes, en français, se retrouve sur quatre (4) pages, dans les notes sténographiques[57].
[146] Qu’en résulte-t-il?
[147] La phrase suivante du juge :
« Alors, continuons ».
[148] Aucune traduction de l’échange n’a lieu et aucun résumé n’est fait.
[149] À notre avis, cette situation est inéquitable pour SB, qui perd ainsi l’opportunité de suivre les enjeux en temps réel, ce qui affecte son droit de se représenter adéquatement et de recevoir l’assistance du juge, conformément aux obligations de ce dernier, énoncées à l’article 12.3 de la Loi sur la justice administrative.
[150] Aux pages 128 et 129 de la transcription du 19 février 2015, une autre objection, basée sur le ouï-dire, cette fois, est présentée par l’avocate de l’employeur, toujours en français.
[151] Une fois de plus, l’échange se termine par ces paroles du juge, sans que SB sache ce qui vient de se passer :
« On continue, so […] »
[152] Dans les notes sténographiques du 15 avril 2015, aux pages 73 et 74, l’avocate de l’employeur discute d’un problème avec le juge, en français, toujours, en lien avec les motifs pour lesquels SB a quitté le travail.
[153] Rien dans cet échange n’est traduit. Le contre interrogatoire se poursuit en anglais, comme si rien ne venait de se passer, et sans que SB sache ce qui est en cause, alors que ce sujet est pourtant pertinent à ses plaintes.
[154] Toujours durant le contre-interrogatoire, le juge fait des commentaires sur l’un des documents sur lequel elle vient de témoigner.
[155] SB veut intervenir dans cet échange, mais cela ne fonctionne pas.
[156] L’avocate continue tout simplement d’expliquer ce qu’elle tentait d’établir, et poursuit sur le temps dont elle anticipe avoir besoin, pour la suite de son contre-interrogatoire.
[157] Abordons maintenant une autre façon de faire du juge Paquette.
[158] Plutôt que de traduire ou de résumer certains échanges, il a souvent demandé à la plaignante, « Do you understand ? ».
[159] Si le but de l’exercice est noble, les réponses données par SB à ces questions, sont préoccupantes, par rapport à sa compréhension du débat, à divers moments.
[160] Dans certains cas, la réponse à cette question démontre que SB a carrément compris autre chose ou qu’elle n’a compris que la fin de l’échange, par le propos qu’elle reformule, alors qu’il y avait bien d’autres choses qui pouvait changer l’essence du contenu communiqué par le juge, ou par l’avocate de l’employeur, avant ce dernier bout de phrase.
[161] Impossible de savoir si SB a compris ce qui précédait, et qui était par ailleurs susceptible d’être pertinent aux décisions qu’elle devait ensuite prendre, pour gérer sa cause, alors que sa compréhension était erronée, ou partielle[58].
[162] Voici certains exemples.
[163] Un échange a lieu entre le juge et l’avocate de l’employeur, au sujet du subpoena duces tecum envoyé à l’un des témoins de SB, Madame Cui, et sur les discussions entourant des annotations que le juge a faites sur la liste de documents contenus dans ce subpoena.
[164] À la fin de l’échange, qui a lieu une fois de plus en français, le juge pose la fameuse question « Did you understand ? » à SB, et sa réponse est la suivante :
« We can do Cui later, right ? ».
[165] Cette réponse démontre que SB n’a rien compris de ce qui venait tout juste de se passer, alors que le sujet était pourtant fort pertinent, pour l’administration de sa preuve.
[166] Aux pages 250 à 269 des notes sténographiques, il est question de documents, que le juge considère trop larges, et de leur pertinence, s’exprimant alors en français, sur ce sujet, puis il passe ensuite à autre chose, en anglais.
[167] SB n’a rien su de ce qui s’est dit sur la pertinence des documents qu’elle souhaitait introduire ni du fait que le juge considérait que certains étaient trop larges.
[168] L’avocate de l’employeur, par contre, a bien entendu l’opinion du juge.
[169] Sans traduire l’échange, le juge fait ensuite une suggestion sur la manière de travailler avec ces documents, qui se trouvent à être une série de courriels, alors que SB a encore manqué une partie pertinente à sa position, et n’a pas eu le bénéfice de la traduction de ce qui venait d’être dit, avant de recevoir la proposition du juge.
[170] À la page 264, l’avocate de l’employeur présente ensuite une objection basée sur la pertinence, dans laquelle il est question de la protection des données. Cette objection est rapportée sur trois (3) pages.
[171] À la fin de l’échange, le juge repose encore la même question : « Did you understand ?», et la réponse de celle-ci est désolante :
« Not really »[59].
[172] Plutôt que d’expliquer, afin de permettre à SB de se mettre à niveau, rien ne se passe, en lien avec ce sujet de procédure et de droit
[173] À un autre moment, le juge demande à SB de s’adresser à une personne dans la salle, et qui semble l’accompagner, à certains moments, afin que cette personne lui traduise un extrait de la Collection du Barreau rédigé en français, sur les témoins hostiles[60].
[174] À notre avis, le juge ne pouvait pas se décharger de son devoir d’assistance en référant SB à son accompagnateur, pour lui traduire un texte de droit qu’il jugeait pertinent de porter à son attention.
[175] En terminant sur la langue, nous comprenons que les divers commentaires du juge sur les limites de sa connaissance de l’anglais étaient animés par un souci de transparence, ce qui était légitime.
[176] Ce qui est moins adéquat, toutefois, c’est le fait de badiner sur le sujet et d’en rire[61], puisque cela est de nature à insécuriser la demanderesse, alors qu’elle se pose une question fort légitime à ce moment, soit celle de savoir si elle pourra faire valoir ses droits devant quelqu’un en mesure de la comprendre.
[177] Toujours lors du contre-interrogatoire de SB, alors que l’avocate de l’employeur informe le juge qu’elle n’a pas l’intention de faire tout répéter le témoignage en chef de SB, le juge lui répond ceci, pour lui confirmer qu’il ne voit pas d’inconvénient à ce que SB répète certaines parties de son témoignage en chef :
« That’s why I mentioned if the case would be in French, I would intervene to say « I already heard it, » but as it is in English, if I can have it (en parlant de la repetition du témoignage en chef de SB)…on appelle ça un petit buffer, là, pour être sûr que j’ai bien compris.[62]»
[178] Et sur ce propos, dont la fin n’est pas traduite, mais qui comporte un mot d’anglais, il laisse donc aller l’avocate, pour ce motif.
[179] Avec tout cela, même si nous comprenons qu’il est toujours plus facile de voir les choses plus clairement en rétrospective, dans le doute, il aurait peut-être été judicieux de proposer à SB de retenir les services d’un interprète. Mais nous n’insistons pas davantage sur ce dernier point, même si le recours à un interprète dans le contexte du devoir d’assistance d’un juge, est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre[63].
[180] Dans un autre ordre d’idées, mais toujours concernant le devoir d’assistance, abordons les interventions du juge, sur la gestion de la preuve que devait présenter SB.
[181] À un certain moment, le juge demande à cette dernière s’il est vraiment nécessaire que certains des témoins qu’elle a pourtant bien identifiés comme étant importants (ses présumés harceleurs) soient entendus. Il la met alors au courant du risque qu’elle coure si elle fait entendre ces témoins, qui pourraient lui être hostiles.
[182] Lorsqu’il s’aventure sur ce sujet, l’avocate de l’employeur juge pertinent d’intervenir, pour le ramener à l’ordre, car elle est mal à l’aise, tel que son ton le révèle. Elle lui dit ceci:
« Mais, Monsieur le commissaire, c’est son choix à elle, là.[64]»
[183] Le juge confirme ensuite à SB que si elle a un (1) ou deux (2) témoins, pour corroborer ses dires, cela sera suffisant, si l’employeur ne fait pas entendre de témoins, car elle n’a pas besoin de faire témoigner tout le monde qui a gravité autour d’elle, pour s’acquitter de son fardeau, dans ce genre de dossier.
[184] Conscient que SB n’est pas représentée et voyant que l’avocate de l’employeur suggère que cette dernière réfère un tel sujet à son avocate, pour la conseiller, le cas échéant, le juge fait ainsi part de l’une de ses préoccupations :
« Pour le moment, she represents herself and my comments is to make sure that we go through the case as fast as we can ».
[185] Voyant le malaise de l’avocate de l’employeur, le juge déclare qu’il ne conseille pas SB, et qu’il ne fait que l’inviter à se poser des questions sur sa preuve.
[186] Les consignes du juge sur le choix des témoins de SB, se termine par ceci, en l’informant toutefois qu’il devra évaluer la valeur probante des autres témoignages :
« It will pass by you or fail by you »[65].
[187] À la page 380[66], l’avocate de l’employeur intervient de nouveau auprès du juge, à cause de la manière dont il interagit avec SB par rapport aux témoins qu’elle souhaite faire entendre. Elle lui déclare ceci :
[…]... c’est sa preuve, si elle pense…regardez, là, vous ne me direz pas, moi, si ma preuve est suffisante ou pas, là, j’imagine… […] Regardez, c’est son dossier. Si elle pense que d’après ce que vous avez dit, sa preuve est suffisante…
[188] Ce à quoi le juge rétorque ensuite ceci, aux pages 381 et 382 :
Je pense qu’elle se rend compte que les témoins n’ont pas une aussi bonne mémoire qu’elle.
[189] Après ce passage, non traduit, le dossier se poursuit.
[190] À notre avis, avec tous ces exemples, même si les balises pour accorder une révocation de jugement en vertu de l’article 49 (3) de la LITAT sont très strictes, le jugement du TAT-1 aurait dû être révoqué, puisque la preuve révélait plusieurs erreurs fatales et des accrocs sérieux, tant en ce qui a trait au respect de la procédure que sur le mérite du dossier, vu la manière dont il a été géré.
[191] La manière selon laquelle ce dossier s’est déroulé laisse une bien drôle d’impression sur la mise en œuvre des garanties accordées par l’article 23de la Charte québécoise, qui jouit pourtant d’une interprétation généreuse[67].
[192] Même si le TAT est maître de ses auditions, cet article de loi s’applique à lui[68]. Or, la manière dont le dossier a été géré ne nous permet pas de conclure que les garanties fondamentales auxquelles SB avait droit ont été respectées.
[193] Même lorsqu’elle ne comprenait pas ce qui se passait, l’audition continuait quand même, ce qui est inacceptable, à notre avis.
[194] Bien que l’aide apportée par un juge administratif à une personne qui se représente seule se décline sous diverses formes et qu’elle est vaste, elle ne devrait pas comprendre la détermination des témoins que la partie devrait faire entendre[69].
[195] La meilleure preuve que le juge a été trop loin, sur ce sujet, vient des diverses interventions on ne peut plus claires de l’avocate de l’employeur, qui a dû rappeler au juge qu’il devait laisser SB gérer sa preuve, qu’il n’était pas là pour la conseiller et qu’il devait la référer à son avocat[70] ou à un tiers, pour l’aider.
[196] Une mise au point s’impose aussi sur la conclusion du TAT-2, que SB était toujours assistée par un avocat lors des journées d’audition qui ont suivi les quatre (4) premières.
[197] C’est aux paragraphes 34 et suivants de sa décision qu’il explique pour quelles raisons il décide de ne pas révoquer le jugement du TAT-1, en se fondant entre autres sur ce fait.
[198] Or, l’extrait des fichiers audio qu’il reproduit, pour conclure que SB aurait confirmé qu’elle était soi-disant encore assistée par un avocat, est incomplet.
[199] Cet élément étant important dans le raisonnement du juge Turcotte, nous avons comparé la citation qu’il a intégrée dans sa décision, avec le contenu des notes sténographiques auxquelles l’extrait référait, puis comme les deux ne concordaient pas, nous avons réécouté l’extrait pertinent, pour vérifier si l’erreur venait du sténographe, ou du juge Turcotte.
[200] L’exercice est concluant : dans la décision du TAT-2, il manque quelques mots très importants dans l’extrait que le juge a édité, et ce qui manque, change le sens des propos rapportés.
[201] SB ne confirme aucunement qu’elle était encore assistée par son avocate, au moment où elle a comparu seule devant le juge Paquette, contrairement à ce que le juge Turcotte retient, au paragraphe 39 de sa décision.
[202] Le « oui » que SB donne, dans la citation incluse au paragraphe 39 du jugement du TAT-2, ne fait que confirmer qu’un dénommé « Mollenhall », qui n’est pas avocat, a joué un rôle périphérique, dans son dossier[71].
[203] Vu l’importance de ce fait, voici l’extrait pertinent provenant des notes sténographiques du 19 février 2015 :
LE COMMISSAIRE :
Okay. But I suggest to you that you talk about that with Maître Hazan…
MME SUSHMITA BHASKARAN:
Okay.
LE COMMISSAIRE :
…as you mentioned that she’s still…
MME SUSHMITA BHASKARAN:
Yes.
LE COMMISSAIRE :
…there to help you. Same thing with Mr Mollenhall(?). From what I recall, I’m not sure that he was at the beginning of the story. Maybe his role is peripherical (sic)… périphérique.(notre soulignement)
MME SUSHMITA BHASKARAN:
Yes. That’s correct.
LE COMMISSAIRE :
So is it very necessary for you to produce him? And also Mr. Zyer (?), the same thing as Mr Weinstock.
MME SUSHMITA BHASKARAN:
M,hm. Yes.
(Notre soulignement)
[204] L’extrait cité par le TAT-2 ne reproduit pas la partie où le rôle de Mollenhall est décrit. Dans l’extrait repris par le juge, celui-ci édite le texte, et utilise plutôt des points de suspension visant à informer le lecteur qu’il a choisi de ne pas citer une partie jugée non pertinente de l’extrait, soit celle que nous avons soulignée et mise en gras dans notre propre citation, pour une meilleure compréhension de notre propos.
[205] Le fait que le TAT-2 prenne la peine de citer un extrait de la preuve, dont il retranche une partie pourtant capitale pour interpréter le sens du « oui » donné par SB, en substituant trois (3) points de suspension entre parenthèses dans la citation, et la conclusion qu’il tire ensuite de cet extrait incomplet, étonne.
[206] Abordons maintenant les deux derniers arguments de WADA, pour faire rejeter le pourvoi.
[207] À notre avis, l’on ne saurait fermer les yeux sur l’ensemble des manquements énoncés dans ce jugement, du simple fait que SB soit instruite, débrouillarde et non démunie, tel que le plaide WADA.
[208] Les questions en jeu sont techniques et ne sont pas insignifiantes.
[209] C’est plutôt le fait que SB ait été non représentée, qui retient notre attention, et qui a fait pencher la balance en faveur du maintien du pourvoi, à la lumière des éléments sur lesquels nous avons élaboré précédemment.
[210] Les obligations contenues dans la Charte Québécoise, dans la Loi sur la justice administrative, et dans la LITAT, sur le processus équitable et impartial et sur le sacro-saint processus de la conciliation, qui soit dit en passant, aide des milliers de justiciables à trouver une solution à leur litige, ne peuvent être réduites du simple fait que SB soit éduquée et intelligente[72].
[211] Le message que nous lançons, que nous souhaitons être reçu haut et fort, est que le rôle de surveillance de la Cour supérieure vise à s’assurer que les tribunaux, judiciaires ou administratifs continuent de mettre en œuvre les garanties que la société a choisi d’élever au rang de principes fondamentaux, parmi lesquels se trouvent le droit d’être jugé devant un tribunal impartial et de présenter sa cause de manière équitable.
[212] Cela dit, le TAT-1 n’avait pas tout faux dans cette histoire.
