Décision
[Oralement] [1]L’appelante éventuelle a demandé l’autorisation d’interjeter appel d’une décision rendue par un juge de la Cour du Banc de la Reine qui est datée du 10 janvier 2022, afin de protéger son droit d’appel. L’appelante a présenté sa demande même si elle affirme qu’il s’agit d’une décision définitive et elle sollicite la prolongation du délai pour interjeter appel. [2] L’intimée éventuelle la Province du Nouveau-Brunswick soutient qu’il s’agit d’une décision interlocutoire et que l’autorisation d’appel est requise. L’intimé éventuel le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick ne s’est pas prononcé sur la motion. [3]Le critère à appliquer pour déterminer si une ordonnance est définitive ou interlocutoire a été énoncé par le juge Stratton, J.C.N.-B., dans Bourque c. New Brunswick, Province of, Leger and Leger (1982), 1982 CanLII 4244 (NB CA), 41 R.N.-B. (2e) 129, [1982] A.N.-B. no 247 (QL) (C.A.), où il a écrit ce qui suit : [TRADUCTION] L’avocat de M. Bourque a ensuite présenté devant moi, le 13 juillet 1982, une requête fondée sur la règle 62.03 des Règles de procédure civile en vue d’obtenir l’autorisation de faire appel de la décision du juge Miller dans laquelle celui‑ci a rejeté la demande de M. Bourque contre les Léger; l’avocat a soutenu que le savant juge a erré en accueillant une motion de non-lieu avant que la province du Nouveau-Brunswick n’ait présenté sa cause ou, subsidiairement, à la lumière de l’ensemble de la preuve produite par le demandeur Bourque, qu’il a erré en accordant la motion. [...] À mon avis, la question de savoir si une ordonnance ou une décision est interlocutoire ou définitive devrait être tranchée en considérant l’ordonnance ou la décision même; son caractère n’est pas affecté par la nature de l’ordonnance ou de la décision qui aurait pu être rendue si le résultat avait été différent. Si la nature de l’ordonnance ou de la décision rendue établit définitivement les droits des parties ou en décide de façon substantielle, elle devrait être considérée comme une ordonnance ou une décision définitive. Si elle ne le fait pas et si le bien-fondé de la cause reste à déterminer, il s’agit alors d’une ordonnance ou d’une décision interlocutoire. [par. 3 et 13, avec renvois à QL] Voir également Maisonneuve, Hamelin, Martin Ltd. c. JWT Campground Inc., [2021] A.N.‑B. no 205 (QL) (C.A.); Royal Bank of Canada et al. c. Murray (2011), 2011 CanLII 92708 (NB CA), 384 R.N.‑B. (2e) 288, [2011] A.N.‑B. no 509 (QL) (C.A.); Zildjian c. Sabian Ltd. et al. (2009), 2009 CanLII 21734 (NB CA), 342 R.N.‑B. (2e) 143, [2009] A.N.-B. no 15 (QL) (C.A.).
[5]La motion en prolongation du délai d’appel est accueillie sans dépens. L’avis d’appel devra être déposé et signifié au plus tard le 20 mai 2022. |
[Orally] [1]The intended appellant applied for leave to appeal a decision of a judge of the Court of Queen’s Bench dated January 10, 2022, to protect its ability to appeal. The appellant did so although it maintains the decision is final in nature and asks for an extension of time to file its appeal. [2]The intended respondent Province of New Brunswick’s position is that the decision is interlocutory and leave to appeal is required. The intended respondent Office of the Commissioner of Official Languages for New Brunswick took no position on the motion. [3]The test to be applied in determining whether an order is final or interlocutory was set by Stratton C.J.N.B. in Bourque v. New Brunswick, Province of, Leger and Leger (1982), 1982 CanLII 4244 (NB CA), 41 N.B.R. (2d) 129, [1982] N.B.J. No. 247 (QL) (C.A.), where he wrote: Counsel for Mr. Bourque then applied to me July 13, 1982, under Rule 62.03 for leave to appeal from the decision of Mr. Justice Miller whereby he had dismissed Mr. Bourque's claim against the Legers, contending that the learned trial judge erred in entertaining a motion to dismiss before the Province of New Brunswick had presented its case or alternatively, in the light of all of the evidence adduced by the plaintiff Bourque, he erred in granting the motion. [...] In my opinion, the question whether an order or decision is interlocutory or final should be determined by looking at the order or decision itself, and its character is not affected by the nature of the order or decision which could have been made had a different result been reached. If the nature of the order or decision as made finally disposes of, or substantially decides the rights of the parties, it ought to be treated as a final order or decision. If it does not, and the merits of the case remain to be determined, it is an interlocutory order or decision. [paras. 3 and 13 cited to QL] See also Maisonneuve, Hamelin, Martin Ltd. v. JWT Campground Inc., [2021] N.B.J. No. 205 (QL) (C.A.); Royal Bank of Canada et al. v. Murray (2011), 2011 CanLII 92708 (NB CA), 384 N.B.R. (2d) 288, [2011] N.B.J. No. 509 (QL) (C.A.); Zildjian v. Sabian Ltd. et al. (2009), 2009 CanLII 21734 (NB CA), 342 N.B.R. (2d) 143, [2009] N.B.J. No. 15 (QL) (C.A.). [4]After reviewing the order, I am of the view that the decision finally disposes of the rights of the parties. No leave to appeal is required. [5]The motion for an extension of time to appeal is allowed without costs. The Notice of Appeal shall be filed and served by May 20, 2022. |
2022
Annales de droits linguistiques
Bon nombre de textes qui portent sur les droits linguistiques au Canada sont publiés ici et là. Certes, la Revue de droit linguistique contribue à rassembler en un seul endroit la littérature à ce sujet, mais des articles académiques sont tout de même publiés dans des revues à vocation générale; les ouvrages sont publiés par diverses maisons d’édition, les décisions des tribunaux sont également publiées dans des recueils de jurisprudence à vocation générale, puisqu’il n’existe aucun recueil thématique au sujet des droits linguistiques.
Par conséquent, il nous paraissait essentiel de rassembler en un seul endroit l’information au sujet de ces publications. Les annales de droits linguistiques recensent donc les décisions des tribunaux, les ouvrages, les articles de périodiques, les modifications législatives qui portent sur les droits linguistiques au Canada, les rapports des Commissaires linguistiques et autres études ou rapports sur le sujet. Il convient toutefois de noter que, malgré tous les efforts que nous avons déployés, cette liste peut être incomplète.
Les décisions judiciaires
Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick c Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, 2022 CanLII 39550 (NB CA)
Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick c Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, 2022 CanLII 67599 (NB CA)
TEXTE DE LA DÉCISION [1]L’appelante, l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB), par avis de motion, demande que l’avis de désaccord déposé par l’intimé Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick (Commissariat) suivant le dépôt de l’avis d’appel de l’AJEFNB soit radié en raison du fait qu’il demande que la décision portée en appel soit confirmée pour des motifs que le juge de première instance avait rejetés. Essentiellement, l’AJEFNB prétend que l’avis de désaccord cherche à faire renverser la décision et que le seul moyen qui pourrait permettre cette éventualité est un avis d’appel reconventionnel. Or, l’objectif de l’avis de désaccord n’est aucunement de faire « renverser » la décision mais plutôt de la « confirmer » pour d’autres motifs que ceux retenus par le juge. [2]L’intimée la Province du Nouveau-Brunswick (Bureau du Conseil exécutif) n’a pris aucune position et n’a présenté aucun argument devant moi. [3]Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter la motion de l’AJEFNB. II. Contexte factuel [4] L’AJEFNB a déposé une requête devant la Cour du Banc de la Reine en application de la règle 16.04 des Règles de procédure demandant à la Cour de déclarer que : 1. la décision prise le 28 mai 2019 de mettre fin au processus de sélection du Commissaire aux langues officielles ayant débuté le 23 juillet 2018 ou peu après était ulra vires, puisque le Bureau du conseil exécutif n’avait pas le pouvoir de prendre cette décision; 2. la décision d’entamer un nouveau processus de sélection du Commissaire aux langues officielles était ultra vires, puisque le Bureau du Conseil exécutif n’avait pas le pouvoir de prendre cette décision; 3. le nouveau processus de sélection du Commissaire aux langues officielles entamé le 23 juillet 2019, était ultra vires, puisque le Bureau du Conseil exécutif n’avait pas le pouvoir de prendre cette décision; 4. la décision publiée dans la Gazette royale du 10 juillet 2019, qui se lit comme suit : En vertu du paragraphe 43(5.5) de la Loi sur les langues officielles, le lieutenant-gouverneur en conseil nomme pour un nouveau mandat Michel Carrier, de Fredericton (Nouveau-Brunswick), commissaire intérimaire aux langues officielles, à compter du 23 juillet 2019. était ultra vires, puisque contraire au paragraphe 43(5.5) de la Loi sur les langues officielles, L.N.-B. 2002, ch. O-0.5. 5. la décision du Commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick de refuser de mener une enquête en se déclarant en conflit d’intérêt réel ou perçu, était ultra vires puisque la Loi sur les langues officielles, ne lui confère pas le pouvoir de prendre pareille décision; 6. la décision du Commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick est ultra vires, puisqu’il n’avait pas le pouvoir de déléguer son pouvoir d’enquête de rédaction, de rapport et de recommandations, en vertu de la Loi sur les langues officielles; 7. les conclusions de l’enquêteur externe sont mal fondées, voire infondées, en raison de nombreuses erreurs de droit; 8. à l’égard des décisions décrites aux questions 1 à 4, les décideurs concernés ont manqué à leurs obligations constitutionnelles en vertu de la Charte Canadienne des droits et libertés et de la Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés linguistiques au Nouveau-Brunswick, L.R.N.B. 2011, ch. 198, à savoir plus particulièrement : a) l’obligation de maintenir l’égalité de statut du français et de l’anglais dans les institutions de la Législature et du gouvernement du Nouveau-Brunswick; b) l’obligation de maintenir le statut et les privilèges égaux des communautés linguistiques française et anglaise du Nouveau-Brunswick; 9. le tout sans dépens. [5]Avant l’audition de la requête, la Province a déposé une motion demandant qu’elle soit rejetée au motif que la règle 16.04 ne permet pas le dépôt d’une telle requête et qu’elle constitue un abus de procédure dans la mesure ou sa vraie nature est celle d’une révision judiciaire qui tombe sous le régime de la règle 69. En fait, l’AJEFNB avait déposé sa première requête en ce sens mais s’en était désistée pour des raisons qui ne sont pas énoncées au dossier. Au moment de l’audience de la motion de la Province, les délais prescrits par la règle 69 étaient échus. [6]Conjointement avec la motion de la Province, le Commissariat avait également déposé sa propre motion demandant le rejet de la requête au motif que les questions soulevées dans celle-ci à son encontre étaient devenues théoriques et sans objet. [7]Les deux motions ont été entendues ensemble et, suite aux consentements des parties, ont fait l’objet d’une seule décision. Le juge a accueilli, en partie, la motion de la Province et a radié les demandes 1 à 7 ci-dessus. Pour les fins de la présente motion, il convient de souligner que ce dispositif donnait gain de cause au Commissariat en lien avec les demandes 5, 6 et 7. L’AJEFNB interjette appel de ce dispositif. [8]Le juge des motions a par la suite traité de la motion du Commissariat. Au par. 40 de sa décision, il écrit « bien que ce qui précède suffise pour mettre fin aux revendications de [l’AJEFNB] à l’endroit du [Commissariat], puisque les deux motions ont été entendues simultanément, je trancherai aussi la question de l’aspect théorique des mesures demandées à l’endroit du [Commissariat] ». Le juge a conclu que le bien-fondé de la plainte doit être déterminé en fonction du moment de la violation alléguée et que le remède qui s’ensuit peut varier selon que la violation perdure ou non. Il a donc décidé de ne pas rejeter la demande au motif que la question était devenue théorique. [9]Suite à la signification de l’avis d’appel, le Commissariat a voulu maintenir sa position sur la question théorique et sans objet. Le dilemme qui le confrontait était le fait, comme je l’ai indiqué, que le dispositif du juge des motions lui donnait gain de cause et qu’il ne pouvait donc pas déposer un avis d’appel reconventionnel nonobstant la partie des motifs du juge qui rejetait la motion portant sur l’argument de la question théorique et sans objet. Il a donc choisi de faire valoir à nouveau cet argument en déposant un avis de désaccord. L’AJEFNB argumente qu’elle est préjudiciée par cet état de chose dans la mesure où elle allègue ne pas connaître les motifs du Commissariat ce qui l’empêche de les adresser dans son mémoire de l’appelante. D’une part, comme je l’explique plus loin, son argument ne tient pas la route à la lumière du déroulement des procédures sous la règle 62 et, d’autre part, elle fait cette allégation nonobstant que le mémoire du Commissariat déposé pour l’audience devant le juge des motions élabore pleinement sa position juridique et il est joint comme pièce à l’affidavit d’Alexandre Vienneau déposé à l’appui de la motion qui m’occupe. III. Contexte procédural [10]Seule l’AJEFNB pouvait déposer et signifier son avis d’appel en application de la règle 62.06. La règle 62.07 régit l’appel reconventionnel et la règle 62.08, l’avis de désaccord. La règle 62.07 stipule qu’un intimé « peut » signifier un avis d’appel reconventionnel « à toutes les parties dont les intérêts peuvent être en cause ». La règle 62.08 contient des dispositions semblables et prévoit que l’intimé qui n’a pas formé d’appel reconventionnel mais qui prétend : a) que la décision portée en appel devrait être « confirmée » pour des motifs « autres que ceux donnés par le tribunal de première instance », ou b) qu’il a droit, si l’appel est accueilli en tout ou en partie, à des mesures de redressement « différentes » de celles « accordées » par le tribunal de première instance doit déposer un avis de désaccord. [11]Je constate d’abord que le recours à l’appel reconventionnel serait inapproprié si le remède accordé par le tribunal de première instance reflète le remède sollicité par l’intimé. C’est le cas en l’espèce. Par ailleurs, rien dans la règle 62.08 exclu la possibilité pour un intimé qui a eu gain de cause de faire valoir dans un avis de désaccord des motifs autres que ceux retenus par le juge même si le juge avait rejeté ceux-ci dans ses motifs. Un appel s’interjette contre un jugement et non contre les motifs. Sopinka et al. dans Sopinka and Gelowitz on the Conduct of an Appeal, 4e ed. (Toronto: LexisNexis Canada, 2018), écrivent à la section 1.11: [TRADUCTION] La prémisse fondamentale du droit applicable à l’examen en appel est qu’un appel est interjeté contre une ordonnance ou un jugement officiel rendu et inscrit en instance inférieure, et non contre les motifs que le tribunal d’instance inférieure a donnés pour rendre l’ordonnance ou le jugement. Certes, le tribunal d’appel découvrira fréquemment dans les motifs des erreurs de droit qui serviront finalement de fondement à l’infirmation de l’ordonnance ou du jugement, mais c’est le bien-fondé de l’ordonnance ou du jugement qui est contesté en appel, et non le bien-fondé des motifs. L’appel qui ne vise qu’une partie des motifs, par opposition au bien-fondé de l’ordonnance, risque d’être rejeté. [12]La Cour a toujours favorisé l’interprétation large des Règles et je rappelle les propos du juge d’appel Drapeau dans Agnew c. Smith, 2001 NBCA 83, 240 R.N.-B. (2d) 63, à l’effet que la règle 62 doit recevoir une interprétation libérale afin d’assurer la solution équitable et la moins coûteuse de l’instance sur le fond (règle 1.03.2). La règle doit recevoir une interprétation fondée sur le bon sens visant à favoriser l’utilisation la plus efficace possible des ressources judiciaires. [13]Dans le contexte du présent dossier, comme je l’ai indiqué, l’AJEFNB ne subira aucun préjudice en suivant le déroulement de la procédure établie à la règle 62. Elle a rédigé son mémoire de l’appelante qui ne l’obligeait aucunement de répondre soit à un avis d’appel reconventionnel s’il en avait été déposé ni à l’avis de désaccord. Cette réponse se fait après le dépôt du mémoire de l’intimé. Lorsque ce dernier est déposé, les règles 62.19(3) et (4) stipulent que si l’intimé a donné soit un avis d’appel reconventionnel ou un avis de désaccord, l’appelant peut dans les cinq jours qui suivent la réception du mémoire de l’intimé déposer un mémoire complémentaire en réponse. En l’occurrence, l’AJEFNB a le même droit de réplique dans les deux scénarios et ne peut donc faire valoir aucun préjudice. IV. Conclusion [14]La motion de L’AJEFNB est rejetée avec dépens de 1 500 $. |
