Qui possède la qualité pour agir en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés?
La poursuite relative au dossier de l’enveloppe égalitaire que l’Association des enseignants et enseignantes francophones du Nouveau-Brunswick a récemment entamée contre le gouvernement provincial soulève la question de savoir qui a la qualité pour agir dans une poursuite en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
L’article 23 prévoit le droit, pour les parents appartenant à une minorité linguistique de langue officielle dans la province et les territoires où ils résident, de faire instruire leurs enfants dans cette langue aux niveaux primaire et secondaire. Pour obtenir ce droit, les parents doivent prouver qu’ils appartiennent à l’une des trois catégories de titulaires prévues par l’article. La première catégorie comprend les personnes dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province ou du territoire. La deuxième catégorie concerne les parents qui ont reçu, au Canada, leur instruction primaire dans la langue de la minorité de la province où ils résident. Enfin, la troisième catégorie prévue par le paragraphe 23(2) de la Charte dépend de la langue d’instruction de l’enfant.
Les droits conférés par l’article 23 sont donc accordés à des individus, c’est-à-dire aux parents qui répondent à l’un ou l’autre des critères énoncés ci-dessus. On qualifie généralement ces personnes d’ayants droit. Ces ayants droit ont un intérêt direct pour agir et ils peuvent donc exercer les droits reconnus à cet article. Or, bien que l’article 23 soit conçu comme un droit individuel, les tribunaux ont rapidement reconnu les conséquences collectives de cette disposition. En effet, bien que les parents puissent exercer ce droit individuellement, la communauté minoritaire dans son ensemble en demeure la bénéficiaire ultime. La question se pose donc à savoir si un groupe peut agir au nom des ayants droit?
L’article 23 prévoit le droit, pour les parents appartenant à une minorité linguistique de langue officielle dans la province et les territoires où ils résident, de faire instruire leurs enfants dans cette langue aux niveaux primaire et secondaire. Pour obtenir ce droit, les parents doivent prouver qu’ils appartiennent à l’une des trois catégories de titulaires prévues par l’article. La première catégorie comprend les personnes dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province ou du territoire. La deuxième catégorie concerne les parents qui ont reçu, au Canada, leur instruction primaire dans la langue de la minorité de la province où ils résident. Enfin, la troisième catégorie prévue par le paragraphe 23(2) de la Charte dépend de la langue d’instruction de l’enfant.
Les droits conférés par l’article 23 sont donc accordés à des individus, c’est-à-dire aux parents qui répondent à l’un ou l’autre des critères énoncés ci-dessus. On qualifie généralement ces personnes d’ayants droit. Ces ayants droit ont un intérêt direct pour agir et ils peuvent donc exercer les droits reconnus à cet article. Or, bien que l’article 23 soit conçu comme un droit individuel, les tribunaux ont rapidement reconnu les conséquences collectives de cette disposition. En effet, bien que les parents puissent exercer ce droit individuellement, la communauté minoritaire dans son ensemble en demeure la bénéficiaire ultime. La question se pose donc à savoir si un groupe peut agir au nom des ayants droit?
Dans plusieurs décisions, la Cour suprême du Canada a reconnu que les ayants droit ou leurs représentants avaient la capacité pour agir en vertu de l’article 23. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, les représentants des ayants droit sont les trois Conseils d’éducation de district francophones établies selon les modalités de la Loi sur l’éducation, LN-B 1997, c E-1.12. Il ne fait donc aucun doute que les trois Conseils d’éducation de district francophones du Nouveau-Brunswick, à titre de représentants des ayants droit, possèdent la qualité pour agir dans un litige fondé sur l’article 23.
Selon l’information transmise par les médias, les groupes qui agissent en tant que demandeur dans la poursuite intentée par l’AEFNB sont l’Association des parents francophones du Nouveau-Brunswick, la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick et, évidemment, l’AEFNB elle-même1. Or, pour avoir le droit d’intenter une poursuite, une partie doit montrer qu’elle a un intérêt personnel à protéger ou encore qu’elle entend agir dans l’intérêt public.
Une partie a un intérêt personnel pour agir lorsqu’elle peut prouver qu’elle sera directement affectée par le résultat du litige. En l’espèce, il est peu probable qu’au moins deux des associations identifiées réussissent à rencontrer ce critère. Elles ne sont pas des ayants droit selon la définition donnée à ce terme par l’article 23, et elles ne sont pas des représentants des ayants droit selon la loi, privilège qui, comme nous l’avons vu, revient aux Conseils d’éducation de district. Il se peut fort bien qu’elles aient un intérêt indirect, mais cela n’est pas suffisant. L’AEFNB, par exemple, se définit sur son site Web comme une association professionnelle d’enseignantes et d’enseignants francophones œuvrant au sein du système scolaire public au Nouveau-Brunswick. Elle est régie par laLoi relative à la Fédération des enseignants du Nouveau-Brunswick, The New Brunswick Teachers’ Associationet l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick, une loi d’intérêt privé. Elle représente les enseignantes et les enseignants de M-12 ainsi que les enseignantes et les enseignants suppléants. Bien qu’elle ait certainement un intérêt pour l’enseignement en français et sur les questions d’éducation en générale, il est impossible de conclure qu’en tant qu’association, elle ait un intérêt direct dans les questions que soulève l’article 23. Comme nous l’avons déjà indiqué, elle n’est ni un ayant droit, ni une représentante d’ayants droit, condition fondamentale pour pouvoir invoquer l’article 23. Cette conclusion s’applique également à la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick.