[213] Le juge Paquette devait ouvrir la porte à une autre conciliation, étant donné que SB se représentait seule. Le fruit aurait pu être plus mûr que lors des conciliations antérieures, et la conciliation aurait pu régler le différend qui l’opposait à WADA, sans qu’elle ait à passer à travers un long processus décisionnel.
[214] Cette obligation, qui incombait au juge administratif, a été dûment exécutée[73].
[215] De même, bien que le juge ait fait preuve d’une certaine insistance pour convaincre SB de participer à un nouveau processus de conciliation, même si le contexte dans lequel ce sujet a été abordé était délicat, et que SB ait été vulnérable, à ce moment-là, la preuve ne révèle pas qu’il ait forcée cette dernière à participer à cette conciliation.
[216] Quant à la renonciation de SB à participer à une conciliation « traditionnelle », soit en la seule présence du conciliateur, de l’employeur et de son avocate, et à l’exclusion du juge qui a commencé à entendre le dossier, nous sommes d’avis qu’une telle renonciation, à supposer qu’elle ait été éclairée, n’est pas valable, contrairement à ce que WADA plaide.
[217] La conciliation ou médiation, comme certains l’appellent, est un processus d’ordre public, et il nous rebute de cautionner le fait qu’un simple justiciable, qui n’est pas au fait de tous les tenants et aboutissants ni des garanties de confidentialité qu’un tel processus comporte, puisse être considéré comme ayant valablement renoncé à de telles garanties.
[218] Même si SB a renoncé à la tenue d’une conciliation que nous qualifierons de « traditionnelle », ce qui n’est pas des plus clairs, puisque ses connaissances du sujet n’ont pas fait l’objet d’une quelconque preuve, cette renonciation ne pouvait générer les effets que l’employeur souhaite. Dès le départ, le processus suivi était vicié par la présence du décideur[74].
[219] WADA a raison de prétendre qu’il n’y a pas eu de dol, dans ce dossier[75], mais cela dit, lorsqu’un justiciable qui se représente seul est confronté à un décideur qui propose d’intervenir dans une conciliation, même si cela est inhabituel, comment est-il censé réagir[76]?
[220] La question légitime que pourrait se poser un justiciable est : est-ce que le juge me tiendra rigueur du fait que je dise « non » à sa proposition ?
[221] À la décharge du juge, nous devons souligner qu’en l’espèce, SB semblait favorable à ce qu’il s’implique dans cette conciliation. Mais ultimement, s’il souhaitait continuer d’entendre le dossier, en cas d’échec de la conciliation, c’était au juge de refuser de participer à cette conciliation.
[222] Quelle est l’enseignement résultant de cette affaire?
[223] Non seulement le juge n’aurait-il pas dû participer au processus de conciliation, mais s’il n’a pu résisté à l’appel de le faire, il ne lui restait plus qu’à se dessaisir, après en avoir constaté l’échec, les rôles d’adjudicateur et de conciliateur étant mutuellement exclusifs, dans un même dossier, et, par définition, incompatibles, puisque leur cumul porte un coup dur à la garantie d’impartialité qui doit guider la suite de l’audition, lorsque celle-ci s’avère être le seul remède possible pour apporter une solution au litige opposant des parties.
RL c Procureure générale du Québec, 2020 QCCS 1126
[1] Le demandeur a introduit un recours en révision judiciaire d’une décision rendue par le Tribunal administratif du Québec, confirmant une décision du Bureau de révision.
[2] Cette dernière décision reconnait le droit du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale à comptabiliser les sommes que le demandeur reçoit à titre de prestations de retraite en vertu de l’article 106.3 de la Loi sur le régime des rentes du Québec[1] afin de réduire le montant d’aide financière auquel il a droit en vertu de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles[2].
[3] Dans ce contexte, ce dernier demande au Tribunal de forcer la Procureure générale du Québec, agissant pour le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (« la Procureure générale ») à mandater, aux fins de la représenter dans le cadre du présent litige, un procureur qui plaidera la cause en anglais.
[4] La Procureure générale ayant à ce jour refusée d’agir en ce sens, il demande également de la condamner à lui payer des dommages moraux de même que punitifs, puisque ce refus porte atteinte à ses droits fondamentaux à la liberté d’expression, à l’égalité et, à la protection contre la discrimination et les traitements ou peines cruels ou inusités.
[5] Le demandeur s’est déjà adressé à la Cour supérieure afin d’obtenir une ordonnance similaire.
[6] Ainsi, le 24 février 2000, la juge Louise Lemelin rendait jugement dans R.L. c. Québec (Procureur général)[3] rejetant sa demande.
[7] Le demandeur fait valoir d’abord que le contexte de la présente demande se distingue de celui dans R.L. c. Québec (Procureur général)[4], ensuite, que la jurisprudence sur la question a évolué et enfin qu’en l’espèce, le Tribunal est appelé à trancher des questions non soumises à la juge Lemelin.
[8] En particulier, il plaide d’une part que le recours en révision judiciaire s’inscrit dans la continuité d’un litige déjà engagé en langue anglaise entre lui et la Procureure générale, d’autre part, que certaines nuances et précisions ont été apportées par la jurisprudence, notamment en regard des articles 2 et 15de la Charte canadienne des droits et libertés[5] (« la Charte canadienne ») et des articles 10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne[6] (la « Charte québécoise ») et enfin, que l’argument fondé sur son droit à la protection contre les traitements cruels ou inusités prévu à l’article 12 de la Charte canadienne n’a pas été soumis à la juge Lemelin.
La liberté d’expression
[9] Dans R.L. c. Québec (Procureure générale)[7], la juge Lemelin rejette l’argument du demandeur selon lequel l’article 2 de la Charte canadienne et l’article 3 de la Charte québécoise doivent être interprétés de manière à obliger l’État lorsqu’il est partie à un litige civil, à fournir ses arguments écrits ou oraux dans la langue officielle du justiciable en cause.
[10] Ces dispositions étant les suivantes :
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :
(…)
b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association.
[11] La juge Lemelin rappelle la distinction entre les concepts de droits linguistiques et de liberté d’expression[8]; le premier conférant un droit à forcer l’intervention active de l’État dans certaines sphères d’activités du gouvernement alors que « la liberté d’expression a toujours été interprétée de façon négative, c’est-à-dire qu’on ne peut empêcher une partie de s’exprimer dans la langue de son choix »[9].
[12] En l’espèce, le demandeur fait maintenant valoir que l’article 2b) de la Charte canadienne protège non seulement celui qui s’exprime, mais aussi « celui qui reçoit l’information »[10] et que cette protection s’applique en matière de bilinguisme judiciaire.
[13] Le demandeur tire l’argument de l’extrait suivant de l’arrêt de la Cour suprême dans Ford c. Québec (Procureur général)[11] :
À notre avis, son caractère commercial n'a pas cet effet. Étant donné que cette Cour a déjà affirmé à plusieurs reprises que les droits et libertés garantis par la Charte canadienne doivent recevoir une interprétation large et libérale, il n'y a aucune raison valable d'exclure l'expression commerciale de la protection de l'al. 2b) de la Charte. Notons que les tribunaux d'instance inférieure ont eu recours au même genre d'interprétation large et généreuse pour faire bénéficier l'expression commerciale de la protection accordée à la liberté d'expression par l'art. 3 de la Charte québécoise. Au‑delà de sa valeur intrinsèque en tant que mode d'expression, l'expression commerciale qui, répétons‑le, protège autant celui qui s'exprime que celui qui l'écoute, joue un rôle considérable en permettant aux individus de faire des choix économiques éclairés, ce qui représente un aspect important de l'épanouissement individuel et de l'autonomie personnelle. La Cour rejette donc l'opinion selon laquelle l'expression commerciale ne sert aucune valeur
individuelle ou sociale dans une société libre et démocratique et, pour cette raison, ne mérite aucune protection constitutionnelle.
[Soulignement ajouté]
[14] Toutefois, l’argument doit être replacé dans son contexte.
[15] Dans cette affaire, la question soulevée par le pourvoi était de savoir si l’exigence énoncée à la Charte de la langue française du Québec (« Charte de la langue française »)[12] à l’effet que l’affichage public, la publicité commerciale de même que les raisons sociales soient uniquement en français porte atteinte à la liberté d’expression garantie par les articles 2b) de la Charte canadienne et 3 de la Charte québécoise et viole la garantie contre la discrimination fondée sur la langue énoncée à l’article 10 de la Charte canadienne.
[16] Les propos de la Cour suprême sur lesquels le demandeur s’appuie n’ont donc pas la portée qu’il tente de leur donner; ils s’inscrivent dans un contexte constitutionnel différent où la Cour devait s’interroger si la liberté d’expression s’étendait à « l’expression commerciale ».
[17] Il demeure que bien que la langue soit protégée à titre de mode d’expression, dans un cadre judiciaire, cela ne va pas jusqu’à permettre de protéger constitutionnellement le droit des justiciables de comprendre, dans leur langue, leurs interlocuteurs, au-delà de ce que prévoit la Constitution.
[18] Ensuite, le demandeur plaide que la Cour suprême dans Dunmore v. Ontario (Procureur général)[13] a finalement reconnu que, la liberté d’expression consacrée par les Chartes canadienne et québécoise impose une obligation positive à l’État.
[19] Ce deuxième argument du demandeur est mal fondé.
[20] En effet, la jurisprudence et la doctrine considèrent toujours que la liberté d’expression est un droit négatif, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un droit qui « n’implique en principe aucune obligation positive de la part de l’État afin d’en favoriser l’exercice »[14].
[21] Ce principe déjà posé dans plusieurs décisions rendues avant l’affaire R.L. c. Québec (Procureur général)[15] a été réitéré dans une série d’arrêts subséquents[16].
[22] Le terme « liberté » consiste en une « absence de coercition et de contrainte »[17] et les libertés fondamentales garanties par les chartes canadienne et québécoise n’imposent à l’État qu’une obligation de non-ingérence[18].
[23] Toutefois, tel que l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Baier c. Alberta, l’État pourrait, dans des circonstances exceptionnelles, devoir agir de manière proactive si les conditions suivantes sont remplies :
Dans les cas où le gouvernement qui défend une mesure contestée sur le fondement de la Charte plaide — ou que l’auteur de la demande fondée sur la Charte concède — que les droits positifs revendiqués sont demandés en vertu de l’al. 2b), le tribunal doit procéder comme suit. Dans un premier temps, il doit se demander si l’activité pour laquelle le demandeur réclame la protection de l’al.2b) est une forme d’expression. Dans l’affirmative, le tribunal doit, dans un deuxième temps, décider si le demandeur revendique un droit positif à une mesure gouvernementale ou simplement le droitd’être protégé contre l’ingérence du gouvernement. Enfin, troisièmement, s’il s’agit d’une demande d’intervention positive, les trois conditions énoncées dans Dunmore doivent être prises en considération : (1) la demande doit reposer sur des libertés fondamentales garanties par la Charte plutôt que sur l’accès à un régime légal précis; (2) le demandeur doit démontrer que l’exclusion du régime légal constitue une entrave substantielle à l’exercice de l’activité protégée par l’al. 2b) ou que l’objet de l’exclusion était de faire obstacle à une telle activité; (3) l’État doit pouvoir être tenu responsable de toute incapacité d’exercer une liberté fondamentale. Si le demandeur ne peut satisfaire à ces critères, la demande fondée sur l’al. 2b) sera rejetée. Si les trois conditions sont remplies, l’al. 2b) a été violé et le tribunal procédera alors à l’analyse fondée sur l’article premier. »[19].
[24] Ainsi, dans l’arrêt Dunmore, alors qu’il était question de la liberté d’association, la Cour a conclu, dans ce cas particulier, à l’existence d’une telle exception à la règle générale selon laquelle l’art. 2 de la Charte canadienne ne requiert pas de mesure gouvernementale positive. Elle a jugé dans ce cas d’exception que des mesures législatives en droit du travail qui excluaient les travailleurs agricoles de l’application d’un régime de protection contrevenaient à l’al. 2d) de la Charte canadienne.
[25] En l’espèce, aucune circonstance exceptionnelle ne justifie que l’État s’active à assurer la protection du bilinguisme judiciaire de la manière dont le propose le demandeur.
[26] En fait, ce que le demandeur revendique n’est pas une « liberté » mais « un droit » d’imposer la langue officielle de son choix lors du déroulement d’une audience.
[27] La liberté d’expression n’inclut pas le droit d’obliger un représentant de l’État à s’exprimer dans la langue officielle de son choix dans le cadre d’un litige civil.
[28] Enfin, le demandeur, s’appuyant sur les motifs dissidents du juge Bastarache dans l’arrêt Charlebois c. Saint-John (Ville)[20], invite le Tribunal à évaluer les droits linguistiques protégés par l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867[21] (« Loi constitutionnelle ») à la lumière de l’article 16(3) de la Charte canadienne et à les élargir.
[29] Ces dispositions prévoient ce qui suit :
Loi constitutionnelle :
133. Dans les chambres du parlement du Canada et les chambres de la législature de Québec, l’usage de la langue française ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux respectifs de ces chambres, l’usage de ces deux langues sera obligatoire; et dans toute plaidoirie ou pièce de procédure par-devant les tribunaux ou émanant des tribunaux du Canada qui seront établis sous l’autorité de la présente loi, et par-devant tous les tribunaux ou émanant des tribunaux de Québec, il pourra être fait également usage, à faculté, de l’une ou de l’autre de ces langues.
Les lois du parlement du Canada et de la législature de Québec devront être imprimées et publiées dans ces deux langues.
16. […]
(3) La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais.
[30] Le demandeur réfère notamment à l’extrait suivant de l’arrêt Charlebois[22] :
Dans l'arrêt Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. c. Association of Parents for Fairness in Education, [1986] I R.C.S. 549, (…) (l)a juge Wilson a également examiné une autre incohérence manifeste entre l’art. 27 de la Charte (la disposition d’interprétation favorisant le multiculturalisme) et le par 16(3) de la Charte (la disposition d'interprétation favorisant la progression des langues
officielles du Canada). Là encore, la solution consistait non pas à neutraliser le principe de développement énoncé au par. 16(3), mais à interpréter les deux dispositions en fonction du statut particulier des langues officielles. La méthode d'interprétation de la juge Wilson doit être opposée à celle adoptée par le juge Beetz, qui estimait que les droits linguistiques avaient une justification politique et devaient recevoir une interprétation restrictive. Cette dernière méthode a formellement été rejetée dans l'arrêt Beaulac ou la Cour a insisté sur l'importance de l'art. 16 de la Charte dans l’interprétation des lois conférant des droits linguistiques :
Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada ; voir Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), précité à la p. 850. Dans la mesure où l’arrêt Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick, précité, aux pp. 579 et 580, préconise une interprétation restrictive des droits linguistiques, il doit être écarté. La crainte qu’une interprétation libérale des droits linguistiques fera que les provinces seront moins disposées à prendre part à l’expansion géographique de ces droits est incompatible avec la nécessité d’interpréter les droits linguistiques comme un outil essentiel au maintien et à la protection des collectivités de langue officielle là où ils s’apliquent … [Souligné dans l’original ; par. 25].
À l’instar de la juge Wilson, la Cour d’appel de l’Ontario a fait remarquer que le par. 16[3] de la Charte constitue un facteur important pour déterminer les règles d’interprétation applicables aux droits quasi constitutionnels (voir Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé), 56 O.R. (3d) 577, par. 129-130.
[31] Encore une fois, le contexte de cette affaire se distingue.
