[24] Cependant, je suis prêt à convenir que la jurisprudence est beaucoup plus nuancée pour ce qui est de la langue. S’agit-il de la langue maternelle, d’une deuxième langue, de l’une ou l’autre des deux langues officielles, ou encore d’une langue autochtone, ou d’une langue étrangère? Bref, la question de l’inclusion ou de la non-inclusion de la langue comme motif de distinction est une question très complexe, qui ne peut se résoudre de manière définitive en l’absence de faits particuliers et d’un contexte factuel précis. N’oublions pas que dans le cas sous étude, les tâches de l’emploi de commis de prestation à Emploi et Développement social Canada étaient en anglais. En l’espèce, s’agissant du grief du demandeur à l’effet qu’il aurait été évalué plus sévèrement que les autres candidats, vu que sa langue maternelle est le français, lors du processus de sélection, je suis satisfait que le demandeur disposait d’un recours adéquat en vertu de la LLO pour faire valoir ses droits. D’ailleurs, la question constitutionnelle m’apparaît théorique dans le présent dossier, compte tenu du pouvoir de la Commission de ne pas tenir d’enquête sur une plainte de discrimination lorsqu’il existe un autre recours déjà disponible. |
[24] However, I am willing to concede that the case law is much more nuanced when it comes to language. Does it concern a mother tongue, a second language, either official language, an Indigenous or foreign language? In short, the question as to whether or not to include language as a ground of discrimination is a very complex issue that cannot be definitively resolved in the absence of particular facts and a specific factual context. Keep in mind that in the case at bar, the duties of the benefits clerk position at Employment and Social Development Canada were to be performed in English. In this case, considering the applicant’s complaint that he was apparently evaluated more strictly than the other candidates during the selection process because his mother tongue is French, I am satisfied that the applicant had adequate recourse under the OLA to exercise his rights. Furthermore, I find the constitutional question in this case to be moot, given the Commission’s authority to decline to examine a discrimination complaint when other recourse is already available. |
[25] Cela dit, la Cour suprême ne s’est jamais formellement prononcée sur la question de savoir si la langue pourrait constituer un motif analogue au sens du paragraphe 15(1) de la Charte. Les affaires ont été plutôt tranchées sur d’autres points litigieux; notamment, sous l’alinéa 2b) de la Charte protégeant la liberté d’expression ou sous le régime québécois de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ c C-12 (voir Ford c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 712, 54 DLR (4e ) 577; Devine c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 790, 55 DLR (4e ) 641; Forget c Québec (Procureur général), [1988] 2 RCS 90, 52 DLR (4e ) 432). Certes, le défendeur peut s’appuyer sur certains précédents suggérant que l’existence d’un régime spécifique des droits linguistiques exclut nécessairement, par implication, la langue de la protection de l’article 15 de la Charte (voir Mahe à la p 369; Loi sur les écoles à la p 857; Mackenzie au para 33; Westmount au para 149; Lalonde). Mais, cette position n’est toutefois pas unanime et la question est loin d’être réglée aujourd’hui. |
[25] That being said, the Supreme Court has never officially ruled on whether language could be considered an analogous ground within the meaning of subsection 15(1) of the Charter. The cases were decided on other issues, namely, under paragraph 2(b) of the Charter protecting freedom of expression or under the Quebec Charter of human rights and freedoms, CQLR c. C12 (see Ford v. Quebec (Attorney General), [1988] 2 SCR 712, 54 DLR (4th) 577; Devine v. Quebec (Attorney General), [1988] 2 SCR 790, 55 DLR (4th) 641; Forget v. Quebec (Attorney General), [1988] 2 SCR 90, 52 DLR (4th) 432). Of course, the respondent can rely on certain precedents suggesting that the existence of a specific language rights regime necessarily excludes, by implication, language from the protection provided by section 15 of the Charter (see Mahe, at page 369; Schools Act, at page 857; Mackenzie, at paragraph 33; Westmount, at paragraph 149; Lalonde). However, that position is not unanimous, and the question is far from being resolved today. |