[1]By Notice of Motion, the appellant, the Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (the “AJEFNB”), asks that the Notice of Contention filed by the respondent the Office of the Commissioner of Official Languages for New Brunswick (the “Office of the Commissioner”) following the filing of the Notice of Appeal by the AJEFNB be struck out on the grounds that it seeks to have the decision appealed from affirmed on grounds that the trial judge had rejected. Basically, the AJEFNB claims that the Notice of Contention seeks to have the decision set aside and that this can only be done by way of a Notice of Cross-Appeal. However, the purpose of the Notice of Contention is not to have the decision “set aside”, but rather to have it “affirmed” on grounds other than those accepted by the judge. [2]The respondent the Province of New Brunswick (Executive Council Office) took no position and presented no arguments before me. [3]For the following reasons, I would dismiss the motion presented by the AJEFNB. II. Factual Background [4]The AJEFNB filed an application before the Court of Queen’s Bench under Rule 16.04 of the Rules of Court, seeking a declaration that: 1. The decision taken on May 28, 2019, to end the selection process for the position of Commissioner of Official Languages that had begun on July 23, 2018, or shortly thereafter was ultra vires, since the Executive Council Office did not have the authority to make that decision; 2. The decision to undertake a new selection process for the position of Commissioner of Official Languages was ultra vires, since the Executive Council Office did not have the authority to make that decision; 3. The new selection process for the position of Commissioner of Official Languages that began on July 23, 2019, was ultra vires, since the Executive Council Office did not have the authority to make that decision; 4. The decision published in The Royal Gazette of July 10, 2019, which reads as follows: Under subsection 43(5.5) of the Official Languages Act, the Lieutenant-Governor in Council reappoints Michel Carrier, Fredericton, New Brunswick, as acting Commissioner of Official Languages, effective July 23, 2019. was ultra vires, being contrary to subsection 43(5.5) of the Official Languages Act, S.N.B. 2002, c. O-0.5; 5. The decision of the Commissioner of Official Languages for New Brunswick to refuse to conduct an investigation by declaring the existence of an actual or perceived conflict of interest was ultra vires, since the Official Languages Act does not give him the authority to make such a decision; 6. The decision of the Commissioner of Official Languages for New Brunswick is ultra vires, since he did not have the authority to delegate his authority to investigate, to report and to make recommendations under the Official Languages Act; 7. The findings of the external investigator are meritless, if not unfounded, as a result of numerous errors of law; 8. With respect to the decisions described in items 1 to 4, the decision-makers involved breached their constitutional obligations under the Canadian Charter of Rights and Freedoms and under An Act Recognizing the Equality of the Two Official Linguistic Communities in New Brunswick, R.S.N.B. 2011, c. 198, more specifically: (a) the obligation to maintain the equality of status of French and English in all institutions of the legislature and government of New Brunswick; (b) the obligation to maintain the equality of status and equal privileges of the French and English linguistic communities in New Brunswick; 9. All without costs. [5]Before the hearing of the application, the Province filed a motion seeking the dismissal of the application on the grounds that Rule 16.04 does not provide for such an application and that such an application is an abuse of process to the extent that it is in fact an application for judicial review, which falls under Rule 69. In fact, the AJEFNB had filed its first application to this effect but had withdrawn its application for reasons that do not appear in the file. When the Province’s motion was heard, the time prescribed under Rule 69 had lapsed. [6]Together with the Province’s motion, the Office of the Commissioner had also filed its own motion seeking the dismissal of the application on the grounds that the questions raised against it in the application had become moot. [7]Both motions were heard together and, on consent of the parties, were the subject of one decision. The judge granted the Province’s motion, in part, and struck out items 1 to 7 above. For the purposes of the present motion, it should be pointed out that that decision rendered judgment in favour of the Office of the Commissioner with respect to items 5, 6 and 7. The AJEFNB appeals that decision. [8]The motions judge then dealt with the motion filed by the Office of the Commissioner. At paragraph 40 of his decision, he writes that [TRANSLATION] “although the foregoing is sufficient to put an end to [the AJEFNB]’s claims against the [Office of the Commissioner], since both motions were heard at the same time, I will also determine the question of mootness with respect to the relief sought against the [Office of the Commissioner].” The judge found that the merits of the complaint must be determined as at the time of the alleged breach and that the resulting remedy may vary according to whether the breach continues or not. He therefore decided not to dismiss the application on the grounds that the question had become moot. [9]After the Notice of Appeal was served, the Office of the Commissioner sought to maintain its position on the mootness issue. It faced the dilemma that, as I have indicated, the motions judge had given judgment in its favour and that it could not therefore file a Notice of Cross-Appeal despite that part of the judge’s reasons for dismissing the motion that pertained to the mootness issue. Thus, it decided to present this argument again by filing a Notice of Contention. The AJEFNB argues that it is thereby adversely affected, to the extent that it claims that it has no knowledge of the Office of the Commissioner’s grounds, which prevents it from addressing them in its Appellant’s Submission. On the one hand, as I will explain below, its argument does not hold up in light of the process under Rule 62 and, on the other hand, it makes this allegation in spite of the fact that the submission filed by the Office of the Commissioner for the hearing before the motions judge fully sets out its legal position and is attached to Alexandre Vienneau’s affidavit filed in support of the motion before me. III. Procedural Background [10]Only the AJEFNB could file and serve its Notice of Appeal under Rule 62.06. Rule 62.07 governs the cross-appeal, and Rule 62.08 governs the Notice of Contention. Rule 62.07 provides that a respondent “may” serve a Notice of Cross-Appeal “upon all parties whose interests may be affected.” Rule 62.08 contains similar provisions and provides that a respondent who has not cross-appealed but who contends that (a) the decision appealed from should be “affirmed” on grounds “other than those given by the court appealed from,” or (b) if the appeal is allowed in whole or in part, he is entitled to “different” relief than that “given” by the court appealed from, shall file a Notice of Contention. [11]I note, firstly, that a cross-appeal would be inappropriate if the relief granted by the court appealed from reflects the relief sought by the respondent. That is the case here. Furthermore, there is nothing in Rule 62.08 that precludes a successful respondent from putting forward in a Notice of Contention grounds other than those accepted by the judge, even if the judge had rejected them in his reasons. An appeal is taken against a judgment and not against the reasons for judgment. Sopinka et al., inSopinka and Gelowitz on the Conduct of an Appeal, 4th ed. (Toronto: LexisNexis Canada, 2018), write the following, in section 1.11: It is a fundamental premise in the law of appellate review that an appeal is taken against the formal judgment or order, as issued and entered in the court appealed from, and not against the reasons expressed by the court for granting the judgment or order. Although the appellate court will frequently discover in the reasons for judgment errors of law that ultimately ground the reversal of the judgment or order, it is the correctness of the judgment or order that is in issue in the appeal, and not the correctness of the reasons. An appeal directed at only a portion of the reasons, as opposed to the correctness of the order, is liable to be quashed. [12]The Court has always favoured a broad interpretation of the Rules. In Agnew v. Smith, 2001 NBCA 83, 240 N.B.R. (2d) 63, Drapeau J. stated that Rule 62 must be liberally construed to secure a just and inexpensive determination of the litigation on its merits (Rule 1.03.2). The Rule must be interpreted in a commonsensical manner and with a view to promoting the most efficient use of judicial resources. [13]In the context of the present case, as I have indicated, the AJEFNB will not be adversely affected by following the process set out in Rule 62. It prepared its Appellant’s Submission, which did not require it to respond either to a Notice of Cross-Appeal, if one had been filed, or to the Notice of Contention. Such a response comes after the respondent has filed its Respondent’s Submission. Once the Respondent’s Submission has been filed, Rules 62.19(3) and (4) provide that, if the respondent has given notice of cross-appeal or notice of contention, the appellant may file a Further Submission in response within 5 days following the receipt of the Respondent’s Submission. In the present case, the AJEFNB has the same right of response in both situations and cannot therefore claim to be adversely affected. IV. Conclusion [14]The AJEFNB’s motion is dismissed with costs of $1,500. |
Lessard-Gauvin c Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 83
II. Résumé des faits allégués par les parties[5] J’ai noté peu de contradictions entre les faits allégués par chacune des parties. J’ai repris en mes mots et résumé ce qui a été soumis par la défenderesse dans la réponse qu’elle a donnée à la plainte de pratique déloyale de travail le 3 mars 2022 et par le plaignant dans sa réplique du 24 août 2022. [6] En juillet et en août 2016, le plaignant a travaillé à Santé Canada à Montréal. Il a alors déposé une plainte ayant trait aux langues officielles auprès du commissaire aux langues officielles du Canada (le « commissaire ») concernant l’application WebEx avec laquelle il devait travailler. Certaines informations qui y étaient contenues n’étaient pas disponibles en français. [7] En décembre 2018, le commissaire a conclu que la plainte du plaignant ayant trait aux langues officielles était fondée. Le commissaire a recommandé que Services partagés Canada s’assurent dans les trois mois que les courriels générés par le système WebEx respectent les obligations prévues à la Loi sur les langues officielles (L.R.C. (1985), ch. 31 (4esuppl.); LLO). |
II. Summary of the facts alleged by the parties
[5] I noted few contradictions in the facts that each party alleged. I restated in my words and summarized both the respondent’s March 3, 2022, reply submission to the unfair-labour-practice complaint and the complainant’s August 24, 2022, reply. [6] In July and August 2016, the complainant worked at Health Canada in Montréal. He then made an official-languages complaint with the Commissioner of Official Languages of Canada (“the Commissioner”) about the WebEx software, with which he had to work. Some of its information was not available in French.
[7] In December 2018, the Commissioner found that the complainant’s official-languages complaint was founded and recommended that Shared Services Canada ensure that within three months, WebEx’s generated emails comply with the obligations set out in the Official Languages Act (R.S.C., 1985, c. 31 (4th Supp.); OLA). |
|
[42] Le plaignant a aussi appuyé son argumentation sur la clause 18.02 de la convention collective, qui stipule qu’un fonctionnaire peut présenter un grief contre l’employeur lorsqu’il s’estime lésé par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi. Rappelons cependant que le plaignant n’a pas déposé un grief contre l’employeur pour un manquement à la LLO. Il a plutôt déposé une plainte ayant trait aux langues officielles auprès du commissaire. De plus, il recherche maintenant l’exécution de recommandations formulées pas le commissaire dans le cadre de ladite plainte. L’agent négociateur n’a donc pas refusé ou négligé de représenter le plaignant à la suite du dépôt d’un grief. [43] La présente plainte de pratique déloyale de travail vise l’exécution de recommandations formulées par le commissaire ou le dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO. Il n’est pas établi, et même improbable, que l’exécution de recommandations formulées par le commissaire et le dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO puissent être négociés collectivement. Ces questions ne relèvent pas non plus d’une des dispositions de la LRTSPF. [44] Le devoir de représentation équitable imposé par la LRTSPF à un agent négociateur ne saurait donc s’appliquer à l’exécution de recommandations du commissaire ou au dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO, comme elle ne s’applique aux litiges portant sur la dotation (voir Ouellet et Abeysuriya) ou à ceux impliquant les commissions des accidents du travail (voir Elliott). |
[42] The complainant also supported his argument on clause 18.02 of the collective agreement, which states that federal public service employees may file grievances against the employer if they are aggrieved by anything that impacts their working conditions. However, note that the complainant did not file a grievance against the employer for an OLAviolation. Instead, he made an official-languages complaint with the Commissioner. In addition, he seeks that the Commissioner’s recommendations made as part of that complaint be implemented. Therefore, the bargaining agent did not refuse or neglect to represent the complainant after a grievance was filed.