[32] Contrairement à ce qui prévaut au Québec, l’article 22 de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick[23], dont il est question à l’arrêt Charlebois, exige que « dans une affaire civile dont est saisi un tribunal et à laquelle est partie Sa Majesté du chef du Nouveau-Brunswick ou une institution, Sa Majesté ou l’institution utilise, pour les plaidoiries orales et écrites et pour les actes de procédure qui en découlent, la langue officielle choisie par la partie civile ».
[33] Dans cette affaire opposant un justiciable à la Ville de Saint-John, le litige portait sur la question de savoir si le mot « institution », utilisé à cet article et défini à l’article 1 de cette Loi, englobe les municipalités, question à laquelle la majorité de la Cour a répondu par la négative.
[34] L’article 16(3) de la Charte canadienne peut servir de fondement interprétatif aux différentes lois qui concrétisent la protection offerte par la Constitution en matière de droits linguistiques. Cependant, en l’absence d’une protection législative spécifique, on ne peut par inférence, interpréter l’interaction entre les articles 133 de la Loi constitutionnelle et l’article 16(3) de la Charte canadienne de manière à forcer l’État à
adopter des mesures qui surpassent la protection requise par la constitution pour faire avancer l’égalité linguistique.
L’égalité et la protection contre la discrimination
[35] Le demandeur plaide qu’en refusant d’accéder à sa demande et en mandatant au dossier un procureur s’exprimant uniquement en français, la Procureure générale contrevient à ses droits à l’égalité en vertu de l’article 15(1) de la Charte canadienne.
[36] Ainsi, il est l’objet d’une forme de discrimination fondée sur le motif de la langue.
[37] Cette disposition énonce ce qui suit :
15.(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.
[38] À ce sujet, la juge Lemelin concluait que le demandeur n’avait pas démontré qu’elle trouvait application.
[39] Dans l’arrêt Gosselin (Tuteur de) c. Québec (Procureur général)[24] auquel réfère le demandeur, la Cour suprême n’a pas exclu la possibilité que la langue puisse être un motif analogue aux motifs de discrimination énoncés à l’article 15(1) de la Charte canadienne.
[40] Bien qu’il soit possible, comme le prétend le demandeur, que la Charte canadienne le protège contre la discrimination fondée sur la langue, encore faut-il, comme le rappelle la Cour suprême dans l’arrêt Withler c. Canada[25] qu’il puisse prouver d’une part, avoir fait l’objet d’une distinction fondée sur ce motif, et d’autre part, que cette distinction lui crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes.
[41] En effet, la Cour, entre autres, soulignant ce qui suit :
[T]oute distinction n’est pas en soi contraire au par. 15(1) de la Charte. L’égalité n’est pas une question de similitude, et le par. 15(1) ne garantit pas le droit à un traitement identique. Il garantit plutôt à chacun le droit d’être protégé contre toute discrimination. Par conséquent, pour établir une violation du par. 15(1), une personne « doit démontrer non seulement qu’[elle] ne bénéficie pas d’un traitement égal devant la loi et dans la loi, ou encore que la loi a un effet particulier sur [elle] en ce qui concerne la protection ou le bénéfice qu’elle offre, mais encore que la loi a un effet discriminatoire sur le plan législatif » (Andrews, p. 182; Bande et nation indiennes d’Ermineskin, par. 188; Kapp, par. 28).
(Soulignement ajouté)
[42] La démarche enseignée dans l’arrêt Withler[26] ne remet aucunement en cause le raisonnement de la juge Lemelin.
[43] Même si l’on devait admettre que le demandeur a fait l’objet d’une distinction fondée sur un motif analogue à ceux énumérés à l’article 15(1) de la Charte canadienne, celui-ci n’a pas démontré que cette distinction crée un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes.
[44] D’ailleurs, en 2017, la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt 156158 Canada inc. c. Attorney General of Quebec[27], réitérait que l’article 58 de la Charte de la langue française, qui pose le principe de la prédominance du français dans l’affichage public et la publicité commerciale, ne portait pas, dans les circonstances, atteinte au droit des appelants à l’égalité en vertu de l’article 15(1) de la Charte canadienne, ceux-ci n’ayant pas démontré que cette exigence leur causait un désavantage et n’ayant pas notamment fourni de preuve d’un fardeau économique supplémentaire qui résulterait de cette exigence[28].
[45] L’article 15 de la Charte canadienne n’a pas pour effet d’ajouter aux droits linguistiques reconnus par l’article 133 de la Loi constitutionnelle car « les droits à l’égalité appartiennent à une catégorie autre que les droits linguistiques[29].
La contravention aux articles 10 et 12 de la Charte québécoise
[46] Le demandeur soutient que la Procureure générale contrevient aux articles 10 et 12 de la Charte québécoise :
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit
12. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.
[Soulignements ajoutés]
[47] S’appuyant sur l’article 10 qui prohibe la discrimination en raison du motif de la langue et assimilant l’instruction d’une affaire à un acte juridique, il fait valoir que la décision de la Procureure générale a pour effet de créer une distinction fondée sur le motif de la langue et que cette distinction a pour effet de compromettre ou d’annihiler son droit de ne pas être discriminé au sens de l’article 12.
[48] La tenue d’une audience ou l’accès aux tribunaux ne peuvent être assimilés à « un acte juridique ayant pour objet un service ordinairement offert au public » tel que l’entend la jurisprudence.
[49] À titre d’exemple, les Tribunaux ont considéré qu’une coopérative d’habitation, qui loue des logements à ses membres, offre des services au public au sens de l’article 12 de la Charte québécoise[30]; à ce titre se qualifient aussi les « services financiers, d’hôtellerie et de loisirs et de commerce de détail »[31] et « les services rendus dans les milieux scolaires et d’enseignement et en matière de santé »[32].
[50] De plus, pour être discriminatoire au sens de l’article 10, une distinction, exclusion ou préférence doit avoir pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l'exercice d'un droit ou d'une liberté de la personne.
[51] Tel que le souligne la Cour d’appel dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Lambert[33], afin de déterminer s’il y a eu compromission du droit à la pleine égalité, il faut d’abord déterminer « si la personne a subi un dommage quelconque comme conséquence de l'atteinte à son droit à l'égalité » et, ensuite, il convient de déterminer s’il y a eu atteinte à la dignité humaine[34].
[52] En l’espèce, le demandeur n’a pas montré que sa situation satisfaisait à ces exigences. Aucun élément de la preuve présentée ne nous permet de conclure qu’il a subi un préjudice résultant de la compromission de son droit à l’égalité et une atteinte à sa dignité.
La protection contre les traitements cruels ou inusités
[53] Selon le demandeur, le litige étant déjà engagé entre lui et la Procureure générale en langue anglaise, le refus de cette dernière de s’assurer que son procureur plaide la cause en langue anglaise, constitue un traitement cruel et inusité au sens de l’article 12 de la Charte canadienne.
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
[54] Il s’appuie sur l’arrêt Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général)[35] pour soutenir que cette protection s’applique hors d’un contexte pénal.
[55] Dans cet arrêt, le juge Sopinka, soulignait que « le " traitement " au sens de cette disposition peut inclure ce qui est imposé par l'État dans un contexte de nature autre que pénale ou quasi pénale » précisant cependant que le terme « traitement » impliquait un certain « contrôle administratif particulier de l’État » et ne pouvait correspondre à une simple prohibition imposée par l’État à l’égard d’une certaine action.
[56] Plus précisément, il écrit :
There must be some more active state process in operation involving an exercise of state control over the individual, in order for the state action in question wheter it be positive action, inaction or prohibition, to constitute treatment under s.12.[36]
[57] Il a d’ailleurs déjà été décidé que des décrets adoptés par l’État ayant pour effet de diminuer fortement le degré de couverture de soins de santé dont peuvent bénéficier des demandeurs d’asile, ont pour effet de leur faire subir un « traitement » au sens de l’article 12[37].
[58] En l’espèce, aucun contrôle n’est exercé sur le demandeur.
[59] L’avocat de la Procureure générale ne fait que se prévaloir de son droit, prévu à l’article 133 de la Loi constitutionnelle, de plaider dans la langue officielle de son choix.
[60] Ensuite, même si l’on devait conclure que le refus de la Procureure générale peut correspondre à un « traitement » au sens de l’article 12 de la Charte canadienne, encore faut-il que ce traitement puisse être considéré comme « cruel et inusité ».
[61] Au vu de la jurisprudence, telle que revu par l’auteur Peter W. Hogg[38], il n’apparaît pas qu’il puisse être qualifié comme tel.
[62] À titre d’exemple, ce dernier souligne : « the automatic suspension of a driver’s licence is a civil sanction that is neither treatment or punishment, a prohibation on the possession of fire arms by convicted drug offenders is punishment… the deportation of a non-citizen who has committed a serious crime has been held not to be punishment although the court acknowledged that it might be a treatment ».
[63] Aussi, « the Supreme Court of Canada has now approved the proposition that the words « cruel » and « unusual » are interacting expressions (…) and the phrase includes two classes of treatment and punishment : (1) those that are barbaric in themselves, and (2) those thate are grossly disproportionate to the offence ».
[64] L’article 133 de la Loi constitutionnelle a été interprété de manière à offrir à chaque personne la possibilité de s’exprimer dans la langue officielle de son choix devant les tribunaux sans pour autant inclure le droit d’imposer sa langue à une autre partie[39].
[65] Les arguments soulevés par le demandeur au sujet de son droit à la liberté d’expression, son droit de ne pas faire l’objet de discrimination en raison de sa langue et son droit à la protection contre les peines cruelles et inusitées ne sont pas fondés.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] REJETTE la demande;
[67] AVEC les frais de justice.
R c Arsenault, 2020 ONCA 118
A. SURVOL
[1] À la suite d’un procès devant juge et jury, l’appelant a été reconnu coupable des infractions de production de la marijuana et de possession de la marijuana en vue d’en faire le trafic, contrairement aux paras. 7(1) et 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19. L’appelant a reçu une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour. L’appelant interjette appel de sa condamnation et de sa peine.
[2] L’appelant soulève deux moyens d’appel en lien avec l’appel de sa condamnation :
1) Le juge de procès a manqué à son obligation d’assister l’appelant alors qu’il se représentait lui-même et a omis de se prononcer sur la requête constitutionnelle de l’appelant contestant le mandat de perquisition pour sa résidence située au 14 rue Spence; et
2) Le juge de procès a violé les droits linguistiques de l’appelant en l’obligeant de procéder au procès alors qu’il n’avait pas réussi à trouver un avocat pouvant le représenter en français.
[3] En ce qui concerne l’appel de sa peine, l’appelant allègue que le juge de procès a erré en pénalisant l’appelant pour avoir exercé son droit à un procès dans la langue de son choix.
[4] La Couronne concède que le juge de procès a fait erreur en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur la requête de l’appelant contestant le mandat de perquisition pour le 14 rue Spence et, dans le traitement de cette question, a manqué à son obligation d’assister l’appelant. La requête contestant le mandat de perquisition avait été ajournée quelque temps avant que le juge de procès soit saisi du dossier. L’appelant a tenté de soulever la question et le juge de procès a conclu par erreur que la requête avait été abandonnée et qu’il était trop tard pour tenter de la raviver. Il en découle une erreur judiciaire suffisamment grave pour justifier la tenue d’un nouveau procès. Lors du nouveau procès, la Couronne s’engage à demander un arrêt des procédures en vertu du para. 579(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46.
[5] La Couronne et l’appelant sont d’accord qu’il n’est plus nécessaire pour cette cour de traiter l’appel de la peine.
B. LE CARACTÈRE THÉORIQUE DE L’APPEL
[6] La Couronne maintient qu’en raison de sa concession et de son engagement de demander un arrêt des procédures, le deuxième moyen d’appel est devenu théorique et que cette cour ne devrait donc pas le traiter.
[7] Pour sa part, l’appelant affirme que l’appel n’est pas théorique, car « la poursuite n’est pas encore éteinte. » Selon l’appelant, « une ordonnance de nouveau procès et l’engagement de la Couronne de demander un arrêt des procédures au moment de ce nouveau procès n’est pas l’équivalent d’un arrêt des procédures judiciaire ». De plus, l’appelant plaide que, même si la question était devenue théorique suite à la concession de la Couronne, la cour devrait exercer sa discrétion en faveur de l’audition de l’appel sur la question de la violation des droits linguistiques. Cette question étant d’importance à la communauté francophone en situation minoritaire.
[8] La cour a choisi d’entendre l’appel sur la question des droits linguistiques, que l’appel soit théorique ou non. En premier lieu, l’appelant demandait un arrêt des procédures ordonné par la cour plutôt qu’un arrêt des procédures en vertu du para. 579(1) du Code criminel. De plus, l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (« AJEFO ») s’est fait accorder la permission d’intervenir sur la question des droits linguistiques sur consentement de la Couronne. Ces interventions, ainsi que celles des parties, font en sorte que la cour bénéficie d’observations contradictoires, la question linguistique, si établie, pourrait potentiellement outrepasser les limites du présent litige et il n’y a pas de risque d’empiétement sur le rôle du législateur : voir Borowski c. Canada (Procureur général), 1989 CanLII 123 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 342, aux pp. 358-63; Ontario (Provincial Police) v. Mosher, 2015 ONCA 722, 330 C.C.C. (3e) 149, aux paras. 32-36.
C. LA NOUVELLE PREUVE
[9] L’appelant demande de faire admettre de la nouvelle preuve pour tenter de démontrer qu’il avait déployé des efforts raisonnables pour embaucher un avocat d’expression française et que le refus de lui accorder un ajournement a violé ses droits linguistiques.
[10] Comme la nouvelle preuve porte sur l’équité du procès, je l’admettrais conformément aux affaires R. v. W. (W.) (1995), 1995 CanLII 3505 (ON CA), 100 C.C.C. (3e) 225 (C.A. Ont.) et R. v. Joanisse (1995), 1995 CanLII 3507 (ON CA), 102 C.C.C. (3e) 35 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi refusée, [1996] S.C.C.A. No. 347. Voir aussi R. v. Wood (2005), 2005 CanLII 13779 (ON CA), 196 C.C.C. (3e) 155 (C.A. Ont.), au para. 7. Toutefois, tel que j’expliquerai plus loin, je n’accorderais aucun poids à la nouvelle preuve présentée par l’appelant, car elle n’est pas digne de foi.
D. L’HISTORIQUE DU DOSSIER
[11] Pour bien comprendre la décision du juge de procès de rejeter la demande d’ajournement de l’appelant, il est important de placer ce rejet dans son contexte. L’historique qui suit donne un aperçu de ce contexte.
[12] Le 1 juin 2011, l’appelant est mis en accusation. L’appelant comparaît 41 fois devant la Cour de justice de l’Ontario entre son audience sur le cautionnement et son renvoi à procès. Ces 41 comparutions se déroulent en anglais, y compris de nombreuses instances où l’appelant se représente lui-même.
[13] L’appelant choisit ensuite de subir son procès en Cour supérieure de justice avec jury, en anglais. Jusqu’à ce point, l’appelant n’avait pas accès à l’aide juridique et a été représenté, successivement, par trois avocats anglophones différents.
[14] Le renvoi à procès suivant son enquête préliminaire a lieu le 5 décembre 2013.
[15] Le 24 février 2014, l’appelant comparaît en Cour supérieure. À ce point, il n’a pas d’avocat. Suite à des ajournements accordés le 24 février, le 28 avril et le 26 mai 2014, l’appelant comparaît de nouveau en Cour supérieure le 23 juin 2014. Le 23 juin 2014, Me Scullion devient l’avocate commise au dossier de l’appelant. Les procédures continuent de se dérouler en anglais, y compris plusieurs ajournements et une conférence préparatoire au procès.
[16] Le 15 décembre 2014, Me Scullion informe la cour que l’appelant désire changer le mode de procès à un procès devant juge seul. À la suite de quelques autres comparutions, une date pour les requêtes préliminaires est fixée.