La situation est un peu plus compliquée en ce qui concerne l’Association des parents francophones du Nouveau-Brunswick. Nous pourrions facilement conclure que l’Association, puisqu’elle regroupe des associations d’ayants droit et des ayants droits provenant de différentes régions de la province, a un intérêt direct pour agir dans une poursuite fondée sur l’article 23. Toutefois, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans l’arrêt Fédération des parents francophones du Colombie-Britannique c. British Columbia (AG), 2012 BCCA 422, en est arrivée à une conclusion contraire lorsqu’elle a considéré la structure particulière de l’Association des parents de la Colombie-Britannique. Quoiqu’il en soit, nous croyons qu’il existe suffisamment de différences entre les structures de l’Association du Nouveau-Brunswick et celle de la Colombie-Britannique pour soutenir l’argument que la première est véritablement une représentante des ayants droit et qu’elle possède la qualité pour agir en raison d’un intérêt direct qu’elle possède dans l’issu du litige.
Puisque nous avons conclu que l’AEFNB et la FJFNB n’avaient pas la qualité directe pour agir en vertu de l’article 23, nous pouvons maintenant nous poser la question à savoir si elles ont la qualité pour agir en vertu de l’intérêt public? La Cour suprême du Canada a conclu, dans l’arrêt Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236, qu’il fallait, pour répondre à cette question, tenir compte de trois aspects : 1) la question de l’invalidité de la loi ou de la décision en question se pose-t-elle sérieusement? 2) a-t-on démontré que le demandeur est directement touché par la loi ou la décision ou qu’il a un intérêt véritable à l’égard de sa validité? 3) y a-t-il une autre manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la cour? Cette troisième question est celle qui soulève un sérieux obstacle en qui ce concerne la reconnaissance de la qualité pour agir de l’AEFNB et de la FJFNB. On doit se rappeler que l’objet fondamental de la reconnaissance de la qualité pour agir en vertu de l’intérêt public est de garantir qu’une loi ou qu’une décision gouvernementale ne soit pas à l’abri de la contestation judiciaire. En l’espèce, la décision du ministre Rousselle en ce qui concerne l’enveloppe égalitaire ne l’est pas puisque s’ils le désiraient des ayants droit ou leurs représentants pourraient contester cette décision. En conséquence, le motif qui justifie la reconnaissance, à une partie, de la qualité pour agir en vertu de l’intérêt public disparaît. Nous en tirons donc la conclusion que ni l’AEFNB ni la FJFNB ne possèdent la qualité pour agir en l’espèce.
Il ne fait aucun doute que l’adoption de la Charte a restreint la souveraineté du Parlement et des législatures provinciales. La Charte constitutionnalise les droits et libertés des Canadiens et il appartient aux tribunaux de préserver et de faire respecter les droits et libertés qui y sont garantis. À cette fin, ils doivent notamment veiller à ce que les lois et les décisions du gouvernement ne contreviennent pas aux dispositions de la Charte. Or, le texte même de la Charte indique qu’il faut interpréter d’une façon souple et libérale la question de la qualité pour agir. Sinon, on ne pourrait assurer le respect des droits qu’elle confère et on entraverait l’exercice des libertés qui y sont prévues. Il va sans dire que la Charte ne modifie pas le pouvoir discrétionnaire que possèdent les tribunaux de reconnaître la qualité pour agir à des parties d’intérêt public. Les tribunaux veilleront donc à exercer leur pouvoir discrétionnaire de façon à reconnaître la qualité pour agir dans les cas où ils doivent le faire pour s’assurer que la loi ou la décision en question est compatible avec la Constitution et la Charte. Cependant, comme l’a souligné la Cour suprême du Canada, le critère qui justifie la reconnaissance de la qualité pour agir à des parties d’intérêt public tient compte de la question de l’affectation judicieuse des ressources judiciaires. À cette fin, le tribunal limitera la reconnaissance de la qualité pour agir aux cas où il s’attend qu’aucune personne directement lésée n’intentera de poursuite, ce qui n’est évidemment pas le cas en l’espèce.
Cette démarche est d’autant plus importante dans le cas de l’article 23, lequel identifie spécifiquement, dans son libellé, qui sont les bénéficiaires directs de ces droits. Il serait pour le moins incongru que des groupes qui ne sont pas des ayants droit ni des représentants d’ayants puissent s’arroger le droit de parler au nom de ceux-ci dans une instance judiciaire. Mieux vaut, dans le cas de l’article 23, réserver ce droit à ceux et celles qui, selon la Cour suprême du Canada, sont les mieux placés pour déterminer ce qui est dans leur intérêt, soit les ayants droits et leurs représentants. Toute autre conclusion pourrait miner l’objet même de cette disposition et entraver le développement et l’épanouissement des communautés minoritaires au Canada.
1 S’ajouteraient également à ces groupes un conseil d’éducation de district, le Conseil d’éducation du district scolaire francophone Sud, et au moins un parent.