[43] This unfair-labour-practice complaint involves implementing the Commissioner’s recommendations or filing a remedy under Part X of the OLA. It was not established and is even unlikely that implementing the Commissioner’s recommendations or filing a remedy under Part X of the OLA can be negotiated collectively. And those issues are not covered by any FPSLRA provisions. [44] Therefore, the duty of fair representation that the FPSLRA imposes on a bargaining agent should not apply to implementing the Commissioner’s recommendations or to filing a remedy under Part X of the OLA as it does not apply to staffing disputes (see Ouellet and Abeysuriya) or those involving workers’ compensation boards (see Elliott). |
Frémy c Canada, 2022 CF 750
[3] Le demandeur est un francophone qui allègue avoir fait l’objet de discrimination linguistique de la part de son employeur de l’époque, la Gendarmerie Royale du Canada [GRC]. Ses revendications linguistiques auraient même mené à son congédiement illégal. [4] Dans sa déclaration initiale, il allègue avoir déposé une plainte pour discrimination auprès du Commissaire aux langues officielles, laquelle a fait l’objet d’un rapport émis en janvier 2021. Ce rapport confirme que le demandeur a subi de la discrimination de la part de son employeur alors qu’il était en poste en Colombie-Britannique. Il conclut toutefois que puisque le demandeur a été réintégré comme membre de la GRC (après l’intervention de cette Cour et ultimement de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c Frémy, 2019 CAF 26), aucune recommandation n’est formulée. Tant pour le Commissaire que pour la Cour, le problème résidait dans le fait que la GRC a exigé un niveau d’anglais trop élevé du demandeur pour l’emploi occupé. [5] Puisqu’il devait alors démontrer les causes du préjudice subit, il a choisi d’intenter la présente action. Il allègue que depuis sa réintégration en 2019, la GRC refuse de reconnaître ses douze ans d’ancienneté et elle refuse de lui octroyer les promotions auxquelles il aurait eu droit au cours de ses deux premières années de service; seule une compensation financière lui a été octroyée, non assujettie au régime de pension. La GRC refuse également de lui payer rétroactivement le salaire perdu, d’actualiser sa pension et de lui donner un poste adéquat, le tout en violation de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, LC 2003, ch 22, art 2. Il dépose d’ailleurs deux griefs en 2019, ainsi qu’une plainte à la Commission des relations de travail dans la fonction publique fédérale en novembre 2020 (cette dernière n’aurait pas eu de suite en l’absence, à l’époque, d’une convention collective; par ailleurs, la Cour ignore ce qui est advenu des deux griefs). La GRC désire le réintégrer comme membre stagiaire et lui faire subir une formation en conséquence. Le demandeur accepte la formation mais insiste pour être réintégré comme membre régulier. Il finit par faire cette formation sans mention de son statut. On lui refuse toujours le titre de membre régulier ce qui, selon le demandeur, constitue du harcèlement psychologique au sens où l’entend la politique du gouvernement fédéral, ainsi qu’un congédiement déguisé. Il n’a toutefois pas l’intention de démissionner et préfère continuer à revendiquer ses droits linguistiques. [6] Le demandeur plaide que le refus par la GRC de lui octroyer les promotions auxquelles il a droit constitue de la discrimination linguistique qui perdure depuis plus de huit ans et lui cause de graves préjudices. [7] À cet égard, le demandeur soumet à la Cour une série de questions et il invoque l’article 37 de la Loi sur la Gendarmerie Royale du Canada, LRC (1985), ch R-10, l’article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, édictée par la Loi constitutionnelle de 1982 [Charte], les articles 39(1) et 62 de la Loi sur les langues officielles, LRC (1985), ch 31 (4e suppl) [LLO] et, finalement, l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits dela personne, LRC (1985), ch H-6. Il demande des dommages-intérêts compensatoires au montant de 1 000 000 $, ainsi que des dommages punitifs. [12] Le demandeur allègue qu’il était du devoir de la défenderesse de faire respecter les articles 15 et 16 de la Charte, ce qu’elle n’a pas fait en permettant une violation de ses droits linguistiques. |
[3] The plaintiff is a Francophone who alleges that he was subjected to language discrimination by his employer at the time, the Royal Canadian Mounted Police [RCMP]. His language-related complaints might even have led to his illegal dismissal. [4] In his initial statement of claim, he stated that he had filed a discrimination complaint with the Commissioner of Official Languages; this complaint was the subject of a report issued in January 2021. The report confirmed that the plaintiff was subjected to discrimination by his employer while stationed in British Columbia. However, it concluded that since the plaintiff had been reinstated as a member of the RCMP (following intervention by this Court and, ultimately, the Federal Court of Appeal in Canada (Attorney General) v Frémy, 2019 FCA 26), no recommendation would be made. For both the Commissioner and the Court, the problem lay in the fact that the RCMP required a level of English of the plaintiff that was too high for his position. [5] As he then had to demonstrate the causes of the harm suffered, he chose to bring this action. He alleges that following his reinstatement in 2019, the RCMP refused to recognize his twelve years of service and to grant him the promotions to which he would have been entitled during his first two years of service; he was only granted financial compensation not subject to the pension plan. The RCMP also refused to retroactively pay lost wages, to update his pension, and to give him an appropriate position, all in violation of the Federal Public Sector Labour Relations Act, SC 2003, c 22, s 2. He filed two grievances in 2019, as well as a complaint with the federal Public Service Staff Relations Board in November 2020 (the complaint was not pursued due to the lack of a collective agreement at the time, and the Court does not know the outcome of the two grievances). The RCMP wanted to reinstate him as a probationary member and have him go through the consequent training. The plaintiff agreed to the training but insisted that he be reinstated as a regular member. He ended up completing the training without any mention of his status. He was still denied the status of regular member, which, according to the plaintiff, constituted psychological harassment within the meaning of the federal government’s policy, as well as constructive dismissal. He had no intention to resign, however, and preferred to continue defending his language rights. [6] The plaintiff argues that the RCMP’s refusal to grant him the promotions to which he was entitled constitutes language discrimination that has gone on for more than eight years and has caused him serious harm. [7] In this regard, the plaintiff submits to the Court a list of questions and invokes section 37 of the Royal Canadian Mounted Police Act, RSC 1985, c R-10; subsection 24(1) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, as enacted by the Constitution Act, 1982 [Charter]; subsection 39(1) and section 62 of the Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Supp) [OLA]; and, lastly, section 7 of the Canadian Human Rights Act, RSC 1985, c H-6. He claims compensatory damages in the amount of $1,000,000, as well as punitive damages. |
|||||
[16] Ceci dit, dans sa déclaration amendée, le demandeur allègue avoir droit à une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte au motif que la défenderesse aurait violé les droits que lui garantissent ces paragraphes 15(1) et 16(1). [17] S’agissant du paragraphe 15(1), le demandeur allègue une discrimination linguistique en soutenant avoir été privé de la même protection et du même bénéfice que la LLO accorde aux anglophones.
[18] Ainsi, même lorsqu’il invoque le paragraphe 15(1) de la Charte, le demandeur continue de fonder son action sur la LLO en invoquant la jurisprudence relative à cette loi et les divers rapports émis par le Commissaire aux langues officielles. |
[16] That said, in his amended statement of claim, the plaintiff claims that he is entitled to a remedy under subsection 24(1) of the Charter as the defendant allegedly violated the rights guaranteed to him under subsections 15(1) and 16(1) of the Charter. [17] With regard to subsection 15(1), the defendant alleges language discrimination, claiming that he was deprived of the equal protection and equal benefit that the OLAgrants to Anglophones. [18] Thus, though he invokes subsection 15(1) of the Charter, the plaintiff continues to base his action on the OLA by invoking case law related to this Act as well as several reports issued by the Commissioner of Official Languages. |
|||||
[28] D’abord, dans Gingras c Canada, 1994 CanLII 3475 (CAF), [1994] 2 CF 734 (para 60), la Cour d’appel fédérale affirme qu’il « apparaît en effet peu probable qu’une personne puisse, par le biais d'une soi-disant discrimination fondée sur l’usage de l’une des deux langues officielles, obtenir davantage en vertu du paragraphe 15(1) de la Charte que ce à quoi elle a droit en vertu des garanties linguistiques définies aux articles 16 à 22 [de la LLO] ». |
[28] First, in Gingras v Canada, 1994 CanLII 3475 (FCA), [1994] 2 FC 734 (para 60), the Federal Court of Appeal affirmed that “it seems unlikely … that a person could by means of so-called discrimination based on use of the official languages obtain more under subsection 15(1) of the Charter than what he would be entitled to under the language guarantee as defined in sections 16 to 22 [of the OLA]”. |
|||||
|
|
|||||
C. Le paragraphe 16(1) de la Charte confère-t-il des droits individuels dont la violation donnerait ouverture à réparation en vertu de son paragraphe 24(1)?[36] Le demandeur plaide qu’une violation du paragraphe 16(1) de la Charte lui donne droit à une réparation en vertu de son paragraphe 24(1). [37] Bien que le paragraphe 16(1) de la Charte reconnaisse et confirme le principe de l’égalité réelle entre les deux langues officielles du Canada, les tribunaux n’ont jamais inféré de cette disposition un quelconque droit individuel susceptible de donner lieu à la réparation d’un préjudice personnel en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. [38] Le paragraphe 16(1) de la Charte se lit comme suit :
[39] Même interprété de façon large et libérale, ce texte concerne le statut des deux langues officielles du Canada et non un droit individuel qui serait autrement garanti par la Charte. Le Parlement a d’ailleurs donné suite à ce principe en adoptant la LLO et en inscrivant dans le Code criminel le droit à un procès dans la langue officielle de l’accusé. [40] La Charte protège certes certains droits linguistiques individuels: Le droit d’employer le français ou l’anglais dans les débats et autres travaux du Parlement (paragraphe 17)1)), le droit d’employer le français ou l’anglais dans toutes les affaires dont sont saisis les tribunaux établis par le Parlement (paragraphe 19(1)) et dans tous les actes de procédure qui en découlent et le droit d’employer le français ou l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services (paragraphe 20(1)). Mais aucun de ces droits garantis n’est en cause en l’instance. [41] Or, le paragraphe 24(1) de la Charte vise la personne victime de violation d’un droit « qui lui est garanti ». Comme l’indique la Cour suprême du Canada dans Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27 (au para 61), le demandeur ne saurait être victime de la violation d’un droit qui ne lui est pas garanti. Les droits dont le demandeur se réclame lui sont garantis par la LLO qui elle-même rencontre les exigences du paragraphe 16(1) de la Charte. [42] Cette cause d’action invoquée par le demandeur est donc également mal fondée en droit et vouée à l’échec. D. La LLO donne-t-elle ouverture au recours en dommage du demandeur?[43] Tel qu’indiqué plus haut, le demandeur se fonde sur des extraits de rapports émis par le Commissaire aux langues officielles qui conclut à des manquements à l’alinéa 39(1)a) et au paragraphe 62(2) de la LLO (il avait également conclu au bien-fondé de la plainte initiale déposée en 2013 en vertu de la Partie VI de la LLO). [44] Or, l’Article 77 de la LLO ne donne pas ouverture à un recours pour une violation de ses articles 39 et 62. Dans (Devinat c Canada (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), 1999 CanLII 9386 (CAF), [2000] 2 CF 212) et Agence canadienne de l’inspection des aliments c Forum des maires de la péninsule acadienne, 2004 CAF 263, la Cour d’appel fédérale a traité la portée de cette disposition de la LLO. [46] Il est d’ailleurs acquis que les articles 39 et 62 de la LLO doivent être considérés comme des [47] Il s’ensuit que même si l’action du demandeur était fondée sur les manquements allégués à LLO, elle serait vouée à l’échec. |
C. Does subsection 16(1) of the Charter confer individual rights, the violation of which would give rise to a remedy under subsection 24(1) of the Charter?[36] The plaintiff pleads that a violation of subsection 16(1) of the Charter gives him the right to a remedy under subsection 24(1) of the Charter. [37] Though subsection 16(1) of the Charter recognizes and affirms the principle of substantive equality between the two official languages of Canada, the courts have never inferred from this provision any individual right that could give rise to a remedy for personal injury under subsection 24(1) of the Charter. [38] Subsection 16(1) of the Charter reads as follows:
[39] Even if interpreted broadly and liberally, this text concerns the status of Canada’s two official languages and not an individual right that would be otherwise guaranteed by the Charter. Parliament has acted on this principle by enacting the OLA and by including in the Criminal Code the right of the accused to be tried in the official language of his or her choice. [40] The Charter does indeed protect certain individual language rights: the right to use either English or French in any debates or other proceedings of Parliament (subsection 17(1)); the right to use either English or French in, or in any pleading in or process issuing from, any court established by Parliament (subsection 19(1)); and the right to use either English or French to communicate with, and to receive available services from, any head or central office of an institution of the Parliament or government of Canada (subsection 20(1)). However, none of these guaranteed rights are at stake in this case. [41] However, subsection 24(1) of the Charter concerns persons whose rights “as guaranteed” have been infringed. As the Supreme Court of Canada stated in Vancouver (City) v Ward, 2010 SCC 27 (at para 61), a right must be guaranteed to the plaintiff in order for it to be infringed. The rights claimed by the plaintiff are guaranteed by the OLA, which itself meets the requirements of subsection 16(1) of the Charter. [42] This cause of action invoked by the plaintiff is therefore equally invalid in law and bound to fail.
|
Thibodeau c Administration de l'aéroport international de St. John’s, 2022 CF 563
[1] M. Thibodeau a intenté un recours fondé sur l’article 77 de la Loi sur les langues officielles, LRC 1985, c 31 (4e suppl) [la Loi], à l’encontre de l’Administration de l’aéroport international de St. John’s [l’AAISJ]. Il sollicite un jugement déclaratoire, des dommages-intérêts et une lettre d’excuses, car il estime que l’AAISJ ne s’est pas conformée aux obligations que la Loi lui impose. [2] Je conclus que l’AAISJ n’a pas respecté la Loi en communiquant en anglais seulement sur les médias sociaux et en ne s’assurant pas que son site web soit entièrement bilingue. À cet égard, les obligations de l’AAISJ ne portent pas uniquement sur les renseignements « utiles aux voyageurs ». Les communications que le siège de l’AAISJ destine au grand public doivent également être bilingues. [3] J’estime que l’octroi de dommages-intérêts est une réparation convenable et juste, afin d’assurer la dissuasion et la défense des droits découlant de la Loi. Ni les circonstances dans lesquelles M. Thibodeau a constaté les violations de la Loi, ni les prétendus efforts de l’AAISJ afin de se conformer à la Loi ne font obstacle à l’octroi de dommages-intérêts. |
[1] Mr. Thibodeau has made an application for a remedy under section 77 of the Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Supp.) [the Act], against St. John’s International Airport Authority [SJIAA]. He is seeking declaratory relief, damages and a letter of apology, because he believes that SJIAA has not complied with its duties under the Act. [2] I find that SJIAA has failed to comply with the Act by communicating in English only on social media and by failing to ensure that its website is fully bilingual. In this regard, SJIAA’s obligations are not limited to information that is “traveller-relevant”. Communications from SJIAA’s head office to the general public must also be bilingual. [3] I find that an award of damages is an appropriate and just remedy to ensure deterrence and vindication of the rights flowing from the Act. Neither the circumstances in which Mr. Thibodeau discovered the breaches of the Act nor SJIAA’s alleged efforts to comply with the Act are a bar to an award of damages. |
|
I. Contexte[4] Pour la bonne intelligence des présents motifs, il est nécessaire de débuter par une description sommaire du régime législatif en cause. Nous pourrons ensuite nous pencher sur les plaintes qui sont à l’origine de l’affaire et sur le traitement qu’en a fait le Commissaire aux langues officielles [le Commissaire]. A. Contexte législatif[5] L’article 16 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada. Il consacre au sein de la constitution une caractéristique fondamentale du Canada. Les articles 17 à 23 de la Charte prévoient une panoplie de droits relatifs à l’usage des langues officielles au sein de diverses institutions. En particulier, l’article 20 prévoit ce qui suit :