[17] Le 17 août 2015, les requêtes préliminaires débutent. Il est décidé de procéder en étapes. En premier lieu, la cour devrait trancher la question préliminaire à savoir si l’appelant a la qualité d’agir pour le mandat général pour le 3696 rue Dawson, la résidence de son frère. Ce n’est qu’après que cette décision soit rendue que la requête concernant le mandat pour la résidence de l’appelant, le 14 rue Spence, devait être entendue. Je rappelle que c’est cet aspect de la requête qui n’a jamais été entendu ni décidé et qui a mené à la concession de la Couronne.
[18] Le 10 septembre 2015, la cour rend ses motifs et détermine que l’appelant n’a pas la qualité d’agir pour contester le mandat général pour la résidence située au 3696 rue Dawson.
[19] Le 26 octobre 2015, Me Scullion et l’appelant se présentent en cour. Me Scullion est retirée du dossier.
[20] C’est le 26 octobre 2015 que l’appelant, pour la première fois, et cela, quelque quatre ans après le début des procédures, exprime qu’il désire avoir un procès en français et embaucher un avocat d’expression française. Au cours du déroulement des procédures ce jour-là, l’appelant avise la cour, faussement[1], qu’il ne comprend l’anglais qu’un petit peu et qu’il n’est pas vraiment capable de comprendre ce que le juge est en train de lui dire. La cause est donc ajournée.
[21] Lors d’une comparution le 9 novembre 2015, l’appelant indique avoir parlé avec une avocate francophone qui devait considérer si elle pouvait le représenter. L’appelant informe la cour qu’il attend la réponse à sa demande d’aide juridique.
[22] Le 14 décembre 2015, l’appelant comparaît de nouveau. Il attend encore la réponse de l’aide juridique et avise la cour que, si l’aide juridique lui était refusée, il a l’intention d’embaucher un avocat lui-même. Il n’y a plus mention de l’avocate dont il a fait référence le 9 novembre 2015.
[23] Le 25 janvier 2016, Me Kiesman comparaît et avise la cour qu’il représente l’appelant. Il demande que la cause soit ajournée au 22 février 2016 afin de lui permettre le temps de revoir la divulgation.
[24] Le 22 février 2016, la cause est de nouveau ajournée pour fixer une date pour une conférence préparatoire. Le 21 mars 2016, Me Kiesman est retiré du dossier et l’appelant renouvelle sa demande pour un procès en français avec un avocat d’expression française. Selon l’appelant, Me Kiesman n’était pas à l’aise de rédiger en français et n’était donc pas en mesure de le représenter dans un procès en français. Me Kiesman voulait que le procès soit bilingue. La cause est ajournée au 25 avril 2016.
[25] Suite à trois autres demandes d’ajournement effectuées par l’appelant pour lui permettre d’engager un avocat pour son procès en français, l’appelant comparaît le 4 août 2016. Ce jour-là, sa requête pour un procès en français est accordée et la date du procès est fixée pour le 28 novembre 2016.
[26] Le 23 novembre 2016, l’appelant présente une requête Rowbotham et demande de changer, encore une fois, son choix du mode de procès à un procès devant juge et jury. Il maintient qu’il n’avait jamais demandé à son avocate de changer le mode de procès à un procès devant juge seul.
[27] Le juge de procès offre d’entendre la requête Rowbotham à une date ultérieure afin de permettre à l’appelant de rassembler plus de documentation pour appuyer sa requête. L’appelant refuse cette offre. La requête Rowbotham est donc rejetée, entre autres, parce que l’appelant n’avait toujours pas fait appel du refus de l’aide juridique. Avec le consentement de la Couronne, le mode de procès est changé à un procès devant juge et jury et la date du 28 novembre 2016 pour le procès est annulée. L’appelant renonce à ses droits en vertu de l’al. 11(b) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[28] Le 28 novembre 2016, l’appelant comparaît et avise la cour qu’il a l’intention de présenter une requête pour obtenir une copie des transcriptions et qu’il met de l’argent de côté pour embaucher un avocat. La cause est de nouveau ajournée.
[29] Le 19 décembre 2016, l’appelant comparaît. Les dates du 8 et 9 mai 2017 sont fixées pour les requêtes préliminaires et la date du 19 juin 2017 est fixée pour le procès qui a une durée estimée de cinq jours. L’appelant avise également de son intention de présenter une requête du type Fisher ainsi qu’une requête Stinchcombe. Ces requêtes n’ont jamais été présentées.
[30] Le 23 mars 2017, l’appelant se voit accorder l’aide juridique.
[31] Le 8 mai 2017, l’appelant comparaît pour l’audition des requêtes préliminaires. Il demande un ajournement pour tenter de trouver un avocat d’expression française. La Couronne a été avisée de sa demande d’ajournement le matin même. L’appelant se plaint qu’il n’a pas reçu toute la divulgation et qu’aucun avocat qu’il a contacté n’était disposé à le représenter. Il informe la cour que, la semaine précédente, il a contacté un avocat dénommé Jean Jacques Primeau. Celui-ci lui a indiqué qu’il devait s’informer auprès de l’aide juridique pour savoir si ses frais de déplacement seraient remboursés. En réponse aux questions du juge de procès, l’appelant indique qu’il n’avait pas demandé à Me Primeau s’il était disponible pour un procès débutant le 19 juin 2017.
[32] Avant de rejeter la demande d’ajournement de l’appelant, le juge de procès se renseigne sur les démarches entreprises par l’appelant pour tenter de trouver un avocat d’expression française. Il accorde également une pause pour permettre aux parties de s’informer auprès de l’avocat d’aide juridique et du programme d’assistance pour les Autochtones pour voir si un avocat serait disponible pour représenter l’appelant cette journée-là.
[33] Au final, le juge de procès rejette la demande d’ajournement de l’appelant en ces termes :
La COUR : … Il est trop tard demand[er] un ajournement. Vous avez attendu trop longtemps pour obtenir les services d’un avocat qui pourrait vous servir de, représenter aujourd’hui. Le tribunal est même sans savoir si Monsieur Primeau serait disponible le 19 juin tel que prévu. Donc dans les circonstances je rejette votre demande d’ajournement, des requêtes qui doivent être entendues aujourd’hui. Également je rejette votre demande d’ajourn[ement] que [sic] afin que vous puissiez procéder avec une requête dans le genre Stinchcombe, de divulgation. Donc on procède.
[34] Au cours d’un échange entre l’appelant et le juge de procès le 8 mai 2017, l’appelant exprime ce qui suit : « [J]’espère que mon autre avocat, quand il va lire les notes de Karen Scullion ce soir tu vas voir exactement de quoi je veux dire ». L’identité de cet « autre avocat » n’est pas connue. Par contre, l’appelant indique à la cour que, ce jour même, il a contacté un avocat dénommé Me Fabris.
[35] Le 19 juin 2017, le procès débute. L’appelant comparaît en cour de nouveau sans avocat. Il se plaint de ne pas avoir réussi à trouver un avocat capable de le représenter en français lors du procès et que personne ne l’aurait avisé qu’il pouvait se prévaloir des services d’un avocat anglophone pour un procès en français. Par contre, la transcription démontre que le juge de procès avait bel et bien avisé l’appelant le 23 novembre 2016 qu’il pouvait, s’il le désirait, embaucher un avocat anglophone, et ce, même pour un procès en français. L’appelant indique qu’il n’est pas prêt à subir son procès, mais selon la transcription, ne semble pas avoir fait une demande d’ajournement officielle. Par contre, il appert de l’acte d’accusation que le juge de procès aurait traité les propos de l’appelant comme une demande d’ajournement et l’a rejetée. Le juge de procès exige donc que l’appelant procède au procès sans avocat.
[36] À la conclusion du procès, l’appelant est reconnu coupable des deux chefs d’accusation.
[37] Le 22 novembre 2017, l’appelant est condamné à une période d’emprisonnement de deux ans moins un jour. Lors du prononcé de la peine, le juge de procès fait référence au fait que l’appelant a abusé du système en demandant continuellement des ajournements pour toutes sortes de raisons différentes, y compris le changement de la langue du procès.
E. ANALYSE
(1) Le juge de procès n’a pas violé les droits linguistiques de l’accusé
[38] Ayant été accordé le droit de subir son procès en français, l’appelant bénéficiait des droits linguistiques qui lui sont conférés par l’art. 530 du Code criminel. Selon l’appelant, les droits conférés par l’art. 530 comprennent le droit de requérir les services d’un avocat dans la langue officielle de son choix. En l’espèce, cela implique que l’appelant avait droit à un avocat capable de plaider et écrire en français. Selon l’appelant, le droit d’être représenté par un avocat pouvant le représenter dans la langue du procès découle également de l’al. 10(b) de la Charte.
[39] L’appelant maintient que l’État a une obligation positive de mettre en application les droits linguistiques d’un accusé et que l’art. 530 du Code criminel oblige les tribunaux à veiller à ce que les droits linguistiques d’un accusé soient respectés. Selon lui, le juge de procès a violé ses droits linguistiques en exigeant qu’il procède au procès sans avocat alors qu’il a exprimé ne pas avoir été capable de trouver un avocat d’expression française.
[40] L’appelant plaide qu’il a toujours voulu être représenté par un avocat d’expression française, mais qu’il a été incapable d’en trouver un, et cela, malgré des efforts continus. Selon son dire, il n’a pas choisi de se représenter seul et ne cherchait pas à retarder les procédures.
[41] L’appelant maintient qu’il a fait preuve de diligence dans sa recherche d’avocat en contactant tous les avocats qui figuraient sur diverses listes fournies par l’aide juridique. Dans sa nouvelle preuve, il dit avoir même contacté des avocats à Montréal.
[42] L’appelant demande en réparation un arrêt des procédures ordonné par la cour. Selon l’appelant, un tel arrêt des procédures est justifié étant donné la violation de ses droits linguistiques et de ses droits conférés par les arts. 7, 10(b) et 11(d) de la Charte.
[43] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le refus du juge de procès d’accorder l’ajournement demandé par l’appelant était raisonnable dans les circonstances et n’a pas privé l’appelant d’un procès équitable. Le refus du juge de procès ne constituait ni une violation des droits linguistiques de l’appelant ni une violation de ses droits conférés par la Charte.
(2) Le juge de procès a bien exercé sa discrétion en rejetant la demande d’ajournement
[44] La décision du juge de procès de rejeter la demande d’ajournement présentée par l’appelant est plutôt une question concernant l’exercice de la discrétion du juge de procès et non une question de violation des droits linguistiques.
[45] En l’espèce, la preuve étaye que l’appelant n’était pas diligent dans sa recherche d’un avocat et cherchait à retarder son procès. Le fait que le manque de diligence concerne la recherche d’un avocat d’expression française, plutôt qu’un avocat d’expression anglaise, est sans pertinence. Pour que la question soit considérée comme étant une question de droits linguistiques, il aurait fallu que la preuve démontre, tel que l’appelant le suggère, qu’il déployait des efforts raisonnables pour retenir les services d’un avocat et que, parce que l’avocat recherché devait avoir la capacité de plaider en français, le temps qu’il lui a été accordé pour en trouver un n’était pas suffisant ou qu’il n’y avait aucun avocat d’expression française disponible pour accepter le mandat. Tel que je vais expliquer, le dossier n’appuie pas la thèse de l’appelant et la question est plutôt de savoir si le juge de procès a exercé sa discrétion de manière raisonnable.
[46] La décision d’un juge de procès d’accueillir une demande d’ajournement dans le but de permettre à un accusé de trouver un avocat est une décision discrétionnaire. Dans l’exercice de sa discrétion, un juge de procès doit concilier à la fois le droit à l’avocat et son devoir de contrôler le processus judiciaire. Voir R. v. Patel, 2018 ONCA 541, au para. 3; R. v. Hazout (2005), 2005 CanLII 30050 (ON CA), 199 C.C.C. (3e) 474 (C.A. Ont.), au para. 31, pourvoi de plein droit annulé, 2006 CSC 42, [2006] 2 R.C.S. 42, et autorisations de pourvoi refusées, [2005] S.C.C.A. No. 412 et [2005] S.C.C.A. No. 501.
[47] Un juge de procès devrait faire en sorte qu’un accusé qui désire être représenté ait l’occasion raisonnable de trouver un avocat. Par contre, lorsqu’un accusé présente une demande d’ajournement pour lui permettre de trouver un avocat, un juge de procès peut la rejeter si la preuve étaye que l’accusé n’a fait aucun effort raisonnable pour trouver un avocat ou qu’il cherche à retarder son procès. Voir R. v. McGibbon (1988),1988 CanLII 149 (ON CA), 45 C.C.C. (3e) 334 (C.A. Ont.), à la p. 346; R. v. Bitternose, 2009 SKCA 54, 66 C.R. (6e) 260, au para. 28, citant R. v. Beals, 1993 CanLII 5636 (NS CA), 1993 NSCA 215, 126 N.S.R. (2e) 130; et R. c. Manhas, 1980 CanLII 172 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 591, confirmant 32 N.R. 9 (C.A. C.B.).
[48] En l’espèce, vu en contexte, le juge de procès a bien exercé sa discrétion en rejetant la demande d’ajournement de l’appelant, et ce, malgré le fait que l’appelant alléguait ne pas avoir été en mesure de trouver un avocat d’expression française.
[49] L’historique du dossier, ainsi que les divers échanges que le juge de procès a eus avec l’appelant, étayent qu’il est raisonnable de la part du juge de procès d’avoir conclu que l’appelant n’avait pas agi avec diligence pour retenir les services d’un avocat qui serait en mesure de le représenter en français au cours de son procès et que l’appelant ne cherchait qu’à retarder le déroulement de la cause. Les circonstances suivantes sont particulièrement révélatrices :
- Il s’était écoulé six ans entre la date de la mise en accusation de l’appelant et celle de son procès.
- L’appelant a été représenté par plusieurs avocats anglophones au cours des procédures, y compris un avocat provenant de Toronto.
- De nombreuses demandes d’ajournement ont été accordées, et cela, pour différentes raisons.
- L’appelant a changé son mode de procès à plusieurs reprises et blâme ses avocats pour ceci.
- L’appelant n’a pas fait appel du refus d’aide juridique dans les délais prévus. Il ne l’a fait qu’après presque un an suivant le refus.
- L’appelant a présenté sa requête Rowbotham quelques jours avant la date prévue pour son procès qui, à ce moment, était fixée pour le 28 novembre 2016. Il lui manquait de la documentation à l’appui. Toutefois, il a refusé l’offre du juge de procès de remettre pour quelques jours l’audition de la requête afin de lui permettre de présenter toute la documentation nécessaire. Il n’a pas renouvelé sa requête.
- L’appelant s’est plaint qu’un des avocats d’expression française qu’il considérait embaucher demandait trop d’argent (5000 $).
- L’appelant n’a pas été honnête avec la cour le 26 octobre 2016 lorsqu’il a indiqué qu’il comprenait mal l’anglais et ne comprenait pas ce que le juge lui disait.
- L’appelant a été averti à plusieurs reprises que, s’il n’embauchait pas un avocat, la cause irait quand même de l’avant et qu’il devra se représenter seul.
- Le 19 décembre 2016, l’appelant a indiqué son intention de présenter une requête du type Fisher, mais ne l’a jamais fait.
- L’appelant a seulement avisé la Couronne qu’il allait faire une demande d’ajournement le 8 mai 2017 à 9 h 45 le matin que les requêtes préliminaires devaient être entendues.
