Le tamazight en Algérie ou l’officialisation au rabais
Plus d’une année après ce qu’on a appelé l’officialisation du tamazight en Algérie suite à la révision constitutionnelle survenue au mois de février 2016, force est de constater qu’il ne s’agissait, au fait, que d’une officialisation au rabais, c’est-à-dire une pseudo-officialisation.
En effet, hormis son inscription dans l’article 4 de la Constitution de la République algérienne comme seconde langue nationale et officielle, rien n’a concrètement changé pour le tamazight en Algérie et rien de significatif ne lui a été cédé sur le chemin de l’officialité. L’administration algérienne continue à fonctionner dans un bilinguisme arabe/français1 qui ne dit pas son nom, le tamazight est enseigné dans des zones très limitées comme une matière quasi-accessoire et l’État algérien n’a pas renoncé à l’arabisation comme objectif stratégique.
En effet, hormis son inscription dans l’article 4 de la Constitution de la République algérienne comme seconde langue nationale et officielle, rien n’a concrètement changé pour le tamazight en Algérie et rien de significatif ne lui a été cédé sur le chemin de l’officialité. L’administration algérienne continue à fonctionner dans un bilinguisme arabe/français1 qui ne dit pas son nom, le tamazight est enseigné dans des zones très limitées comme une matière quasi-accessoire et l’État algérien n’a pas renoncé à l’arabisation comme objectif stratégique.
Par ailleurs, cela était un peu prévisible au regard de l’énoncé de la Constitution.
Officialisation sans co-officialité ?
L’Article 3 de la Constitution énonce : « L’Arabe est la langue nationale et officielle. L’Arabe demeure la langue officielle de l’État. […] ». L’Article 4, quant à lui, énonce : « Tamazight est également langue nationale et officielle. »
D’emblée, les deux articles semblent inconciliables. Le premier prévoit que l’arabe demeure la langue officielle de l’État algérien et le second que le tamazight est aussi une langue officielle. En effet, l’usage de l’article défini coupe court à toute discussion : l’arabe est bien la seule langue officielle de l’État algérien.
Que pèse alors l’Article 4 face à l’Article 3 ? Pas grand-chose ! Existe-t-il, en effet, de disposition réglementaire qui pourrait faire d’un idiome une langue officielle sans qu’il soit la langue officielle de l’État ? Est-il possible qu’une seconde langue vienne à être officialisée sans accéder à la co-officialité ? C’est pourtant ce que suggèrent les articles 3 et 4.
Quel modèle de pluri-officialité ?
Parlant toujours du tamazight, l’énoncé de l’Article 4 prévoit que « L’État œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national », qu’une académie « est chargée de réunir les conditions de la promotion de Tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle », avant d’ajouter que les « modalités d’application de cet article sont fixées par une loi organique ». Outre le fait qu’il s’agit là non pas d’une officialisation actée mais d’une officialisation à venir, l’on est en droit de se demander quel modèle de pluri-officialité sera adopté par l’État algérien si tant est qu’il veuille en adopter un.
En effet, lorsque celui-ci est consacré dans les constitutions nationales, la logique propre au principe juridique d’officialité est avant tout une logique territoriale. Pour autant, cette territorialité de la norme linguistique s’entend de manière spécifique dans chaque État plurilingue. Elle diverge en effet selon que les États reconnaissent une pluri-officialité au sommet ou s’en accommodent au seul niveau local2. Autrement dit, il convient de distinguer les États plurilingues en leur centre des États à pluri-officialité décentralisée.
Ainsi, des États, souvent fédéraux – comme le Canada, la Suisse et la Belgique – consacrent plusieurs langues officielles en leur centre avec des territoires distincts plus ou moins soumis à l’une des langues officielles. À l’inverse, d’autres États reconnaissent une seule langue officielle sur l’ensemble de leur territoire en même temps qu’est aménagée une pluralité linguistique à un niveau local : la pluri-officialité est dans ce cas décentralisée. Tout en divergeant donc selon les États, l’organisation du pluralisme linguistique recourt toujours à un aménagement de type territorial. La norme juridique de pluri-officialité ne s’adresse pas à l’individu mais essentiellement aux autorités de l’État. Par conséquent, elle porte une obligation linguistique aux institutions étatiques.
