Les franchises d’Alcool NB et la Loi sur les langues officielles
Tout récemment, le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a conclu que les magasins de franchise de la Société des alcools du Nouveau-Brunswick (Alcool NB) n’avaient pas les mêmes obligations linguistiques qu’Alcool NB, une société d’état provinciale qui est responsable de l’achat, de l’importation, de la distribution et de la vente au détail de toutes les boissons alcoolisées dans la province1.
Selon le site Web d’Alcool NB2, le programme de magasins de franchise a été établi pour offrir un meilleur service au public dans les collectivités où Alcool NB a décidé de ne pas établir un magasin d’alcool, pour servir les clients à des endroits plus pratiques, pour générer des ventes supplémentaires pour Alcool NB et pour aider au développement de l’industrie de vente d’alcool au Nouveau Brunswick. Les franchisés sont autorisés à vendre de la bière, des vins, des spiritueux et d’autres boissons alcoolisées que l’on retrouve normalement dans les magasins d’Alcool NB.
Selon le site Web d’Alcool NB2, le programme de magasins de franchise a été établi pour offrir un meilleur service au public dans les collectivités où Alcool NB a décidé de ne pas établir un magasin d’alcool, pour servir les clients à des endroits plus pratiques, pour générer des ventes supplémentaires pour Alcool NB et pour aider au développement de l’industrie de vente d’alcool au Nouveau Brunswick. Les franchisés sont autorisés à vendre de la bière, des vins, des spiritueux et d’autres boissons alcoolisées que l’on retrouve normalement dans les magasins d’Alcool NB.
La sélection d’une localité dépend d’un ensemble de facteurs qui comprend, entre autres, le bassin de population desservi, la visibilité et le volume potentiel de circulation de transit, la distance par rapport aux magasins existants et le potentiel de croissance des activités d’Alcool NB. Dans certaines localités, le magasin de franchise remplace le magasin d’Alcool NB.
Le Programme de magasin de franchise, dont la dernière révision remonte, selon leur site Web, à décembre 2014, décrit en détails les modalités d’obtention d’un permis de franchise et les obligations qu’ont les magasins de franchise. On peut y lire notamment que les franchisés sont libres de choisir la configuration commerciale qu’ils préfèrent, sous réserve de l’approbation d’Alcool NB, mais un local doit tout de même être désigné pour la vente et le stockage des produits d’Alcool NB. Le Programme prévoit également qu’Alcool NB fournira une formation adéquate aux participants au sujet des exigences de la Loi sur la réglementation des alcools et toute autre question de responsabilité sociale pertinente. De plus, une formation continue au sujet des produits et une aide dans la gestion du portefeuille seront offertes au franchisé. Alcool NB fournit gratuitement des enseignes d’intérieur et d’extérieur et, conformément à la Loi sur la réglementation des alcools, tous les employés des magasins de franchise qui manipulent des boissons alcoolisées doivent être âgés d’au moins 19 ans. La Politique ne contient toutefois aucune disposition relative à la langue de service.
Au cours de la dernière année, le Commissariat aux langues officielles du Nouveau-Brunswick a reçu deux plaintes concernant l’absence de services bilingues dans des magasins franchisés. Au sujet de la première plainte, le Commissariat a conclu que le magasin de franchise avait des obligations linguistiques : le programme de franchise présentait ces magasins comme des mandataires d’Alcool NB, offrant un service pour leur compte, démontrant ainsi qu’ils opéraient à titre de tiers d’Alcool NB au sens de la Loi sur les langues officielles.
Au sujet de la deuxième plainte, le Commissariat aux langues officielles a pris une position totalement opposée, refusant même d’accueillir la plainte. Selon la Commissaire, à la lumière « du fait que le programme de magasins de franchise avait rapidement évolué et que des marchés d’alimentation à grande surface pouvaient maintenant vendre de l’alcool, le Commissariat a alors procédé à une révision en profondeur de la relation contractuelle entre [Alcool NB] et les magasins franchisés »3. Cette « analyse » a permis au Commissariat de conclure que les magasins de franchise n’étaient pas des tiers, mais uniquement des points de ventes où il est possible de se procurer des produits d’Alcool NB. Toutefois, le Commissariat ne fait pas état des changements dont il a pris connaissance lors de sa « révision en profondeur » et en quoi ces changements diffèrent du Programme des magasins franchisés, dont le contenu se trouve toujours affiché sur le site Web d’Alcool NB.
La question se pose donc à savoir si ces magasins de franchise sont des tiers au sens de l’article 30 de la Loi sur les langues officielles ( LLO), lequel prévoit que lorsque la province ou une institution de la province fait appel à un tiers afin qu’il fournisse des services pour son compte, la province ou l’institution est chargée de veiller à ce que le tiers honore les obligations que lui impose la LLO.
Le changement d’interprétation du Commissariat aux langues officielles concernant les magasins de franchise est difficile à comprendre surtout lorsque l’on considère que le magasin qui faisait l’objet de la deuxième plainte se trouve dans la municipalité francophone de Memramcook, laquelle n’est pas desservie par un autre magasin d’Alcool NB. Ce magasin agit sous la bannière d’Alcool NB (l’enseigne extérieur porte même la mention « agent ») et de façon conforme aux obligations qui sont prévues dans le Programme des magasins franchisés. À la lumière de ces faits, il ne fait aucun doute que ce magasin est un tiers qui agit pour le compte d’Alcool NB. En ce qui concerne les « marchés d’alimentation de grande surface », dont la Commissaire fait état dans son courriel, nous ne voyons pas en quoi ce simple fait justifie un changement d’interprétation à l’égard des obligations linguistiques qui incombent aux tiers qui fournissent des services pour le compte de la province ou l’une de ses institutions. De plus, le magasin franchisé de Memramcook ne peut pas être qualifié de « marchés d’alimentation de grande surface » et, quoi qu’il en soit, la question des obligations linguistiques de ces marchés de grande surface ne devra être abordée que si une plainte est déposée à leur égard.
L’interprétation du Commissariat aux langues officielles semble indiquer que l’on peut contourner les obligations linguistiques législatives et constitutionnelles par l’adoption d’un Programme ou par un contrat. Pas besoin d’être un juriste pour comprendre que la loi est au-dessus de tout et qu’un simple programme ou un simple contrat ne peuvent pas faire fi de la loi; ils doivent plutôt s’y conformer. Si le législateur décide d’apporter une modification aux obligations linguistiques d’Alcool NB, il devra le faire en modifiant la Loi sur les langues officielles. Ni le Commissariat, ni Alcool NB ne peuvent priver les citoyens vivant dans des collectivités, qui n’ont pas de point de vente au détail de boissons alcoolisées, de leurs droits linguistiques; l’article 30 de la LLO ayant été adopté justement pour ce genre de situation. L’interprétation que donne le Commissariat aux langues officielles de l’article 30 est inquiétante en cette ère de privatisation des services gouvernementaux, car elle offre un moyen pour les institutions gouvernementales de contourner leurs obligations linguistiques et de priver les citoyens de leurs droits durement acquis.
1 Voir la Loi sur la société des alcools du Nouveau-Brunswick, LN-B 1974, c N-6.1.
2 La Société des alcools du Nouveau-Brunswick, en ligne : <http://www.nbliquor.com/French/Corp>.
3 Courriel de K. d’Entremont, Commissaire aux langues officielles, en date du 18 juillet 2016.