[26] Par exemple, dans Reference re French Language Rights of Accused in Saskatchewan Criminal Proceedings, 58 Sask R 161, 44 DLR (4e ) 16 au paragraphe 74, la Cour d’appel de Saskatchewan a indiqué que l’existence d’un régime de droits linguistiques et l’omission d’inclure la langue comme motif énuméré au paragraphe 15(1) n’ont pas pour effet nécessaire d’exclure toute distinction fondée sur la langue de la protection. Cette position semble avoir été suivie par la Cour suprême en 2005 dans Gosselin (Tuteur de) c Québec (Procureur général), 2005 CSC 15 au para 12. Elle y cite également une décision de la Cour supérieure du Québec, Québec (Procureure générale) c Entreprises WFH Ltée, [2000] RJQ 1222, 2000 CanLII 17890 au para 223 (QC CS), conf par [2001] RJQ 2557, 2001 CanLII 17598 (QC CA), autorisation de pourvoi à la CSC refusée, où le juge Bellavance a tenu pour acquis que la langue maternelle constitue un motif analogue. Il est vrai toutefois que la Cour suprême a refusé de trancher la question, mais une porte a peut-être été ouverte. C’est du moins l’avis de certains commentateurs (voir par ex Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, 2014 à la p 1228; Alexandre Morin, Le droit à l’égalité au Canada, Montréal, LexisNexis Canada Inc, 2008 aux pp 134-135 [Morin]). Morin va même jusqu’à affirmer que « tout porte à croire que, si la question lui était posée directement, la Cour [suprême] identifierait la langue comme un motif de discrimination analogue » (Morin à la p 134). L’ancien juge à la Cour suprême Michel Bastarache et le professeur Michel Doucet considèrent également qu’une reconnaissance judiciaire « dans des cas bien précis » est envisageable (voir Michel Bastarache et Michel Doucet, Les droits linguistiques au Canada, 3 e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013 aux pp 103 et 911). |
[26] For example, in Reference re French Language Rights of Accused in Saskatchewan Criminal Proceedings, 58 Sask R 161, 44 DLR (4th) 16, at paragraph 74, the Saskatchewan Court of Appeal stated that the existence of a language rights regime and the omission to include language as an enumerated ground in subsection 15(1) do not necessarily have the effect of excluding any distinction based on language from protection. The Supreme Court seems to have followed that position in 2005 in Gosselin (Tutor of) v. Quebec (Attorney General), 2005 SCC 15, at paragraph 12. It also cited a decision of the Superior Court of Quebec, Québec (Procureure générale) v Entreprises WFH Ltée, [2000] RJQ 1222, 2000 CanLII 17890, at paragraph 223 (QC CS), affd by [2001] RJQ 2557, 2001 CanLII 17598 (QC CA), leave to appeal to SCC refused, where Justice Bellavance presumed that mother tongue was an analogous ground. However, it is true that the Supreme Court refused to address the issue, but perhaps a door was opened. This is, at least, the view of certain commentators (see, for example, Henri Brun, Guy Tremblay and Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6th ed., Cowansville (QC), Éditions Yvon Blais, 2014, at page 1228; Alexandre Morin, Le droit à l’égalité au Canada, Montréal, LexisNexis Canada Inc., 2008, at pages 134-135 [Morin]). Morin even goes so far as to state that [TRANSLATION] “there is every indication that, if the question was posed to it directly, the [Supreme] Court would identify language as an analogous ground of discrimination” (Morin, at page 134). Former Supreme Court Justice Michel Bastarache and Professor Michel Doucet also consider legal recognition a possibility [TRANSLATION] “in certain very specific cases” (see Michel Bastarache and Michel Doucet, Les droits linguistiques au Canada, 3rd ed., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, at pages 103 and 911) |