22 Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l’une ou l’autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux — auxquels sont assimilés, pour l’application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services — situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l’étranger, l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante. [7] Soulignons dès à présent que l’article 22 de la Loi, à l’image de l’article 20 de la Charte, distingue deux principaux types de circonstances dans lesquelles une institution fédérale a l’obligation d’employer l’une ou l’autre des langues officielles dans ses interactions avec le public. D’une part, cette obligation s’applique aux communications ou aux services offerts par le siège ou l’administration centrale de cette institution. D’autre part, quant aux bureaux situés ailleurs au pays ou à l’étranger, l’obligation de communiquer ou d’offrir des services dans une langue officielle ne s’applique qu’en présence d’une demande importante. Comme on le verra plus loin, cette distinction entre le siège et les autres bureaux est cruciale en l’espèce. L’article 22 de la Loi prévoit aussi que les services offerts par les bureaux situés dans la région de la capitale nationale doivent être bilingues, mais cet aspect de l’article 22 n’est pas pertinent en l’espèce. [8] L’article 23, quant à lui, clarifie la portée de l’article 22 en ce qui a trait aux services offerts aux voyageurs, se fondant encore une fois sur le concept de demande importante : [9] La définition du concept de demande importante se retrouve dans le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, DORS/92-48 [le Règlement]. Des critères distincts s’appliquent aux situations visées par les articles 22 et 23 de la Loi. Bien que les dispositions du Règlementsoient passablement détaillées, les aspects pertinents peuvent être résumés ainsi. [10] L’article 5 du Règlement prévoit qu’aux fins de l’article 22 de la Loi, les services offerts par un bureau d’une institution fédérale font l’objet d’une demande importante dans la langue officielle minoritaire, notamment lorsque la population de la minorité linguistique dans la région métropolitaine de recensement en cause est d’au moins 5000 personnes ou lorsqu’au moins 5 p. cent de la demande de service est dans cette langue. Il n’est pas contesté que ces conditions ne sont pas remplies à St. John’s. [11] L’article 7 du Règlement prévoit qu’aux fins de l’article 23 de la Loi, les services offerts par un aéroport font l’objet d’une demande importante dans la langue officielle minoritaire lorsqu’au moins 5 p. cent de la demande de service est dans cette langue. Ces services font aussi l’objet d’une demande importante dans les deux langues officielles lorsque le nombre total de passagers par année excède un million. Il n’est pas contesté que, depuis plusieurs années, le nombre total de voyageurs à l’aéroport de St. John’s excède ce seuil. De plus, en 2019, après le dépôt des plaintes de M. Thibodeau, l’article 7 a été modifié par l’ajout du paragraphe 7(5), qui prévoit que les services offerts dans un aéroport situé dans une capitale provinciale ou territoriale – comme St. John’s – font l’objet d’une demande importante dans les deux langues officielles. [12] Jusque dans les années 1990, un grand nombre d’aéroports canadiens étaient exploités par le ministère des Transports, une institution fédérale assujettie à la Loi. Cependant, le gouvernement a souhaité confier l’exploitation de ces aéroports à des organisations locales. Le Parlement a donc adopté la Loi relative aux cessions d’aéroports, LC 1992, c 5, qui permet au gouvernement de céder un aéroport à une « administration aéroportuaire désignée » et qui précise les modalités de l’application de certaines lois à cette administration. En particulier, en ce qui a trait aux langues officielles, le paragraphe 4(1) de cette loi prévoit ce qui suit : |
I. Background[4] For a clear understanding of these reasons, it is necessary to begin with a brief description of the statutory scheme at issue. We will then turn to the complaints that gave rise to the case and the handling of those complaints by the Commissioner of Official Languages [the Commissioner]. A. Statutory Context[8] Section 23 clarifies the scope of section 22 in respect of services for the travelling public, again based on the concept of significant demand: [5] Section 16 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms provides that English and French are the official languages of Canada. It enshrines in the Constitution a fundamental characteristic of Canada. Sections 17 to 23 of the Charter provide for an array of rights relating to the use of the official languages in various institutions. In particular, section 20 provides as follows:
[6] The Act was enacted, among other reasons, to implement the rights guaranteed in sections 17 to 20 of the Charter. Part IV of the Act, which includes sections 21 to 33, is entitled “Communications with and Services to the Public”. The provisions at issue in this case are sections 22 and 23. Section 22 reads as follows: 22 Every federal institution has the duty to ensure that any member of the public can communicate with and obtain available services from its head or central office in either official language, and has the same duty with respect to any of its other offices or facilities
[7] It should be noted at this point that, like section 20 of the Charter, section 22 of the Act distinguishes between two main types of circumstances in which a federal institution has a duty to use either official language in its interactions with the public. On the one hand, this duty applies to communications or services provided by the head or central office of the institution. On the other hand, for offices located elsewhere in the country or abroad, the duty to communicate or provide services in an official language applies only where there is significant demand. As will be seen below, the distinction between head office and other offices is crucial in this case. Section 22 of the Act also provides that services offered by offices located in the National Capital Region must be bilingual, but this aspect of section 22 is irrelevant here. 23 (1) For greater certainty, in addition to the duty set out in section 22, every federal institution that provides services or makes them available to the travelling public has the duty to ensure that any member of the travelling public can communicate with and obtain those services in either official language from any office or facility of the institution in Canada or elsewhere where there is significant demand for those services in that language. (2) Every federal institution has the duty to ensure that such services to the travelling public as may be prescribed by regulation of the Governor in Council that are provided or made available by another person or organization pursuant to a contract with the federal institution for the provision of those services at an office or facility referred to in subsection (1) are provided or made available, in both official languages, in the manner prescribed by regulation of the Governor in Council. [9] The definition of significant demand is found in the Official Languages (Communications with and Services to the Public) Regulations, SOR/92-48 [the Regulations]. Separate criteria apply to the situations covered by sections 22 and 23 of the Act. While the provisions of the Regulations are quite detailed, the relevant aspects can be summarized as follows. [10] Section 5 of the Regulations provides that, for the purposes of section 22 of the Act, there is significant demand for services provided by an office of a federal institution in the minority official language where, among other things, the minority language population in the relevant census metropolitan area is at least 5,000 or where at least 5% of the demand for service is in that language. It is not disputed that these conditions are not met in St. John’s. [11] Section 7 of the Regulations provides that, for the purposes of section 23 of the Act, there is significant demand for services provided by an airport in the minority official language when at least 5% of the demand for service is in that language. There is also significant demand for these services in both languages when the total number of passengers per year exceeds one million. It is not disputed that the total number of travellers at St. John’s Airport has exceeded this threshold for several years. Furthermore, in 2019, after Mr. Thibodeau’s complaints were filed, section 7 was amended by the addition of subsection 7(5), which provides that there is significant demand for both official languages if the services are offered at an airport located in a provincial or territorial capital, such as St. John’s. [12] Until the 1990s, many Canadian airports were operated by the Department of Transport, a federal institution subject to the Act. However, the government wished to transfer the operation of these airports to local organizations. Parliament therefore enacted the Airport Transfer (Miscellaneous Matters) Act, SC 1992, c 5, which allows the government to transfer an airport to a “designated airport authority” and sets out the terms and conditions for the application of certain statutes to that authority. In particular, with respect to official languages, subsection 4(1) of the Act provides as follows: 4 (1) Where the Minister has leased an airport to a designated airport authority, on and after the transfer date Parts IV, V, VI, VIII, IX and X of the Official Languages Act apply, with such modifications as the circumstances require, to the authority in relation to the airport as if (a) the authority were a federal institution; and (b) the airport were an office or facility of that institution, other than its head or central office. |
|
II. Analyse[22] Dans l’arrêt Forum des maires de la Péninsule acadienne c Canada (Agence d'inspection des aliments), 2004 CAF 263, [2004] 4 RCF 276 [Forum des maires], le juge Robert Décary de la Cour d’appel fédérale a souligné les principales caractéristiques du recours fondé sur l’article 77 de la Loi; voir aussi DesRochers c Canada (Industrie), 2009 CSC 8 aux paragraphes 32 à 37, [2009] 1 RCS 194 [DesRochers]. Ce recours vise à assurer l’efficacité de la Loi en lui donnant des « dents ». Il ne s’agit pas une demande de contrôle judiciaire du rapport du Commissaire, mais d’un recours distinct. Notre Cour doit effectuer sa propre évaluation des faits, même si elle peut s’appuyer sur le rapport du Commissaire. Le demandeur doit établir une violation de la Loi au moment de sa plainte, mais la Cour peut tenir compte des faits subséquents, notamment des efforts du défendeur pour se conformer à la Loi, au moment de déterminer la réparation appropriée. [23] En statuant sur une telle demande, la Cour peut être appelée à trancher des difficultés d’interprétation de la Loi. On affirme souvent qu’en raison de son statut quasi constitutionnel, la Loi doit recevoir une interprétation « libérale et téléologique » : DesRochers, au paragraphe 31, citant R c Beaulac, 1999 CanLII 684 (CSC), [1999] 1 RCS 768, au paragraphe 25 [Beaulac]. L’interprétation doit tout de même obéir à la méthode habituelle, qui exige la prise en compte du texte, du contexte global, de l’économie de la loi et de l’objectif poursuivi par le législateur : Thibodeau c Air Canada, 2014 CSC 67 au paragraphe 112, [2014] 3 RCS 340 [Thibodeau (CSC)]. Néanmoins, cet objectif, qui est de favoriser l’épanouissement des collectivités de langue officielle, doit se voir accorder tout le poids qu’il mérite : DesRochers, au paragraphe 31. De plus, le principe de l’interprétation libérale et téléologique de la Loi se traduit par une présomption résiduelle : si l’application des méthodes habituelles ne permet pas de trancher entre deux interprétations possibles de la Loi, on doit choisir l’interprétation qui accorde une portée plus large aux droits linguistiques. Une présomption semblable s’applique à la Charte : voir, par exemple, R c Rodgers, 2006 CSC 15, aux paragraphes 18 et 19, [2006] 1 RCS 554. Puisque la Loi vise à mettre en œuvre certains droits garantis par la Charte, il est logique qu’elle bénéficie de la même présomption. [24] Tenant compte de ces principes, j’estime que M. Thibodeau a démontré que l’AAISJ a violé la Loi. L’AAISJ est assujettie tant à l’article 22 de la Loi, pour ce qui est de son siège, qu’à l’article 23, pour ce qui est de l’aéroport. J’estime également que l’octroi de dommages-intérêts est une réparation convenable et juste, puisque ceux-ci permettront d’assurer la défense des droits et la dissuasion. Le fait que l’AAISJ prétend s’être conformée à la Loi ne fait pas obstacle à l’octroi de dommages-intérêts. |
II. Analysis[22] In Forum des maires de la Péninsule acadienne v Canada (Food Inspection Agency), 2004 FCA 263, [2004] 4 FCR 276 [Forum des maires], Justice Robert Décary of the Federal Court of Appeal outlined the main features of the remedy under section 77 of the Act; see also DesRochers v Canada (Industry), 2009 SCC 8 at paragraphs 32 to 37, [2009] 1 SCR 194 [DesRochers]. This remedy is intended to ensure the effectiveness of the Act by giving it “teeth”. It is not an application for judicial review of the Commissioner’s report, but a separate remedy. This Court must make its own assessment of the facts, although it may rely on the Commissioner’s report. The applicant must establish a breach of the Act at the time of the applicant’s complaint, but the Court may, in determining the appropriate remedy, consider subsequent facts, including the respondent’s efforts to comply with the Act. [23] In deciding such an application, the Court may be called on to resolve issues regarding the interpretation of the Act. It is often said that because of its quasi-constitutional status, the Act must be given a “liberal and purposive” interpretation: DesRochers at paragraph 31, citing R v Beaulac, 1999 CanLII 684 (SCC), [1999] 1 SCR 768 at paragraph 25 [Beaulac]. Interpretation must still follow the usual approach, which requires consideration of the text, the entire context, the scheme of the Act, and Parliament’s purpose: Thibodeau v Air Canada, 2014 SCC 67 at paragraph 112, [2014] 3 SCR 340 [Thibodeau (SCC)]. Nevertheless, this purpose, which is to foster the development of official language communities, must be given the weight it deserves: DesRochers at paragraph 31. Moreover, the principle of a liberal and purposive interpretation of the Act translates into a residual presumption: if the application of the usual methods does not allow one to decide between two possible interpretations of the Act, one must choose the interpretation that maximizes the scope of language rights. A similar presumption applies to the Charter: see, for example, R v Rodgers, 2006 SCC 15 at paragraphs 18-19, [2006] 1 SCR 554. Since the Act is intended to give effect to certain Charter rights, it is logical that the same presumption should apply. [24] Taking these principles into account, I find that Mr. Thibodeau has demonstrated that SJIAA has breached the Act. SJIAA is subject to both section 22 of the Act, in relation to its head office, and section 23, in relation to the airport. I also conclude that an award of damages is an appropriate and just remedy, as it will ensure vindication of rights and deterrence. SJIAA’s claim to have complied with the Act does not bar an award of damages. |
|
B. Les voyageurs et l’article 23 de la Loi[44] L’article 23 vise à préciser la portée de l’article 22 en ce qui a trait aux institutions fédérales qui offrent des services aux voyageurs. Il n’y a pas de doute que l’AAISJ est une telle institution. La question est plutôt de savoir quels sont les services et les communications visés par cette disposition. [45] L’AAISJ propose une définition fondée, d’une part, sur une interprétation étroite du terme voyageur, qui ne comprendrait que les détenteurs d’un document de voyage, et, d’autre part, sur le concept de renseignements utiles aux voyageurs. Elle invite la Cour à fournir des lignes directrices permettant aux administrations aéroportuaires de mieux comprendre la portée des obligations découlant de la Loi. Elle soutient également que M. Thibodeau n’était pas un voyageur au moment de déposer ses plaintes, puisqu’il ne détenait pas de document de voyage. [46] La détermination de la portée des obligations découlant de l’article 23 doit obéir à la méthode que j’ai présentée plus haut. Elle débute par un rappel des objectifs poursuivis par le législateur, dans le contexte particulier des voyageurs. [47] La Loi vise à favoriser l’épanouissement des collectivités de langue officielle et la progression vers l’égalité d’usage du français et de l’anglais partout au pays. Afin de réaliser ces objectifs, il est important que les Canadiennes et les Canadiens puissent voyager d’un bout à l’autre du pays en recevant des services dans la langue de leur choix. C’est pourquoi les critères de la demande importante relatifs à l’article 23 tiennent compte non seulement de la population locale, mais aussi de l’achalandage de l’aéroport et du fait qu’au moins un aéroport dans chaque province ou territoire devrait offrir des services dans les deux langues. Il y a donc lieu de favoriser une interprétation généreuse de l’article 23, afin d’assurer, autant que possible, une expérience de voyage dans la langue officielle choisie par le voyageur. [48] Tournons-nous maintenant vers le libellé de l’article 23. Celui-ci impose des obligations aux « institutions fédérales offrant des services aux voyageurs ». Il ne précise pas quels sont ces services, mais indique que ceux-ci doivent être offerts dans une langue officielle qui fait l’objet d’une demande importante et que les voyageurs doivent pouvoir communiquer avec l’institution fédérale dans cette langue. L’accent est mis sur le destinataire du service ou de la communication, à savoir les voyageurs, et non sur la nature du service ou le contenu de la communication. Rien dans ce libellé ne suggère que seuls sont visés les services ou les communications nécessaires ou utiles pour voyager ou qui sont liés au transport. [49] J’estime donc qu’afin de déterminer si un service ou une communication est visé par l’article 23, il ne faut pas se demander s’il est « utile aux voyageurs », en ce sens que le service ou la communication est lié au voyage lui-même. Il faut plutôt se demander si ce service ou cette communication est offert ou destiné aux voyageurs, en ce sens que ses destinataires ou bénéficiaires sont en totalité ou en partie importante des voyageurs. [50] Par définition, une administration aéroportuaire a pour mission d’offrir des services aux voyageurs. En principe, les services qu’elle offre au public sont des services destinés aux voyageurs. Il en va de même des communications. Ainsi, tout l’affichage et tous les services offerts dans les aires publiques d’une aérogare, dans les aires réservées aux voyageurs et les autres parties de l’aéroport accessibles au public, comme les stationnements, sont en principe visés par l’article 23, puisqu’ils s’adressent principalement aux voyageurs. Des panneaux qui offrent de l’information à caractère touristique, historique ou géographique à l’intention des voyageurs sont également visés par l’article 23. Enfin, dans la mesure où ils s’adressent à un public qui inclut des voyageurs, les renseignements qu’une administration aéroportuaire rend disponible en ligne, que ce soit sur un site web ou dans les médias sociaux, sont visés par l’article 23. [51] L’application des lignes directrices qui précèdent ne devrait habituellement pas nécessiter que l’on distingue entre les personnes qui se qualifient à titre de voyageurs et les autres. En effet, la Loi impose aux institutions fédérales des obligations à l’égard du public. De telles obligations sont habituellement respectées simultanément à l’égard de tous. Lorsqu’il faut néanmoins en préciser les contours, le concept de voyageur ne saurait se limiter aux personnes qui détiennent un document de voyage. En effet, une personne qui souhaite voyager peut effectuer diverses démarches de planification avant de réserver son vol. Un voyageur peut aussi se prévaloir de certains services après avoir terminé son trajet, par exemple afin de récupérer un bagage égaré. Une personne peut aussi se rendre à un aéroport afin d’accueillir un membre de sa famille. Lorsque cette personne consulte le site web de l’aéroport afin de savoir si le vol est à l’heure ou prend un café au restaurant de l’aéroport, elle ne devrait pas être privée du bénéfice de la Loi simplement parce qu’elle ne détient pas de document de voyage. [52] L’article 23, cependant, ne vise pas les communications dont on peut raisonnablement présumer qu’elles ne seront pas vues ou consultées par les voyageurs. Ainsi, les communications liées à la régie interne de l’administration aéroportuaire ou aux relations avec ses fournisseurs ou les compagnies aériennes ne sont pas destinées aux voyageurs. Il se peut néanmoins que certaines de ces communications soient visées par l’article 22. |