- L’appelant a contacté Me Primeau la semaine avant les dates prévues pour l’audition des requêtes préliminaires et ne lui a jamais demandé s’il était disponible pour son procès prévu la semaine du 19 juin 2017.
- L’appelant n’a pas été honnête avec le juge de procès lorsqu’il lui a dit que personne ne l’avait avisé qu’il pouvait engager un avocat anglophone pour un procès en français.
[50] Il est clair que le juge de procès n’a pas cru l’appelant lorsque celui-ci affirmait qu’il avait déployé maints efforts pour retenir les services d’un avocat qui pouvait écrire et plaider en français, mais que ses efforts n’ont tout simplement pas porté fruit. En effet, autre que les affirmations de l’appelant, il y avait peu de preuve concrète quant aux efforts déployés par lui pour trouver un avocat d’expression française et les motifs pour lesquels les avocats contactés n’étaient pas en mesure de le représenter.
[51] L’appelant était même au courant du fait que le juge de procès ne le croyait pas. Ceci est illustré par un échange qui a eu lieu le 21 juin 2017 entre le juge de procès et l’appelant en l’absence du jury. Lors de cet échange, lorsque le juge de procès a indiqué à l’appelant qu’il était au courant de sa position qu’il voulait un avocat, mais qu’il n’y avait pas d’avocat qui parle le français, l’appelant a répondu « il en a pas pis [sic] tu m’crée [sic] pas ».
[52] L’appelant maintient qu’il était injuste pour le juge de procès d’affirmer que si l’appelant ne pouvait pas trouver un avocat, c’était en raison du fait qu’il cherchait à exercer son droit de subir un procès en français. Je rejette cet argument. La décision du juge de procès de rejeter la demande d’ajournement de l’appelant n’a aucunement été motivée par le fait que l’appelant a choisi de subir son procès en français. Le procès s’est déroulé en français conformément aux obligations imposées par l’art. 530 du Code criminel. Le droit de l’appelant de subir un procès en français n’a jamais été contesté.
[53] De plus, l’appelant soutient que le juge de procès l’a placé devant un choix entre un procès en français ou un procès devant juge et jury. Je ne suis pas d’accord. Les interventions du juge de procès avaient pour objet d’assurer que l’appelant comprenne qu’un procès devant juge et jury est le mode de procès le plus compliqué et que la cour serait plus en mesure de l’assister lors d’un procès devant juge seul. Il ne cherchait pas à décourager l’appelant d’exercer son choix de subir un procès devant juge et jury ni de subir un procès en français.
[54] Avant de conclure sur ce point, je rappelle que le seul fait que le procès se soit déroulé sans que l’appelant soit représenté par un avocat ne donne pas automatiquement lieu à un déni de justice. Comme j’ai noté ci-haut, dans l’exercice de sa discrétion, le juge de procès devait concilier à la fois le droit de l’appelant d’être représenté par un avocat et son devoir de contrôler l’instance. Cette cour interviendra seulement si elle est d’avis que le rejet de la demande d’ajournement a privé l’appelant d’un procès équitable ou de l’apparence d’un procès équitable. Voir Patel, au para. 3; Hazout, au para. 31.
[55] Dans les circonstances décrites ci-haut, il était raisonnable pour le juge de procès de conclure que le procès devait aller de l’avant et que le rejet de la demande d’ajournement ne donnerait pas lieu à un procès inéquitable. L’appelant a eu plusieurs occasions pour trouver un avocat d’expression française, mais n’a pas déployé des efforts raisonnables pour le faire. Ainsi, si l’appelant n’a pas réussi à trouver un avocat d’expression française à temps, c’est dû à son propre manque de diligence.
[56] En l’espèce, il n’y a pas lieu d’intervenir dans la décision discrétionnaire du juge de procès de rejeter la demande d’ajournement. À l’exception du fait que le juge de procès a omis de traiter la requête constitutionnelle de l’appelant contestant le mandat de perquisition – une erreur pour laquelle la tenue d’un nouveau procès est ordonnée – l’appelant a eu un procès équitable. Le procès comme tel n’était pas de longue durée et n’a pas traité de questions particulièrement complexes. De plus, l’appelant a été en mesure de contre-interroger les témoins de la Couronne et, à l’exclusion de son traitement de la requête constitutionnelle, le juge de procès a fourni à l’appelant des conseils appropriés au cours du procès.
(3) La nouvelle preuve présentée par l’appelant n’a aucun poids
[57] Quoique je sois d’avis d’admettre la nouvelle preuve, après l’avoir étudié, je n’y accorderais aucun poids. Je constate que l’appelant manque de crédibilité et que la nouvelle preuve n’est pas digne de foi. Plusieurs des affirmations contenues dans l’affidavit de l’appelant, ainsi que les réponses que l’appelant a données en contre-interrogatoire illustrent que l’appelant n’est pas crédible et que la nouvelle preuve qu’il a présentée n’est donc pas digne de foi. Quelques exemples suffisent pour appuyer ma conclusion.
[58] Premièrement, l’avocat de la Couronne a demandé à l’appelant en contre-interrogatoire l’identité de son « autre avocat » auquel il a fait référence lors de l’audience du 8 mai 2017, le texte duquel j’ai cité plus haut. L’appelant a répondu que c’était peut-être « Dieu ». Ce n’est que plus tard qu’il s’est souvenu que cet autre avocat était Me Primeau et qu’il avait aussi embauché un « Self-Rep help » à Ottawa.
[59] Deuxièmement, dans son affidavit, l’appelant affirme que « [d]epuis le début de ce dossier, j’ai cherché un avocat en français. » En d’autres mots, il affirme qu’après plus de six ans d’effort, il n’a pas pu trouver un seul avocat d’expression française qui était prêt à le représenter. Il dit avoir contacté plus de 100 avocats. En contre-interrogatoire, il a affirmé avoir cherché non seulement en Ontario, mais aussi à Montréal. Je note que pour de longues périodes, l’appelant payait pour les services d’avocat lui-même. Il n’a donc pas toujours été limité aux avocats qui acceptent des certificats d’aide juridique.
[60] À mon avis, si l’appelant avait vraisemblablement entamé tous ces efforts, et ce, pendant six ans, il aurait été en mesure de trouver au moins un avocat capable de le représenter en français et disposé de le faire sous des conditions raisonnables.
[61] Il y a très peu de preuve concrète quant aux démarches qu’il aurait entreprises au cours de cette période de six ans pour tenter de retenir les services d’un avocat d’expression française, autre que des énoncés généraux indiquant qu’il a contacté l’aide juridique, Pro Bono Ontario et JusticeNet, qu’il a reçu des nombreuses listes et qu’il a téléphoné à plus de 100 avocats. De même, on a peu de détails sur les raisons pour lesquelles les avocats qu’il a contactés n’ont pas accepté le mandat. La preuve qu’on détient peut se résumer comme suit :
- Deux avocats d’expression française de Thunder Bay avaient un conflit d’intérêts et ne pouvaient pas le représenter.
- Un avocat d’expression française voulait 5000 $ pour le représenter. À ce moment, l’appelant payait son propre avocat et n’avait pas accès à l’aide juridique. Aucune raison, autre que le tarif demandé, n’est donnée pour expliquer pourquoi l’appelant ne l’a pas embauché.
- En contre-interrogatoire, l’appelant a présenté deux listes d’avocats d’expression française que le bureau d’aide juridique lui a données. La première liste est datée le 28 avril 2017, un peu plus d’une semaine avant les dates prévues pour l’audience sur les requêtes préliminaires. Le nom de Me Primeau figure sur cette liste. La deuxième liste est datée le 23 mai 2017, plus de deux semaines après l’audition des requêtes préliminaires et moins d’un mois avant le début du procès. Dans son affidavit, l’appelant affirme que certains avocats sur les listes n’étaient pas capables de faire un procès en français et que d’autres n’étaient pas prêts à se déplacer à Thunder Bay sans que l’aide juridique paie leurs frais de déplacement. Il affirme aussi que certains avocats ne l’avaient pas rappelé.
- Quoique l’appelant ne soit pas certain de la date précise de son premier contact avec Me Primeau, il a affirmé lors du contre-interrogatoire qu’il lui avait parlé le 6 mai 2017, soit deux jours avant le début de l’audience sur les requêtes préliminaires. Dans son affidavit, l’appelant affirme que Me Primeau voulait qu’il plaide coupable. Lors du contre-interrogatoire, l’appelant a exprimé que Me Primeau lui aurait aussi dit qu’il ne le représenterait pas, car ce n’était pas son domaine. Par contre, l’appelant n’a pas fourni ces renseignements au juge de procès. Il a seulement indiqué au juge de procès qu’il n’avait pas avisé Me Primeau de la date du procès et que Me Primeau allait contacter l’aide juridique pour savoir si ses frais de déplacement seraient défrayés.
- Le 8 mai 2017, l’appelant a fait mention d’un autre avocat dénommé Me Fabris, mais n’a pas donné plus de détails.
[62] Troisièmement, en annexe à son affidavit, l’appelant inclut un avis juridique obtenu en février 2016. Il explique qu’il a obtenu l’avis pour démontrer qu’il avait de bonnes chances de faire exclure la preuve saisie de sa résidence, preuve essentielle pour la poursuite. En contre-interrogatoire, l’appelant a dit qu’il avait demandé à Me Campbell de préparer l’avis juridique, car celui-ci avait écrit un livre sur les mandats de perquisition. Cet avis soulève plusieurs questions quant à son affirmation qu’il cherchait un avocat d’expression française. L’avis est en anglais et a été préparé par le cabinet d’avocats, Aubry, Campbell, MacLean. Lors du contre-interrogatoire, l’appelant a admis qu’il n’avait pas demandé à Me Campbell s’il pouvait le représenter en français. L’appelant affirme dans son affidavit qu’il a payé pour l’avis lui-même, mais n’a pas indiqué le coût de celui-ci. À ce moment, il n’avait pas accès à l’aide juridique. Cette preuve ne fait qu’ajouter aux doutes quant aux efforts que l’appelant prétend avoir déployés pour retenir les services d’un avocat d’expression française.
[63] Quatrièmement, l’appelant allègue dans son affidavit qu’il y avait eu une « mauvaise communication » entre lui et Me Scullion. Toutefois, en contre-interrogatoire, l’appelant a admis que Me Scullion se représente comme étant une avocate bilingue. L’échange qui a eu lieu entre l’appelant et l’avocat de la Couronne lors du contre-interrogatoire suggère que Me Scullion parle le français.
[64] Finalement, la crédibilité de l’appelant est aussi remise en doute par le fait que, tel que j’ai noté précédemment, le 26 octobre 2015, lors d’un échange avec la cour, l’appelant a faussement déclaré qu’il ne comprenait l’anglais qu’un petit peu. Le 19 juin 2017, il a aussi faussement déclaré au juge de procès qu’il n’avait jamais été avisé qu’il pouvait se prévaloir des services d’un avocat anglophone pour un procès en français.
[65] Pour ces raisons, j’ai de sérieux doutes quant à la crédibilité de l’appelant et la fiabilité de la nouvelle preuve présentée par lui. En conséquence, je n’accorderais aucun poids à la nouvelle preuve.
(4) L’article 530 et le droit à un avocat
[66] Avant de conclure, il est utile d’émettre quelques commentaires sur les arguments de l’appelant et de l’intervenant concernant l’art. 530 du Code criminel et le droit à un avocat capable de plaider dans la langue officielle choisie du procès. Ceux-ci constituent la thèse centrale de l’appel et la raison pour laquelle l’AJEFO s’est fait accorder la permission d’intervenir.
[67] Quelle que soit la décision de cette cour sur le fond, l’appelant et l’intervenant maintiennent qu’il est opportun en l’espèce de mieux définir les obligations d’un juge d’assurer un accès égal aux tribunaux à ceux qui exercent leur droit en vertu de l’art. 530 du Code criminel.
[68] L’intervenant explique que ces obligations comprennent « une obligation positive de garantir l’accès égal à la justice de l’accusé qui se prévaut de ses droits en vertu de l’article 530 et suivants », ainsi que l’obligation d’assurer « que les limites imposées par l’Aide juridique ne compromettent pas le droit de l’accusé à un avocat capable de le représenter dans la langue officielle de son choix. »
[69] Je reconnais que l’art. 530 du Code criminel donne à l’accusé « le droit absolu à l’accès égal aux tribunaux désignés dans la langue officielle qu’il estime être la sienne » : R. c. Beaulac, 1999 CanLII 684 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 768, au para. 28. Le droit à un accès égal aux tribunaux implique qu’un accusé qui a choisi de subir son procès en français devrait pouvoir bénéficier du même droit à l’avocat de son choix dont un accusé anglophone bénéficie. Toutefois, le droit à l’avocat de son choix, que ce soit un avocat d’expression française ou anglaise, n’est pas un droit absolu: voir R. v. McCallen (1999), 1999 CanLII 3685 (ON CA), 131 C.C.C. (3e) 518 (C.A. Ont.), au para. 40. Peu importe la langue officielle choisie du procès, ce droit doit être pondéré à l’encontre de la nécessité des tribunaux de traiter des causes en temps opportun : Patel, au para. 3.
[70] Il est bien établi que l’art. 530 du Code criminel impose des obligations positives à la cour de veiller à la protection des droits linguistiques de l’accusé qui exerce son choix de subir un procès dans sa langue officielle choisie : R. c. Munkonda, 2015 ONCA 309, 324 C.C.C. (3e) 9, au para. 61; R. c. Potvin (2004), 2004 CanLII 22752 (ON CA), 186 C.C.C. (3e) 257 (C.A. Ont.), au para. 26. Il est aussi reconnu que les « juges de première instance siégeant en matière criminelle » doivent être « proactifs dans la mise en œuvre de la protection des droits linguistiques des accusés » : R. c. Parsons, 2014 QCCA 2206, J.E. 2014-2181, au para. 35. Ainsi, lorsqu’un accusé désire retenir les services d’un avocat qui est en mesure de le représenter dans la langue officielle choisie du procès, ce choix devrait être respecté et, dans la mesure du raisonnable, accommodé par la cour. La manière dont ce choix devrait être respecté et accommodé va dépendre des circonstances particulières de chaque cas.
[71] Ayant conclu que les droits linguistiques de l’appelant n’ont pas été violés en l’espèce et que la nouvelle preuve n’a aucun poids, je ne considère pas que la présente cause offre un fondement factuel approprié pour aborder la question importante de l’étendue des obligations de la cour et du droit de l’accusé d’être représenté par un avocat d’expression française en vertu de l’art. 530 du Code criminel.
[72] En ce qui concerne la prétention de l’intervenant que le certificat d’aide juridique de l’appelant ne lui « permettait pas de défrayer les débours d’un avocat venant d’ailleurs dans la province », rien au dossier ne me permet de conclure que ce fut bel et bien le cas. En l’espèce, l’appelant n’a pas présenté une requête du type Fisher au cours de laquelle cet enjeu aurait pu être adressé et sa requête Rowbotham a été rejetée, notamment parce que l’appelant n’avait pas, à ce moment-là, porté le refus d’aide juridique en appel.
F. CONCLUSION
[73] Pour les motifs énoncés plus haut, j’admettrais la nouvelle preuve.
[74] En raison du fait que la Couronne concède que le juge de procès ne s’est pas prononcé sur la requête de l’appelant et a manqué à son obligation d’assister l’appelant à cet égard, j’accueillerais l’appel, j’annulerais la condamnation et j’ordonnerais la tenue d’un nouveau procès.