A cet égard, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’un modèle de pluri-officialité peine à se dessiner à partir de l’énoncé de la Constitution de la République algérienne. Il est vrai que l’Article 4, en appréhendant le tamazight « dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national », pourrait nous faire pencher vers un modèle de pluri-officialité au niveau local sachant que l’on parle kabyle en Kabylie, chaoui dans les Aurès et mozabite dans la vallée du Mzab, pour ne citer que ces trois régions, mais l’État algérien plurilingue se présenterait dans ce cas sous la forme d’une entité divisée en territoires linguistiques qui constitueraient des aires géographiques dans lesquelles une langue déterminée serait reconnue en droit comme juridiquement valide et s’imposerait dans la sphère publique ; chose pour le moins invraisemblable actuellement tant l’État algérien continue à être régi sur le modèle jacobin hérité de la colonisation française. L’article défini utilisé dans l’Article 3 en est la preuve s’il en était encore besoin.
Ce que rappelle de manière péremptoire le préambule de la Constitution de la République algérienne, c’est que : « L’Algérie [est] terre d’Islam, partie intégrante du Grand Maghreb, terre arabe, pays méditerranéen et africain ».
Outre le fait qu’il y a entre les deux versions arabe et française du texte de la Constitution une non-équivalence résultant d’une métraduction vraisemblablement entretenue tenant compte des horizons d’attente des deux lectorats (l’arabophone et le francophone) dont j’ai déjà parlé3, il est à souligner que le tamazight est le grand absent de l’Article 212 qui prévoit :
Officialisation sans co-officialité ?
L’Article 3 de la Constitution énonce : « L’Arabe est la langue nationale et officielle. L’Arabe demeure la langue officielle de l’État. […] ». L’Article 4, quant à lui, énonce : « Tamazight est également langue nationale et officielle. »
D’emblée, les deux articles semblent inconciliables. Le premier prévoit que l’arabe demeure la langue officielle de l’État algérien et le second que le tamazight est aussi une langue officielle. En effet, l’usage de l’article défini coupe court à toute discussion : l’arabe est bien la seule langue officielle de l’État algérien.
Que pèse alors l’Article 4 face à l’Article 3 ? Pas grand-chose ! Existe-t-il, en effet, de disposition réglementaire qui pourrait faire d’un idiome une langue officielle sans qu’il soit la langue officielle de l’État ? Est-il possible qu’une seconde langue vienne à être officialisée sans accéder à la co-officialité ? C’est pourtant ce que suggèrent les articles 3 et 4.
Quel modèle de pluri-officialité ?
Parlant toujours du tamazight, l’énoncé de l’Article 4 prévoit que « L’État œuvre à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national », qu’une académie « est chargée de réunir les conditions de la promotion de Tamazight en vue de concrétiser, à terme, son statut de langue officielle », avant d’ajouter que les « modalités d’application de cet article sont fixées par une loi organique ». Outre le fait qu’il s’agit là non pas d’une officialisation actée mais d’une officialisation à venir, l’on est en droit de se demander quel modèle de pluri-officialité sera adopté par l’État algérien si tant est qu’il veuille en adopter un.
En effet, lorsque celui-ci est consacré dans les constitutions nationales, la logique propre au principe juridique d’officialité est avant tout une logique territoriale. Pour autant, cette territorialité de la norme linguistique s’entend de manière spécifique dans chaque État plurilingue. Elle diverge en effet selon que les États reconnaissent une pluri-officialité au sommet ou s’en accommodent au seul niveau local2. Autrement dit, il convient de distinguer les États plurilingues en leur centre des États à pluri-officialité décentralisée.