B. Travelling Public and Section 23 of the Act[44] Section 23 is intended to clarify the scope of section 22 in respect of government institutions that provide services to the travelling public. There is no doubt that SJIAA is such an institution. The question is what services and communications are covered by this provision. [45] SJIAA puts forward a definition that is based on a narrow interpretation of the phrase travelling public, which includes only holders of a travel document, and on the concept of traveller-relevant information. It invites the Court to provide guidelines to help airport authorities better understand the scope of their duties under the Act. It also submits that Mr. Thibodeau was not a member of the travelling public when he filed his complaints, as he did not have a travel document. [46] The scope of the duties flowing from section 23 must be determined in accordance with the approach I have outlined above. It begins with a review of Parliament’s purposes, in the particular context of the travelling public. [47] The purpose of the Act is to enhance the vitality of official language communities and to advance the equality of use of English and French throughout the country. To achieve these objectives, Canadians should be able to travel across the country while receiving services in the language of their choice. For this reason, the significant demand criteria for section 23 take into account not only the local population, but also the airport’s volume of passenger traffic and the fact that at least one airport in each province or territory should offer services in both languages. A generous interpretation of section 23 should therefore be preferred so as to ensure, as much as possible, that members of the travelling public can travel in the official language of their choice. [48] Let us now turn to the wording of section 23. Section 23 imposes duties on “every federal institution that provides services or makes them available to the travelling public”. It does not specify what those services are, but states that they must be offered in an official language for which there is significant demand and that the travelling public must be able to communicate with the federal institution in that language. The focus is on the recipient of the service or communication, i.e. the travelling public, and not on the nature of the service or the content of the communication. There is nothing in this wording to suggest that it refers only to services or communications that are necessary or useful for travel or that are related to transportation. [49] In my view, therefore, in determining whether a service or communication falls within the scope of section 23, the question is not whether it is “traveller-relevant”in the sense that the service or communication is related to travel itself. Rather, the question is whether the service or communication is offered or intended for the travelling public, in the sense that the recipients or beneficiaries of the service or communication are all or mainly members of the travelling public. [50] By definition, the mission of an airport authority is to provide services to the travelling public. In principle, the services an airport authority provides to the public are services to the travelling public. The same is true of communications. Therefore, all signage and all services provided in the public areas of an airport terminal, in areas reserved for the travelling public and in other parts of the airport accessible to the public, such as parking lots, are, in principle, covered by section 23, since they are primarily intended for the travelling public. Signs that provide tourist, historical or geographical information for the travelling public are also covered by section 23. Finally, to the extent that it is directed at an audience that includes the travelling public, information that an airport authority makes available online, be it on a website or through social media, is covered by section 23. [51] In most circumstances, applying the guidelines discussed above should not require distinguishing between those who qualify as members of the travelling public and those who do not. This is because the Act imposes duties on federal institutions in respect of the public. Such duties are usually discharged simultaneously in respect of everyone. However, if it is necessary to define the concept of the travelling public more precisely, it cannot be limited to those who hold a travel document. People who wish to travel may want to plan their trip before booking a flight. Members of the travelling public also take advantage of certain services after travelling, for example, to retrieve lost baggage. People go to airports to pick up family members. When they check the airport website to see if the flight is on time or take a coffee at the airport restaurant, they should not be denied the benefit of the Act simply because they do not have a travel document. [52] Section 23, however, does not cover communications that can reasonably be expected not to be seen or accessed by the travelling public. For example, communications relating to the internal affairs of an airport authority or to relations with its suppliers or airlines are not intended for the travelling public. Some of these communications may nevertheless be covered by section 22. |
Société de l’Acadie du Nouveau‑Brunswick c Le très honorable premier ministre du Canada, 2022 NBBR 85
[1] Il s’agit en l’espèce d’un exemple de l’inévitable entrecroisement qui existe entre les organes exécutif, législatif et judiciaire du gouvernement. Au Canada, un principe fondamental de notre démocratie est l’indépendance des trois piliers du gouvernement, d’où l’importance cruciale d’éviter que chacun de ces piliers porte atteinte à la compétence des autres. Les tribunaux canadiens ne sont pas compétents, en common law ou en vertu du droit législatif, d’intervenir dans les décisions discrétionnaires de l’organe exécutif du gouvernement, sauf si ces décisions sont prises d’une manière ou sous une forme qui violerait la Constitution. Dans de telles circonstances, les tribunaux canadiens, malgré leur réticence bien normale, ont l’obligation de se prononcer. Les faits de la présente affaire et les questions dont la Cour est saisie déclenchent cet exercice judiciaire périlleux. [2] La requérante, la Société de l’Acadie du Nouveau‑Brunswick, est l’auteure de la présente requête par laquelle elle sollicite une ordonnance de la Cour déclarant que la recommandation du premier ministre Trudeau visant la nomination de Brenda Louise Murphy à la charge de lieutenante-gouverneure du Nouveau‑Brunswick était inconstitutionnelle du fait qu’elle violait les paragraphes 16(2), 16.1(2), 18(2) et 20(2) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) et qu’elle n’était ni juste ni raisonnable au sens prévu à l’article premier de la Charte. |
[1] This decision is an example of an unavoidable intersection between the executive, legislative, and judicial branches of government. In Canada, a foundational principle of our democracy is the independence of the three pillars of government and the fundamental importance that each refrain from infringing on the jurisdiction of the other. Canadian courts do not have the right, either by common law or statute, to intervene in discretionary decisions of the executive arm of government unless such decisions are taken in a manner or form that are in violation of the constitution. In such circumstances, Canadian courts, despite understandable reticence, have an obligation to weigh in. The facts of this case and the issues before the Court trigger this uncomfortable exercise. [2] The Applicant, the Acadian Society of New Brunswick, brings the current application seeking an order of the court declaring that Prime Minister Trudeau’s recommendation to the Governor General in Council appointing Brenda Louise Murphy as the Lieutenant-Governor of New Brunswick was unconstitutional in that it violated sections 16(2), 16.1(2), 18(2), and 20(2), of the Canadian Charter of Rights and Freedoms (hereinafter referred to as the Charter) and that this recommendation was not just and reasonable in conformity with section 1 of the Charter. |
|
CONCLUSION [75] À mon avis, la Cour peut juger qu’un lieutenant-gouverneur au Nouveau‑Brunswick doit être capable de s’acquitter de tous les aspects du rôle dans les deux langues officielles sans déclarer que le décret en conseil nommant la lieutenante-gouverneure Murphy est frappé de nullité. La Cour se reporte à nouveau aux observations présentées par la Cour suprême dans l’arrêt Doucet-Boudreau c. Nouvelle‑Écosse (Ministre de l’Éducation)selon lesquelles le Canada est un pays où il existe « une tradition de respect remarquable » des décisions judiciaires. La décision de la Cour portant que la nomination d’une personne unilingue à la charge de lieutenant-gouverneur au Nouveau‑Brunswick contrevient aux paragraphes 16(2), 16.1(2) et 20(2) de la Charte est suffisante pour garantir que le gouvernement prendra des mesures appropriées et promptes pour corriger la situation. Je laisse à l’organe exécutif du gouvernement le soin de déterminer le moment et l’étendue de ces mesures. |
CONCLUSION [75] In my view, this Court can determine that a Lieutenant-Governor in New Brunswick must be capable of executing all aspects of the role in both official languages without declaring the Order in Council appointing Lieutenant-Governor Murphy a nullity. The Court returns to the Supreme Court’s observation as set out in Doucet-Boudreau v. Nova Scotia that Canada is a country which enjoys a “remarkable history of compliance” with court decisions. This Court’s determination that the appointment of a unilingual individual to the position of Lieutenant-Governor in the Province of New Brunswick violates sections 16(2), 16.1(2), and 20(2) of the Charter is sufficient to ensure appropriate and prompt action on behalf of the government to rectify the situation. The timing and the extent of that action I leave to the executive arm of government to determine. |
|
Canada (Commissaire aux langues officielles) c Canada (Emploi et Développement social), 2022 CAF 14
[1] La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique et le commissaire aux langues officielles (les appelants et respectivement la FFCB et le Commissaire) se portent chacun en appel d’une décision (2018 CF 530) rendue par le juge Gascon de la Cour fédérale (le juge de première instance) refusant de donner suite au recours formé par la FFCB en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31(la LLO). [2] Le recours fait suite à quatre plaintes entérinées par le Commissaire alléguant que les intimés, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), depuis renommé Emploi et Développement social Canada (EDSC), et la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) (collectivement les intimés ou les institutions fédérales) ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu des parties IV et VII de la LLO et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (la Charte), lors de la conclusion et de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail signée en février 2008 (l’Entente). L’Entente a été conclue en vertu de l’article 63 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la LAE). [3] Le juge de première instance a refusé de donner suite au recours de la FFCB jugeant qu’en vertu de l’Entente, la Colombie-Britannique (la C.-B. ou la province) n’agit pas « pour [le] compte » d’EDSC et de la Commission comme l’exige la partie IV de la LLO à son article 25, et que ces dernières avaient pris des mesures positives suffisantes pour s’acquitter de l’obligation qui découle de la partie VII, et plus précisément de son article 41. [4] Au soutien de son appel, la FFCB maintient que le juge de première instance se devait de conclure, selon le droit applicable et la preuve, que l’Entente ainsi que les prestations d’emploi et les mesures de soutien qu’elle autorise vont à l’encontre du paragraphe 20(1) de la Charte, et des parties IV et VII de la LLO. [5] Le Commissaire pour sa part s’attaque au volet de la décision qui porte sur la partie VII. Il maintient que, bien que le juge de première instance ait correctement énoncé les principes applicables à l’interprétation des droits linguistiques, il n’a pas tenu compte de l’intention du législateur de responsabiliser les institutions fédérales au cas par cas quant aux obligations qui leur incombent en vertu de la partie VII. [6] Les intimés nous demandent de rejeter les appels au motif que la partie IV ne s’applique pas à la C.-B. et que la preuve permettait au juge de première instance de conclure qu’ils ont pris des mesures positives suffisantes pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO. [7] Le procureur général de la Colombie-Britannique, en sa qualité d’intervenant, nous demande de confirmer la décision du juge de première instance alors que le Quebec Community Groups Network (QCGN) et l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB) nous demandent de l’infirmer, chacun souscrivant pour l’essentiel à la position des parties qu’il soutient. [8] Pour les motifs exposés ci-après, nous sommes d’avis que le juge de première instance a conclu à bon droit que la partie IV de la LLO et le paragraphe 20(1) de la Charte ne s’appliquent pas à la C.-B. dans sa mise en œuvre de l’Entente. Par contre, il a mal interprété l’obligation qui incombe aux institutions fédérales sous le régime de la partie VII de la LLO. |
[1] The Fédération des francophones de la Colombie-Britannique and the Commissioner of Official Languages (the appellants, and the FFCB and the Commissioner, respectively) are both appealing a decision (2018 FC 530) rendered by Justice Gascon of the Federal Court (trial judge) whereby the FFCB’s application for a remedy pursuant to subsection 77(1) of the Official Languages Act, R.S.C., 1985 (4th Supp.), c. 31 (the OLA), was dismissed. [2] The proceeding arises from four complaints endorsed by the Commissioner alleging that the respondents, Human Resources and Skills Development Canada (HRSDC), since renamed Employment and Social Development Canada (ESDC), and the Canada Employment Insurance Commission (the Commission) (collectively the respondents or the federal institutions) failed to meet their language obligations under Parts IV and VII of the OLA and under subsection 20(1) of the Canadian Charter of Rights and Freedoms, being Part I of the Constitution Act, 1982, Schedule B, Canada Act 1982, 1982, c. 11 (U.K.) [R.S.C., 1985, Appendix II, No. 44] (the Charter), in entering into and implementing the Canada–British Columbia Labour Market Development Agreement signed in February 2008 (the Agreement). The Agreement was entered into pursuant to section 63 of the Employment Insurance Act, S.C. 1996, c. 23 (the EIA). [3] The trial judge refused to grant the remedy sought by the FFCB, finding that under the Agreement, British Columbia (B.C. or the province) was not acting “on … behalf” of ESDC and the Commission as required under section 25 of Part IV of the OLA and that these entities took sufficient positive measures to fulfil their duties under Part VII, specifically section 41. [4] In support of its appeal, the FFCB maintains that on the basis of the law and the evidence the trial judge was bound to conclude that the Agreement as well as the employment benefits and support measures that it authorizes violate subsection 20(1) of the Charter and Parts IV and VII of the OLA. [5] The Commissioner takes issue with the portion of the decision that deals with Part VII. He maintains that although the trial judge correctly stated the principles applicable to the interpretation of language rights, he did not take into account Parliament’s intention to make federal institutions accountable for their obligations under Part VII on a case-by-case basis. [6] The respondents ask that we dismiss the appeals on the ground that Part IV does not apply to B.C. and that the evidence supports the trial judge’s conclusion that they took sufficient positive measures to satisfy the obligation under Part VII of the OLA. [7] The Attorney General of B.C., in his capacity as intervener, asks that we uphold the trial judge’s decision, whereas the Quebec Community Groups Network (QCGN) and the Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB) invite us to set it aside, each substantially agreeing with the position of the parties they support. [8] For the reasons set out below, we are of the view that the trial judge correctly concluded that Part IV of the OLA and subsection 20(1) of the Charterdo not apply to B.C. in its implementation of the Agreement. However, he misinterpreted the obligation cast upon federal institutions under Part VII of the OLA. [9] After conducting our own analysis on the basis of the applicable legal test, we conclude that the federal institutions failed to meet their obligation towards B.C.’s French linguistic minority community under Part VII of the OLA and that the complaints are to that extent well founded. It follows that the appeals, insofar as they pertain to the breach of the Part VII obligation, must be allowed. |
|