Rendu le : 13 février 2020
« PR »
SANB et FÉÉCUM c AIINB, 2020 NBBR 19
INTRODUCTION [1] L’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (AIINB) a déposé une motion sollicitant une ordonnance pour le rejet de l’action déposée par la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et la Fédération des étudiants et étudiantes du Centre universitaire de Moncton incorporée (FÉÉCUM). L’association soutient que la Société et la Fédération n’ont pas la qualité pour agir comme demanderesses dans cette affaire. [2] Pour les motifs qui suivent, le tribunal est d’avis que les demanderesses ne disposent pas de la qualité pour agir dans l’intérêt privé ni la qualité pour agir dans l’intérêt public. En vertu de la règle 37.10(a) des Règles de procédure du Nouveau-Brunswick, cette motion est transformée en motion pour jugement et le tribunal rejette la demande des demanderesses. CONTEXTE FACTUEL [3] L’AIINB est un organisme d’autoréglementation des membres de la profession infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick et fut créé en vertu de la Loi sur les infirmières et infirmiers, une loi d’intérêt privé adoptée par l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Cette loi donne la direction et l’administration des activités à un conseil d’administration qui a, entre autres, la responsabilité d’assurer l’accréditation des diplômé(e)s des écoles de formation infirmière afin d’obtenir une première immatriculation. [4] Le 1er janvier 2015, le conseil d’administration a confirmé la mise en vigueur de l’examen requis pour l’accréditation des diplômé(e)s qui se veut l’examen conçu par le National Council of State Board. Cet examen se nomme le National Council Licensure Examination for Registered Nurses (NCLEX-RN). [5] Depuis l’instauration de cet examen, préparé initialement aux États-Unis et ensuite adopté par les provinces canadiennes sauf le Québec, les demanderesses allèguent qu’il y aurait au Nouveau-Brunswick un nombre plus élevé d’échecs du côté des candidat(e)s francophones diplômé(e)s que du côté anglophone à cet examen. [6] La SANB et la FÉÉCUM prétendent que le tribunal devrait invalider cet examen NCLEX-RN car les étudiant(e)s francophones ne sont pas sur un même pied d’égalité avec les étudiants anglophones du fait qu’il existe un écart considérable entre les ressources pédagogiques préparatoires dans la langue anglaise par rapport aux ressources pédagogiques préparatoires en français pour l’examen d’accréditation. [7] La SANB est un organisme regroupant plus de 20 000 membres et est consacrée à la défense et la promotion des droits de la communauté francophone et acadienne du Nouveau-Brunswick. La SANB veille au respect des droits linguistiques enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. Elle a participé activement au processus d’enchâssement de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau-Brunswick dont la Charte canadienne des droits et libertés, donnant naissance à l’article 16.1 de la Charte. [8] La SANB est un interlocuteur important auprès des instances gouvernementales au nom des francophones et Acadiens et a intervenu à plusieurs reprises auprès des tribunaux à tous les niveaux jusqu’à la Cour suprême du Canada afin de contribuer et faire les représentations visant la mise en œuvre de mesures législatives et politiques. [9] La FÉÉCUM est l’organisme de regroupement de tous les étudiants et étudiantes de l’Université de Moncton, campus de Moncton. Parmi ses 3 700 membres, la FÉÉCUM représente et défend les droits des étudiants qui fréquentent le campus de Moncton dans divers facultés et écoles incluant les étudiantes et étudiants de la Faculté des sciences infirmières qui, année après année, octroi des diplômes aux finissants. [10] La SANB et la FÉÉCUM ont déposé un avis de poursuite accompagné d’un exposé de la demande visant à contester la décision du conseil d’administration de l’AIINB ayant adopté le NCLEX-RN comme examen d’admission pour les infirmières et infirmiers immatriculés fondé principalement sur la disponibilité de ressources pédagogiques en plus grande quantité en langue anglaise qu’en langue française. Une autre allégation se veut la qualité de la traduction en français de NCLEX-RN. [11] L’AIINB a soumis en preuve l’affidavit de Laurie Janes, sa directrice exécutive, à l’appui de la présente motion. Elle a soumis en annexe un nombre de documents dont la Loi constitutrice de l’AIINB, ces règlements, un avis d’enquête de la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, le rapport d’enquête de la commissaire et une lettre de précision sur le rapport. Son affidavit se veut une demande visant la radiation de la plaidoirie en raison de l’absence de la SANB et la FÉÉCUM d’ester en justice en l’espèce. [12] En réponse, la SANB et la FÉÉCUM ont soumis les affidavits de Alexandre Cédric Doucet, vice-président de la SANB, et Pascale Rioux, présidente de la FÉÉCUM. [13] Dans son affidavit, monsieur Doucet confirme l’objet, la mission politique et la participation à plusieurs initiatives de la SANB au soutien de plusieurs communautés francophone et acadienne dans l’exercice de son mandat. Un bureau spécialisé de la SANB a vu le jour en 2018 afin d’orienter, aider et appuyer les individus acadiens et/ou francophones qui estiment s’être fait brimer leurs droits linguistiques au Nouveau-Brunswick. [14] Madame Rioux confirme la création de la FÉÉCUM et ses membres. De façon générale, elle souligne les deux grands paramètres qui établissent le rôle et la mission de la FÉÉCUM qui se veut être un organisme de revendication et de défense des droits et intérêts des étudiants et étudiantes ainsi que le maintien et l’amélioration de la qualité de la vie étudiante. Madame Rioux souligne, en particulier, en collaboration avec l’Université de Moncton, campus de Moncton, l’importance de voir à ce que les étudiants et étudiantes soient bien outillés pour faire leur entrée sur le marché du travail. QUESTIONS EN LITIGE [15] Les questions en litige dans la présente affaire sont les suivantes : a) La SANB et la FÉÉCUM possèdent-elles la qualité privée requise afin d’agir à titre de demanderesses dans cette instance? b) La SANB et la FÉÉCUM possèdent-elles la qualité publique requise afin d’agir à titre de demanderesses dans cette instance? ANALYSE ET CONCLUSION [16] La qualité pour agir est une question préliminaire qui comporte la reconnaissance du droit de se présenter devant les tribunaux soit en vertu d’un intérêt privé ou public. Le pouvoir inhérent à la cour permet au tribunal de traiter dans le meilleur délai cette question de la qualité d’agir pour éviter un gaspillage des ressources judiciaires. [17] Dans Province du Nouveau-Brunswick c. Morgentaler, 2009 NBCA 26, notre Cour d’appel a indiqué que la qualité d’agir dans l’intérêt public est une qualité que seule la Cour peut reconnaître. Ce pouvoir de trancher ces demandes trouve son origine dans la compétence inhérente des cours supérieures afin de garantir l’application régulière de la loi, pour empêcher les actes vexatoires ou oppressifs, pour rendre la justice entre les parties et pour garantir le caractère équitable du procès qui les oppose. [18] Par opposition à l’intérêt public pour agir, l’intérêt privé pour agir existe lorsque les droits d’une partie sont suffisamment affectés par le litige. Il s’agit pour le justiciable d’une question de droit de demander au tribunal de trancher un litige sur la base de la preuve présentée. La détermination de l’intérêt privé pour agir est donc une question de droit qui peut être effectivement tranchée par l’application de la règle 23.01(1)a) des Règles de procédure. [19] Qu’il s’agisse d’une revendication de la qualité d’agir sur un intérêt public ou privé, le fardeau de la preuve incombe aux demanderesses-intimées en l’espèce dans les deux situations. Quoique la présente motion est présentée par l’AIINB, la partie qui invoque l’intérêt public pour agir doit démontrer qu’elle possède véritablement la qualité pour agir (voir : Hy and Zel’s Inc. c. Ontario (Procureur général) 1993 CanLII 30 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 675). [20] L’AIINB soumet que ni la SANB ni la FÉÉCUM a l’intérêt privé ou public pour agir en espèce pour les motifs que le tribunal va élaborer subséquemment. [21] Dans aucun de ses affidavits à l’appui de la position des demanderesses-intimées sollicitant le rejet de cette motion retrouve-t-on quelconque information d’avoir été lésées ou démontrant l’existence d’un intérêt corporatif ou rapport direct dans l’affaire où est susceptible de gagner quelconque avantage d’une décision favorable à sa demande ou encore de l’existence d’intérêt public pour agir. [22] Traitant de la question de l’intérêt privé pour agir nécessite que le demandeur potentiel possède un intérêt personnel direct dans l’affaire. Dans Finlay c. Canada (ministre des Finances), 1986 CanLII 6 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 607, la Cour suprême, au paragraphe 21, le juge Le Dain écrit : […] Je suis néanmoins d’avis qu’une exigence similaire, d’un rapport direct ou causal entre le prétendu préjudice ou le grief et l'acte contesté, est implicite dans les notions d’atteinte à un droit privé et de dommage spécial. Je note que Thio, op. cit., aux pp. 5 et 6, mentionne que l’exigence générale en matière de qualité pour agir en droit administratif vise un [TRADUCTION] “intérêt personnel, direct”. Dans l'affaire Australian Conservation Foundation, précitée, le juge Gibbs, parlant de la règle générale, décrit l’exigence d’un intérêt personnel dans l’issue du litige, à la p. 270: [TRADUCTION] Une personne n’est pas intéressée au sens de la règle, à moins qu’elle soit susceptible de gagner quelque avantage, autre que la satisfaction de redresser une injustice, de faire triompher un principe ou d’avoir gain de cause, si son action est accueillie, ou de subir quelque désavantage, autre que celui d’entretenir un grief ou d’être débiteur des dépens, si elle est déboutée. [23] Le tribunal est d’avis que la SANB et la FÉÉCUM n’ont pas fait preuve d’être des parties lésées avec un intérêt particulier. D’emblée, chacune des demanderesses ont soumis ne pas prétendre avoir un intérêt direct pour l’émission de leur avis de poursuite mais qu’elles ont plutôt un intérêt public pour ester en justice. [24] La SANB et la FÉÉCUM, dans leur mémoire, soulignent que la demande se veut un débat public qui porte sur les obligations linguistiques de l’AIINB en vertu des paragraphes 16(2) et 20(2) ainsi que l’article 16.1 de la Charte et de l’article 41.1(3) de la Loi sur les langues officielles. [25] La SANB et la FÉÉCUM soumettant avoir un intérêt public, le tribunal est tenu de reconnaître que la qualité pour agir doit être analysée de manière « souple et libérale ». C’est avec cette prémisse qu’elles ont fait référence à Downtown Eastside Sex Workers c. Canada, 2012 CSC 45. Dans cette décision, la Cour suprême a reconnu que la qualité publique pour agir pouvait être reconnue à une partie en vertu de la compétence inhérente de la Cour. [26] La Cour suprême a discuté de ce pouvoir inhérent en élaborant un test dont le poursuivant qui désire agir dans l’intérêt public doit être en mesure de satisfaire les critères. Ces restrictions doivent être imposées afin d’assurer que les tribunaux ne deviennent submergés par des poursuites insignifiantes ou redondantes, d’écarter les trouble-fête et de s’assurer que les tribunaux entendent les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue et jouent un rôle qui leur est propre dans le cadre de notre système démocratique de gouvernement. [27] Dans la décision Downtown, supra, la Cour écrit aux paragraphes 1 et 2 : 1 Le présent pourvoi porte sur les règles de droit relatives à la qualité pour agir dans l’intérêt public dans les causes en matière constitutionnelle. Ces règles déterminent qui peut soumettre une affaire aux tribunaux. Bien entendu, la situation serait insoutenable si tous avaient la qualité pour engager des poursuites à tout propos, aussi ténu leur intérêt personnel soit-il dans la cause. Des restrictions s'imposent donc en matière de qualité pour agir afin d’assurer que les tribunaux ne deviennent pas complètement submergés par des poursuites insignifiantes ou redondantes, d’écarter les trouble-fête et de s’assurer que les tribunaux entendent les principaux intéressés faire valoir contradictoirement leurs points de vue et jouent le rôle qui leur est propre dans le cadre de notre système démocratique de gouvernement : Finlay c. Canada (Ministre des Finances), 1986 CanLII 6 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 607, p. 631. Selon l’approche traditionnellement retenue, la qualité pour agir était limitée aux personnes dont les intérêts privés étaient en jeu ou pour qui l’issue des procédures avait des incidences particulières. Dans les causes de droit public, les tribunaux canadiens ont toutefois tempéré ces limites et adopté une approche souple et discrétionnaire quant à la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public, guidés en cela par les objectifs qui étaient sous-jacents aux limites traditionnelles. 2 Lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire en matière de qualité pour agir, les tribunaux soupèsent trois facteurs à la lumière de ces objectifs sous-jacents et des circonstances particulières de chaque cas. Ils se demandent si l’affaire soulève une question justiciable sérieuse, si la partie qui a intenté la poursuite a un intérêt réel ou véritable dans son issue et, en tenant compte d’un grand nombre de facteurs, si la poursuite proposée constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour : Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1992 CanLII 116 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 236, p. 253. Les tribunaux exercent ce pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir de façon « libérale et souple » (p. 253). [28] Ayant trait à la question justiciable sérieuse, il incombe d’abord d’évaluer si les faits sur lesquels repose cette question donnent lieu à une cause d’action reconnue en droit. La nature même de l’intérêt public pour agir nécessite l’assertion d’une cause d’action issue du droit public. Ces types de causes d’action issues du domaine du droit public doivent consister à une contestation d’une loi basée sur la Charte et la révision judiciaire d’une décision administrative. [29] Dans le premier type d’une cause d’action, la plus commune invoquée par les parties à la recherche de la reconnaissance de l’intérêt public pour agir est une demande fondée sur le paragraphe 52(1) de la Charte, qui se lit comme suit : 52.(1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. [30] Cette disposition donne lieu à une cause d’action statutaire lorsqu’un demandeur souhaite contester la constitutionnalité d’une disposition d’une loi même ou des règlements y afférents, et non afin de contester une décision prise par une entité administrative en vertu de la compétence qui lui est conférée par sa loi habilitante. Les faits que l’on retrouve dans l’exposé de la demande des demanderesses, même s’ils s’avèrent vrais, ne contestent pas la constitutionnalité d’aucune des dispositions de la loi habilitante ou de ses règlements. Le recours en vertu du paragraphe 52(1) est par conséquent inapplicable. [31] Le paragraphe 36(2) de la Loi sur l’organisation judiciaire en conjonction avec la règle 69 des Règles de procédure confère à ce tribunal l’autorité requise afin de permettre ou octroyer un remède sous forme d’un writ de certiorari, mandamus, prohibition ou quo warranto. [32] Ce remède serait autorisé lorsque l’action gouvernementale contestée n’est pas l’adoption d’une loi même, mais plutôt d’une décision faite par une entité administrative à l’intérieur de sa compétence désignée par sa loi habilitante, ce qui est une révision judiciaire. [33] En l’espèce, les demanderesses n’ont pas réussi à démontrer que leur poursuite donne lieu à une cause d’action publique justiciable de sorte que le tribunal possède l’autorité requise afin de leur accorder le remède qu’elles avancent et que la question soulevée est sérieuse. Cette exigence n’a pas été démontrée. [34] Il en est de même avec le paragraphe 24(1) de la Charte invoqué par les demanderesses qui traite de victime de violation ou de négation des droits ou libertés que leur est garantis par la Charte. Les faits allégués ne soulèvent aucune cause d’action en vertu des dispositions discutées plus haut. [35] En l’espèce, les plaidoiries laissent entendre que la demande repose véritablement sur le caractère raisonnable de la décision du conseil d’administration de l’AIINB d’adopter le NCLEX-RN à titre d’examen d’entrée à la profession. Dans cette éventualité, une révision judiciaire est de mise en vertu de la règle 69 et non par l’émission d’un avis de poursuite accompagné de l’exposé de la demande. [36] L’objet de la présente matière non seulement n’a pas été introduite à titre de contrôle judiciaire et n’aurait pas été appropriée dans les circonstances pour une révision judiciaire. Une lecture attentive des faits invoqués par les demanderesses révèle que ce n’est pas la décision de l’AIINB d’adopter le NCLEX-RN en tant que tel, mais plutôt le fait de l’existence de matériaux pédagogiques des tiers qui ont produit un plus grand nombre de ressources d’étude commerciale en anglais qu’en français. [37] La nature de l’intérêt des demanderesses est de savoir si elles ont un enjeu réel dans la procédure ou dans les questions qu’elles soulèvent. Il y a lieu de considérer les intérêts des demanderesses dans l’affaire qui sont intimement liés à ses objectifs corporatifs, et si les demanderesses possèdent une expertise ou des antécédents d’intérêt général dans la question avancée. [38] Ni la SANB ni la FÉÉCUM n’ont avancé de preuve établissant un lien avec leurs