Ainsi, des États, souvent fédéraux – comme le Canada, la Suisse et la Belgique – consacrent plusieurs langues officielles en leur centre avec des territoires distincts plus ou moins soumis à l’une des langues officielles. À l’inverse, d’autres États reconnaissent une seule langue officielle sur l’ensemble de leur territoire en même temps qu’est aménagée une pluralité linguistique à un niveau local : la pluri-officialité est dans ce cas décentralisée. Tout en divergeant donc selon les États, l’organisation du pluralisme linguistique recourt toujours à un aménagement de type territorial. La norme juridique de pluri-officialité ne s’adresse pas à l’individu mais essentiellement aux autorités de l’État. Par conséquent, elle porte une obligation linguistique aux institutions étatiques.
A cet égard, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’un modèle de pluri-officialité peine à se dessiner à partir de l’énoncé de la Constitution de la République algérienne. Il est vrai que l’Article 4, en appréhendant le tamazight « dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national », pourrait nous faire pencher vers un modèle de pluri-officialité au niveau local sachant que l’on parle kabyle en Kabylie, chaoui dans les Aurès et mozabite dans la vallée du Mzab, pour ne citer que ces trois régions, mais l’État algérien plurilingue se présenterait dans ce cas sous la forme d’une entité divisée en territoires linguistiques qui constitueraient des aires géographiques dans lesquelles une langue déterminée serait reconnue en droit comme juridiquement valide et s’imposerait dans la sphère publique ; chose pour le moins invraisemblable actuellement tant l’État algérien continue à être régi sur le modèle jacobin hérité de la colonisation française. L’article défini utilisé dans l’Article 3 en est la preuve s’il en était encore besoin.
Conclusion
Ce que rappelle de manière péremptoire le préambule de la Constitution de la République algérienne, c’est que : « L’Algérie [est] terre d’Islam, partie intégrante du Grand Maghreb, terre arabe, pays méditerranéen et africain ».
Outre le fait qu’il y a entre les deux versions arabe et française du texte de la Constitution une non-équivalence résultant d’une métraduction vraisemblablement entretenue tenant compte des horizons d’attente des deux lectorats (l’arabophone et le francophone) dont j’ai déjà parlé3, il est à souligner que le tamazight est le grand absent de l’Article 212 qui prévoit :
Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte :
1 - au caractère républicain de l’Etat ;
2 - à l’ordre démocratique, basé sur le multipartisme ;
3 - à l’Islam, en tant que religion de l’Etat ;
4 - à l’Arabe, comme langue nationale et officielle ;
5 - aux libertés fondamentales, aux droits de l’Homme et du Citoyen ;
6 - à l’intégrité et à l’unité du territoire national ;
7 - à l’emblème national et à l’hymne national en tant que symboles de la Révolution et de la République ;
8 - à la rééligibilité une seule fois du Président de la République.
1 - au caractère républicain de l’Etat ;
2 - à l’ordre démocratique, basé sur le multipartisme ;
3 - à l’Islam, en tant que religion de l’Etat ;
4 - à l’Arabe, comme langue nationale et officielle ;
5 - aux libertés fondamentales, aux droits de l’Homme et du Citoyen ;
6 - à l’intégrité et à l’unité du territoire national ;
7 - à l’emblème national et à l’hymne national en tant que symboles de la Révolution et de la République ;
8 - à la rééligibilité une seule fois du Président de la République.
Autrement dit, le tamazight ne fait pas partie, selon le texte de la Constitution, de ce qui est communément appelé « les constantes nationales » et son officialisation, quand bien même illusoire, est, par conséquent, à la merci de toute nouvelle entreprise de révision constitutionnelle.
1 Le français est le présent absent dans les textes officiels algériens. Présent car les textes officiels continuent à être rédigés aussi bien en arabe qu’en français en Algérie ; absent car il n’a plus aucune présence statutaire dans ces mêmes textes qui y font référence par les mentions « langue étrangère » ou « langues étrangères ».
2 On distinguera, par exemple, la Suisse et la Belgique, qui reconnaissent une pluri-officialité au sommet, de l’Espagne et de l’Italie qui s’accommodent d’une pluri-officialité à un niveau local.
3 N. Bessadi, « Le bilinguisme et la (mé)traduction dans les textes officiels en Algérie », en ligne : Blogue sur les droits linguistiques < http://www.droitslinguistiques.ca/es/blogue/6-blogue/410-2016-01-19-13-19-40 >.