[191] Le pouvoir d’octroyer la réparation qui est convenable et juste dans les circonstances est très vaste, mais seules les institutions fédérales peuvent y être assujetties. À l’heure actuelle, les institutions fédérales ne sont pas en mesure de faire quoi que ce soit pour favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. ou la protéger parce que l’Entente qu’elles ont signée ne reconnaît pas l’obligation qu’elles ont en vertu de la partie VII de la LLO et ne prévoit aucun moyen pour exiger qu’elle soit respectée dans la mise en œuvre de l’Entente. Elle ne permet pas non plus aux institutions fédérales d’intervenir directement dans l’offre de services d’aide à l’emploi, puisque selon ses termes, ces matières relèvent du contrôle exclusif de la C.-B. [192] Les institutions fédérales ne peuvent demeurer parties à une entente qui les empêche d’honorer l’obligation continue qu’elles ont envers la minorité linguistique francophone de la C.-B. Il s’ensuit que l’Entente doit, dans un premier temps, être résiliée à moins qu’elle puisse être renégociée afin de permettre aux institutions fédérales d’agir en conformité avec l’obligation qui leur incombe en vertu de la partie VII. [193] Dans un deuxième temps, le geste réparateur doit être déterminé. À cette étape, il ne s’agit pas de se demander ce que les institutions fédérales auraient pu faire, mais bien de déterminer comment remédier au tort qui a été causé. Comme nous l’avons vu, l’impact négatif qui a découlé de l’Entente et du défaut d’agir des institutions fédérales est le démantèlement du réseau de services d’aide à l’emploi qu’elles avaient mis sur pied avec la participation des organismes francophones. Ce réseau était unique dans sa conception et constituait un outil de socialisation irremplaçable. S’agissant ici de réparer, dans la mesure du possible, l’impact négatif de l’Entente sur l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. avec un regard axé sur sa survie, la restauration de ce réseau s’impose comme réparation convenable et juste dans les circonstances. [194] L’Entente comporte des contraintes temporelles qui nous empêchent de donner à cette réparation un effet immédiat. Bien qu’elle puisse être modifiée en tout temps, les parties ont convenu qu’un préavis de deux ans, calculé à compter du 1er avril de chaque année, était nécessaire pour y mettre fin (articles 1.2, 24.0 et 25.0 de l’Entente). L’ampleur de l’Entente et l’importance d’y mettre fin en évitant que les services aux clients soient indûment amoindris ou interrompus justifient la durée de ce préavis. [195] Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’ordonner que la réparation s’effectue comme suit : les institutions fédérales devront faire parvenir à la C.-B. dans les 60 jours suivant la date du présent jugement, le préavis prévu à l’article 24.0 de l’Entente indiquant leur intention d’y mettre fin dans sa forme actuelle à compter du 1er avril 2024. D’ici là, rien n’empêchera les institutions fédérales de tenter de modifier l’Entente d’un commun accord afin d’y insérer les modalités leur donnant le droit d’exiger que l’Entente soit mise en œuvre dans le respect de l’obligation qu’elles ont envers la minorité linguistique francophone de la C.-B. en vertu de la partie VII de la LLO. Les institutions fédérales devront, dès qu’elles seront en mesure d’agir, soit dans le cadre d’une Entente modifiée ou suite à son annulation, voir à ce que soit reconstitué, dans la mesure du possible, le réseau de services d’aide à l’emploi avec la participation des organismes francophones selon le modèle qui existait avant la signature de l’Entente, en tenant compte des besoins actuels de la minorité linguistique francophone de la C.-B. |
[191] The power to grant a remedy that is appropriate and just in the circumstances is very broad, but only the federal institutions are subject to it. At the present time, the federal institutions cannot do anything whatsoever to enhance the vitality of B.C.’s French linguistic minority community or to protect it because the Agreement that they signed does not recognize their obligation under Part VII of the OLA or provide for any means to ensure that it is complied with in the implementation of the Agreement. Nor does the Agreement allow the federal institutions to intervene directly in the provision of employment assistance services in B.C. since, according to the terms of the Agreement, such matters are under the exclusive control of the province. [192] The federal institutions cannot remain parties to an agreement that prevents them from honouring their ongoing obligation towards B.C.’s French linguistic minority community. It follows that, as a first step, the Agreement must be terminated, unless it can be renegotiated so as to allow the federal institutions to act in compliance with their obligation under Part VII. [193] Second, the remedial action must be ascertained. At this stage, we need not determine what the federal institutions could have done, but how to remedy the harm that was caused. As we have seen, the negative impact that resulted from the Agreement and from the failure of the federal institutions to take action is the dismantling of the employment assistance services network that they had set up with the participation of the Francophone organizations. This network was unique in its design and constituted an irreplaceable socialization tool. The task being to remedy, to the extent possible, the negative impact of the Agreement on the vitality of B.C.’s French linguistic minority community with a focus on its survival, restoring this network stands out as the appropriate and just remedy in the circumstances. [194] The Agreement imposes time constraints that prevent us from giving immediate effect to this remedy. Even though the Agreement may be amended at any time, the parties have agreed that two years’ notice, calculated from April 1 of each year, must be given in order to terminate it (Articles 1.2, 24.0 and 25.0 of the Agreement). The magnitude of the Agreement and the importance of terminating it while ensuring that services to clients are not unduly affected or interrupted justify this notice period. [195] In light of the foregoing, it is appropriate to order that the remedy be carried out as follows: the federal institutions must provide B.C., within 60 days of the date of this judgment, the notice referenced in Article 24.0 of the Agreement indicating their intention to terminate the Agreement in its present form as of April 1, 2024. In the meantime, nothing will prevent the federal institutions from trying to amend the Agreement by mutual consent in order to insert terms giving them the right to require that the Agreement be implemented in compliance with their obligation towards B.C.’s French linguistic minority community under Part VII of the OLA. As soon as they are able to act, either under an amended Agreement or after its termination, the federal institutions must, to the extent possible, restore the network of employment assistance services with the participation of the Francophone organizations based on the model that existed before the signing of the Agreement, while taking into account the current needs of B.C.’s French linguistic minority community. |
Mitchell c Procureur général du Québec, 2022 QCCS 2983
[1] Les demandeurs ont initié un pourvoi en contrôle judiciaire afin d’invalider deux dispositions de la Loi sur la langue officielle et commune au Québec, le français [1](« Loi 96 ») amendant la Charte de la langue française[2] dont l’entrée en vigueur est prévue le 1er septembre 2022.Celles-ci prévoient que toute procédure émanant d’une personne morale, si elle est rédigée en anglais, doit être accompagnée d’une version française certifiée provenant d’un traducteur agréé afin d’en permettre le dépôt au Tribunal. [2] La présente demande concerne la suspension durant l’instance des dispositions sous examen. [3] Les demandeurs plaident que cela est contraire à une disposition de la Constitution[3] et crée une barrière empêchant l’accès aux Tribunaux pour les personnes morales dont les représentants sont de langue anglophone. Les coûts supplémentaires et les délais additionnels requis pour obtenir une traduction certifiée créant un obstacle à l’accès à la justice. [4] Le Procureur Général du Québec (« P.G.Q. ») répond que la Loi 96 est adoptée pour promouvoir le français et puisque la justice doit être exercée en français, les dispositions attaquées sont valides et ne crées aucun obstacle à l’accès à la justice. [5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la suspension de l’entrée en vigueur des articles 5 et 119 de la Loi 96 qui amende les articles 9 et 208.6 de la Charte de la langue française doit être ordonnée durant l’instance afin d’en contrôler la légalité. [6] Les demandeurs soulèvent une question sérieuse, soit une possible contravention à l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867[4] qui prévoit au Québec un accès aux Tribunaux en français et en anglais. [7] Les demandeurs ont démontré un préjudice irréparable en cas d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions durant l’instance, notamment puisque les nouvelles dispositions peuvent rendre l’accès à la justice impossible ou illusoire dans les cas de procédure urgente. L’exigence d’une traduction certifiée par un traducteur agréé doit être évaluée selon les délais et les coûts qu’ils entrainent. Il est probable que cette exigence conduise à un obstacle d’accès à la justice. [8] Enfin la prépondérance des inconvénients penche en faveur des demandeurs qui soutiennent les droits en matière linguistique protégés par la Constitution malgré la présomption que la Loi 96 et les dispositions attaquées ont été adoptées dans l’intérêt public. |
[1] The applicants have filed an application for judicial review that seeks to invalidate two provisions of the Act respecting French, the official and common language of Québec[1] (“Bill 96”), which amend the Charter of the French language[2] and are scheduled to come into force on September 1, 2022. The provisions state that in order for any English‑language pleading emanating from a legal person to be filed in court, it must be accompanied by a French version certified by a certified translator. [2] The present application is about suspending those provisions for the duration of the proceedings. [3] The applicants submit that they contravene a provision of the Constitution[3] and create a barrier to access to the courts for legal persons whose representatives are anglophones. They argue that the additional costs and time required to obtain a certified translation create an impediment to access to justice. [4] The Attorney General of Quebec (“AGQ”) responds that Bill 96 has been enacted to promote French, and that since justice must be done in French, the impugned provisions are valid and do not impede access to justice. [5] For the reasons that follow, the Court finds that the coming into force of sections 5 and 119 of Bill 96, which amend sections 9 and 208.6 of the Charter of the French language, must be ordered suspended during the proceedings to consider their validity. [6] The applicants raise a serious question regarding a potential contravention of section 133 of the Constitution Act, 1867,[4] which provides for access to Quebec courts in French and English. [7] The applicants have shown that there would be irreparable harm if the new provisions were to come into force during the proceedings, notably because the new provisions can make access to justice in urgent matters impossible or illusory. The requirement of a translation certified by a certified translator must be assessed based on the delays and costs that such translations engender. The requirement is likely to impede access to justice. [8] Lastly, the balance of inconvenience favours the applicants, who are asserting constitutional language rights, even though there is a presumption that Bill 96 and the contested provisions have been enacted in the public interest. |
|
Association canadienne-française de l’Alberta c Sa Majesté la Reine, 2022 ABKB 618
[1] Le financement du Campus Saint-Jean, qui fait partie de l’Université de l’Alberta, est au cœur du litige qui a mené l’Association canadienne-française de l’Alberta (« ACFA ») et Jo-Anne Nolette (collectivement « les parties demanderesses ») à intenter une procédure introductive d’instance (« Déclaration ») à l’encontre de feue Sa Majesté la Reine du chef de l’Alberta (ministre de l’Enseignement supérieur) et les Gouverneurs de l’Université de l’Alberta (« l’Université ») (ci-après « parties défenderesses »). Le Campus Saint-Jean est une faculté de l’Université qui offre des programmes d’études postsecondaires en français. Selon les parties demanderesses, l’Alberta et l’Université n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles et constitutionnelles dans leur manière d’allouer des fonds au Campus Saint-Jean, et ce, depuis longtemps. Le résultat est un « sous-financement chronique » de l’institution.
[2] La Déclaration réfère à trois sources de responsabilité alléguée contre les parties défenderesses :
1) L’entente du 14 avril 1976 entre les pères Oblats de Marie Immaculée des Territoires du Nord-Ouest, le Collège universitaire Saint-Jean, l’Université et l’Alberta, en vertu de laquelle les Oblats et le Collège ont cédé leurs droits à l’ACFA (« l’Entente de 1976 »);
2) L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés; et
3) Le principe constitutionnel sous-jacent de la protection des droits des minorités.
[3] S’appuyant sur la règle 3.68 des Alberta Rules of Court, les parties défenderesses demandent à la Cour de radier les paragraphes de la déclaration qui touchent aux demandes constitutionnelles. Elles soutiennent que ces paragraphes ne respectent pas les critères relatifs aux actes de procédures, soit parce qu’il y a absence de cause d’action raisonnable soit parce qu’il n’existe aucune possibilité raisonnable que la demande soit accueillie à cet effet. Les parties défenderesses reconnaissent que les demandes contractuelles doivent suivre leurs cours.
[20] Selon l’article 23 de la Charte, certains citoyens canadiens qui ont le statut d’ayant droit ont le droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité linguistique de la province, soit en anglais ou en français.
[21] L’Alberta et l’Université réfèrent aux limites expresses contenues à l’article 23 de la Charte par rapport à l’éducation primaire et secondaire. Elles font valoir à juste titre que l’article 23 « établit un code complet régissant les droits à l’instruction dans la langue de la minorité », et qu’il ne comprend pas un droit à l’instruction au niveau postsecondaire : Mahe c Alberta, 1990 CanLII 133 (CSC), [1990] 1 RCS 342 à la p 369. Or, le Campus Saint-Jean offre des programmes postsecondaires. Selon l’Alberta et l’Université, ceci fait en sorte que le recours intenté en vertu de l’article 23 de la Charte est sans aucun doute voué à l’échec. Bref, il n’existe pas de cause d’action en vertu de l’article 23 puisqu’il ne s’agit que d’une demande de financement des programmes d’éducation postsecondaire, alors que l’article 23 ne vise pas ce niveau d’enseignement.
[22] Les parties demanderesses ont confirmé au cours de leurs plaidoiries orales que l’ACFA n’a pas de droits en vertu de l’article 23. Madame Nolette est l’ayant droit dans la présente instance. Madame Nolette ne prétend pas avoir un droit direct d’être éduquée en français au niveau postsecondaire ni de faire instruire ses enfants en français au Campus Saint-Jean. Plutôt, la Déclaration Modifiée allègue une pénurie d’enseignants et d’autres professionnels de l’éducation qualifiés et d’expression française pour les niveaux primaire et secondaire. Cette pénurie crée une situation où l’instruction à ces niveaux du système d’éducation n’est pas d’une qualité réellement équivalente à celle dispensée en anglais. Elles sont d’avis que le défaut de l’Alberta de fournir un financement opérationnel suffisant au Campus Saint-Jean, la seule institution albertaine en mesure de former des enseignants aptes à enseigner en français aux niveaux primaire et secondaire, constitue une violation de l’article 23.
[23] Certes, il y a de la jurisprudence qui traite de ce qui n’est pas visé par l’article 23. Par exemple, l’éducation à la petite enfance n’est pas protégée si elle ne fait pas partie de l’enseignement primaire : voir par exemple Territoires du Nord-Ouest (PG) c Association des parents ayants droit de Yellowknife, 2015 CATNO 2 aux paras 80-81, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 36338 (29 octobre 2015). À ma connaissance, l’affaire en l’espèce est la première où l’on affirme que le droit à l’égard de l’éducation primaire et secondaire en vertu de l’article 23 de la Charte comporte une obligation du gouvernement à l’égard de la formation des enseignants et d’autres membres du personnel scolaire. Le fait que si la demande était accueillie entraînerait une reconnaissance d’un droit qui n’a pas encore été reconnu ne signifie pas qu’il n’y a pas de cause d’action. Cependant, le seul fait que des actes de procédure présentent des questions de droit inédites ne signifie pas non plus qu’elles ne doivent pas être radiées : voir par exemple La Rose c Canada, 2020 CF 1008 aux paras 23-25.
[24] En l’espèce, et à ce stade des procédures, je n’accepte pas l’argument selon lequel l’article 23 ne pourrait pas être largement interprété de manière à inclure une obligation telle qu’avancée par les parties demanderesses. Il n’est pas vraiment contesté que, pour pouvoir offrir l’enseignement dans la langue de la minorité aux niveaux primaire et secondaire, il doit y avoir des enseignants qualifiés et d’autres membres du personnel capables de travailler dans la langue de la minorité. L’arrêt Mahereconnait le lien qui existe entre les droits en vertu de l’article 23 et l’embauche des enseignants: Mahe aux pp 371-372. En effet, il n’est pas difficile de penser qu’il existe un lien entre l’embauche des enseignants et la formation des enseignants pour s’assurer que le recrutement d’enseignants soit en fait possible, surtout si l’on garde à l’esprit la fonction réparatrice de l’article 23: Mahe à la p 363. Dans l’arrêt Mahe, la Cour suprême a déjà offert des exemples de services autrement considérés accessoires qui pourraient faire partie de la portée de l’article 23, le cas échéant: « Dans certains cas, il pourra être nécessaire d’assurer le transport des élèves, ou peut-être prévoir des pensionnats, pour répondre aux exigences de l’art. 23 »: Mahe à la p 386; voir subséquemment Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique relativement au transport scolaire. De plus, le lien reconnu entre l’éducation, la langue et la culture soutient la conclusion que les parties demanderesses devraient avoir l’opportunité de faire valoir la cause d’action qu’elles avancent en vertu de l’article 23 de la Charte dans la Déclaration Modifiée: Mahe aux pp 362-363. Il est aussi utile de se rappeler qu’à ce stade des procédures, ma fonction n’est pas de déterminer si la cause d’action sera ultimement accueillie.
[25] Par ailleurs, je suis consciente de l’appel à la prudence de la Cour suprême énoncé dans l’arrêt Mahe quant à l’interprétation des droits linguistiques: Mahe à la p 365. Cependant, la Cour suprême a aussi clairement édicté que même si la prudence est de mise, cela ne signifie pas que l’interprétation qui insufflent la vie à l’article 23 ou qui mènerait à l’octroi de réparations de nature nouvelle ne devrait pas être préconisée: Mahe à la p 365. La Cour suprême invite donc les tribunaux à identifier ce qui est nécessaire afin de réaliser l’objet de l’article 23.