intérêts corporatifs ou concernant une expertise particulière développée dans le contexte de l’adoption d’examens d’admission à la profession auprès de candidats et candidates ayant une formation infirmière. [39] Le tribunal est d’avis que, faute de preuve que les demanderesses possèdent un intérêt véritable dans l’affaire en question, l’intérêt public pour agir ne peut être reconnu. (Voir Campisi v. Ontario 2017 ONSC 2884 confirmé dans 2018 ONCA 869.) [40] Tant qu’à l’intérêt exprimé par la FÉÉCUM de représenter les intérêts des étudiants et étudiantes du campus de Moncton, son mandat ne s’étend pas à ceux et celles ayant obtenu leur diplôme universitaire et, par extension, aux candidats et candidates au NCLEX-RN. Les examens NCLEX-RN sont pour des diplômés et non les étudiants de l’école de formation infirmière. [41] De plus, il n’existe aucune preuve que la FÉÉCUM possède une expertise particulière dans le domaine de l’administration d’examens d’admission à la profession ou même en matière de droit linguistique de façon générale. [42] Quoique la SANB pourrait, en raison de ses buts, objectifs et sa mission, se voir qualifiée en tant qu’intervenante, l’absence de preuve sur son champ d’intérêt particulier sur la question précise de l’examen NCLEX-RN, qui fait qu’il n’y a pas d’intérêt public leur permettant d’agir comme demanderesse dans la présente cause. [43] Le tribunal est d’avis que la FÉÉCUM et la SANB ne possèdent pas d’intérêt réel en l’espèce et ne rencontrent pas le second critère du test d’un intérêt véritable. [44] La troisième étape du test tant qu’aux autres manières raisonnables et efficaces de soumettre la question à la cour, ce critère commande une application souple et téléologique en ce référant à une liste de facteurs identifiés par la Cour suprême dans Downtown, supra. Au paragraphe 51 de la décision, nous pouvons lire : […] Le tribunal devrait se pencher sur la question de savoir s’il y a d’autres manières réalistes de trancher la question qui favoriseraient une utilisation plus efficace et efficiente des ressources judiciaires et qui offriraient un contexte plus favorable à ce qu’une décision soit rendue dans le cadre du système contradictoire. Les tribunaux devraient adopter une approche pratique et pragmatique. L’existence d’autres demandeurs potentiels, notamment ceux qui possèdent de plein droit la qualité pour agir, est pertinente, mais les chances en pratique qu’ils soumettent la question aux tribunaux ou que des manières aussi ou plus raisonnables et efficaces soient utilisées pour le faire devraient être prises en compte en fonction des réalités pratiques et non des possibilités théoriques. Lorsqu'il y a d’autres demandeurs, en ce sens que d’autres actions ont été engagées relativement à la question, le tribunal devrait évaluer d’un point de vue pratique les avantages, le cas échéant, d’avoir des recours parallèles et se demander si ces autres actions vont résoudre les questions de manière aussi ou plus raisonnable et efficace. En procédant ainsi, le tribunal ne devrait pas uniquement prendre en compte les questions juridiques précises ou les points soulevés, mais plutôt chercher à savoir si le demandeur apporte une perspective particulièrement utile ou distincte en vue de régler ces points. À la lecture de l'arrêt McNeil par exemple, on voit que même lorsque des personnes peuvent avoir un intérêt plus direct dans la question, le demandeur peut avoir un intérêt distinct et important qui diffère de celui des autres, ce qui peut justifier que le tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire pour lui reconnaître la qualité pour agir. [45] En l’espèce, ni l’une ni l’autre des demanderesses ne possèdent une connaissance directe des faits relatifs à cette affaire et n’ont pas été affectées par l’adoption du NCLEX-RN. Il y a une sérieuse question à savoir comment elles vont établir un contexte factuel nécessaire afin de déterminer les mérites de la cause avancée. La preuve déposée par les demanderesses n’offre aucun commentaire quant à l’intérêt respectif dans ce litige, le fondement de leurs allégations factuelles et comment elles vont procéder pour établir leurs allégations de manière efficace et précise. [46] Le tribunal conclu que les demanderesses n’ont pas rencontré le fardeau de la preuve pour établir qu’elles possèdent la qualité publique pour agir nécessaire afin d’avancer le présent dossier. [47] Par conséquent, ni la SANB ni la FÉÉCUM ne rencontrent le critère de l’intérêt privé pour agir. De même, puisque les trois critères du test pour l’intérêt public pour agir n’ont pas été satisfaits, la Cour ne va pas exercer sa discrétion en faveur d’une reconnaissance de la qualité publique pour agir de la SANB et de la FÉÉCUM dans la présente affaire. [48] La motion de l’AIINB est accueillie et le tribunal déclare que la SANB et la FÉÉCUM n’ont pas la qualité pour agir comme demanderesses dans cette affaire. En vertu de la règle 37.10a) des Règles de procédure du Nouveau-Brunswick, cette motion est transformée en motion pour jugement sommaire rejetant cette demande avec dépens et l’exposé de la demande déposé le 28 mai 2018 est radié intégralement. La SANB et la FÉÉCUM sont tenues de verser à l’AIINB la somme de 1 500 $ chacune en guise de frais et dépens. DATÉE à Moncton, N.-B., ce 23e jour de janvier 2020. |
INTRODUCTION [1] The Nurses Association of New Brunswick (NANB) has filed a motion seeking an order dismissing the action filed by the Société de l'Acadie du Nouveau‑Brunswick (SANB) and the Fédération des étudiants et étudiantes du Centre universitaire de Moncton incorporée (FÉÉCUM). The NANB submits that the SANB and the FÉÉCUM do not have standing as Plaintiffs in this matter. [2] For the reasons that follow, the Court is of the opinion that the Plaintiffs do not have private interest standing, nor do they have public interest standing. Pursuant to Rule 37.10(a) of the New Brunswick Rules of Court, this motion is converted into a motion for judgment and the Court dismisses the Plaintiffs' application. THE FACTS [3] The NANB is a self-regulatory body for members of the nursing profession in New Brunswick and was established under the Nurses Act, a private Act of the Legislative Assembly of New Brunswick. The Nurses Act gives government and management of the business to a board of directors, which is responsible, among other things, for ensuring the licensing of nursing school graduates in order to obtain initial registration. [4] On January 1, 2015, the board of directors confirmed the implementation of the graduate licensing examination, which is the examination developed by the National Council of State Board. This examination is called the National Council Licensure Examination for Registered Nurses (NCLEX-RN). [5] The Plaintiffs allege that since the introduction of this examination, which was initially prepared in the United States and then adopted by the Canadian provinces except Quebec, there are a higher number of failures in this examination in New Brunswick by Francophone graduate candidates than by Anglophone candidates. [6] The SANB and the FÉÉCUM argue that the Court should invalidate the NCLEX‑RN examination because Francophone students are not on an equal footing with Anglophone students, as there is a considerable gap between the English‑language preparatory educational resources and the French-language preparatory educational resources for the licensure examination. [7] The SANB is an organization with over 20,000 members and is dedicated to defending and promoting the rights of New Brunswick's Francophone and Acadian community. The SANB ensures respect for the language rights enshrined in the Canadian Charter of Rights and Freedoms and the Official Languages Act of New Brunswick. It actively participated in the process of entrenching the Act Recognizing the Equality of the Two Official Linguistic Communities in New Brunswick, which gave rise to section 16.1 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. [8] The SANB is an important partner with government authorities on behalf of Francophones and Acadians and has intervened on several occasions before the courts at all levels up to the Supreme Court of Canada to contribute and make representations aimed at the implementation of legislative and policy measures. [9] The FÉÉCUM is the umbrella organization for all students at the Université de Moncton, Moncton campus. Among its 3,700 members, the FÉÉCUM represents and defends the rights of students attending the Moncton campus in various faculties and schools, including students in the nursing faculty, which, year after year, awards diplomas to graduates. [10] The SANB and the FÉÉCUM have filed a Notice of Action with Statement of Claim Attached to challenge the decision of the NANB board of directors to adopt the NCLEX‑RN as the entry-to-practice examination for registered nurses based primarily on the availability of more educational resources in English than in French. Another allegation is the quality of the French translation of the NCLEX‑RN. [11] The NANB submitted as evidence the affidavit of Laurie Janes, its Executive Director, in support of this motion. It submitted a number of documents as exhibits, including the NANB incorporating act, the by-laws, a notice of investigation by the Commissioner of Official Languages for New Brunswick, the Commissioner's investigation report and a letter of clarification of the report. The affidavit is an application to strike out the pleadings due to the lack of standing of the SANB and the FÉÉCUM. [12] In response, the SANB and the FÉÉCUM submitted the affidavits of Alexandre Cédric Doucet, Vice-President of the SANB, and Pascale Rioux, President of the FÉÉCUM. [13] In his affidavit, Mr. Doucet confirmed the purpose, political mission and participation of the SANB in several initiatives in support of several Francophone and Acadian communities in the exercise of its mandate. A specialized SANB office was established in 2018 to provide guidance, assistance and support to Acadian and/or Francophone individuals who feel that their language rights have been infringed upon in New Brunswick. [14] Ms. Rioux confirmed the establishment of the FÉÉCUM and its members. In general, she highlighted the two main parameters that establish the role and mission of the FÉÉCUM, which is intended as an organization that advocates and defends the rights and interests of students and the maintenance and improvement of the quality of student life. In particular, Ms. Rioux emphasized the importance of ensuring, in collaboration with the Université de Moncton, Moncton campus, that students are well equipped to enter the job market. ISSUES [15] The issues in dispute in this matter are as follows: a) Do the SANB and the FÉÉCUM have the requisite private standing as Plaintiffs in these proceedings? b) Do the SANB and the FÉÉCUM have the requisite public standing as Plaintiffs in these proceedings? ANALYSIS AND DISPOSITION [16] Standing is a preliminary issue that entails recognition of the right to appear before the courts by virtue of either a private or a public interest. The inherent power of the courts allows the Court to deal with the issue of standing as expeditiously as possible to avoid wasting judicial resources. [17] In Province of New Brunswick v. Morgentaler, 2009 NBCA 26, the Court of Appeal of New Brunswick indicated that public interest standing is a status that only the court can grant. The authority to deal with such applications is sourced in the superior court’s inherent jurisdiction to ensure the observance of the due process of law, to prevent improper vexation or oppression, to do justice between the parties and to secure a fair trial between them. [18] As opposed to public interest standing, private interest standing exists where the rights of a party are sufficiently affected by the dispute. For the litigant, it is a question of law to ask the court to decide a dispute on the basis of the evidence presented. The determination of private interest standing is therefore a question of law that can be decided by the application of Rule 23.01(1)(a) of the Rules of Court. [19] Whether a claim for standing is based on a public or private interest, the burden of proof is on the Plaintiffs-Respondents in both situations in this case. Although this motion is brought by the NANB, the party claiming public interest standing must demonstrate that it does indeed have standing (see: Hy and Zel's Inc. v. Ontario (Attorney General) 1993 CanLII 30 (SCC), [1993] 3 SCR 675). [20] The NANB submits that neither the SANB nor the FÉÉCUM has private or public standing in this case for the reasons that will be developed later by the Court. [21] In none of the affidavits in support of the position of the Plaintiffs-Respondents seeking the dismissal of this motion is there any information that they have been prejudiced or any evidence of a corporate interest or direct connection to the matter such that they are likely to gain any benefit from a decision in favour of their application or from public interest standing. [22] Dealing with the issue of private interest standing requires that the potential claimant has a direct personal interest in the matter. In Finlay v. Canada (Minister of Finance), 1986 CanLII 6 (SCC), [1986] 2 SCR 607, at paragraph 21, Le Dain J. of the Supreme Court wrote as follows: […] I am of the opinion, however, that a similar requirement of directness or causal relationship between the alleged prejudice or grievance and the challenged action is implicit in the notions of interference with private right and special damage. I note that Thio, op. cit., pp. 5-6, refers to the general requirement for standing in administrative law as being that of a “direct, personal interest”. In Australian Conservation Foundation, supra, Gibbs J., referring to the general rule, stated the requirement of a personal stake in the outcome of the litigation as follows at p. 270: A person is not interested within the meaning of the rule, unless he is likely to gain some advantage, other than the satisfaction of righting a wrong, upholding a principle or winning a contest, if his action succeeds or to suffer some disadvantage, other than a sense of grievance or a debt for costs, if his action fails. [23] The Court is of the opinion that the SANB and the FÉÉCUM have not shown themselves to be aggrieved parties with a special interest. At the outset, each of the Plaintiffs submitted that they did not claim to have a direct interest in the issuance of their Notice of Action, but rather that they had public interest standing. [24] In their brief, the SANB and the FÉÉCUM have pointed out that the application is intended to be a public debate on the language obligations of the NANB under subsections 16(2) and 20(2) and section 16.1 of the Charter and section 41.1(3) of the Official Languages Act. [25] Since the SANB and the FÉÉCUM submit that they have public interest standing, the Court is required to recognize that standing must be analyzed in a "[TRANSLATION] generous and liberal" manner. It is with this premise that they referred to Downtown Eastside Sex Workers v. Canada, 2012 SCC 45. In that decision, the Supreme Court recognized that public standing could be granted to a party by virtue of the inherent jurisdiction of the Court. [26] The Supreme Court discussed this inherent power by developing a test that a litigant who claims public interest standing must be able to meet. These limitations on standing are necessary in order to ensure that courts do not become hopelessly overburdened with marginal or redundant cases, to screen out the mere “busybody” litigant, to ensure that courts have the benefit of contending points of view of those most directly affected and to ensure that courts play their proper role within our democratic system of government. [27] At paragraphs 1 and 2 of Downtown, supra, the Court wrote as follows: 1 This appeal is concerned with the law of public interest standing in constitutional cases. The law of standing answers the question of who is entitled to bring a case to court for a decision. Of course it would be intolerable if everyone had standing to sue for everything, no matter how limited a personal stake they had in the matter. Limitations on standing are necessary in order to ensure that courts do not become hopelessly overburdened with marginal or redundant cases, to screen out the mere “busybody” litigant, to ensure that courts have the benefit of contending points of view of those most directly affected and to ensure that courts play their proper role within our democratic system of government: Finlay v. Canada (Minister of Finance), 1986 CanLII 6 (SCC), [1986] 2 S.C.R. 607, at p. 631. The traditional approach was to limit standing to persons whose private rights were at stake or who were specially affected by the issue. In public law cases, however, Canadian courts have relaxed these limitations on standing and have taken a flexible, discretionary approach to public interest standing, guided by the purposes which underlie the traditional limitations. 2 In exercising their discretion with respect to standing, the courts weigh three factors in light of these underlying purposes and of the particular circumstances. The courts consider whether the case raises a serious justiciable issue, whether the party bringing the action has a real stake or a genuine interest in its outcome and whether, having regard to a number of factors, the proposed suit is a reasonable and effective means to bring the case to court: Canadian Council of Churches v. Canada (Minister of Employment and Immigration), 1992 CanLII 116 (SCC), [1992] 1 S.C.R. 236, at p. 253. The courts exercise this discretion to grant or refuse standing in a “liberal and generous” manner (p. 253). [28] With respect to a serious justiciable issue, the first step is to assess whether the facts on which the issue is based give rise to a cause of action recognized by law. The very nature of public interest standing requires the assertion of a cause of action arising out of public law. These types of public law causes of action must consist of a Charter challenge to an Act and judicial review of an administrative decision. [29] In the first type of cause of action, the most common cause of action relied upon by parties seeking recognition of public interest standing is a claim based on s. 52(1) of the Charter, which reads as follows: 52.