[55] Pour déterminer s’il existe une cause d’action viable, il est également pertinent de souligner que la nature même de la demande alléguée par les parties demanderesses est l’application d’un principe général à des circonstances qui ne sont pas expressément visées par le texte de la Constitution ou par une loi. Je reconnais que des principes constitutionnels non écrits ne peuvent servir à réécrire l’article 23 de la Charte. Toutefois, la jurisprudence est claire : ils peuvent avoir une force normative dans des situations qui ne sont pas couvertes par des droits explicites garantis par la Charte. Dans ce contexte, les nouvelles applications des principes constitutionnels non écrits seront toujours inédites et sans fondement législatif ou jurisprudentiel précis. On aurait pu en dire autant de l’affaire Lalonde sur une demande en radiation. Les préoccupations de l’Université quant à l’établissement d’un précédent pour l’application illimitée de principes constitutionnels non écrits en matière de répartition des fonds publics sont mieux traitées dans le contexte d’une décision sur le bien-fondé de la demande.
[56] J’ai également tenu compte des décisions postérieures à Lalonde présentées par l’Université. Bien que la demande dans Gigliotti c Collège des Grands Lacs (Conseil d’administration) (2005), 76 OR (3d) 581 (C div) ait été rejetée, l’affaire ne permet pas d’affirmer que le principe constitutionnel non écrit de la protection des minorités ne pourrait jamais s’appliquer dans des circonstances comme celles qui nous occupent. Cette décision reposait plutôt sur ses propres faits. La Cour divisionnaire a conclu, quoiqu’en obiter, que la décision de fermer le collège francophone en question était conforme au respect des principes constitutionnels non écrits.
[57] L’affaire Giroux c Ontario (Ministre des Services aux consommateurs et aux entreprises) (2005), 2005 CanLII 79669 (ON CS), 75 OR (3d) 771 (C div), motion visant à obtenir l'autorisation d'interjeter appel rejetée 2005 CarswellOnt 8764 (CA), autorisation de pourvoi à la CSC refusé, 31284 (18 mai, 2006) n’a pas ultimement traité de la demande fondée sur des principes constitutionnels non écrits, car la Cour a conclu que la demande était prématurée.
P.A. c. Ministre de l'Éducation, 2022 CanLII 88623 (QC TAQ)
[1] Le requérant (monsieur) conteste une décision rendue par l’intimé, le ministre de l’Éducation du Québec (le ministre), le 15 septembre 2021, qui refuse l’accès à l’enseignement en anglais pour sa fille (désignée X) alors que la famille réside depuis peu au Québec dans la Ville A.
[2] Dans ce contexte, il demande au ministre de la déclarer admissible à recevoir l’enseignement en anglais au Québec selon le paragraphe 73(2) de la Charte de la langue française[1] (la Charte). Lorsqu’il fait cette demande au mois d’août 2021, monsieur est membre régulier des Forces armées canadiennes.
[3] Il demande de renverser cette décision puisque X a évolué dans un environnement anglophone dès son jeune âge lors de son affectation [au Pays A] en 2019-2020, qu’elle parle peu français, qu’elle évolue plus aisément en anglais, particulièrement avec ses amis de Ville B, et que jusqu’à maintenant, sa scolarisation au primaire s’est faite en anglais.
[4] La première année de scolarisation primaire en anglais de X s’est faite dans une école de Ville B pour une portion de l’année 2020-2021, alors que sa deuxième année de scolarisation primaire, soit l'année scolaire 2021-2022, a pu se faire en anglais dans une école anglophone de Ville A en vertu d’une déclaration d’admissibilité délivrée par le ministre en septembre 2021 selon l'article 85 de la Charte, et sur laquelle le Tribunal reviendra.
[5] Le Procureur général du Québec (PGQ) soutient que X n’a pas reçu la majeure partie de son enseignement en anglais au Canada et, qu’à cet égard, la seule première année du primaire scolarisée en anglais au moment de la demande d’admissibilité ne remplit pas les conditions d’admissibilité.
[6] À la lumière principalement des arrêts Solski[2] et Nguyen[3], l’analyse qualitative contextuelle à laquelle convie la Cour suprême du Canada dans l’interprétation et l'application du paragraphe 73(2) de la Charte ne permet pas de conclure à l’admissibilité de X.
[37] L’évaluation qualitative nécessite la recherche d’un « engagement authentique » à poursuivre le cheminement scolaire dans la langue de la minorité. Les décisions de la Cour suprême[12] ont élaboré certains critères (non exhaustifs), constamment repris dans les décisions du Tribunal, pouvant être considérés afin de déterminer l’existence de cet engagement authentique à poursuivre le parcours scolaire dans la langue de la minorité :
–le temps passé dans chaque programme ;
–l’étape des études à laquelle le choix de la langue d’enseignement a été fait ;
–les programmes qui sont offerts ou qui l’étaient ;
–l’existence de problème d’apprentissage ou d’autres difficultés.
[57] Or, conformément aux décisions constantes du Tribunal sur le sujet, la recherche du bilinguisme ne constitue pas la preuve d’un engagement authentique à poursuivre le parcours scolaire dans la langue de la minorité[18].
[58] Au surplus, le bref parcours scolaire primaire de X [dans la Province A] ne démontre aucune difficulté d’apprentissage, que ce soit en anglais ou en français. Au contraire, l’évaluation de X est excellente, à tous égards, considérant qu’elle reçoit 75 % de l’enseignement en anglais et 25 % en français. Le Tribunal ne dispose pas du détail du cheminement scolaire au Québec pour l’année scolaire 2021-2022.
[59] En fait, dans le présent dossier, le Tribunal ne dispose d’aucun élément déterminant pouvant lui permettre de conclure positivement à la question de l’engagement authentique recherché.
[60] À la lumière de ce qui précède et, même si jusqu’à maintenant, la scolarisation primaire de X s’est déroulée entièrement en anglais, le Tribunal conclut que son parcours scolaire ne remplit pas le critère de la « majeure partie » dans la langue d’enseignement de la minorité, considérant l’analyse qualitative et la notion de « l’engagement authentique » à cheminer dans cette langue.
Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique v British Columbia, 2022 BCSC 540
[1] This lawsuit is the fourth episode in constitutional litigation that has been intermittently underway since 1996. The plaintiff (the “Conseil”) asserts a continuing violation of rights to French-language instruction and facilities guaranteed by s. 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. It relies in particular on the decision of Russell J. of this Court in Conseil-scolaire francophone de la Colombie-Britannique v. British Columbia (Education), 2016 BCSC 1764 [Conseil Scolaire 2016]. Justice Russell’s order was varied in the Supreme Court of Canada (at 2020 SCC 13) [Conseil Scolaire 2020], but the Conseil specifically pleads and relies upon only three paragraphs of that order that were not appealed. The government of British Columbia (“BC”) was and is a defendant.
[2] The Conseil’s principal complaint is that BC has failed to effectively comply with Russell J.’s order to give effect to its rights, as determined by the Court. It says that the Vancouver Board of Education (the “VBE”), which was not a party in the earlier proceedings, is also bound by s. 23 of the Charterand shares responsibility for BC’s failure to remedy breaches of s. 23.
[3] BC applies for an order striking portions of Part 1 of the notice of civil claim. The VBE supports the application. It is important to emphasize at the outset that the application concerns only Part 1, which is supposed to set out a concise statement of the material facts alleged by the plaintiff.
[4] The defendants say that Part 1 of the Conseil’s notice of civil claim as presently drafted is not a proper pleading because much of it does not satisfy the requirements of Supreme Court Civil Rules [Rules] 3-1 and 3-7. Specifically, they complain that it contains argument, evidence, legal conclusions, and extensive quotations that are not themselves material facts. They ask me to order that the entire notice of civil claim be rewritten because, as BC’s counsel puts it, the substance of the application is an objection to the approach to the pleading taken by the Conseil.
[5] The Conseil opposes the application. Following delivery of the notice of application, the Conseil took some of the defendants’ complaints into account in amending the notice of civil claim. It says that, with the amendments, its pleading is proper and appropriate in this constitutional case. In what follows, when I quote from the amended notice of civil claim, I will omit the black-lining that identifies the amendments.
[109] While I have found that the amended notice of civil claim includes many paragraphs that should be struck, I do not think it is so generally deficient that I should strike the entire pleading and direct the Conseil to try again.
[110] I come to this conclusion with considerable hesitation because I suspect that removal of the paragraphs I have ordered be struck may not resolve the fundamental ambiguity as to the factual scope of the claim noted above in these reasons at paragraphs [25] to [30], a question bearing on the scope of discovery and the issues to be resolved at trial. Is the Conseil relying upon other parts of the orders of Russell J. or the Supreme Court of Canada than the paragraphs it has specifically pleaded? Does it intend to lead evidence concerning the state of French-language education in British Columbia beyond the confines of Vancouver, west of Main Street? I leave it to counsel to consider these questions and how they might be resolved.
H.I. c Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2022 CanLII 12473 (QC TAQ)
L’APERÇU
[1] Le Tribunal[1] est saisi de deux recours déposés par la requérante (ci-après « madame ») à l’encontre d’une décision rendue par la personne désignée par le ministre de l’Éducation[2] (ci-après « intimé ») qui ne reconnaît pas l’admissibilité de l’enfant M.-A. L. (ci-après « M. ») et de l’enfant D.L. (ci-après « D. ») à recevoir l’enseignement en anglais.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[2] Madame souligne que ce sont pour des motifs religieux que M. et D. ont été inscrits dans une institution privée anglophone de confession musulmane. Elle prétend que l’enseignement en anglais qu’ont reçu M. et D au primaire les rend admissibles à poursuivre leurs études dans une école anglophone subventionnée par le Québec.
[3] Pour sa part, l’avocate représentant le Procureur général du Québec soutient que M. et D. ne se qualifient pas pour recevoir l’enseignement en anglais, puisqu’ils ne satisfont pas les critères énoncés dans les différentes dispositions législatives et développés par la jurisprudence.
[33] À cet égard, la LIP[8] énonce clairement que les enfants résidant au Québec ont l’obligation de fréquenter une école au Québec, à moins d’une entente avec une institution scolaire, ce qui n’est pas le cas en espèce.
[34] Ainsi, le Tribunal est d’avis que d’un point de vue qualitatif les années d’études primaires de M. et D. ne peuvent être considérées comme étant qualifiantes au sens de la LIP. En effet, cet enseignement a été reçu de manière illégale et sans droit. Conséquemment, ces années d’enseignement au primaire ne peuvent être prises en considération aux fins de l’application du deuxième paragraphe de l’article 73 de la Charte.
[35] Par ailleurs, l’enseignement reçu sans droit ne saurait en aucun temps être créateur de droits afin de rendre un enfant admissible à recevoir un enseignement en anglais.
[36] Quoique madame mentionne que ses enfants ne peuvent s’adapter dans une école où l’enseignement se fait en français et qu’elle désire qu’ils poursuivent leurs études dans une école anglophone, l’article 23 de la Charte canadienne n’autorise pas le libre choix de la langue d’enseignement au Québec.
[37] Également, madame souligne qu’elle désire que ses enfants poursuivent leurs études en anglais, même en dehors du cadre religieux, ce qui va à l’encontre du principe édicté à l’article 72 de la Charte.
[38] Quand bien même que madame évoque des difficultés financières au soutien de la demande de dérogation, le Tribunal tient à préciser que cet élément n’est pas pertinent dans son évaluation, donc il ne peut en tenir compte.
[39] Puisque le Tribunal conclut que les années d’études primaires de M. et D. ne peuvent être considérées comme étant qualifiantes, on ne peut que constater que M. et D. n’ont pas reçu la « majeure partie » de leur enseignement en anglais.
[40] Ceci dit, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’analyser l’aspect de « l’engagement authentique » dans le présent cas. Par ailleurs, le Tribunal tient à préciser que même si cette analyse était requise, M. et D. ne se qualifient tout de même pas en vertu des critères développés par la jurisprudence.
[41] Le Tribunal trouve louables le dévouement des parents ainsi que tous les sacrifices engagés afin que leurs enfants bénéficient de la meilleure éducation où l’apprentissage de plusieurs langues et de cultures sont offertes.
[42] Cependant, les dispositions législatives sont très claires et ne laissent pas place à interprétation, le Tribunal ne peut donc y déroger.
M.M. c Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2022 CanLII 12455
[1] Le Tribunal[1] est saisi d’un recours déposé par le requérant (ci-après « monsieur ») à l’encontre d’une décision rendue par la personne désignée par le ministre de l’Éducation[2] (ci-après « intimé ») qui ne reconnaît pas l’admissibilité de l’enfant A.R.M. (ci-après « A. ») à recevoir l’enseignement en anglais.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
[2] Monsieur prétend qu’en raison du parcours scolaire de l’enfant Y.M. (ci‑après « Y. »), A. devient admissible pour recevoir l’enseignement en anglais. Il ajoute que A. s’exprime principalement en anglais et un enseignement dans cette langue lui sera plus bénéfique.
[3] Pour sa part, l’avocat représentant le Procureur général du Québec n’est pas du même avis et il soutient que le parcours scolaire de Y. ne qualifie pas A. pour recevoir l’enseignement en anglais, puisque les critères énoncés dans les différentes dispositions législatives et développés par la jurisprudence ne sont pas rencontrés.
[40] Rappelons que la LIP[8] énonce clairement que les enfants résidant au Québec ont l’obligation de fréquenter une école au Québec à moins d’une entente avec une institution scolaire, ce qui n’a pas été démontré en l’espèce.
[41] Le Tribunal est à même de constater que les études de Y. effectuées en O. ne peuvent être considérées comme étant qualifiantes, puisque l’enseignement a été reçu de manière illégale et sans droit.
[42] Conséquemment, ni les deux années de scolarisation à la maison ni les trois années d’études en O. ne peuvent être prises en considération aux fins de l’application du deuxième paragraphe de l’article 73 de la Charte.
[43] Quand bien même que monsieur invoque le fait que A. s’exprime principalement en anglais, le Tribunal tient à préciser que cet élément n’est pas pertinent dans son évaluation, donc il ne peut en tenir compte.
[44] Par ailleurs, l’enseignement reçu sans droit ne saurait en aucun temps être créateur de droits afin de rendre un enfant admissible à recevoir un enseignement en anglais.
[45] Or, puisque le Tribunal conclut que les études de Y. reçues à la maison et celles qu’il a reçues en O. ne sont pas qualifiantes, seules les études primaires demeurent. À cet égard, le Tribunal ne peut que constater que Y. n’a pas reçu la « majeure partie » de son enseignement en anglais. Ainsi, sur la base du parcours scolaire de ce dernier, A. n’est pas admissible pour recevoir l’enseignement subventionné en anglais.
[46] Étant donné que Y. n’a pas reçu la « majeure partie » de son enseignement en anglais, Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’analyser l’aspect de « l’engagement authentique » dans le présent cas. Par ailleurs, le Tribunal tient à préciser que même si cette analyse était requise, Y. ne rencontre pas les critères développés par la jurisprudence, ce qui fait en sorte que A. n’est tout de même pas admissible à recevoir l’enseignement en anglais.
[47] Le Tribunal ne met pas en doute la bonne volonté des parents qui veulent offrir à leurs enfants un bon encadrement scolaire dans lequel ils ont l’opportunité d’apprendre plusieurs langues.
[48] Cependant, les dispositions législatives sont très claires et ne laissent pas place à interprétation, le Tribunal ne peut donc y déroger.
C.E. c Québec (Éducation, Loisir et Sport), 2022 CanLII 1290 (QC TAQ)
[1] Le requérant conteste une décision rendue le 14 juin 2021 par le ministre de l’Éducation (« l’intimé »)[1].
[2] Cette décision rejette une demande visant à faire reconnaître l’admissibilité de son fils à recevoir l’enseignement en anglais.
Contexte
[3] L’enfant naît au Québec en juillet 2010. Il entre en maternelle en 2015, puis débute son parcours scolaire primaire en 2016. Jusqu’en cinquième année, il fréquente l’école anglaise en vertu d’une exemption de recevoir l’enseignement en français, liée au statut de membre des Forces armées canadiennes (FAC) du requérant[2].
[4] En novembre 2019, les FAC libèrent toutefois ce dernier pour des raisons médicales, de sorte que l’exemption n’est pas renouvelée pour l’année scolaire 2021-2022. Actuellement en sixième année, l’enfant reçoit donc l’enseignement en français, mais le requérant sollicite une nouvelle exemption, afin que son fils puisse retourner à l’école anglaise.
Question en litige
[5] L’enfant est-il admissible à recevoir l’enseignement en anglais?
[21] À plusieurs reprises, la Cour suprême renvoie à l’importance d’assurer la protection de la communauté linguistique minoritaire et à la nécessité d’un engagement authentique à cheminer dans la langue de la minorité.
[22] Or, aucun élément ne lie le requérant ou son fils à la communauté linguistique minoritaire du Québec, en l’occurrence la communauté anglophone. Le français s’avère en effet non seulement la langue maternelle de l’enfant, mais aussi la langue dans laquelle celui-ci communique avec ses parents. De plus, la mère de l’enfant est francophone et native du Québec[13], tandis que le requérant réside au Québec depuis son immigration à l’âge de 11 ans. Tous deux rapportent avoir effectué leurs études en français[14].
[23] Rappelons également que pour le requérant, la scolarisation de l’enfant en anglais vise d’abord à pallier l’éventualité d’une affectation et d’un déménagement à l’extérieur du Québec. En même temps, il est question de favoriser les échanges entre l’enfant et sa famille élargie, dont les membres se trouvent à différents endroits à travers le monde[15]. Toutefois, le Tribunal ne croit pas que ce double objectif crée un engagement authentique à cheminer dans la langue de la minorité. Il s’agit plutôt d’une volonté d’assurer le bilinguisme de l’enfant, certes fort louable, mais qui ne figure pas parmi les critères d’admissibilité à recevoir l’enseignement en anglais.
[24] Le requérant invoque par ailleurs le bien-être de l’enfant, alléguant son besoin de stabilité, tout en faisant état de certains problèmes liés au changement d’école, dont l’anxiété, l’insomnie et des troubles de concentration[16]. Par contre, la condition de l’enfant ne constitue pas un facteur à prendre en compte aux fins de l’article 73 de la Charte.
[25] Ajoutons qu’aucune preuve ne démontre la présence de difficultés d’apprentissage. L’enfant obtient au contraire de bons résultats depuis le début du primaire et dans toutes les matières, incluant le français, où il excède constamment la moyenne du groupe[17]. Peut-être dans un parcours scolaire anglais, l’étude du français est-elle moins approfondie, comme l’avance le requérant. Malgré tout, les bulletins tracent le portrait d’un enfant doté d’une bonne capacité d’apprentissage, susceptible, en toute probabilité, de se transposer dans un parcours scolaire français pour la suite de ses études.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
REJETTE le recours;
CONFIRME la décision rendue par l’intimé le 14 juin 2021.
Lessard-Gauvin c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2022 CRTESPF 83
[1] Le 24 janvier 2022, David Lessard-Gauvin (le « plaignant ») a déposé auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (par souci de simplicité, dans cette décision le terme « Commission » désigne tout aussi bien la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral que les commissions qui l’ont précédée) une plainte contre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse » ou l’AFPC) alléguant que cette dernière s’est livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTSPF). Le plaignant allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable, enfreignant ainsi l’article 187 de la LRTSPF. | [1] On January 24, 2022, David Lessard-Gauvin (“the complainant”) made a complaint with the Federal Public Sector Labour Relations and Employment Board (for simplicity, in this decision, “Board” refers to both the Federal Public Sector Labour Relations and Employment Board and the boards that preceded it) against the Public Service Alliance of Canada (“the respondent” or PSAC), alleging that it committed an unfair labour practice under s. 190(1)(g) of the Federal Public Sector Labour Relations Act (S.C. 2003, c. 22, s. 2; FPSLRA). The complainant alleged that the respondent failed its duty of fair representation, thus infringing s. 187 of the FPSLRA. | |
[42] Le plaignant a aussi appuyé son argumentation sur la clause 18.02 de la convention collective, qui stipule qu’un fonctionnaire peut présenter un grief contre l’employeur lorsqu’il s’estime lésé par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi. Rappelons cependant que le plaignant n’a pas déposé un grief contre l’employeur pour un manquement à la LLO. Il a plutôt déposé une plainte ayant trait aux langues officielles auprès du commissaire. De plus, il recherche maintenant l’exécution de recommandations formulées pas le commissaire dans le cadre de ladite plainte. L’agent négociateur n’a donc pas refusé ou négligé de représenter le plaignant à la suite du dépôt d’un grief. [43] La présente plainte de pratique déloyale de travail vise l’exécution de recommandations formulées par le commissaire ou le dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO. Il n’est pas établi, et même improbable, que l’exécution de recommandations formulées par le commissaire et le dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO puissent être négociés collectivement. Ces questions ne relèvent pas non plus d’une des dispositions de la LRTSPF. [44] Le devoir de représentation équitable imposé par la LRTSPF à un agent négociateur ne saurait donc s’appliquer à l’exécution de recommandations du commissaire ou au dépôt d’un recours visé à la partie X de la LLO, comme elle ne s’applique aux litiges portant sur la dotation (voir Ouellet et Abeysuriya) ou à ceux impliquant les commissions des accidents du travail (voir Elliott). [45] Enfin, le plaignant prétend que la décision Lessard-Gauvin reposait sur un raccourci intellectuel qui constituait une erreur de droit. Or, cette décision impliquait le plaignant. Il aurait pu demander la révision judiciaire de cette décision s’il croyait qu’elle comprenait une erreur de droit. Il ne l’a pas fait. La décision Lessard-Gauvin est donc toujours valide. Le plaignant ne m’a présenté aucun argument qui me persuade d’arriver à une conclusion différente en l’espèce. [46] Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit : (L’ordonnance apparaît à la page suivante) VI. Ordonnance[47] L’objection préliminaire de compétence est accordée. [48] La plainte est rejetée. Le 4 octobre 2022. |
[42] The complainant also supported his argument on clause 18.02 of the collective agreement, which states that federal public service employees may file grievances against the employer if they are aggrieved by anything that impacts their working conditions. However, note that the complainant did not file a grievance against the employer for an OLAviolation. Instead, he made an official-languages complaint with the Commissioner. In addition, he seeks that the Commissioner’s recommendations made as part of that complaint be implemented. Therefore, the bargaining agent did not refuse or neglect to represent the complainant after a grievance was filed. [43] This unfair-labour-practice complaint involves implementing the Commissioner’s recommendations or filing a remedy under Part X of the OLA. It was not established and is even unlikely that implementing the Commissioner’s recommendations or filing a remedy under Part X of the OLA can be negotiated collectively. And those issues are not covered by any FPSLRA provisions. [44] Therefore, the duty of fair representation that the FPSLRA imposes on a bargaining agent should not apply to implementing the Commissioner’s recommendations or to filing a remedy under Part X of the OLA as it does not apply to staffing disputes (see Ouellet and Abeysuriya) or those involving workers’ compensation boards (see Elliott). [45] Finally, the complainant claimed that Lessard-Gauvin was based on an intellectual shortcut that constituted an error in law. However, the decision involved the complainant. He could have sought its judicial review if he felt that it included an error in law, but he did not. Therefore, Lessard-Gauvin is still valid. He did not present me with any argument that persuaded me to reach a different conclusion in this case. [46] For all of the above reasons, the Board makes the following order: (The Order appears on the next page) VI. Order[47] The preliminary objection, on jurisdiction, is allowed. [48] The complaint is dismissed. October 4, 2022. FPSLREB Translation |
Alliance nationale de l'industrie musicale c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), 2022 CAF 156
[1] Nous sommes saisis d’un appel de l’Alliance nationale de l’industrie musicale (l’Alliance), ainsi que d’un appel incident logé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) à l’encontre d’une décision rendue par le juge McHaffie de la Cour fédérale (le juge) dans laquelle il a tranché la requête en radiation du CRTC concernant trois portions de l’Avis de demande déposé par l’Alliance.
[2] Le juge s’est bien dirigé en adoptant le cadre d’analyse propre à une demande de radiation d’un acte introductif d’instance tel qu’énoncé dans Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 et David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., 1994 CanLII 3529 (CAF), [1995] 1 CF 588 (CA).
[3] Nous sommes tous d’accord avec les conclusions suivantes du juge :
- À la lumière de l’arrêt Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1, la demande en dommages-intérêts de l’Alliance envers le CRTC devait être radiée compte tenue de l’immunité dont bénéficie le CRTC à l’égard de l’exercice de ses fonctions juridictionnelles;
- Il n’est pas manifeste et évident que la Cour fédérale est dépourvue de compétence pour modifier les conditions de licences aux termes du paragraphe 77(4) de laLoi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, ch. 31 (4e suppl.) (la LLO);
- Le rejet de la demande du CRTC visant à faire radier certains paragraphes dans l’avis de demande car, selon lui, ils sont pertinents aux allégations en lien avec la violation de la LLO;
- Déférer la question des dépens au juge de la Cour fédérale qui statuera sur le fond de l’affaire.
[4] Nous sommes toutefois également tous d’avis que (i) compte tenu de la jurisprudence énonçant que le pouvoir de radiation ne doit être exercé que dans des cas exceptionnels, c’est-à-dire lorsqu’il est « évident et manifeste » que la demande ne peut réussir; (ii) de l’ambigüité entourant la compétence de la Cour fédérale d’émettre des ordonnances injonctives en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 (la Charte) et la LLO (Canada(Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministre de la Justice), 2001 CFPI 239; DesRochers c. Canada (Industrie), 2009 CSC 8 (CanLII), [2009] 1 RCS 194) et, (iii) du principe selon lequel l’expression « tribunal compétent » au paragraphe 24(1) de la Charte doit être interprétée de façon à éviter le fractionnement des recours (R c. Conway, 2010 CSC 22 (CanLII), [2010] 1 RCS 765), le juge a erré en concluant que la demande de l’Alliance pour une ordonnance obligeant le CRTC à imposer des conditions de licence devait être radiée dans la mesure où elle se fonde sur la Charte, plus précisément, son paragraphe 24(1). Il nous apparaît préférable dans les circonstances de laisser au juge du fond le soin de décider de cette question.
[5] L’appel sera donc accueilli en partie et l’appel incident sera rejeté.
[6] Compte tenu du succès partagé, chacune des parties assumera ses propres dépens devant cette cour.
Tchiianika c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2022 CF 1119
2. Les droits linguistiques des demandeurs[23] Les demandeurs soutiennent que la SAR n’a pas respecté leurs droits linguistiques, car leur appel n’a pas été évalué dans la langue de procédure de leur choix. Ils soulignent que la décision de la SAR a été rendue originellement dans la langue anglaise et par erreur administrative seulement les motifs en anglais ont été transmis au demandeur. À la suite d’une plainte par les demandeurs quelques semaines plus tard, les motifs en français leur ont été transmis. Selon les demandeurs, le fait seul de rédiger la décision en anglais donne lieu à une violation de leurs droits linguistiques et de leurs droits à l’équité procédurale. Ils soutiennent qu’ils doivent se demander si la SAR a compris leurs soumissions et qu’ils ne peuvent pas déterminer s’ils ont été entendus. [24] Les demandeurs n’allèguent aucun préjudice et n’expliquent pas en quoi la traduction de la décision est problématique. En l’absence d’un préjudice allégué, le défendeur soutient que les droits linguistiques des demandeurs ne sont pas enfreints et qu’il n’y a eu aucune violation de l’équité procédurale par la SAR (Thompson c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 866 aux para 8-9). [25] Compte tenu de ma conclusion ci‑dessus, il n’est pas nécessaire que je statue sur cet argument. Toutefois, en vertu de l’article 16(1) de la Loi sur les langues officielles, LRC (1985), c 31 (4e suppl.) (LLO), il incombe à la SAR, un tribunal fédéral, de veiller à ce que celui qui entend un appel [26] Lors de l’audience de la présente demande, la Cour soulève la pertinence de la décision récente, AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 714 (AB), dans laquelle mon collègue, le juge Lafrenière, a exprimé son profond désaccord [27] Dans AB, la Cour a conclu qu’un agent d’immigration a commis plusieurs erreurs importantes en rejetant une demande de dispense de l’obligation de demandeurs d’obtenir un visa d’immigration à l’étranger fondé sur des considérations humanitaires. Ces erreurs ont mené la Cour à douter des capacités linguistiques de l’agent. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Ma conclusion voulant que la décision de la SAR ne réponde pas à la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Vavilov ne repose pas sur des erreurs apparentes de compréhension, mais plutôt sur des erreurs d’omission. Il n’y a rien dans la décision de la SAR qui suggère qu’elle n’a pas compris les arguments et les éléments de preuve des demandeurs. [28] Néanmoins, je partage la préoccupation sérieuse de mon collègue. La rédaction d’une décision dans une langue autre que la langue officielle du procès choisi par un demandeur peut engendrer de l’incertitude et des doutes par rapport aux capacités linguistiques du décideur. À tout le moins, la transmission au demandeur d’une telle décision par la SAR est une erreur importante qui pourrait remettre en question l’équité procédurale du tribunal et amoindrir la confiance en l’administration de la justice. |
2. The applicants’ language rights[23] The applicants submit that the RAD did not respect their language rights because their appeal was not assessed in the language of their choice. They note that the RAD’s decision was originally made in English and that, because of an administrative error, the applicant was sent the reasons only in English. Following a complaint by the applicants a few weeks later, they were sent the reasons in French. According to the applicants, the mere fact of the decision being written in English results in a violation of their language rights and their rights to procedural fairness. They argue that they must ask themselves whether the RAD understood their submissions and that they cannot determine whether they were heard. [24] The applicants have not alleged any prejudice and do not explain how the translation of the decision is problematic. In the absence of alleged prejudice, the respondent submits that the applicants’ language rights were not infringed and that the RAD did not breach procedural fairness (Thompson v Canada (Citizenship and Immigration), 2009 FC 866 at paras 8–9). [25] In light of my conclusion above, it is not necessary for me to address this argument. However, subsection 16(1) of the Official Languages Act, RSC 1985, c 31 (4th Supp) (OLA), it is the responsibility of the RAD, a federal court, to ensure that, [26] At the hearing of this application, the Court raised the relevance of the recent decision, AB v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 FC 714 (AB), in which my colleague Justice Lafrenière expressed his strong disagreement [27] In AB, the Court found that an immigration officer made several material errors in rejecting an application for an exemption from the applicants’ requirement to obtain an immigration visa abroad on humanitarian and compassionate grounds. These errors led the Court to doubt the officer’s language abilities. That is not the case here. My conclusion that the RAD’s decision does not meet the standard of reasonableness set out in Vavilov is not based on apparent errors of understanding, but rather on errors of omission. There is nothing in the RAD’s decision that suggests that the RAD did not understand the applicants’ arguments and evidence. [28] Nevertheless, I share my colleague’s serious concern. Writing a decision in a language other than the official language of the trial chosen by an applicant can create uncertainty and doubts about the decision maker’s language abilities. At the very least, that the RAD sent such a decision to the applicant is a significant error that could call into question the panel’s procedural fairness and undermine confidence in the administration of justice. |