(1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect. [30] This provision gives rise to a statutory cause of action where a plaintiff wishes to challenge the constitutionality of a provision of an Act itself or its regulations, not in order to challenge a decision made by an administrative body pursuant to the jurisdiction conferred on it by its enabling statute. Even if true, the facts contained in the Plaintiffs' Statement of Claim do not challenge the constitutionality of any of the provisions of the enabling statute or its regulations. The remedy under subsection 52(1) is therefore inapplicable. [31] Subsection 36(2) of the Judicature Act in conjunction with Rule 69 of the Rules of Court confers on this Court the authority to permit or grant a remedy by way of a writ of certiorari, mandamus, prohibition or quo warranto. [32] This remedy would be permitted where the impugned government action is not the adoption of a law itself, but rather a decision made by an administrative entity within its jurisdiction designated by its enabling statute, which is a judicial review. [33] In the present case, the Plaintiffs have not succeeded in demonstrating that their action gives rise to a justiciable public cause of action so that the Court has the authority to grant them the remedy they are seeking and that the issue raised is serious. This requirement has not been met. [34] The same is true of subsection 24(1) of the Charter invoked by the Plaintiffs, which refers to anyone whose rights or freedoms, as guaranteed by the Charter, have been infringed or denied. The facts alleged do not raise any cause of action under the provisions discussed above. [35] In the present case, the pleadings suggest that the application is really based on the reasonableness of the decision of the NANB board of directors to adopt the NCLEX-RN as its entry-to-practice examination. In that event, judicial review is available under Rule 69, not by issuing a Notice of Action with Statement of Claim Attached. [36] The subject matter of the present action was not introduced by way of judicial review and would not have been appropriate in the circumstances for judicial review. A careful reading of the facts relied upon by the Plaintiffs reveals that it was not the NANB’s decision to adopt NCLEX-RN as such, but rather the existence of educational materials by third parties that produced more commercial study resources in English than in French. [37] The nature of the Plaintiffs' interest is to know whether they have a real interest in the proceedings or in the issues they raise. The interests of the Plaintiffs in the case that are closely related to its corporate objectives and whether the Plaintiffs have expertise or a history of general interest in the matter advanced, should be considered. [38] Neither the SANB nor the FÉÉCUM has advanced any evidence establishing a link with their corporate interests or concerning a particular expertise developed in the context of the adoption of entry-to-practice examinations for candidates with nursing education. [39] The Court is of the opinion that, in the absence of evidence that the Plaintiffs have a genuine interest in the case in question, public standing cannot be granted. (See Campisi v. Ontario 2017 ONSC 2884 upheld in 2018 ONCA 869). [40] With respect to the interest expressed by the FÉÉCUM to represent the interests of students on the Moncton campus, its mandate does not extend to those who have graduated from university and, by extension, to NCLEX-RN candidates. The NCLEX-RN examinations are for graduates, not students of the nursing school. [41] In addition, there is no evidence that the FÉÉCUM has any particular expertise in the administration of entry-to-practice examinations or even in language law in general. [42] Although the SANB could, because of its goals, objectives and mission, be qualified as an intervener, owing to the absence of evidence on its particular area of interest on the specific issue of the NCLEX-RN examination, there is no public interest that would allow it to act as Plaintiff in this case. [43] The Court is of the opinion that the FÉÉCUM and the SANB do not have a genuine interest in this case and do not meet the second test of a genuine interest. [44] The third step of the test regarding other reasonable and effective manners in which the issue may be brought before the Court requires a flexible and purposive application by reference to a list of factors identified by the Supreme Court in Downtown, supra. At paragraph 51 of the judgment, the Court wrote as follows: […] The court should turn its mind to whether there are realistic alternative means which would favour a more efficient and effective use of judicial resources and would present a context more suitable for adversarial determination. Courts should take a practical and pragmatic approach. The existence of other potential plaintiffs, particularly those who would have standing as of right, is relevant, but the practical prospects of their bringing the matter to court at all or by equally or more reasonable and effective means should be considered in light of the practical realities, not theoretical possibilities. Where there are other actual plaintiffs in the sense that other proceedings in relation to the matter are under way, the court should assess from a practical perspective what, if anything, is to be gained by having parallel proceedings and whether the other proceedings will resolve the issues in an equally or more reasonable and effective manner. In doing so, the court should consider not only the particular legal issues or issues raised, but whether the plaintiff brings any particularly useful or distinctive perspective to the resolution of those issues. As, for example, in McNeil, even where there may be persons with a more direct interest in the issue, the plaintiff may have a distinctive and important interest different from them and this may support granting discretionary standing. [45] In the present case, neither Plaintiff has direct knowledge of the facts of this case and neither was affected by the adoption of the NCLEX-RN. There is a serious question as to how they will establish the factual context necessary to determine the merits of the case advanced. The evidence filed by the Plaintiffs offers no comment as to their respective interest in this litigation, the basis of their factual allegations and how they will proceed to establish their allegations effectively and accurately. [46] The Court concludes that the Plaintiffs have not discharged the burden of proof to establish that they have the public standing necessary to advance this case. [47] Therefore, neither the SANB nor the FÉÉCUM meets the private interest standing test. Also, since the three criteria of the test for public interest standing have not been met, the Court will not exercise its discretion in favour of granting the SANB and the FÉÉCUM public standing in this case. [48] The NANB's motion is allowed and the Court finds that the SANB and the FÉÉCUM do not have standing as Plaintiffs in this case. Pursuant to Rule 37.10(a) of the New Brunswick Rules of Court, this motion is converted into a motion for summary judgment dismissing this application with costs, and the Statement of Claim filed on May 28, 2018 is struck in its entirety. The SANB and the FÉÉCUM are required to pay the NANB costs in the amount of $1,500.00 each. DATED at Moncton, N.B., this 23rd day of January 2020.
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Alliance nationale de l’industrie musicale c Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 2021 CF 942
[12] En 2013, l’ANIM a déposé une plainte au Commissaire aux langues officielles (CLO) selon l’article 58 de la LLO. Une telle plainte est une condition préalable à un recours devant cette Cour selon les articles 76 et 77 de la LLO. Ces articles font partie de la Partie X de la LLO, intitulé |
[12] In 2013, ANIM filed a complaint with the Commissioner of Official Languages (COL) under section 58 of the OLA. Such a complaint is required for a remedy before this Court under sections 76 and 77 of the OLA. These sections are in Part X of the OLA,
“Court Remedy”, and state the following [...] |
[17] Étant donné leur portée identique, « les principes d’interprétation de l’article 24(1) de la Charte peuvent être utilement suivis en ce qui concerne la portée du pouvoir de réparation de la Cour en vertu du paragraphe 77(4) de la LLO »: Thibodeau c Air Canada, 2011 CF 876 au para 36, mod sur d’autres points par 2012 FCA 246, conf par 2014 CSC 67; Agence canadienne de l'inspection des aliments c Forum des maires de la péninsule acadienne, 2004 CAF 263 au para 56. La Cour suprême a confirmé qu’ « [à] l’instar du par. 24(1) de la Charte, le par. 77(4) de la LLO confère un vaste pouvoir de réparation et devrait recevoir une interprétation généreuse afin que se réalise son objet »[je souligne]: Thibodeau (CSC) au para 112. Comme l’a remarqué le juge McIntyre dans l’affaire Mills, en parlant de l’article 24(1) de la Charte, « [i]l est difficile de concevoir comment on pourrait donner au tribunal un pouvoir discrétionnaire plus large et plus absolu »: Mills c La Reine, 1986 CanLII 17 (CSC), [1986] 1 RCS 863 à la p 965; voir aussi Doucet-Boudreau c Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62 aux para 24, 50, 52. [18] Comme la Charte, la LLO a pour objet la protection des droits fondamentaux et doit être interprétée en tenant compte de cet objectif important. En particulier, la LLOvise à (4) Le paragraphe 77(4) de la LLO[73] La situation est différente quant au paragraphe 77(4) de la LLO. Les réparations en vertu de ce paragraphe ne sont pas disponibles auprès d’un [74] L’argument du CRTC est, en effet, que même si cette Cour a compétence selon le paragraphe 77(4) d’accorder la réparation qu’elle [75] L’argument du CRTC présume qu’une ordonnance telle que sollicitée par l’ANIM, fondée sur une violation des parties IV ou VII de la LLO, peut être accordée par la Cour d’appel dans le contexte d’un contrôle judiciaire, présomption que conteste l’ANIM. Pour les motifs suivants, j’accepte qu’une telle violation puisse être considérée et puisse être le fondement d’un recours en contrôle judiciaire, mais je conclus qu’il n’est pas évident et manifeste que cette Cour ne peut pas aussi accorder un tel recours. [76] Dans l’affaire Devinat, la Cour d’appel a confirmé qu’une violation de l’article 20 de la LLO peut être soulevée comme fondement pour une demande de contrôle judiciaire : Devinat c Canada (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 1999 CanLII 9386 (CAF), [2000] 2 CF 212 aux para 22–38. Si une telle violation peut être soulevée dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant cette Cour, elle peut forcément être soulevée dans le cadre d’un contrôle judiciaire devant la Cour d’appel lorsqu’il s’agit d’un office énuméré au paragraphe 28(1) de la LCF. [77] L’ANIM souligne que puisque l’article 20 de la LLO en cause dans Devinat se trouve dans la Partie III de cette loi, qui n’est pas identifiée au paragraphe 77(1) de la LLO, cet article n’est pas assujetti aux procédures de l’article 77. Elle prétend qu’il est moins clair qu’une violation d’une des dispositions énoncées au paragraphe 77(1)peut être soulevée lors d’une demande de contrôle judiciaire. [78] Même si Devinat porte sur une disposition de la LLO qui n’est pas énumérée au paragraphe 77(1), le raisonnement de la Cour d’appel indique qu’il n’est pas limité à de telles dispositions. La Cour d’appel a commencé son analyse notant que le tribunal en cause, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, est un [79] La Cour d’appel a conclu que la Partie X de la LLO n’exclut pas un recours en contrôle judiciaire. Le tribunal a prétendu que la Partie X renferme un [80] Cette analyse de la Cour d’appel s’applique également aux parties IV et VII de la LLO qui sont énumérées au paragraphe 77(1). Il n’y a pas non plus dans la partie X une exclusion expresse de l’application du régime juridique général de la LCF quant aux parties IV et VII. Au contraire, la seule indication dans la loi est le paragraphe 77(5), qui indique que l’article 77 |
[17] Given their identical scope, [18] Like the Charter, the purpose of the OLA is to protect fundamental rights, and it must be interpreted with this important purpose in mind. In particular, the OLA aims to
[73] The situation is different with regard to subsection 77(4) of the OLA. The remedies under this provision are not available from a [74] The CRTC’s argument is, in effect, that even if this Court has jurisdiction under subsection 77(4) to grant the remedy it [75] The CRTC’s argument assumes that an order such as the one sought by ANIM, based on a violation of parts IV or VII of the OLA, may be granted by the Court of Appeal in the context of judicial review; ANIM challenges this assumption. For the following reasons, I accept that such a violation may be considered and may be the basis of a judicial review, but I conclude that it is not plain and obvious that this Court cannot also grant such a remedy. [76] In Devinat, the Court of Appeal confirmed that a breach of section 20 of the OLA may be raised as a basis for judicial review: Devinat v Canada (Immigration and Refugee Board), 1999 CanLII 9386 (FCA), [2000] 2 FC 212 at paras 22–38. If such a violation can be raised on judicial review before this Court, it can necessarily also be raised on judicial review before the Court of Appeal when it involves a federal board, commission or other tribunal listed in subsection 28(1) of the FC Act. [77] ANIM notes that since section 20 of the OLA, which was at issue in Devinat, is in Part III of the OLA, which is not identified in subsection 77(1) of the OLA, this section is not subject to section 77 proceedings. It argues that it is less clear that a breach of one of the provisions set out in subsection 77(1) may be raised in an application for judicial review. [78] Even though Devinat involves a provision of the OLA that is not listed in subsection 77(1), the Court of Appeal’s reasoning indicates that it is not limited to these provisions. The Court of Appeal began its analysis by noting that the tribunal in question, the Immigration and Refugee Board, is a [79] The Court of Appeal concluded that Part X of the OLA did not exclude judicial review. The tribunal argued that Part X contains a [80] This analysis by the Court of Appeal also applies to Parts IV and VII of the OLA that are listed in subsection 77(1). Part X does not include an express exclusion of the general system of the law of the FC Act in respect of parts IV and VII. On the contrary, the only indication in the OLA is subsection 77(5), which states that nothing in section 77 |
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La législation
Loi sur la Législation, LNun 2020, c 15
Loi sur les langues officielles |
Official Languages Act |
140. (53) L’article 10 de la Loi sur les langues officielles est modifié par remplacement de « sous réserve de l’approbation du commissaire » par « aux termes des articles 59 et 60 de la Loi sur l’organisation judiciaire ». 143. Chaque loi mentionnée à la colonne 1 est modifiée à chaque disposition mentionnée à la colonne 2 par remplacement de chaque occurrence de « l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut » par « l’Accord sur le Nunavut », sauf lorsqu’il apparait comme partie « Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut (Canada) » : Colonne 1 Loi sur les langues officielles Colonne 2 Le préambule, les sous-alinéas 2(1)b)(i) et (ii), l’alinéa 13(3)c), et les paragraphes 38(1) et (4). |
140. (53) Section 10 of the Official Languages Act is amended by replacing "subject to the approval of the Commissioner" with "under sections 59 and 60 of the Judicature Act". 143. Each of the following Acts listed in column 1 is amended in each provision listed in column 2, by replacing "Nunavut Land Claims Agreement" wherever it appears with "Nunavut Agreement", except where it appears as a part of "Nunavut Land Claims Agreement Act (Canada)": Column 1 Official Languages Act Column 2 Preamble, subparagraphs 2(1)(b)(i) and (ii), paragraph 13(3)(c), and subsections 38(1) and (4) |
Loi de 2020 sur le droit de l'enfance, LS 2020, c 2
Intérêt supérieur de l’enfant 10(1) Lorsqu’elle rend, modifie ou annule une ordonnance de parentage, la cour tient compte uniquement de l’intérêt supérieur de l’enfant. |
Best interests of child 10(1) In making, varying or rescinding a parenting order, the court shall take into consideration only the best interests of the child. |
Loi sur le droit de la famille, LN-B 2020, c 23
« responsabilités décisionnelles » Responsabilités relatives à la prise de décisions importantes concernant le bien-être de l’enfant en ce qui à trait notamment aux questions suivantes :(decision-making responsibility)
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“decision-making responsibility” means the responsibility for making significant decisions about a child’s well-being, including decisions in respect of(responsabilités décisionnelles) |
Intérêt supérieur de l’enfant
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